Plusieurs
dizaines de milliers d’ouvriers, de paysans, d’éléveurs,
de pêcheurs, d’artisans, de petits commerçants, de
petits patrons se révoltent contre l’austérité
libérale et l’appauvrissement imposés par le
CAC40, le MEDEF, l’UE et ses gouvernements successifs
UMP/MODEM/PS/VERTS. La presse bourgeoise agitent l’écotaxe
comme l’unique objet de la rébellion bretonne présentée
comme « régionaliste ».
La
manifestation de Quimper en Bretagne fait ainsi couler beaucoup de
salives et d’encres. Elle divise même la « gauche
de la gauche », celle qui a été la
locomotive de la formidable, mais déjà oubliée,
victoire populaire du NON en 2005 au Traité Constitutionnel
Européen (TCE). Les uns ont appelé à une
manifestation minoritaire à Carhaix et d’autres ont
rejoint celle majoritaire à Quimper. La présence de
patrons, de religieux et de la droite et la défense de
l’écotaxe comme « mesure écologiste »
sont les deux principaux arguments avancés pour se démarquer
ou condamner la manifestation de Quimper.
Quelle
est la position juste, celle qui va dans le sens du progrès
social, démocratique et des intérêts de la classe
ouvrière et de l’avenir anticapitaliste que porte
fondamentalement ses luttes ?
L’écotax
ou l’écologie polique au service des monopoles
capitalistes
Le
contrat signé par le gouvernement Sarkozy le 20 octobre 2011,
voté malheureusement à l’unanimité par
tous les élus, est en fait une véritable
instrumentalisation de l’écologie au profit du monopole
capitaliste privé Ecomouv. Tout le tintamarre médiatique
sur le « grenelle de l’environnement »,
avec forte mise à contribution des parangons de l’écologie
comme Nicolas Hulot et les Verts, cachait tout simplement une
véritable arnaque rapportant la somme astronomique de 800
millions d’euros à la firme transnationale italienne
Autostrade qui s’est associée la SNCF, Thalès,
SFR et Steria comme partenaires très minoritaires (Autostrade
détient 70 % du consortium) pour prélever à la
place de l’Etat cet impôt écologiste dénommé
écotaxe. Sous couvert du Partenariat Public Privé
(PPP), l’Etat a été dépossédé
de sa prérogative au profit de la société
Ecomouv par le biais de « l’externalisation de la
collecte de l’impôt » confirmée dans les
articles 269 à 283 quater du Code des douanes. Élie
Lambert, responsable de Solidaires douanes, dénonce les
conditions obscures et léonines de ce partenariat public-privé
en décortiquant les enjeux de ce contrat : « Non
seulement, ce contrat tord tous les principes républicains.
Mais il le fait dans des conditions désastreuses pour l’État.
En exigeant 240 millions d’euros par an pour une recette
estimée à 1,2 milliard d’euros, le privé a
un taux de recouvrement de plus de 20 %, alors que le coût de
la collecte par les services de l’État, estimé
par l’OCDE, est d’à peine 1%, un des meilleurs du
monde ». La procédure du PPP met en concurrence
trois candidatures : celle du groupe italien autoroutier,
Autostrade, au départ tout seul; celle de Sanef, deuxième
groupe autoroutier français contrôlé par
l’espagnol Abertis, accompagné par Atos et Siemens;
enfin un troisième consortium est emmené par Orange.
C’est finalement le premier groupe capitaliste qui gange ce
marché juteux avec pour mission d’assurer la
surveillance de quelque 15 000 kilomètres de routes
nationales, l’installation des portiques de télépéage,
des boîtiers de géolocalisation, des logiciels,
l’acquisition d’un terrain du ministère de la
défense à Metz pour des centres d’appels, sans
compter que l’État s’est engagé à
lui verser 20 millions par mois à partir du 1er janvier 2014.
Mais
Ecomouv va aussi bénéficier de l’aide des
douaniers, comme le confirme Élie Lambert de Solidaires
douanes : «Nous sommes dans une complète confusion
des genres. D’un côté, cette société
va percevoir l’impôt, aura le droit de mettre des
amendes, ce qui est aussi du jamais vu dans l’histoire de la
République. Mais de l’autre, les services de Douanes
vont être requis pour poursuivre et arrêter les
contrevenants. C’est-à-dire que la tâche la plus
coûteuse et la plus difficile est mise à la charge du
public, pour des intérêts privés».
