Un
vent révolutionnaire déstabilise les dictatures
pro-impérialistes du Maghreb et du Moyen-Orient, des têtes
tombent et les régimes au pouvoir sont fondamentalement remis
en cause. Ben Ali et Moubarak, vieux amis des puissances occidentales
et du sionisme, sont éjectés et les mobilisations
populaires se maintiennent, s’amplifient même, contre la
force des chars d’abord, contre celle des médias
bourgeois ensuite… Le peuple tunisien vient de chasser du
nouveau gouvernement de transition le premier ministre, un proche de
Ben Ali, pendant qu’à Bahreïn, au Yémen, en
Arabie Saoudite mais aussi en Algérie, au Maroc, les
gouvernements craignent aujourd’hui de plus en plus la colère
du peuple…
Ces
révolutions nous rappellent d’ores et déjà
deux vérités historiques fondamentales :
-
La volonté du peuple, quand elle est déterminée
et unie, peut venir à bout des dictatures les plus fermes en
apparence. Par la grève et par la rue, le peuple peut
changer la politique et contraindre leurs classes dominantes.
Cette vérité est précieuse, y compris chez nous,
travailleurs français qui nous sommes battus farouchement
contre la réforme des retraites ces derniers mois et qui
sommes parfois abattus ou désorientés, pour relever la
tête et passer à l’offensive à notre tour.
-
Les classes dirigeantes, lorsqu’elles sont discréditées,
affaiblies, se battent avec acharnement, par les armes, par la
propagande, par l’instrumentalisation des divisions du peuple,
mais ne tiennent pas longtemps quand la chaîne impérialiste
se disloque entre les intérêts et les stratégies
des différences puissances en ces temps de crise
profonde du capitalisme mondial.
Comme
disait Lénine : « La révolution,
c’est quand en bas on ne veut plus, et qu’en haut on ne
peut plus ».
Lutte
démocratique et révolution sociale
Acculés
à « soutenir » formellement les peuples
contre les dictateurs qu’ils ont eux-mêmes mis au
pouvoir, armés et soutenus, les bourgeoisies occidentales et
notamment française surenchérissent aujourd’hui
dans leur « soutien au changement ». Hier,
bien sûr, on nous affirmait que les régimes autoritaires
en place étaient ce qu’il y avait de mieux pour leurs
peuples et Ben Ali et Moubarak étaient presque présentés
comme de grands démocrates (leurs partis – le RCD de Ben
Ali et le PND de Moubarak – ne siégeaient-ils pas
jusqu’au bout au sein de l’Internationale Socialiste !).
Mais
ces révolutions ne peuvent être réduites à
la lutte pour les droits démocratiques : il s’agit
de révolutions qui ont objectivement un contenu social.
En
effet ces mouvements interviennent dans le contexte d’un
approfondissement de la crise mondiale du capitalisme, qui accélère
partout sur la planète la montée des prix, du chômage
et des inégalités sociales : la révolte des
peuples du Maghreb et du Moyen-Orient prolonge en fait celle des
peuples latino-américains, avant-garde des contre-offensives
anti-impérialistes antilibérales des années 1990
– 2000. Et ce vent de révolte peut très bien
traverser la Méditerranée ! La crise qui touche le
système capitaliste mondial est en effet unique même si
elle a des effets différents selon que l’on soit dans
une métropole impérialiste ou dans un pays capitaliste
dépendant comme la Tunisie.
C’est
ce risque de contagion que sent la bourgeoisie – et notamment
la bourgeoisie française - qui s’acharne d’une
part à réduire les mouvements au Maghreb et au
Moyen-Orient à leurs caractéristiques particulières
« antidictatoriales » (mais ne sommes-nous pas
nous aussi en France dans une forme de « dictature »
?) et d’autre part est à la manœuvre pour
récupérer au plus vite ces mouvements en plaçant
ses hommes dans les gouvernements de transition et en essayant
d’éviter que le mouvement révolutionnaire
s’approfondisse dans un sens anticapitaliste (ce qui donnerait
un exemple bien fâcheux à deux heures d’avion de
Paris).
Nous
assistons à des révolutions démocratiques qui
renversent les pro-consuls des impérialistes états-uniens
et européens et qui ont objectivement une dimension
anti-libérale illustrée par les grèves en cours
dans ces pays. Ces révolutions font trembler l’impérialisme
qui ne peut accepter une démocratie réelle dans un pays
dépendant. Justement parce que la démocratie réelle,
la démocratie populaire est toujours un pont vers des
évolutions ultérieures anticapitalistes.
