L’élection
de Barack Hussein Obama avec un score net rendant impossible le
tripatouillage qui avait permis le premier mandat de Bush junior est
un coup de tonnerre dans le ciel des USA et du monde entier. Les
noirs aux USA, en Afrique et à travers le monde laissent
légitimement exploser leur joie. Les peuples de façon
générale, particulièrement les peuples opprimés,
soupirent de soulagement après la défaite du Bush bis
le candidat républicain Mc Cain. Le sentiment que s’éloigne
le danger d’une guerre d’agression, voire d’une
guerre mondiale plus ou moins immédiate s’installe. Le
règne du cow-boy Bush a créé partout la haine et
la peur de cette tyrannie agressive impériale US.
Pour le moment, la
crise financière et la dépression économique
indomptables, malgré les annonces d’emprunts
hypothécaires de milliers de milliards de dollars et d’euros
par les Etats impérialistes eux mêmes, insufflent la
peur et anesthésient le monde du travail abasourdi par la
découverte brutale de l’ampleur du cataclysme systémique
qui frappe la société capitaliste de consommation basée
sur le crédit et la spéculation boursière. Les
peuples se mettent à espérer naïvement une
solution indolore.
50 millions
d’Etats-uniens n’ont pas accès aux soins de santé,
la mortalité infantile atteint dans certains quartiers
populaires des niveaux que l’on retrouve en Afrique, le chômage
de masse a été remplacé par la précarité
des petits boulots insuffisants pour vivre, 12 millions de familles
américaines ne peuvent payer leur nourriture régulièrement,
3,8 millions de familles connaissent vraiment la faim, la « classe
moyenne » est paupérisée, etc.
Surfant sur un rejet
massif par les masses populaires, conséquence du désastre
social du libéralisme incarné par Bush, Obama a promis
dans sa campagne que seront à l’ordre du jour le
« changement » de la politique guerrière
de son prédécesseur et la prise en compte des
« petites gens ». Cette espérance a
fait se mobiliser les Noirs à 95%, dont beaucoup ne votaient
plus, les Hispaniques à 67%, les Asiatiques à 62%, la
quasi totalité des Amérindiens, les Blancs pauvres à
près de 50%, une proportion importante des couches moyennes
laminées par la crise et même des électeurs qui
ne cachaient pas leur racisme. Obama a aussi reçu le soutien
financier massif d’une bourgeoisie US de plus en plus aux abois
et intéressée à empêcher la mutation de la
crise économique actuelle en crise politique immédiate.
Tels sont les facteurs essentiels qui ont rendu possible l’élection
d’un Noir aux USA.
La longue marche des
Noirs vers l’égalité
Le capitalisme
états-unien s’est construit à l’intérieur
sur l’esclavage des Noirs après le génocide des
Amérindiens, puis sur la ségrégation raciale
officiellement abolie dans les années 50/60.
Au XIXème
siècle le président Abraham Lincoln avait proclamé
l’abolition de l’esclavage sous la pression du mouvement
abolitionniste dirigé par l’ex-esclave Frederick
Douglass et face à la nécessité d’enrôler
les Noirs dans l’armée nordiste pour triompher du sud
sécessionniste. A cette époque le capitalisme
industriel US avait besoin de main d’œuvre qu’il ne
pouvait trouver qu’en émancipant les esclaves noirs des
propriétés foncières agricoles du Sud.
Mais une fois les
sécessionnistes vaincus, après l’assassinat de
Lincoln en 1865, les capitalistes mirent fin à l’alliance
objective entre les industriels du Nord et les esclaves libérés
du Sud en rendant leurs terres aux propriétaires fonciers
plutôt que de les partager entre les Noirs affranchis et les
Blancs pauvres et redonnèrent le pouvoir politique aux ennemis
bourgeois agrariens d’hier de la Confédération
sudiste.
Les Noirs qui
avaient profité de leur nouveau statut d’hommes libres
et de citoyens pour élire leurs représentants aux
différents postes électifs durent faire face à
l’action terroriste du Ku Klux Klan qui imposa les mesures
ségrégationnistes Jim Crow et Black codes. La Cour
suprême des États-Unis institutionnalisa l’apartheid
avec l’arrêt Plessy v. Ferguson en 1896 qui
légalisa des institutions « séparées mais
égales ».
Dans les années
1950 et 1960, un des effets de la grande guerre libératrice
anti-raciste et antifasciste dirigée par l’URSS contre
le nazisme a été le développement d’un
vaste mouvement populaire pour l’égalité sous la
direction de figures comme Martin Luther King et Malcom X. C’est
cette lutte anti-raciste qui conduisit en 1954 à l’arrêt
Brown v. Board of Education of Topeka de la Cour suprême
qui jugea anti-constitutionnelle la pratique des écoles
séparées. S’appuyant sur cet arrêt, un
groupe dirigé par Martin Luther King organise en 1955, autour
de l’arrestation de l’ouvrière Rosa Parks (pour
avoir refusé de céder sa place à un homme Blanc
dans un autobus de Montgomery), un boycott du système de
transport de la ville qui dura 381 jours et propulsa Martin Luther
King à la tête du mouvement des droits civiques.
Tout le long de ces
années, le mouvement des droits civiques prit une ampleur
considérable dans le sud des Etats-Unis avec des sit-in, des
manifestations, des affrontements avec les forces de l’ordre
des États du sud. La télévision nouvellement
entrée en scène transmet à travers les
Etats-Unis et le monde entier les images de manifestants apôtres
de la non-violence attaqués par des chiens policiers, par les
jets puissants des arrosoirs et ainsi réprimés
violemment.
