« Depuis
2015, dans un contexte social et politique français marqué
par l’urgence, les perspectives des études sur
l’extrémisme violent se sont polarisées sur la «
radicalisation » dite « djihadiste ». Mais,
l’actualité le démontre, différentes
violences extrêmes se déploient sous des formes aussi
discrètes que spectaculaires, dont des violences politiques
et/ou xénophobes. D’autres pays articulent, d’ailleurs,
ces différentes expressions de la « radicalisation »
violente, dans leurs actions de prévention. »
Voilà
ce que dit en substance l’introduction au programme du colloque
"Mécaniques de « l'extrémisme violent »"
qui devait restituer les 3 et 4 juillet dernier à Bobigny un
travail de recherche de 4 années impliquant divers domaines de
la recherche scientifique.
Or
ce colloque à portée internationale, puisqu’il
regroupait des chercheurs de pays comme le Brésil, le Canada,
les USA, le Tchad et la Belgique, a été terni par
le « boycott » des autorités à
savoir le président du Conseil Départemental, la
préfète déléguée à
l'égalité des chances du 93, la procureure de la
République du 93 ainsi que la secrétaire générale
du Comité Interministériel de Prévention de la
Délinquance et de la Radicalisation (CIPDR), pourtant parties
prenantes et financeurs du programme de recherche. En outre, le
chercheur Saïd Bouamama, sociologue contributeur à ces
travaux, s’est vu interdire de participation et de parole au
colloque par l’institution porteuse.
Quand
le RN souffle le chaud et le froid
Ce
boycott des institutions ainsi que cette censure du sociologue et
camarade Saïd Bouamama est le résultat de la pression
exercée par le RN à travers une lettre ouverte adressée
au Ministre de l’Intérieur par Jordan Bardella, la
nouvelle icône du parti fasciste. Dans cette lettre, après
avoir dénoncé d’illusoires collusions
« islamo-gauchistes de Saïd Bouamama, Jordan Bardella
exige de l’Etat de refuser de participer à ce colloque,
montrant le véritable visage de ce que serait une gouvernance
RN :
Pensez-vous
que leur offrir une tribune et une légitimité puisse
aider en quoi que ce soit à la lutte contre l’extrémisme
violent et la radicalisation islamiste en Seine-Saint-Denis ?
Ne pensez-vous pas qu’au contraire, ces discours
haineux, victimaires et « indigénistes »
contribuent à ces fléaux ?
Comptez-vous
demander à Mme Muriel Domenach et Mme Fadela Benrabia de
revenir sur leur participation à ce colloque pour ne pas
compromettre votre Ministère avec de tels individus ?
Si
la Préfecture de Seine-Saint-Denis est bien partenaire de cet
événement, comptez-vous exiger d’elle qu’elle
lui retire rapidement et officiellement son soutien ? .... »
Et
les autorités de s’empresser d’obtempérer !
Bien
sûr, les propos du Rassemblement National ne nous étonnent
en rien car cette vision est celle qu’il voudra imposer si
d’aventure il accédait au pouvoir : celle de la pensée
unique non critiquable, celle qui ne souffre d’aucun débat,
la recherche ne pouvant servir qu’un but : celle de
rallier leurs arguments. Depuis de nombreuses années déjà
Saïd Bouamama est une cible privilégiée du parti
fasciste… mais aussi en son temps, des intégristes du
GIA. C’est pourquoi l’accuser de « complaisance
avec le djihadisme » comme le rapporte figarovox et
valeurs actuelles ferait beaucoup rire si l’heure n’était
pas aussi grave. Car aux attaques venant de l’extrême
droite s’ajoutent celles des laïcards bien-pensants qui
érigent la laïcité non pas en un instrument de
tolérance mais en un dogme qui ne souffre donc d’aucune
critique, surtout s’il s’agit de la question de l’Islam.
Pourtant il suffirait de lire l’intervention de Saïd
Bouamama à ce colloque pour comprendre qu’il est à
cent lieues de la complaisance dont on veut l’affubler.
Qui
cautionne réellement les djihadistes ?
A
ce jeu-là, il y a beaucoup de pompiers pyromanes. Tous les
engagements récents de la France au moins depuis le début
des années 2000 indiquent des collusions troubles entre l’Etat
français et les constellations djihadistes. En 1er
lieu, l’Etat français entretient des relations
(c'est-à-dire qu’il leur vend des armes) avec les
pétro-théocraties du Moyen Orient, Arabie Saoudite en
tête, qui financent à tour de bras tous les groupuscules
djihado-fascistes œuvrant sur les différents champs de
bataille : Syrie, Libye, Mali, Nigéria…
Nicolas
Sarkozy, en Libye, a soutenu militairement les fractions djihadistes
qui ont fait tomber Khadaffi. On voit le résultat lamentable
de cette opération de « démocratisation ».
M
Laurent Fabius, Ministre des Affaires Etrangères, déclare
en décembre 2012 que selon leurs alliés syriens le
Front Al Nosra, qui n’est autre que la branche syrienne d’Al
Qaida, faisait du « bon boulot » en
Syrie. Et d’ajouter « …l’Arabie
saoudite, qui a offert 100 millions de dollars pour aider
la population syrienne… ». Effectivement,
on est heureux d’apprendre que l’Arabie Saoudite
s’inquiétait de la situation de la population syrienne :
on peut voir actuellement les effets bénéfiques de
cette aide sur le peuple syrien comme on peut voir également
les effets bénéfiques de l’intervention au Yémen
utilisant des armes vendues par la France qui plus est !
Les
actions de ces constellations djihado-terroristes, qui d’un
continent à un autre, d’un pays à un autre, vont
changer de nom pour se redonner une nouvelle virginité ne font
que servir les visées expansionnistes et d’appropriation
des richesses opérées par les impérialismes
étatsunien et européen avec leurs vassaux du golfe.
En
France, on veut museler la pensée critique
Le
Président Macron et son équipe ont voulu faire croire
aux Français lors des élections européennes
qu’il était le rempart contre l’extrême
droite. La censure opérée sur les travaux de Saïd
Bouamama sous l’injonction du Rassemblement National montre au
contraire qu’en guise de rempart, Macron sert plutôt de
marchepied au parti fasciste.
La
dérive autoritaire qui s’exerce de plus en plus
inexorablement en France contre toute velléité de
contestation (militants syndicaux, Gilets jaunes, grévistes
des notes du Bac…) en utilisant un arsenal répressif
jamais égalé, touche aussi celui de la pensée et
de la liberté de la recherche.
Tarissement
des financements publics, caporalisation de la recherche, auquel
s’ajoute le « devoir de réserve »
inscrit dans la loi Blanquer dite de « l’école
de la confiance » qui vise explicitement les
enseignants et leur liberté de critiquer les réformes
de l’Education Nationale….
La
censure opérée sur les travaux de Saïd Bouamama
constitue un précèdent d’une extrême
gravité. Elle porte atteinte à la liberté de
porter une pensée critique, de la mettre même en débat.
En un mot, elle veut museler la recherche…
Il
faut défendre la recherche scientifique contre l’obscurantisme
et contre la lepénisation des esprits.
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