Même
s’il est clair que la lutte anti-impérialiste, la
résistance à l’offensive antisociale et le
travail de reconstruction communiste conservent leur primat politique
en toutes circonstances, les militants communistes et le mouvement
ouvrier ne peuvent regarder avec indifférence les élections
présidentielles et législatives qui, tous les cinq ans,
re-déploient le rapport des forces entre les classes sociales
dans notre pays. Et c’est encore plus vrai dans une situation
où le FN et la droite versaillaise la plus ultra, celle
qu’incarne Fillon, abordent l’élection
présidentielle de manière extrêmement agressive.
1
– La « France insoumise » et nous
Les
analyses respectives du PRCF et de la Coordination Communiste
59/62 (RCC) ont conduit nos deux organisations à
constater que, dans les conditions actuelles, et malgré les
insuffisances objectives de la « France insoumise »,
la candidature Mélenchon pouvait être un point d’appui
appréciable pour préserver et élargir l’espace
politique indispensable au mouvement social, pour faire face à
la fois d’une manière crédible au FN fascisant,
au parti LR thatchérien et au PS maastrichtien et esquisser
avec des centaines de milliers de citoyens mobilisés les
prémisses du Front antifasciste, antilibéral,
patriotique, populaire et écologique qui est indispensable
pour résister à l’offensive du MEDEF, contrer la
fascisation galopante et l’État policier, sortir la
France de l’euro et de l’UE/OTAN, relancer la dynamique
populaire indispensable pour que soit reposée sur des bases
larges la question du socialisme pour la France.
Bien
entendu, cela ne signifie en rien que nous, militants communistes
100% anti-UE qui voulons clairement reconstruire un Parti communiste
en France, nous entendrions nous rallier à ou nous dissoudre
dans un « mouvement » : pour nous la
construction du front populaire antimonopoliste et antifasciste
nécessite plus que jamais l’intervention unie et
convergente des vrais communistes, jusques et y compris la
reconstruction du vrai parti communiste français aujourd’hui
dénaturé par des décennies de mutation
révisionniste social-démocrate. Il n’y a pas
opposition en effet, mais au contraire interaction dynamique, entre
la reconstruction du parti, l'engagement communiste dans les luttes
sociales et l'intervention ici et maintenant pour construire le front
populaire antimonopoliste et antifasciste avec les militants
progressistes, républicains, les syndicalistes de lutte, etc.
qui s’engagent dans, autour, avec la « France
insoumise », y compris des milliers de communistes las
d’attendre que le PCF officiel, désormais confondu avec
le Parti de la Gauche Européenne, adopte une position claire,
indépendante du Parti socialiste au lieu de « lire »
la conjoncture politique à partir d’une grille purement
politicienne dictée de A à Z par des questions
d’appareil et de places. La rupture avec le PS est la question
posée et à résoudre.
Cela
n’interdit nullement, bien au contraire, d’exprimer nos
positions indépendantes, critiques et constructives tout à
la fois, pour que la dynamique autour de la candidature Mélenchon,
qui est aujourd’hui centrée plutôt sur la partie
progressiste et résistante des classes moyennes, opère
une critique beaucoup plus franche et centrale de la funeste
« construction » européenne. La formule
de JLM « l’UE, on la change ou on la quitte ! »,
marque en effet une avancée intéressante dans l’idée
d’une rupture franche avec l’UE puis, implicitement, elle
pose enfin la question, d’un « FREXIT »
progressiste ouvrant la voie à un affrontement de classes et
de masse avec l’oligarchie dans les directions conjointes de
l’indépendance nationale, des nationalisations
démocratiques, du progrès social, de la coopération
internationale et, in fine, de la rupture révolutionnaire avec
le grand capital et son système. En même temps, cette
formule « reste au milieu du gué »
en laissant entendre qu’une « négociation »
pourrait arracher à l’impérialisme allemand des
concessions permettant à la France de demeurer dans l’UE,
alors que l’UE-OTAN a été conçue
pour détruire les acquis sociaux, menacer la paix derrière
l’impérialisme US, écraser les souverainetés
nationales, dominer l’Europe de l’Est et du Sud, recycler
l’impérialisme allemand, maintenir la domination
néocoloniale sur l’Afrique, imposer un modèle
culturel et sociolinguistique régressif aux peuples d’Europe
et du monde.
Face
à cette contradiction de classe que comporte la formule « en
mouvement » de JLM sur l’UE, deux attitudes sont
possibles : soit considérer statiquement qu’il
s’agit d’un point d’arrivée et, dans cette
hypothèse, soit rallier les conceptions « alter-européistes »
de la petite bourgeoisie et rallier le réformisme, soit
considérer qu’il s’agit d’un point d'appui à
développer et à travailler pour que, expérience
de l’UE et explications des communistes aidant, une majorité
d’insoumis deviennent à 100% insoumis à l’UE
et comprennent qu’il n’y a rien à négocier
avec l’UE, que la souveraineté des peuples ne se négocie
pas et que la sortie unilatérale de l’UE-OTAN est la
condition incontournable du changement progressiste en France.