En pleine guerre
froide et en pleine mobilisation anti-coloniale des peuples opprimés,
Kennedy, chef de fil du camp capitaliste, ne pouvait que constater
l’impact négatif qui profitait à l’URSS de
ces images de répression raciste, particulièrement en
Afrique auprès des leaders et des populations d’États
nouvellement indépendants. Le gouverneur de l’État
de New York, le milliardaire Nelson Rockefeller, qui visait
l’investiture républicaine à l’élection
présidentielle de 1964, appuya financièrement le
mouvement des droits civiques. Son grand-père, le riche magnat
du pétrole, avait financé la construction d’un
campus pour les Noirs à Atlanta où Martin Luther King a
fait ses études. C’est donc presque contraint et forcé
que John Kennedy proposa l’adoption du Civil Rights Bill qui
invalida les lois Jim Crow et la discrimination raciale. Mais comme
on le sait, Kennedy est assassiné en 1963 et il reviendra au
président Johnson de faire adopter la loi en 1964. Profitant
de l’état de grâce consécutif à
l’assassinat de Kennedy, L. B. Johnson gagne avec 61% des
suffrages, et rompant, avec la traditionnelle soumission au parti
républicain, 96 % des Noirs lui accordèrent leurs
votes.
Le mouvement
anti-raciste a été, on s’en souvient, le fer de
lance de l’opposition à la guerre du Vietnam. La marche
organisée en mars 1965 entre Selma – où à
peine 1% des habitants noirs pouvait voter – et Montgomery fut
marquée par des affrontements entre les manifestants d’une
part et les forces de l’ordre sudistes plus les racistes blancs
d’autre part («dimanche sanglant » 7 mars
65) . Pour la première fois, cette marche réunissait
des Noirs et des Blancs de toutes les régions des Etats-Unis.
Elle forcera l’adoption du Voting Rights Act, qui rendait
illégales les pratiques électorales discriminatoires en
vigueur dans le sud. Le mouvement pour les droits civiques prenait
une ampleur en se répandant dans les villes du Nord où
des émeutes éclatèrent en liant lutte contre la
pauvreté et lutte contre la guerre du Vietnam.
C’est une
époque où le mouvement noir est traversé par des
dissensions entre « révolutionnaires et
réformistes », entre radicaux et modérés.
Martin Luther King qui incarne l’aile modérée est
pour « l’intégration » tout en
étant opposé à la guerre du Vietnam. Malcom X
incarne le courant radical qui réfute l’idée même
« d’intégration » et adhère
aux idées du nationalisme noir. Le Black Panther Party, fondé
au Mississipi comme parti politique radical se transforme une fois
implanté dans les villes du Nord en organisation
d’auto-défense active des Noirs.
L’opposition
entre Martin L. King et Malcom X, qui seront tous les deux assassinés
par l’impérialisme US, recoupe pour l’essentiel
les divergences entre le panafricanisme prôné par Garvey
de « retour en Afrique » et celui de Dubois
« d’intégration à la nation
américaine ».
Martin Luther King
partisan de l’intégration à la « nation
américaine », s’inspirant de l’expérience
de l’alliance des Noirs et des Blancs pauvres au sein du
People’s Party à la fin du XIXe siècle,
s’engagea dans la mise en place d’une nouvelle
coalition en alliance avec les Indiens et les immigrants. Il organisa
un sommet avec 78 leaders non-noirs et planifia, en prenant appui sur
la grève des éboueurs de Memphis, d’organiser une
marche sur Washington pour la justice sociale, contre la pauvreté
et la guerre au Vietnam. C’est au cours des ces préparatifs
qu’il sera assassiné à Memphis le 4 avril 1968.
Retenons que toute
cette lutte anti-ségrégationniste pour l’égalité
des droits engendra l’avènement d’une « couche
moyenne », voire d’une bourgeoisie noire intégrée
à l' « American Way of Life ».
Aujourd’hui,
dans un contexte de crise systémique du capitalisme, Barack
Obama apparaît à nouveau comme incarnant le rêve
intégrateur de Martin Luther King. À la tête
d’une nouvelle coalition démocrate et populaire jusqu’à
un certain point, il a affronté directement sur le terrain
électoral la droite républicaine qui n’a jamais
accepté les Civil Rights Act et Voting Rights Act et qui
multiplie les obstacles au vote des Noirs avec des moyens
sophistiqués, notamment la radiation systématique des
électeurs noirs des listes, dignes des Black Code et des
législations Jim Crow.
Les deux piliers
du capitalisme US : exploitation de classe et oppression raciale
Des chiffres, tirés
du Courrier international N°812 du 24 au 31 mai 2006,
éclairent sur la gravité du désastre social
raciste du capitalisme US :
Sur le plan social :
« Plus de la moitié des hommes noirs élevés
dans les quartiers défavorisés des centres-villes n’ont
pas terminé leurs études secondaires. (…).