Le
danger d’ingérence impérialiste
Les
révoltes actuelles s’inscrivent également dans un
monde où les blocs impérialistes se livrent une
concurrence acharnée pour le partage du globe et de ses
richesses en matière première. Depuis la chute du camp
socialiste il y a 20 ans l’impérialisme a retrouvé
sa logique pure un temps freiné par l’existence d’un
contrepoids à l’Est. L’impérialisme
américain tente ainsi d’utiliser les révoltes
actuelles pour affaiblir son concurrent français et derrière
lui le bloc impérialiste auquel il appartient : l’Europe
impérialiste. Il utilise pour ce faire le discours du droit à
l’autodétermination comme il l’a fait dans l’ex
Yougoslavie. Les peuples n’ont bien entendu rien à
gagner à ce changement de maître.
Les
bourgeoisies impérialistes essayent ainsi de retourner le
contexte en leur faveur. Elles essayent en particulier aujourd’hui
de profiter des révoltes en Libye pour intervenir
militairement et reprendre pied dans un pays qui possède
les plus importantes réserves de pétroles –
prouvées – du continent avec 44,3 milliards de barils,
et cela par tous les moyens possibles (concertation de l’ONU
et de l’OTAN, qui n’avait pas eu lieu ni pour la Tunisie
ni pour l’Egypte, sanctions rapidement votées,
préparatifs d'intervention militaire américaine)…
L'ingérence impérialiste
qui s'est manifestée dès le début par les
injonctions manipulatrices d’Obama, Merkel et Sarkozy lâchant
les tyrans Ben Ali et Moubarak deviennent maintenant une menace
d'intervention militaire contre Khadhafi.
L’unanimité
des puissances impérialistes contre Kadhafi, présenté
comme un nouveau Saddam Hussein à pendre haut et court, nous
rappelle les préambules habituels des guerres du
pétrole. Pourtant Kadhafi - qui s'est opposé
de nombreuses fois dans le passé aux stratégies
et plans agressifs de l'impérialisme -allait depuis 10
ans de concessions en concessions à l’impérialisme,
allant par exemple jusqu’à servir de garde-frontière
aux impérialistes italiens contre l’immigration. Et il
était devenu courtisé et fréquentable par
les puissances impérialistes (on se souvient de son
invitation par Sarkozy fin 2007). Mauvais signe... Signe d'un
pouvoir autoritaire de plus en plus coupé des masses
libyennes, comme l'illustre la crise actuelle. Mais cette situation
ne saurait justifier l'ingérence des puissances impérialistes
hypocrites et prédatrices qui veulent obtenir par une
"intervention humanitaire" ce qu'elles n'obtenaient
pas complètement d'un Kadhafi qui restait incontrôlable.
C'est au peuple libyen, et à lui seul, de décider
de son avenir, pas aux grandes puissances impérialistes et à
leurs sociétés pétrolières !
Une intervention armée serait un recul considérable
pour la lutte du peuple libyen pour ses droits sociaux et
démocratiques. Regardons l'état de l'Irak aujourd'hui.
Le
Rassemblement des Cercles Communistes manifeste son soutien
internationaliste aux peuples arabes en lutte révolutionnaire
pour l’indépendance et la démocratie véritable,
au sein de collectifs et lors des manifestations et initiatives
organisées actuellement. Elle soutient les luttes populaires
héroïques qui se développent dans ces pays, avant,
pendant, et après la destitution des dictateurs
pro-impérialistes. Faisant clairement la distinction entre les
révolutions nationales démocratiques qui déstabilisent
jusqu'à nos propres gouvernements (démission récente
de la Ministre des Affaires étrangères) et
l'instrumentalisation des luttes et des aspirations des peuples par
les puissances impérialistes (comme en Libye ou en Iran), le
Rassemblement des Cercles Communistes appelle à la vigilance
et au refus de toute intervention étrangère qui ne
pourrait conduire qu'à une nouvelle « guerre du
Golfe » génocidaire. En ce sens nous
soutenons les revendications légitimes des peuples et
combattons la propagande médiatique qui prépare les
esprits à la confiscation des révolutions populaires et
à l'intervention militaire des puissances impérialistes.
Vive
l'émancipation des peuples! A bas l'impérialisme!
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