Dans
son livre « la situation de la classe ouvrière en
Angleterre », Engels rappelle qu’une des caractéristiques
essentielles du capitalisme est la mise en concurrence généralisée
des forces de travail. Si le capitalisme est la concurrence entre
capitaux, cette dernière suppose la concurrence entre force de
travail. Le procès du capital produit donc en permanence une
segmentation de la classe ouvrière à base d’âges,
de sexes, de qualification, d’origines ou de nationalités
ou de religions, etc.
L’unification
de la classe ouvrière est en conséquence non pas une
donnée de départ mais le résultat de l’action
consciente des militants de cette classe. L’existence d’un
parti de la classe suffisamment implanté dans les différents
segments de cette classe est un outil qui permet de disposer de la
base d’enquête suffisamment large pour trouver les mots
d’ordre, les revendications, les tactiques et les stratégies
permettant cette unification consciente de la classe.
Nous
ne disposons plus de ce parti et cela est lourd de conséquences.
Cette situation conduit chacun d’entre nous en fonction de sa
classe sociale d’appartenance, de son origine sociale ou
nationale, de son lieu d’habitation, de sa trajectoire
personnelle ou de groupe, de sa base d’enquête partiale
et partielle à une sensibilité objective à telle
ou telle segment de la classe ouvrière, à l’attitude
consistant à surestimer ou sous-estimer une dimension au
détriment d’une autre.
Si
notre analyse est matérialiste une telle situation ne devrait
pas nous étonner en l’absence d’un parti
communiste unificateur. Tel camarade ou groupe du fait de son
histoire, de l’histoire de ses militants, des fronts de luttes
où ils sont investis privilégiera dans son regard la
classe ouvrière stable des entreprises, d’autres celle
du précariat, de la paupérisation de la petite
bourgeoisie, de la paysannerie et même d’une partie de
l’aristocratie ouvrière, d’autres celle issue de
l’immigration, etc., Construire un point de vue global sur la
classe sans cette base d’enquête qu’est un parti
communiste est une première caractéristique des
problèmes auxquels sont confrontés les communistes en
France aujourd’hui.
A
ce premier écueil s’en ajoute un autre. Nous devons pour
la première fois dans l’histoire du mouvement communiste
agir dans un monde qui résulte de la défaite de la
première expérience historique d’édification
d’une société socialiste, donc sans l’existence
d’une Union Soviétique et d’un camp socialiste.
Sans sous-estimer les combats, mérites et sacrifices des
militants communistes et des militants des luttes de libération
nationales des différents pays, leurs luttes se sont déroulées
avec l’existence de la base arrière et du repère
idéologique qu’était l’Union Soviétique
et le camp socialiste. Notre seconde difficulté objective est
de devoir être communiste sans cette base arrière, ce
point d’appui et ce repère idéologique et
politique tout en en faisant le bilan comme antidote aux montagnes de
déformations et mensonges de la bourgeoisie.
Nous
agissons dans un pays – le France - où la classe
dominante a été confrontée à des
offensives radicales de la classe ouvrière et la première
d’entre elles est la commune de Paris. Notre classe dominante
se forme dans ces combats en termes de stratégies militaires
mais aussi de stratégies de division de la classe. Ce
perfectionnement de la classe dominante se déploie en
utilisant des principes justes et forts de la classe ouvrière
afin de les déformer et de les instrumentaliser : liberté,
démocratie, Egalité des sexes, souveraineté
nationale, laïcité, anticléricalisme, république,
etc. La vigilance idéologique et l’approche dialectique
est plus que jamais nécessaire pour démasquer la
manipulation frauduleuse de ces valeurs en soi par la bourgeoisie
alors même que nous ne disposons plus de l’outil
principal de cette vigilance et de cette approche qu’est le
parti communiste. Telle est notre troisième difficulté.
