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Imprimer 2023_07_10_declapoljuin.pdf Juil 2023
Stopper la broyeuse libérale et la montée du fascisme tout en préparant la révolution socialiste!

Le mouvement de lutte contre la réforme des retraites indique à la fois l’ampleur de la colère populaire après quarante ans de remises en cause des conquis sociaux, de paupérisation, de précarisation et l’absence d’alternative révolutionnaire à court et moyen terme du fait de l’absence d’un véritable parti communiste capable de transformer cette révolte en révolution.

Cette contradiction entre, d’une part l’affirmation de la combativité de la classe ouvrière et des autres classes populaires mis en exergue par cette belle lutte et, d’autre part, la faiblesse de son organisation pour elle-même, est la question stratégique principale posée et à résoudre. De la réponse apportée à cette question dépend en effet notre avenir à court-terme : soit un recours au fascisme par la bourgeoisie pour détruire la force ouvrière et populaire montante, soit la sauvegarde de nos droits démocratiques et sociaux permettant de gagner le temps nécessaire à la reconstruction d’un parti communiste sans lequel aucune solution progressiste durable n’est possible.

 

L’impérialisme français en crise fait payer les classes laborieuses

 

L’impérialisme français est depuis plusieurs décennies entré dans une crise et un déclin durables se traduisant par des attaques contre tous les conquis sociaux et démocratiques qu’il fut contraint de céder en, 1936, 1945 et 1968 d’une part et par une agressivité contre les peuples de son « pré-carré » néocolonial, contre les puissances émergentes et les rescapés du camps socialiste, au premier rang desquelles se situe la Chine d’autre part. Son intégration dans l’UE/OTAN et son alignement atlantiste guerrier en fait aujourd’hui un impérialisme secondaire déclinant.

Son lien avec l’impérialisme hégémonique états-unien est devenu un lien de sujétion totale comme en témoigne la guerre en Ukraine et l’alignement intégral sur les positions atlantistes qu’elle révèle au détriment même des intérêts d’une partie de la bourgeoisie française. Au sein de l’Europe la place de l’impérialisme français s’oriente également en direction d’une sujétion grandissante à l’égard de l’impérialisme allemand alors même que ce dernier n’hésite plus à lui tailler des croupières en Afrique en jouant de plus en plus sa propre stratégie jusque dans ce qui été considéré comme un « pré-carré » français. Son oppression économique en Afrique, en Asie et en Amérique du Sud ne cesse de décliner que ce soit en termes d’investissement ou d’import-export du fait de la diversification du développement des relations économiques entre l’Afrique, l’Asie, l’Amérique du sud et les puissances émergentes d’une part et en particulier avec la Chine d’autre part. Le champ des alliances militaires et/ou économiques possibles s’est désormais aussi diversifiés pour chacun des pays dominés, affaiblissant considérablement le face-à-face contraint des anciennes colonies françaises et de l’impérialisme français et plus généralement du G7 et  de leurs Officines que sont le FMI et la Banque Mondiale . La rupture de la chaîne de dépendance en Centrafrique d’abord, au Mali ensuite, puis au Burkina Faso fait craindre à la bourgeoisie française une perte de sa mainmise totale en Afrique.

Une telle marginalisation serait fatale à l’impérialisme français que Lénine qualifiait déjà en 1916 d’impérialisme rentier. L’ensemble du « modèle social » français résulte des luttes ouvrières et populaires dirigées par la CGT et le PCF né au Congrès de Tours en 1920 et fut bâti sur la base des superprofits issus du pillage des pays dominés et en particulier et surtout d’Afrique. Cette caractéristique est certes le propre de tous les impérialismes mais avec un degré beaucoup plus fort pour la France du fait du caractère rentier sur lequel insiste Lénine. Ce sont ces superprofits néocoloniaux qui ont été utilisés face à des classes populaires combatives de longue date [de la révolution française au dernier mouvement des retraites en passant par la Commune de Paris, les Gilets Jaunes et la longue lutte des Sans Papiers pour les papiers] pour faire des concessions sociales lui permettant d’éviter les ruptures révolutionnaires sans toucher à son niveau de profit.