Cette
OPA des monopoles privés capitalistes sur l’impôt
écologique s’ajoute au désastre social des 6.000
emplois détruits dans la seule année 2012 et 19.000
emplois dans le secteur marchand depuis 2008, sans oublier comme le
constate nos camarades du Front de Gauche du Finistère que
l’agriculture et les industries agroalimentaires bretonnes,
notamment la filière avicole sont exposés à la
directive européenne de la « concurrence libre
et non faussée » qui les ruinent. Il faut
ajouter aussi que toutes les catégories sociales (des
ouvriers, agriculteurs, éleveurs, pêcheurs et petits
patrons des PME et PMI) subissent l’écotaxe, laquelle
vient accélérer leur paupérisation en cours
parce qu’en réalité elle ne touche que les routes
nationales et départementales utilisées par les petits
patrons locaux et qu’elle ne s’applique pas aux
autoroutes à péage qui concentrent l’essentiel du
trafic routier des camions pollueurs des gros patrons du MEDEF et de
l’UE.
Voilà
comment l’écologie devient une manne à profit
maximum pour le capital financier monopoliste. Voilà comment
se poursuit la continuité au service des intérêts
du MEDEF et s’applique le Partenariat Public Privé (PPP)
dicté par l’UE avec la complicité de la droite
aux socialistes et Verts pour déposséder les Etats
Nations. Voilà pourquoi les listes Front de Gauche doivent
absolument lever le lièvre du PPP dans chaque commune pour
démasquer le programme libéral municipal libéral
de la droite et des socialistes/Verts.
L’inévitable
révolte des classes et couches populaires contre l’austérité
libérale imposée par l’UE
Bien
entendu les donneurs d’ordre des grands monopoles capitalistes
du MEDEF et de l’UE, de la droite libérale, voire de
l’extrême droite fasciste tout récent reconvertis
par démagogie au ‘social’ s’agitent pour
récupérer et détourner la colère
populaire contre le pouvoir PS et ce dernier tente de diviser la
révolte populaire en mettant l’accent sur
l’instrumentalisation patronale et la protection de
l’environnement. Dans les deux cas le piège est
évident : affaiblir les luttes populaires des ouvriers,
paysans, éleveurs, pêcheurs, des petits patrons des PMI
et PME contre l’appauvrissement généralisé,
la baisse des salaires et des revenus de ces classes ou couches
sociales qui vivent globalement de leur travail pour augmenter sans
cesse le profit maximum des grands groupes monopolistes du capital
financier.
Le
désarroi qui transparaît à la « gauche
de la gauche » politique et syndicale à travers
les deux manifestations de Carhaix et de Quimper reflète à
la fois le faible niveau de conscience de classe actuel du mouvement
ouvrier politique et syndical et une impuissance face aux stratégies
de dévoiement des luttes populaires par les partis du capital
financier que sont la droite, l’extrême droite fasciste
et le PS.
Niveau
de conscience politique et syndical et impuissance devant la
démagogie ‘socialisante’ des partis du capital qui
résultent de la longue hégémonie multidécennale
du réformisme à la tête des organisations
politiques et syndicales du mouvement ouvrier et populaire. Nous
expérimentons ici l’avertissement de Lénine selon
lequel « le mouvement ouvrier paye là les années
de réformisme subi ». Voilà la source
véritable du décalage entre combativité à
la base des masses victimes des politiques d’austérité
et hésitation, désarroi des dirigeants des
organisations des masses que tout esprit tant soit peu objectif peut
constater.
En
effet il y a un lien entre les luttes sociales qui ne cessent de se
multiplier dans les entreprises qui prennent parfois mêmes des
formes inédites du genre menaces de faire sauter l’usine,
les occupations de préfectures par des travailleurs, les
invasions de villes par les paysans ou éleveurs, les
explosions sociales dans les quartiers populaires et la « jacquerie »
sociale en Bretagne.
Toutes
ces révoltes populaires sont des manifestations du ras le bol
consécutif aux dégâts sociaux, humains et
environnementaux du capitalisme en crise et de son programme libéral
dicté par l’UE mis en œuvre successivement par
tous les gouvernements de droite, PS et de cohabitation entre droite
et PS.