De
même, les communistes ne doivent-il ni adhérer
passivement à la « révolution citoyenne et
pacifique » que propose JLM, ni la refuser avec dédain,
mais expliquer patiemment que la conquête d’une véritable
démocratie populaire passe par l’expropriation complète
du capital, par le pouvoir du peuple, en un mot par la révolution
socialiste dans laquelle la classe ouvrière et son parti
reconstruit joueront un rôle central et moteur. Et dire cela ne
serait pas « plomber » ou « gêner »
le regroupement des « insoumis », mais bien au
contraire leur permettre, en ouvrant en grand le débat sur le
Frexit progressiste et sur le socialisme, d’intéresser
enfin des millions d’ouvriers et d’employés qui se
détournent des élections ou qui lorgnent du côté
du FN parce qu’ils se laissent prendre à sa fausse
radicalité patriotique et sociale.
2
– La « candidature communiste » et nous
Nous,
communistes, le plus souvent issus
du PCF, mais organisés hors de ses structures, savons ce que
nous devons à ce parti et son histoire, et ne souhaitons en
rien "accélérer" la disparition du PCF en
soutenant JLM. C'est au contraire une candidature PCF séparée
et inaudible pour les larges masses, qui accélérerait
ce processus, autant par l'image de ce parti qui a animé tant
de fronts victorieux sans sectarisme que suite aux résultats
qu'il obtiendrait au soir du premier tour.
Un
front est toujours par définition hétéroclite,
et il ne peut qu'évoluer d'une façon ou d'une autre,
selon que le peuple y trouve sa place ou non. Seule l'action
organisée et collective des communistes peut l'orienter dans
un sens révolutionnaire, pourvu que leur poids politique soit
suffisant et que leur analyse soit juste et lisible. Et
parlant de communistes militant aux côtés de la « France
insoumise », nous n’avons nullement à
l’esprit Pierre Laurent ou M.-G. Buffet, dont il faut
précisément contrer l’influence délétère
sur ce rassemblement politique, mais tous les militants de terrain, y
compris des structures de base du PCF, qui ont déjà
rejoint ce front ou qui sont en passe de le rejoindre, et auxquels
précisément, il faut fournir des éléments
d’orientation proprement communiste.
Ainsi
la question de l'identité communiste (centrale pour nous comme
pour certains camarades du PCF attachés au marxisme), ne peut
être instrumentalisée par une direction nationale
social-démocrate en fonction de questions de places qui sont
totalement déconnectées
des revendications immédiates des travailleurs et
de la nécessité de tout tenter pour conjurer le second
tour cauchemardesque qui s’annonce entre Le Pen et Fillon.
S'opposer à une direction sociale-démocrate, fut-elle
celle du PCF, au moyen du soutien au front d'abord anti-PS que
constitue la France Insoumise, ce n'est pas être
"anticommuniste", au contraire, c’est faire échec
à l’anticommunisme qui monterait en flèche si les
communistes se présentaient dans ces élections comme
uniquement soucieux de l’avenir d’un appareil discrédité
plutôt que de l’avenir même de la classe ouvrière
et de la nation. Et la réduction du débat à une
superficielle concurrence entre "communistes du PCF" et
"sociaux-démocrates de la France Insoumise" ne peut
que nuire à la clarté de cette évidence: dans
les rapports de forces actuels et prévisibles, aucun autre
candidat que JLM ne peut espérer dépasser et frapper
plus fort le PS sur
sa gauche.
Cela
étant, la direction du PCF-PGE s’est prononcée –
de manière extrêmement ambiguë d’ailleurs –
pour une « candidature communiste ». Nous
pourrions apprécier cette orientation d’apparence
identitaire si elle s’enracinait dans un vrai programme
communiste comportant notamment la rupture totale avec l’UE et
remettant en discussion la question du socialisme pour la France.
Mais pour le moment, ce n’est pas du tout vers cela qu’on
s’oriente : l’annonce d’une candidature ou
d’une pré-candidature provisoire du PCF n’est
absolument pas claire sur le contenu et André Chassaigne, dont
le nom est souvent cité à ce sujet, a d’emblée
prévenu qu’il ne se présenterait pas dans
l’esprit de défendre l’identité communiste,
encore moins de rompre avec l’UE, ni même, comme fait au
moins JLM, de poser la question d’un possible « Frexit »
progressiste, mais pour « rassembler la gauche »,
y compris les socialistes et les euros-écologistes. C’est
si vrai que la commission économique du PCF vient de faire une
critique de droite du programme de la « France insoumise »
en lui reprochant de se référer à un
« indépendantisme français » et
d’évoquer la perspective d’une possible sortie de
l’UE en qualifiant ces positions de «
nationalistes » et de « populistes ».