Désormais préserver les profits suppose une confrontation durable avec la classe ouvrière, une remise en cause totale des conquis sociaux et démocratiques, une hausse considérable du taux d’exploitation, quitte pour cela à courir le risque d’explosions sociales radicales. Si en 1995 Alain Juppé, et la bourgeoisie qu’il représente, retire sa réforme face au mouvement social, c’est que la situation de l’impérialisme français le lui permet encore sans toucher significativement à la masse et au taux de profit. Ce n’est plus le cas aujourd’hui.

 

La contre-offensive de l’impérialisme français

 

Affaibli et en déclin, l’impérialisme français n’est ni mort, ni agonisant, ni paralysé. La classe dominante française ne se résout pas à son déclin. Elle est à la recherche de la contre-offensive lui permettant de reprendre le terrain perdu. Sur le plan international, cette contre-offensive se traduit par un jusqu'au boutisme militaire en Ukraine d’une part et par des manœuvres de reconquête du terrain perdu en Afrique d’autre part. La hausse inédite et durable du budget des armées (69 milliards d'euros par an programmé à horizon 2030 contre 45 milliards en 2023, soit une hausse de 30% sur 7 ans, la plus forte hausse depuis les années 1960) est ainsi à la fois un indicateur des futures guerres auxquelles se prépare l’impérialisme français et un coût énorme qu’il faudra bien financer sur le dos des travailleurs car il est bien sûr hors de question pour la bourgeoisie de prendre ces dépenses sur ses profits.

Sur le plan national, la contre-offensive bourgeoise impérialiste se traduit par une accélération importante du rythme de destruction des conquis sociaux et des objectifs de hausse du taux de plus-value tout aussi conséquent. Au rendez-vous pour les travailleurs se trouve donc la massification de la pauvreté et de la précarité. Une telle situation ne peut que provoquer des mouvements sociaux de grande ampleur comme celui que nous vivons sur la réforme des retraites et même plus radicaux que celui-ci. Du mouvement des Gilets Jaunes au mouvement actuel sur les retraites, c’est à une radicalisation de la lutte des classes sous toutes ses formes à laquelle nous assistons et qui n’a aucune raison de s’arrêter. Si on ne peut pas prédire les formes, les déclencheurs et le moment que prendront les futures explosions sociales, il n’y a en revanche aucun doute sur leur survenue. Bref les facteurs objectifs d’une situation révolutionnaire se réunissent rapidement.

La bourgeoisie en général et le capital financier qui en est son aile dirigeante est consciente de cette situation et s’y prépare. Ce qu’il faut retenir, ce n'est pas la dérive personnelle de Macron ou Darmanin dans l’utilisation de la violence pour réprimer les mouvements sociaux. Il y a au contraire le fait que l’État bourgeois est une dictature de classe et l’anticipation de la montée en puissance de la lutte des classes par l’accélération d’un processus de fascisation pour pouvoir faire face aux mouvements sociaux radicaux inévitables compte-tenu de l’ampleur des attaques prévues contre nos salaires, nos retraites, nos conditions de travail, nos services publics, notre sécurité sociale, les droits des étrangers, etc. Comme le soulignait Berthold Brecht : « le fascisme n’est pas le contraire de la démocratie [comprendre « démocratie bourgeoise »] mais son évolution en temps de crise ».

C’est pourquoi toutes les expériences du fascisme ont été précédées par des processus de fascisation de la démocratie bourgeoise ayant comme contenu de restreindre le droit de grève et tous les droits démocratiques, de criminaliser le mouvement social, les militants syndicalistes, associatifs et encore plus les militants communistes, d’encourager la multiplication des groupes et réseaux fascistes pouvant si nécessaire servir de réserve en cas de besoin, etc. Avant même de se résoudre au fascisme, la classe dominante le prépare tout en faisant semblant de pouvoir s’en passer.

La fascisation a bien entendu également un versant idéologique constitué par la multiplication des campagnes visant à diviser les classes populaires. Des éructations fascistes d’un Zemmour à la surenchère de la loi Darmanin sur l’immigration, en passant par l’islamophobie ou les campagnes contre le pseudo « islamo-gauchisme », la frénésie idéologique est un autre indicateur de la contre-offensive de l’impérialisme français.

