C’est un ras-le-bol
du peuple, puis un coup de théâtre. Après des
mouvements populaires spontanés le 25 juillet, date symbolique
anniversaire de la République tunisienne (mais aussi de
l’assassinat politique du député de gauche
Mohammed Brahmi en 2013), le président Kaïs Saïed
vient de dissoudre le Parlement et le gouvernement
technocratique contrôlés par les islamistes
d’Ennahdha et d’autres fractions plus morcelées de
la bourgeoisie tunisienne. Pour les Frères Musulmans qui l’ont
immédiatement dénoncé en ces termes, mais aussi
sans doute pour les « démocrates »
français qui couvriront l’information, il s’agirait
d’un « coup d’Etat ».
Mais c’est oublier
un peu vite que le peuple, ulcéré par la gestion
calamiteuse de la crise sanitaire et de la crise économique
particulièrement violente qui l’accompagne, a manifesté
partout dans le pays sa joie irrépressible après cette
décision du Président. Les marxistes léninistes
du PPDS l’indiquent eux-mêmes : c’est un « pas
en avant » réel qu’a opéré le
Président, resté prudent jusque là face aux
provocations islamistes (qui trouvent leurs ramifications en France,
en Israël, en Turquie et aux USA). L’UGTT, centrale
syndicale sœur de notre CGT, et illustre artisan des grandes
conquêtes sociales de Tunisie contre le colonialisme français
puis la dictature de Ben Ali, soutient le président, comme les
manifestants des derniers jours.
Kaïs Saïed
rappelons-le, est l’outsider, constitutionnaliste,
nationaliste arabe laïc et antifasciste jusque
là « prudent », sans
parti, vainqueur à la stupéfaction générale
lors de la dernière présidentielle suite à la
déliquescence totale du parti islamiste voleur du scrutin de
2011, « homme providentiel » porté par
un vaste mouvement de « dégagisme »
populaire contre l’ensemble de la classe politique
disqualifiée.
Pour trente jours il
entend, comme le prévoit la Constitution dont il se veut le
garant, geler les activités parlementaires, assigner les
cadres islamistes à résidence le temps de clarifier la
situation politique dont ils ont l’habitude de profiter avec
les soutiens étrangers, dissoudre le gouvernement, et cumule
pour un temps « tous les pouvoirs » comme le
diront les commentateurs occidentaux. Sans parti, jamais il n'aurait
agi ainsi sans un réel soutien populaire. Tous les cadres
islamistes mais aussi tous les élus et politiques qui ont eu
des mandats depuis 2011, tous les hommes d'affaires du pays sont
interdits de sortir du territoire. Beaucoup disent que Ennahdha
préparait un coup contre le président à la
faveur des perturbations actuelles. Tous leurs bureaux ont été
saisis en vue d'une enquête pour les confondre.
Saïed s’est
toujours présenté aux impérialistes français
et à Macron comme un patriote soucieux des intérêts
de son pays, parlant un arabe littéraire parfait à
l’Elysée contrastant avec ses prédécesseurs
parlant français, arborant au passage le drapeau palestinien
sur le revers de sa veste.
Les islamistes sont
certes déconsidérés par le peuple, mais
restent planqués dans tous les recoins de l’Etat
tunisien depuis ces dernières années de partage du
pouvoir entre fractions de la bourgeoisie vendue. Le président
va conduire un tournant patriotique plus ouvert, difficile et
périlleux pour lequel le soutien internationaliste sera
déterminant. C’est un acte important de la longue
séquence de la révolution tunisienne anti-impérialiste,
interrompue depuis 2013 avec l’assassinat des députés
de gauche Brahmi et Belaïd et les présidences Marzouki et
Essebsi.
La Tunisie ne doit pas
tomber dans l’escarcelle du fascisme islamiste que
l’impérialisme et le sionisme alliés aux
monarchies des pétrodollars soutiennent pour détruire
les Etats nationaux laïcs nés de la phase antérieure
des luttes de libérations nationales.
Nous, communistes de
France, militants anti-impérialistes, apportons au peuple
tunisien et à son président tout notre soutien.
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