En 2000, 65% des hommes âgés de 22 à 30 ans et
n’ayant pas terminé leurs études secondaires
étaient sans emploi, soit qu’ils n’aient pu en
trouver un, soit qu’ils n’en aient pas cherché,
soit qu’ils soient incarcérés. Or ce taux est
passé à 72% en 2004 (il était de 34% pour les
Blancs et de 19% pour les Latinos se trouvant dans des situations
comparables). Le taux d’incarcération des Noirs a
augmenté alors même que le taux de criminalité a
baissé. (…) Aggravation également de la
situation des hommes noirs de 22 à 30 ans ayant terminé
le lycée : 50% d’entre eux étaient sans
emploi en 2004, contre 46% en 2000. (…) Le taux
d’incarcération a grimpé au fil des années
1990, pour atteindre des sommets historiques : 24% des hommes
noirs non étudiants âgés de 22 à 30 ans
étaient en prison en 2004, contre 19% en 1995. (…)
Pas moins de six hommes noirs sur dix n’ayant pas terminé
ses études secondaires ont déjà fait la prison à
l’âge de 15 ans. Environ la moitié des Noirs âgés
de 25 à 35 ans et n’ayant pas fait d’études
supérieures ont des enfants dont ils n’ont pas la garde.
(…) A Detroit, le chômage se chiffre à 14,1%
soit le double de la moyenne nationale. Environ 1/3 de la population
vit en dessous du seuil de pauvreté et la ville est à
82% noire. Dans le Comté d’Oakland de l’autre
côté, habité à 83% par les Blancs,
le revenu moyen des foyers y est 2 fois supérieur à
celui des résidents du sud. Detroit est divisée entre
Blancs et Noirs. Dans les années 50, Detroit comptait 2
millions d’habitants. Il y en a 900.000 aujourd’hui ;
après les émeutes raciales de 1967, des centaines de
milliers de Blancs sont partis refusant de cohabiter avec des Noirs
émancipés par le mouvement des droits civiques. La mort
lente de l’industrie automobile a entraîné la
disparition de la classe ouvrière traditionnelle et la ville
est parsemée d’immenses usines désertes et
abandonnées, mais occupées par 13.000 sans abri.
(…) » Le Sida : « 25 ans après
la découverte du premier cas d’infection par le VIH aux
USA, si les Noirs représentent 13% de la population totale,
ils comptent pour 51% des nouveaux cas d’infection – Le
virus touche 7 fois plus les hommes noirs que les hommes blancs,
tandis que le taux d’infection des femmes noires est 20 fois
supérieur à celui des femmes blanches… ».
Comme le démontre
Angela Davis dans son dernier ouvrage (Les Goulags de la
démocratie, 2007), la prison est devenue aux USA la
première ‘Agence Nationale Pour l’Emploi’
(ANPE) pourvoyeuse d’employés sous payés. Selon
le Département de la Justice, le nombre total de prisonniers
aux Etats-Unis (incluant les détenus des prisons fédérales,
des prisons d’État, des prisons locales, des prisons
militaires, des prisons indiennes, etc.) a atteint en 2006 le chiffre
de 2 385 213 personnes. À ceux-là doivent être
ajoutés 5 035 225 personnes placées sous contrôle
judiciaire. Le total de cette population correctionnelle du «
pays de la Liberté, de la plus grande démocratie au
monde », soit 7 420 438 personnes, représente 3,2 % de
la population adulte, record du monde absolu. Il s’agit d’une
augmentation considérable depuis le 11 Septembre 2001 et le
vote de l’USA Patriot Act, en moyenne de 2 % par an. Ces
chiffres ne tiennent pas compte des prisonniers étrangers
détenus par les États-Unis hors de leur territoire
(Guantanamo, Bagram et autres prisons secrètes de la CIA). Et
bien sûr les Noirs représentent 13% de la population
mais près de 50% de la population carcérale.
Toutefois ces
dernières années est en train d’émerger
aux USA, en plus de la question noire, celle des Hispaniques. C’est
ainsi qu’après le « choc des
civilisations », dans lequel il prédisait, tout
en le préconisant, un affrontement entre les civilisations
chrétienne et musulmane, l’un des théoriciens de
l’impérialisme US, Samuel P. Huntington, s’est mis
à s’interroger sur « Qui sommes-nous ?
Identité nationale et choc des cultures ».
Selon Huntington le choc des civilisations existe aussi à
l’intérieur même des Etats-Unis et menace
l’identité états-unienne ramenée à
trois éléments : « race blanche,
langue anglophone, religion protestante ».
L’émigration latino-américaine et sa fécondité
de 3% contre 1,8% pour les « white »
remettent en cause la dite « identité » :
« L’immigration mexicaine, s’inquiète
Huntington, mène actuellement à une reconquista
démographique de territoires que les Américains avaient
enlevés au Mexique par la force » (la guerre
entre le Mexique et les Etats-Unis en 1846-1848). Tout comme la
crainte séculaire de l’impérialisme états-unien
d’un « Québec noir » pour
les Noirs majoritaires dans la Black Belt, à travers
Huntington, le capitalisme US craint maintenant la formation d’un
« Québec hispanophone » dans le
sud-ouest états-unien. Dix des douze villes importantes
situées du côté états-unien de la
frontière mexicaine, précise Huntington, sont
hispaniques à plus de 75 % (six d’entre elles le sont à
plus de 90 %). Mais le plus grave, déplore Huntington, c’est
que les Mexicains ne veulent pas devenir Américains! La preuve
: entre 66 % et 85 % d’entre eux insistent sur la nécessité
pour leurs enfants de parler couramment l’espagnol qui de fait
est aujourd’hui la seconde langue aux USA. Le droit à
l’autodétermination de la nation en constitution
Chicanos, au Nouveau Mexique notamment, a trouvé une
expression politique avec la formule intégrationniste « nous
sommes aussi l’Amérique » qui met l’accent
sur l’égalité des droits, étape vers le
droit à la séparation.