C’est mot pour mot la critique que le PS pro-Maastricht adresse
lui aussi à JLM. Rien n’est clair non plus sur un
éventuel désistement du PCF au 1er tour
en faveur du revenant politique Montebourg ou d'un autre candidat PS
dans le cas où celui-ci gagnerait la « primaire »
socialiste et qu’aussitôt, dans cette éventualité,
l’aile droite de la social-démocratie rallierait très
vraisemblablement la candidature néolibérale
avouée de Macron.
Malgré
les espoirs subjectifs démesurés que certains camarades
marxistes du PCF placent sur elle, il semble en réalité
qu’en l’état, cette éventuelle candidature
PCF qui n’aurait rien de communiste en l’état, ne
tend qu’à briser la dynamique créée autour
de JLM, qu’à empêcher qu’au 1er tour,
JLM ne dépasse le PS en plongeant ce parti malfaisant dans une
crise réjouissante, qu’à empêcher
l’émergence d’un espace politique
« indépendantiste », sociale, euro-critique,
laïque, antifasciste et antiraciste, qu’à permettre
au PS de conserver à l’issue de la présidentielle
l’hégémonie qu’il avait conquise à
gauche pour illusoirement sauver quelques sièges PCF aux
législatives.
C’est
pourquoi nous demandons aux camarades du PCF qui se réclament
du marxisme de clarifier le contenu de cette éventuelle
candidature, de ne pas en faire un enjeu « en soi »,
indépendamment de la clarification préalable dudit
candidat sur l’UE et le socialisme, mais aussi l’attitude
du PCF au 1er tour et de son candidat envers le PS
aux présidentielles et aux législatives : sans
cela, en fait de candidature « identitaire »
communiste, le peuple et les communistes eux-mêmes perdraient
sur tous les terrains : la dynamique populaire à la
gauche du PCF étant divisée, elle aurait bien du mal à
déborder le PS sur sa gauche et à maintenir ouvert
l’espace politique nécessaire à la poursuite des
luttes si la droite ultra et/ou le FN s’emparent de l’Élysée
avec leur programme de cauchemar.
Et
en même temps, la clarification sur l’identité
communiste, qui est si nécessaire à la reconstruction
d’un vrai parti communiste, reculerait elle aussi puisqu’il
s’agirait pour nos excellents camarades de faire bloc sur une
étiquette avec leurs actuels dirigeants socialo- et
euro-dépendants, plutôt que de reconstruire ensemble, en
rompant avec l’influence délétère de leur
direction identifiée au PGE (dont P. Laurent est le
président !), l’action commune des communistes pour
les quatre sorties (euro, UE, OTAN dans la perspective d’une
rupture révolutionnaire avec le capitalisme), socle de
l’urgente reconstruction d’un parti d’avant-garde
des travailleurs. D’une manière générale,
il faut se rappeler de la définition que Marx et Engels
donnent du Parti communiste dans le « Manifeste » :
Quelle
est la position des communistes par rapport à l'ensemble des
prolétaires ?
Ils
n'ont point d'intérêts qui les séparent de
l'ensemble du prolétariat.
Ils
n'établissent pas de principes particuliers sur lesquels ils
voudraient modeler le mouvement ouvrier.
Dans
les différentes phases que traverse la lutte entre prolétaires
et bourgeois, ils représentent toujours les intérêts
du mouvement dans sa totalité.
Pratiquement,
les communistes sont donc la fraction la plus résolue des
partis ouvriers de tous les pays, la fraction qui stimule toutes les
autres; théoriquement, ils ont sur le reste du prolétariat
l'avantage d'une intelligence claire des conditions, de la marche et
des fins générales du mouvement prolétarien.
Conclusion
Continuant
de débattre sur leurs différences de vue à
propos de certains sujets, le Rassemblement des Cercles Communistes
(RCC) et le Pôle de Renaissance Communiste de France (PRCF)
continueront de s’adresser fraternellement à tous les
camarades désireux de préserver l’identité
communiste, par essence dynamique, ouvrière et populaire, à
tous les militant de la « France insoumise », à
tout le mouvement syndical et social de classe, à tous les
progressistes, pour que se développe au plus vite en France un
large mouvement pluriel, intégrant les communistes comme une
partie indépendante et incontournable, capable de faire
barrage à la fois à la fascisation et à
l’euro-désintégration de la France, de combattre
les guerres impérialistes, le fascisme et le thatchérisme
menaçants et d’ouvrir à notre pays une
alternative progressiste vitale pour l’avenir du monde du
travail.
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