Notre
combat se mène aussi dans un pays impérialiste, ayant
été un des principaux colonialismes, étant un
des plus actifs dans les guerres et projets de guerres impérialistes.
Or comme le souligne Lénine, les pays impérialistes
diffusent en permanence en direction de la classe ouvrière des
idées racistes, colonialistes de suprématie
civilisationnelle sans lesquelles la révolte contre les
guerres impérialistes serait immédiate. Une des formes
prise par ce poison du chauvinisme suprémaciste est « le
droit d’ingérence humanitaire », etc. Ils
utilisent également une partie des surprofits liés à
l’oppression impérialiste des peuples pour corrompre une
partie de notre classe ouvrière plus ou moins importante selon
les périodes. Unifier la classe c’est aussi prendre en
compte les effets de cette situation sur l’ensemble des
segments de la classe ouvrière que nous devons unifier. La
même cause produit à la fois une tendance à un
chauvinisme du« majoritaire » (racisme, islamophobie) et
en retour une tendance à un repli pouvant être tout
aussi chauvin du « minoritaire » (négation de la
dimension de classes, analyse culturaliste). Marx et Engels ont
excellemment étudiés cela à propos du clivage
entre le segment anglais et le segment irlandais de la classe
ouvrière d’Angleterre. Nous avons à combattre ces
deux dérives dans une situation où nous ne disposons
plus d’un parti communiste. Telle est notre quatrième
difficulté. Ces facteurs nécessitent plus que jamais la
mise en pratique du principe internationaliste léniniste : «
Prolétaires de tous et peuples opprimés, unissez vous »
!
Enfin
nous qui sommes tous orphelin d’un parti communiste, n’avons
pas rompus avec le révisionnisme aux mêmes périodes.
Il en découle des points de convergences sur les constats du
présent mais aussi des lectures différentes sur les
racines et causes du recul et de la défaite temporaire du
mouvement communiste dans notre pays et dans le monde. L’enjeu
n’est pas seulement la lecture du passé car celle-ci
détermine en partie importante le parti communiste dans sa
nature de classe et son orientation idéologique qu’il
s’agit de reconstruire. Nous unifier sur les causes est une
cinquième difficulté alors que dans le même temps
l’actualité exige toutes nos énergies pour
résister aux offensives de la bourgeoisie et à travers
les luttes éprouvées la justesse ou non de nos
politiques, stratégies et tactiques. Cette situation
continuera pendant un temps à produire des désaccords
tactiques (Front de gauche ou non par exemple) qui peuvent produire
des divisions dommageables à l’unification stratégique.
Dans
ce contexte global quel peut être l’apport des assises du
communisme. Le succès de ces assises suppose d’abord une
prise de parti pour une attitude et une ambiance de modestie du fait
qu’aucun d’entre nous ne dispose d’une base
d’enquête couvrant toute notre classe sociale. Il suppose
également une méthode matérialiste : nous ne
nous unifierons pas sur le simple débat idéologique
nécessaire mais surtout sur la base d’une pratique
commune qu’il s’agit de développer
progressivement. Après tout c’est la pratique qui
tranche nous apprend la théorie marxiste de la connaissance.
Il suppose encore que nous puissions faire un réel état
des lieux de nos points de convergences à transformer en
pratiques communes et de nos divergences à mettre en travail
d’enquête, d’échanges et de débats.
Si
les assises du communisme permettent de clarifier nos points
d’accords, de préciser les désaccords à
travailler, de définir les pratiques communes et enfin de
rendre publique notre démarche, elles auront selon nous jouées
leur rôle.
Les
Assises du Communisme doivent être donc un espace organisé
pour mener à bien ce processus d’unification des
communistes dans et hors du PCF à travers la pratique de
l’unité d’action stratégique, du travail
d’implantation du communisme dans les masses sur le lieu de
travail, dans les quartiers populaires et les villages et du travail
d’élaboration théorique idéologique des
bases du futur programme de la révolution socialiste en
France.
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