En
outre, ces décennies d’hégémonie
idéologique et politique du réformisme ont relégué
les ouvriers sous l’emprise des « classes
moyennes » dites « cultivées »
et dont sont issues la majorité écrasante des
« experts » et des dirigeants des partis
progressistes antilibéraux. Ainsi l’approche des
questions « écologiques » a été
isolée des questions « sociales »
en opposition à celle de K. Marx selon laquelle c’est
l’exploitation de l’homme par l’homme, du
travailleur par le capitaliste qui génère la
destruction de la nature. En d’autre terme, il n’y pas et
ne peut avoir en régime capitaliste de muraille de chine
infranchissable entre exploitation de l’humain et exploitation
de la nature. C’est donc dans la nature même du mode de
production capitaliste que d’asservir l’humain et la
nature pour y tirer le profit maximum.
C’est
aussi le même et unique combat de classe qui peut sauver
l’humanité et la nature, non du « productivisme »
qui n’est qu’une des formes et conséquences du
système capitaliste à la recherche perpétuelle
du maximum de profit. C’est en cela que « l’écologie
politique » est une idéologie bourgeoise dont
la fonction est d’empêcher la prise de conscience de
classe que la destruction de l’environnement est une
conséquence de l’exploitation de l’homme par
l’homme et non une cause de la ‘consommation humaine’
par exemple.
Œuvrer
au tous ensemble des classes et couches populaires
Par
leurs luttes jusqu’ici isolées les unes des autres dans
les entreprises, les quartiers populaires, les départements,
les régions et au plan national, les masses cherchent à
s’unir dans des révoltes populaires qui mêlent les
classes et couches sociales qui n’ont pas toutes les mêmes
intérêts immédiats, mais qui, toutes, sont
victimes de la broyeuse sociale et anti-démocratique du
programme libéral austéritaire de l’UE, du MEDEF,
du CAC40 et des gouvernements de droite et PS.
C’est
la lecture que nous croyons juste de la fronde bretonne. Le front
syndical en construction du refus de l’austérité
libérale et le Front de Gauche antilibéral doivent
revendiquer :
l’abrogation
du contrat PPP entre l’État et Ecomouv sur l’écotaxe
;
l’imposition
par l’Etat des grandes entreprises qui polluent;
le
développement des transports publics (ferroutage, fluviaux,
routiers) ;
la
protection des productions agroalimentaires, des emplois locaux, des
conditions de travail et la hausse des salaires ;
gel
immédiat des licenciements ;
nationalisation
sans indemnisation des entreprises qui licencient ou délocalisent
;
la
nécessité de stopper le diktat catastrophique libéral
par la sortie de l’UE et le respect de la souveraineté
nationale populaire exprimée clairement par le NON au TCE.
La
Bretagne annonce la direction et les formes que vont prendre les
luttes sociales et démocratiques à venir. Les
travailleurs, les couches laborieuses des professions libérales,
les « classes moyennes », les paysans,
les pêcheurs, les éleveurs vont de plus en plus se
dresser contre les mesures qui les paupérisent et écrasent
tous les acquis sociaux et démocratiques conquis de haute
lutte en 36, 45, 68.
Tirant
les leçons des défaites des luttes isolées, ils
cherchent à frayer la voie aux luttes massives et unitaires
pour exprimer le ras le bol contre la misère imposée
par les grands patrons du MEDEF et de l’UE. Ces révoltes
vont faire émerger des dirigeants propres issus des rangs des
victimes en luttes.
Le
mouvement syndical et le Front de Gauche ne peuvent rester sur la
dangereuse posture d’attendre un mouvement « pure »
de lutte de classe qui n’existe pas et ne peut exister dans la
réalité. Comme le disait Gramsci dans ses lettres de
prison : « On ne peut pas choisir la forme de
guerre qu’on veut, à moins d’avoir d’emblée
une supériorité écrasante sur l’ennemi ».
Faire
cela, c’est laisser libre cours aux manœuvres
récupératrices de la droite populiste et de l’extrême
droite fasciste. Faire cela, c’est se laisser piéger
par le PS qui fait le chantage suivant : « la
gauche ne peut se mélanger à la droite, aux patrons »
alors que justement c’est le PS qui est au service des MEDEF
d’ici et de l’UE.
La
seule et unique façon d’éviter que les masses
dans leur colère soient trompées et menées à
l’abattoir patronal, y compris fasciste, c’est d’élaborer
les revendications qui prennent en compte les intérêts
immédiats des classes et couches sociales victimes de
l’austérité libérale et de la
paupérisation pour prendre la tête des luttes et
révoltes populaires et frayer la voie dans les urnes et les
luttes à l’alternative antilibérale,
anticapitaliste et révolutionnaire.
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