Notons qu’Obama,
qui pour la première fois dans une campagne électorale
américaine a diffusé des messages en espagnol à
destination des Hispaniques, a aussi dans son programme « la
fermeture des frontières » et la mise en place
d’une taxe à payer - doublée de l’apprentissage
de la langue anglaise - pour obtenir que les immigrants déjà
sur place puissent obtenir la régularisation. Obama va t-il
résister aux sirènes bourgeoises d’un racisme
anti-immigré et anti-hispanique ?! Et l’égalité
des « races » qu’il prône à
l’intérieur des USA sera t-elle étendue aux
peuples d’Amérique Latine, aux autres peuples opprimés,
notamment d’Afrique ?!
Ces données
non exhaustives indiquent que le capitalisme US s’est construit
à la fois sur la base de l’exploitation de classe et de
l’oppression raciale et nationale. C’est ce que notait
fort justement déjà au XIXème siècle Karl
Marx concernant l’Angleterre et les Etats Unis: « L’Angleterre
a maintenant une classe ouvrière scindée en deux camps
ennemis: prolétaires anglais et prolétaires irlandais.
L’ouvrier anglais ordinaire déteste l’ouvrier
irlandais comme un concurrent qui abaisse son niveau de vie. Il se
sent à son égard membre d’une nation dominatrice,
devient, de ce fait, un instrument de ses aristocrates et
capitalistes contre l’Irlande et consolide ainsi leur pouvoir
sur lui même. Des préjugés religieux, sociaux et
nationaux le dressent contre l’ouvrier irlandais. Il se conduit
envers lui à peu près comme les « Blancs
pauvres » envers les Noirs dans les anciens états
esclavagistes de l’Union américaine. L’Irlandais
lui rend la pareille largement. Il voit en lui à la fois le
complice et l’instrument aveugle de la domination anglaise en
Irlande. Cet antagonisme est entretenu artificiellement et attisé
par la presse, les sermons, les revues humoristiques, bref par touts
les moyens dont disposent les classes au pouvoir. Cet antagonisme
constitue le secret de l’impuissance de la classe ouvrière
anglaise, en dépit de sa bonne organisation. C’est aussi
le secret de la puissance persistante de la classe capitaliste, qui
s’en rend parfaitement compte » (Marx à
S. Meyer et A. Vogt-in Marx-Engels, Correspondances).
La division raciste
de la société a été « le
secret de l’impuissance » de la classe ouvrière
états-unienne parce qu’elle a servi à recouvrir
d’un voile épais et diviseur la lutte de classe des
ouvriers contre leurs patrons. Et voilà que confronté à
la plus grave crise économique et sociale depuis 1929, le
système capitaliste états-unien fait appel à un
représentant de l’élite bourgeoisie noire pour
tenter d’éviter une crise politique majeure pouvant
mettre en péril la dictature de classe de la grande oligarchie
bourgeoise.
La IIIème
Internationale Communiste
a analysé, dès 1928, la dimension mondiale du pilier de
l’oppression raciale et nationale organisée, édifiée
par l’impérialisme : «La
question noire aux Etats-Unis doit être traitée en
relation avec les questions et les luttes des Noirs dans d'autres
parties du monde. La race noire est une race opprimée partout.
Qu'elle constitue une minorité (Etats-Unis, etc.), une
majorité (Afrique du Sud) ou qu'elle habite un soi-disant état
indépendant (Libéria, etc.), les Noirs sont opprimés
par l'impérialisme. Ainsi, un intérêt commun est
établi pour une lutte révolutionnaire de libération
raciale et nationale contre la domination impérialiste des
Noirs dans les diverses régions du monde»
(Résolutions du CEIC et de la Commission Noire, 1928 et 1930).
Il est essentiel de
comprendre l'importance pour le développement de la lutte de
classe de ce que Karl Marx disait : «les travailleurs à
la peau blanche ne peuvent s'émanciper là où les
travailleurs à la peau noire sont marqués au fer
rouge ». La marque au fer rouge imprégnée
dans la peau des peuples noirs par le système impérialiste
à travers le système bien développé
d'oppression nationale et raciale les placent au bas de l’échelle
sociale et nationale, affaiblit, divise et empêche la lutte
commune de tout le prolétariat international. La lutte contre
l'asservissement des travailleurs à la peau noire mine tout le
système chauvin et raciste parce que si le racisme et le
chauvinisme contre les Noirs sont vaincus alors toutes les prémisses
du chauvinisme et du racisme sont minées pour tous les autres
peuples opprimés et tout le système idéologique
impérialiste séculaire du national-chauvinisme et du
racisme s'effondre.
Si donc le choix
d’Obama par le grand capital US obéit à un plan
de sauvetage politique immédiat imposé par la crise du
système capitaliste, objectivement à moyen et long
terme, le second pilier sur lequel repose le capitalisme US –
le racisme – prend un coup dont l’onde de choc
stratégique va favoriser le rapprochement et l’unité
des prolétaires états-uniens au delà de la
‘race’, de la couleur, de la religion et des origines.