L’accélération des attaques contre les intérêts des travailleurs et la répression qui l’accompagne a suscité logiquement un mouvement de rejet populaire massif. La crise de légitimité de Macron et de la 5éme République présidentialiste est inédite quantitativement et qualitativement. Quantitativement parce que ce mouvement social continue d’être actif et soutenu par l’opinion publique sur une durée aussi longue. Qualitativement le soutien populaire s’étend jusqu’au soutien aux formes radicales de luttes. L’utilisation du 49.3 a eu pour effet de briser de nombreuses illusions sur la démocratie bourgeoise. Le rejet prend également de plus en plus la forme du refus non plus d’un homme ou d’un parti mais des politiques libérales et du système capitaliste lui-même. Bref, les conditions d’une crise de régime se réunissent également à un rythme accéléré.

Bien sûr, en l’absence d’un parti communiste capable de diriger et d’orienter ces prises de consciences spontanées, celles-ci demeurent inabouties, contradictoires, partielles et confuses. Elles sont de ce fait récupérables et instrumentalisables par le fascisme avec en particulier un Rassemblement National qui reste en embuscade et qui par sa démagogie politico-sociale raciste détourne la légitime colère populaire non contre le capital, mais contre les travailleurs immigrés pour profiter du discrédit des autres forces politiques, de la gauche libérale, des écolos libéraux, du centre et de la droite soutenant les attaques anti-populaires. Bref le danger fasciste grandit dialectiquement en même temps que grandissent les conditions d’une situation objectivement révolutionnaire.

 

Le besoin d’une tactique de Front Populaire

 

L’absence d’alternative révolutionnaire à court terme du fait de l’absence d’un parti communiste national, la recherche d’un débouché politique aux colères sociales a conduit à un succès notable de la France Insoumise anti-libérale, antifasciste d’abord et de la NUPES qui élargit l’opposition anti-libérale, antifasciste ensuite. Ce succès électoral consécutif à celui de la présidentielle mesure la colère sociale et la volonté de mettre fin aux politiques libérales réactionnaires et les avancées antilibérales et antifascistes en cours dans la conscience du peuple. Même si la France Insoumise, qui est l’aile la plus à gauche de ce nouveau camp électoral, n’a aucune velléité de rupture avec le capitalisme, elle constitue une « social-démocratie de gauche antilibérale et antifasciste » poussant à une redistribution moins défavorable aux classes populaires mais sans remettre en cause le système d’exploitation à l’intérieur de l’hexagone, ni l’impérialisme français sur le plan international.

En dépit de ces limites incontestables, ce nouveau « camp » va objectivement à court terme dans le sens des intérêts des travailleurs. Il permet d'espérer freiner, voire de faire régresser partiellement la casse sociale, de préserver les libertés démocratiques, de gagner un temps précieux pour bâtir un parti communiste en dehors duquel rien de plus conséquent ne sera possible.

 

C’est la raison pour laquelle, malgré nos critiques de fond sans concession que nous devons continuer à porter, nous avons à défendre la NUPES aux prochaines échéances électorales et plus particulièrement sa branche « social-démocrate de gauche » qui en est le moteur, à savoir la France Insoumise. Une telle position n’est en rien une illusion idéaliste sur la nature de ces forces, sur leur programme ou sur leur capacité à rompre avec le capitalisme. Elle n’est pas non plus un renoncement à la nécessité de la Révolution sans laquelle aucune rupture avec le capitalisme n’est possible. Elle est tout simplement un besoin immédiat pour faire barrage à la fascisation et au fascisme et donc une tactique à assumer pleinement découlant du rapport actuel des forces entre classes sociales, entre capital et travail.

 

Construire le Parti communiste dont nous avons besoin

 

Cette tactique ne doit cependant pas se confondre avec une stratégie. Hier comme aujourd’hui, la classe ouvrière a besoin d’une stratégie de conquête du pouvoir, de renversement de l’Etat bourgeois, d’instauration d’un Etat prolétarien et de rapports sociaux socialistes. Pour ce faire, la tâche principale reste la construction d’un parti communiste puissant, nationalement implanté rassemblant les militants dirigeants des luttes les plus combatifs, capable de constituer le facteur subjectif d’une révolution qui possède déjà de plus en plus son facteur objectif.

Accélérer le processus de convergence et d’unité d’action stratégique des groupes communistes existants d’une part, recruter et former des milliers de militants que le mouvement social actuel et les luttes des classes à venir rendent sensibles au programme communiste d’autre part, est la tâche centrale de la période.

 

 

 


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