Il y a 30 ans, le 9 novembre
1989, une terrible nouvelle secoue la planète : le Mur de
Berlin, est tombé, pris dans le tourbillon
contre-révolutionnaire ayant ébranlé déjà
la Pologne, la Hongrie, et qui commençait à saper de
façon décisive l’URSS gorbatchévienne.
Symbolique de l’esprit
dans lequel se fait cette chute, chaque Allemand de l’Est se
rendant en RFA reçoit alors 100 Deutschemarks, récompense
distribuée par le capitalisme pour avoir contribué à
la mort du socialisme en RDA.
Mais les citoyens de RDA,
achetés aux premiers jours comme prix de l’illusion de
leur « liberté », finiront par payer le
prix fort cette annexion dans le capitalisme, de cette découverte
de la « liberté du renard dans le poulailler ».
La RDA a été
traitée comme un état conquis dont le colonisateur
détruit sans vergogne l’appareil d’état
préexistant. Le passage au capitalisme est brutal pour les
travailleurs : 14 000 entreprises d’Etat ou coopératives
sont privatisées soit 80% de l’économie
allemande ! Un pays, qui était considéré
comme la 10ème
puissance industrielle mondiale, est livré
en pâture aux charognards. 4 000 entreprises publiques
est-allemandes seront purement et simplement fermées. Au
total, dès le début des années 90, on estime que
près de 2,5 millions de personnes auront perdu leur emploi,
que 3 millions d’actifs vont se retrouver en situation de sous
emplois pour près de 9 millions d’actifs. Effondrement
social pour des millions de travailleurs qui, pour une large masse ne
retrouveront pas de travail stable ou devront émigrer à
l’Ouest (1,5 millions de jeunes sont partis).
Aujourd’hui
encore le taux de chômage reste plus élevé à
l’Est de l’Allemagne (6,5% contre 4,5% à l’Ouest),
même si l’écart s’est resserré,
l’ensemble de l’Allemagne subissant aujourd’hui,
après les réformes Schröder, la politique du
travail précaire : 22,5% des travailleurs allemands sont
considérés d’ailleurs comme « à
bas salaires » soient 3 fois plus qu’en France, dans
un pays où le salaire minimum, récemment introduit,
n’est qu’à 8,5 euros de l’heure.
Il est à noter que
l'annexion a, certes, provoqué l’effondrement du niveau
de vie des Allemands de l’Est mais aussi provoqué une
pression à la baisse des salaires des Allemands de l’ouest,
dans une mesure moindre. Le seul gagnant dans cette affaire, c’est
le capital dont les préoccupations humaines sont le dernier de
ses soucis. L’onde de choc de la contre-révolution,
d’ailleurs, a atteint l’ensemble des pays capitalistes de
l’Ouest, dont la France : les bourgeoisies nationales sont
passées à la vitesse supérieure dans l’attaque
contre les conquis des peuples, notamment contre les conquis du
Conseil National de la Résistance (CNR), qu’il s’agit
désormais de « défaire systématiquement »
selon le mot célèbre de Denis Kessler, l’ex
dirigeant du MEDEF.
Les femmes ont été
particulièrement touchées par la politique de
désindustrialisation et de licenciements de masse. En RDA, les
femmes avaient le taux d’activité le plus élevé
au monde (A la fin des années 1980, 52% des allemandes de
l’Est mère d’un enfant de 3 à 5 ans
occupaient un emploi à temps plein… contre 16% des
allemandes de l’Ouest !). Mais après l’annexion,
les femmes sont incitées à rester au foyer pour
s’occuper de leurs enfants. On en arrive à la situation
ubuesque de femmes qui se font stériliser pour travailler :
de 8 en 1989, on atteindra 1200 femmes en 1991. (Source : L’Huma
du 26 juin 1992)
30 ans après, les
désillusions sont grandes en Allemagne de l’Est et le
sentiment qui prédomine est le regret de la disparition de la
RDA. Un sondage relevait que 57% des habitants de l’ex-RDA ont
le sentiment d’être des « habitants de seconde
zone » ; même chez les moins de 40 ans, seuls
20% estiment que la « réunification est un
succès » !
C’est un terreau fertile
pour l’extrême-droite qui, d’année en année
relève la tête. En 2017, l’AFD a atteint 21,5% en
tout dans les ex-länders de l’Est. Et dans son sillage,
elle entraîne même une extrême-droite néonazie
qui chasse ouvertement l’immigré, voire a été
jusqu’à assassiner en juin de cette année un
Préfet jugé trop « pro-migrants ».
Le Mur en RDA était appelé de façon prémonitoire
« mur de protection contre le fascisme » ;
on voit clairement que sa chute a entraîné non seulement
une bascule sociale mais aussi une bascule politique, la « bête
immonde » se réinvitant dans le paysage, portée
dans les bagages du capitalisme dont la nature sauvage est d'autant
libérée parce qu'ayant temporellement vaincu le
socialisme en Europe. L'avenir socialiste de l’Allemagne dite
« réunifiée » se niche aussi dans
la contradiction entre la réalité de l'exploitation
capitaliste acharnée d'aujourd'hui et le souvenir des
conquêtes sociales et démocratique de la RDA. Voilà
pourquoi il est impératif de salir le passé pour
enfumer le présent et l'avenir.
Le capitalisme
« triomphant », et en particulier celui des
bourgeoisies européennes, célèbre aujourd'hui
une « fête »: celle de sa restauration à
l'Est, puisque la chute du mur de Berlin inaugure concrètement
le début de l'effondrement du camp socialiste aboutissant à
la disparition de l'Union Soviétique. « Tout ce qui
nous effrayait du communisme -perdre nos maisons, nos épargnes
et être forcés de travailler pour un salaire minable
sans avoir de pouvoir politique - s'est réalisé grâce
au capitalisme » a déclaré le démocrate
américain Bernie Sanders. Ici en France, avec les attaques
sans précédent de Macron et de la finance contre nos
conquêtes et nos droits les plus élémentaires, ce
triste constat fait maintenant consensus. Face au cynisme de cette
commémoration, qui n'ose pas célébrer le bilan
lui-même de trente ans de restauration capitaliste après
le chute du mur, nous, communistes, désormais menacés
par des lois européennes liberticides qui vont tenter de nous
en empêcher, devons au contraire rendre hommage aux avancées
sociales du temps de la RDA et plus largement à l'époque
du socialisme réel et de l'Union Soviétique.
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