Vers un large
développement de la contradiction capital – travail
Ainsi confrontée
à une paupérisation aggravée due à la
crise du système capitaliste et à l’affaiblissement
en cours de la puissance impériale US, chaque classe sociale
aux USA, sans en être forcément consciente, a utilisé
la candidature d’Obama pour exprimer ses intérêts
de classe. L’ouvrier blanc qui déclare avoir « voté
pour le nègre » est encore imbu des préjugés
racistes hérités de siècles d’oppression
raciale et de division raciste de la société US, mais
il vote quand même Obama parce que ses intérêts de
classe l’y poussent objectivement. Les minorités noires,
hispaniques, asiatiques, amérindiennes se sont saisis du vote
Obama pour se « venger » des siècles
d’oppression raciale et nationale subis.
Il n’y a que
le raisonnement social-démocrate trotskiste nihiliste qui peut
empêcher de discerner le sens historique, mais aussi la portée
d’avenir que constitue le vote Obama d’aujourd’hui.
Bien sûr le capitalisme ne tombera pas de son arbre comme un
fruit mûr, il faudra qu’agisse le facteur subjectif,
l’action consciente organisée du parti communiste des
USA ; lequel, en s’impliquant dans la campagne Obama, a
quasi doublé son nombre d’adhérents.
Lénine
enseignait qu’il y a une dialectique entre la lutte pour les
réformes démocratiques et la lutte pour le socialisme.
La ségrégation, l’apartheid, le racisme ont été
utilisés par la bourgeoisie pour maintenir sa domination de
classe tout le long de l’histoire du capitalisme mondial,
principalement US. L’heure arrive où ce second pilier de
la dictature de classe du capital va perdre peu à peu de sa
force, de sa vitalité, de son efficacité.
En contraignant la
bourgeoisie US à choisir un président noir dans
l’espoir de sauver pour un temps le capitalisme états-unien
en crise et tenter de lui garder sa position hégémonique
au plan mondial, l’histoire est, peut être, en train de
jouer un tour dont elle seule a le secret. Comme pour les profits,
les capitalistes sont inexorablement attirés par la plus value
immédiate. Nous les communistes devons avoir en vue l’intérêt
général du prolétariat aux USA et dans le monde
tout en gardant la vision à long terme fondée sur
l’unité entre le mouvement objectif et le but final. En
effet le vote Obama émane de toutes les classes et couches
sociales, principalement le monde du travail sans distinction de
‘race’, d’origine, de religion, de langue, qui dans
l’urne ont manifesté chacune leur besoin d’en
finir avec leurs souffrances, conséquences dramatiques de
plusieurs décennies d’offensive libérale et
conservatrice :
En 2002, le nombre
de pauvres était passé à 34,6 millions, soit
plus de 12% de la population. Plus de 40 millions d'Américains,
soit 15% de la population, n'ont pas d'assurance maladie-invalidité.
Les USA comptent plus de 3 millions de sans-abri. Treize
millions de jeunes, soit plus de 10% des mineurs d'âge, sont
sans toit. En 1997/98 lors de la « crise asiatique »
plus de 80% des réserves de devises de la planète
étaient en dollars. Fin 2007, 63,8% des réserves de
devises dans le monde étaient en dollars contre 66,5% un an
plus tôt. Sur la même période, la part de l’euro
est passée de 24,4% à 26,4%. La perte d’influence
du dollar est telle qu’au rythme actuel la part de l’euro
serait de 30% vers 2010/12 et la banque Morgan Stanley estime même
que vers 2015 le dollar ne représenterait plus que la moitié
des réserves de devises mondiales. Aux
États-Unis, la crise des subprimes
ne touche pas que les institutions
bancaires et les fonds de placement : elle atteint désormais
les États fédérés. La chute des revenus
des taxes foncières s’ajoute à une faiblesse
structurelle des ressources des États fédérés,
trop longtemps adeptes des théories libérales de
baisses des impôts des riches. Résultat, le
déficit cumulé de 13 États fédérés
(Arizona, Californie, Caroline du Sud, Floride, Kentucky, Maine,
Massachusetts, Minnesota, Nevada, New Jersey, New York, Rhode Island
et Virginie) a atteint au moins 23 milliards de dollars en 2008 et la
crise s’étendra progressivement à d’autres
États en 2010 (Alabama, Illinois, Maryland, Michigan,
Missouri, Ohio, Oklahoma, Texas, Vermont et Wisconsin).
Dans le Financial
Times, le Pr Jeffrey Garren, spécialiste de la finance et du
commerce à la Yale School of Management est ainsi obligé
d’expliquer : « Il faut sans doute se rendre
à l’évidence, nous assistons à la fin de
la vague libérale déclenchée par Margaret
Thatcher et renforcée par Ronald Reagan dans les années
1980. Au lieu de déréglementer et de privatiser, les
Etats s’efforcent de reprendre le contrôle de leurs
économies et par là même d’accroître
leur influence sur le reste du monde. Un vent mauvais s’est
levé (…). A la fin du XVIIIème siècle, le
capitalisme a remplacé le féodalisme. Au XXème
siècle, la liberté des marchés a remporté
la mise. Aujourd’hui, le monde flirte avec une autre grande
transformation de la philosophie et des règles du commerce
mondial. Contrairement aux changements du passé, cette
nouvelle trajectoire ne constitue pas un progrès »
(Courrier International , N°899 du 24 au 30/01/08) .
Bref, en un mot, le
capitalisme cowboy californien représenté par Bush père
et junior s’est lancé dans un projet néo-libéral
de domination mondiale qui a ruiné en même temps la
puissance ‘impériale’ US. Les capitalistes de la
côte est – la Trilatérale représentés
aujourd’hui par le parti Démocrate social-libéral
- prennent le relais avec les mêmes objectifs de préservation
de la domination mondiale US. Sauf que, tant à l‘intérieur
qu’à l’extérieur, les attentes sociales et
de paix du peuple états-unien et du monde entier sont
immenses, se sont traduites dans les urnes par le vote Obama et
peuvent pousser à prolonger « l’insurrection
dans les urnes » par l’insurrection tout court
dépendamment du facteur subjectif.
Il y a cent
cinquante ans, vers 1858, dans une allocution pour le jubilé
du journal ouvrier The People’s Paper sur la dialectique, Karl
Marx faisait cette analyse qui trouve aujourd’hui un écho
singulier : « A notre époque chaque chose
semble grosse de son propre contraire. Nous voyons les machines, qui
possèdent la force merveilleuse de réduire et de rendre
plus fécond le travail humain, en faire une chose rabougrie
qu’elles consument jusqu’à épuisement. Par
un étrange maléfice, les nouvelles sources de richesse
se transforment en autant de sources de misère. On dirait que
les conquêtes de la science doivent être payées du
renoncement à tout ce qui a du caractère. Même la
pure lumière de la science ne peut apparemment briller que sur
le sombre fond de l’ignorance ». La
contradiction de base de l’époque de l’impérialisme
est celle entre la socialisation mondialisée de la production
et l’appropriation privée mondialisée des
richesses produites par le travail. C’est sur ce fondement là
que se manifestent sous des formes de plus en plus brutales toutes
les autres contradictions de l’impérialisme :
capital/travail, impérialisme/peuples opprimés,
capitalisme/socialisme.
Empêtré
dans de telles contradictions à une échelle jamais
atteinte auparavant dans l’histoire, le capitalisme US par
l’élection d’Obama tente de se parer d’un
plumage et un ramage clinquant et voyant pour duper encore une fois
les peuples. Mais le simple fait d’être obligé
d’en arriver là signifie une certaine accélération
de la décadence parasitaire de l’impérialisme.
Pour comprendre ce
bouleversement qui est survenu dans le pays capitaliste le plus
puissant, puissance qui a pris la tête de la croisade
impérialiste qui a vaincu le premier Etat socialiste au monde,
l’URSS, événement que chaque bourgeoisie au monde
essaye d’interpréter et de récupérer à
sa façon, il faut absolument garder à l’esprit
cet enseignement magistral de Karl Marx : « Les
hommes font leur propre histoire, mais ils ne la font pas de plein
gré, dans des circonstances librement choisies; celles-ci, ils
les trouvent au contraire toutes faites, données, héritage
du passé. La tradition de toutes les générations
mortes pèse comme un cauchemar sur le berceau des vivants. Et
au moment précis où ils semblent occupés à
se transformer eux mêmes et à bouleverser la réalité,
à créer l’absolument nouveau, c’est
justement à ces époques de crise révolutionnaire
qu’ils évoquent anxieusement et appellent à leur
rescousse les mânes des ancêtres, qu’ils empruntent
noms, mots d’ordre, costumes, afin de jouer la nouvelle pièce
historique sous cet antique et vénérable
travestissement et avec ce langage d’emprunt »
(Le 18 Brumaire de Louis Bonaparte). En effet, les humains et
les classes sociales agissent sous le coup des nécessités
de la lutte de classe, du rapport des forces de classe, du niveau
d’organisation et du degré de conscience politique. Ces
propos de Marx se rapporte au XIXème siècle, période
de transition du féodalisme au capitalisme en Europe.
Karl Marx nous
décline les différentes formes politiques, les
différentes postures politiques prises par le processus de la
révolution bourgeoise antiféodale tout le long du
XIXème siècle : « C’est ainsi
que Luther prit le masque de l’apôtre Paul, que la
Révolution de 1789-1814 se déguisa alternativement en
République romaine et en Empire romain, et que la Révolution
de 1848 ne sut rien faire de mieux que de parodier tantôt 1789,
tantôt la tradition révolutionnaire de 1793-1795. Il en
est ainsi du débutant qui, ayant appris la langue nouvelle, la
retraduit toujours en sa langue maternelle, mais il n’aura
assimilé l’esprit de la langue apprise et ne pourra
créer librement dans celle-ci que le jour où il saura
s’y mouvoir sans nul ressouvenir et oubliera, en s’en
servant, sa langue d’origine. (…) Camille
Desmoulins, Danton, Robespierre, Saint-Just, Napoléon, les
héros, ainsi que les partis et les masses de l’ancienne
Révolution française, accomplirent sous le costume
romain et avec des phrases romaines la tâche de leur temps :
l’émancipation et la création de la société
bourgeoise moderne. (…) Et ses gladiateurs trouvèrent
dans les austères traditions classiques de la République
romaine les idéaux et les formes d’art, les illusions
dont ils avaient besoin pour se dissimuler à eux-mêmes
le contenu étroitement bourgeois de leurs luttes et maintenir
leur passion à la hauteur de la grande tragédie
historique » (idem).
Il en est
aujourd’hui de même à notre époque, époque
de l’impérialisme stade suprême du capitalisme
parasitaire et décadent, époque de transition du
capitalisme agonisant au socialisme, étape vers le communisme.
Si l’impérialisme US essaye d’utiliser le masque
de la « République démocratique romaine »
pour le mettre au service de « l’empire »,
Obama, c’est aussi le « costume » que
portent aujourd’hui la classe ouvrière et les minorités
nationales états-uniens dans la phase actuelle de la lutte des
classes et du rapport des forces actuelles.
Du monde unipolaire
à un monde multipolaire, étape vers la révolution
socialiste
A l’échelle
mondiale, la victoire d'Obama à la tête d’une
puissance affaiblie est aussi le reflet d'un éclatement du
monde unipolaire dominé par les USA. En effet les USA
puissances hégémoniques perdent peu à peu leur
pouvoir sur le monde. Ce facteur externe constitue une donnée
nouvelle qui participe du processus d’affaiblissement du chef
de fil du monde capitaliste qui encerclait l’URSS jusqu’à
sa mort en 1991. De nouvelles puissances émergent –
Chine, Inde, Russie, Brésil – et prennent une place de
plus en plus importante dans l’économie mondiale. Ces
pays utilisent tous, à des degrés divers, le
capitalisme d’état pour se développer. Ces pays
connaissent des taux de croissance élevés de leur
richesse pendant que la croissance s’effondre dans les pays de
l’Union Européenne et aux USA.
L’hégémonie
occidentale, principalement états-unienne, s’effrite
donc sous les coups conjugués de l’avènement
économique, politique et géostratégique sur la
scène mondiale de la Chine, de l’Inde, de la Russie, du
Brésil, de l’Iran, de la Corée du Nord, des
défaites militaires subies par les USA en Irak et en
Afghanistan et de la crise de surproduction qui mine le système
impérialiste.
La Chine, ancienne
semi-colonie et pays anciennement semi-féodal, a fait une
révolution anti-impérialiste, anti-féodale et
anti-coloniale en 1949 sous la direction du Parti Communiste (PCC)
avant de s’intégrer dans le camp socialiste né de
la victoire de l’URSS, dirigée par Joseph Staline,
successeur de Lénine, contre le monstre impérialiste
nazi. La Chine dirigée par le Parti Communiste Chinois (PCC) a
d’abord bénéficié de l’apport de
l’URSS pour développer son industrie lourde, puis
applique, depuis la fin des années 70, une politique
économique de « capitalisme d’état »
qui a accéléré sa croissance économique :
ouverture ciblée aux délocalisations des entreprises à
faible composition organique du capital, maîtrise des
transferts technologiques qui font du pays un des ateliers du monde
et investissements sur les marchés extérieurs de fonds
souverains, c'est-à-dire de capitaux d’état.
Force est de
constater que la Chine sous direction du PCC, mais aussi les autres
pays véritablement émergents utilisent le capitalisme
d’état pour se développer sans, pour l’instant,
réduire les autres pays en colonies ou rendre esclaves les
autres peuples. On retrouve donc certaines caractéristiques de
la stratégie de développement économique de la
Chine en Inde, en Russie, au Brésil. Leur développement
économique ronge les griffes acérées des
brigands impérialistes occidentaux plantées dans les
corps déchiquetés des peuples et pays opprimés.
Et sur le plan politique, le Conseil de Sécurité de
l’ONU, instrument jusqu’ici de l’assujettissement
des pays et des peuples par les USA et l’UE, est maintenant
traversé par une opposition grandissante de la Chine et de la
Russie.
Les nationalisations
des secteurs stratégiques, les résistances politiques
et les alliances économiques comme l’Alternative
Bolivarienne pour les Amériques (ALBA) anti-libérales
et anti-impérialistes du Venezuela de Chavez, de la Bolivie de
Morales, de l’Equateur de Corréa, du Nicaragua d’Ortéga,
etc., dans le sillage de l’héroïque combat
historique du Cuba des frères Castro, minent aussi la mainmise
états-unienne sur l’Amérique du Sud. Notons à
ce propos les lettres cinglantes de protestation des présidents
Evo Morales et Raphaël Corréa contre les lois, les
directives racistes prises par les Etats de l’UE contre les
travailleurs étrangers qui travaillent dans les pays
européens : l’UE vient en effet d’adopter
le 18 juin 2008, par un vote du parlement européen, une loi
qui permet d’emprisonner un sans-papier même mineur pour
18 mois avec en prime une interdiction de séjour dans les
territoires européens de 5 ans ; et, sous la présidence
française de l’UE, ces mêmes Etats européens
ont osé organiser un sommet à Vichy, capitale du
pétainisme collaborateur avec l’occupant nazi et
responsable de la déportation notamment des Juifs, des
Communistes et des Résistants entre 1940 et 1944, pour
harmoniser les mesures racistes et xénophobes à
l’échelle de l’Union Européenne.
Dans ces pays
d’Amérique latine, on peut constater aussi le rôle
économique stratégique de l’Etat pilotant une
économie que nous pouvons ainsi qualifier de capitalisme
d’état. Dans les années 90 dans le prolongement
de la défaite du socialisme, de l’URSS, l’offensive
idéologique de l’impérialisme triomphant imposa
la pensée unique libérale. On assiste à un
retournement de situation qui force même les impérialistes
les plus libéraux à faire appel à l’Etat,
à l’épargne nationale, aux contribuables à
travers des « nationalisations » pour
sauver les banques, les Monopoles capitalistes, le capital financier
de la débâcle.
Tous ces
« capitalismes d’état » qui
servent des objectifs différents posent donc la question du
« capitalisme d’état » en
tant que phase historique actuelle en contradiction avec le
capitalisme privé. Dans un texte peu connu de Lénine
intitulé « Sur l’infantilisme ‘de
gauche’ et les idées petites bourgeoises »
(mai 1918), voici ce que dit Lénine à propos du
« capitalisme d’état » :
« Nous ne savons pas organiser nos propres forces pour
la surveillance, charger un directeur ou un contrôleur
bolchevik de surveiller, disons, une centaine de saboteurs qui
viennent travailler chez nous. Dans cette situation, lancer des
phrases telles que ‘la socialisation la plus résolue’,
‘l’écrasement’, ‘briser
définitivement’, c’est se mettre le doigt dans
l’œil. Il est typique, pour un révolutionnaire
petit-bourgeois, de ne pas remarquer qu’il ne suffit pas au
socialisme d’achever, de briser, etc. ; cela suffit au
petit propriétaire exaspéré contre le grand,
mais le révolutionnaire prolétarien ne saurait tomber
dans une pareille erreur. (…) Or, ils (nos communistes de
gauche) n’ont pas songé que le capitalisme d’état
serait un pas en avant par rapport à l’état
actuel des choses dans notre République des soviets. (…)
Aucun communiste non plus n’a nié, semble t-il, que
l’expression de République socialiste des Soviets
traduit la volonté du pouvoir des soviets d’assurer la
transition au socialisme, mais n’entend nullement signifier que
le nouvel ordre économique soit socialiste. Mais que signifie
le mot transition ? Ne signifie t-il pas, appliqué à
l’économie, qu’il y a dans le régime en
question des éléments, des fragments, des parcelles, à
la fois de capitalisme et de socialisme ? Tout le monde en
conviendra. Mais ceux qui en conviennent ne se demandent pas toujours
quels sont précisément les éléments qui
relèvent de différents types économiques et
sociaux qui coexistent en Russie. Or, là est toute la
question. Enumérons ces éléments : 1)
l’économie patriarcale, c’est à dire dans
une très grande mesure, l’économie naturelle
paysanne ; 2) la petite production marchande (cette rubrique
comprend la plupart des paysans qui vendent du blé) ; 3)
le capitalisme privé ; 4) le capitalisme d’état ;
5) le socialisme. La Russie est si grande et d’une telle
diversité que toutes ces formes économiques et sociales
s’y enchevêtrent étroitement. Et c’est ce
qu’il y a de particulier dans notre situation. (…) Ce
n’est pas le capitalisme d’état qui est ici aux
prises avec le socialisme, mais la petite bourgeoisie et le
capitalisme privé qui luttent, au coude à coude, à
la fois contre le capitalisme d’état et contre le
socialisme. La petite bourgeoisie s’oppose à toute
intervention de la part de l’Etat, à tout inventaire, à
tout contrôle, qu’il émane d’un capitalisme
d’état ou d’un socialisme d’état ».
Cet enseignement de
Lénine interdit toute conclusion hâtive et non
scientifique tendant à disqualifier les expériences
actuelles de développement fondées sur le capitalisme
d’état d’ex-pays du camp socialiste qui ont
résisté à la déferlante
contre-révolutionnaire bourgeoise comme la Chine, le Vietnam,
Cuba, la Corée du Nord et les nouvelles expériences du
Venezuela, de l’Equateur, du Nicaragua, etc. Expériences
qui sont nées de la matrice qu’a constituée la
Révolution bolchevique d’Octobre 1917.
Ces expériences
en cours, étapes vers la transformation socialiste de
l’humanité, sont les antithèses actuelles de ce
que l’humanité est tout simplement en train de
re-découvrir à l’occasion de la crise de
surproduction actuelle du système capitaliste et que K. Marx
expliquait au XIXème siècle dans son ouvrage magistral
le Capital : "Le capital a horreur de l'absence de
profit. Quand il flaire un bénéfice raisonnable, le
capital devient hardi. A 20% il devient enthousiaste; à 50% il
est téméraire; à 100% il foule au pied toutes
les lois humaines et à 300% il ne recule devant aucun
crime..." (Le Capital).
Les peuples et les
travailleurs expérimentent dans la douleur le capitalisme
« re-mondialisé », débarrassé
pour l’instant du socialisme vainqueur dans un pays ou un
groupe de pays et miné par ses propres contradictions au point
que comme l’enseigne Lénine : « l’impérialisme
a développé les forces productives au point que
l’humanité n’a plus qu’à passer au
socialisme ou bien à subir pendant des années et même
des dizaines d’années la lutte armée des grandes
puissances pour le maintien artificiel du capitalisme
à l’aide de colonies, de monopoles, de privilèges
et d’oppressions nationales de toute nature »
(Le Socialisme et la Guerre).
Lénine en bon
dialecticien précise ceci : « Ce serait une
erreur de croire que cette tendance à la putréfaction
est incompatible avec une croissance rapide du capitalisme. Telles
branches d’industrie, telles couches de la bourgeoisie, tels
pays manifestent à l’époque impérialiste,
avec une force plus ou moins grande, l’une ou l’autre de
ces tendances. Dans l’ensemble, le capitalisme croît avec
infiniment plus de rapidité que naguère, mais cette
croissance devient, d’une façon générale,
non seulement plus inégale, mais cette inégalité
se traduit aussi en particulier dans la putréfaction des pays
les plus riches en capital » (Impérialisme
stade suprême du capitalisme). Le capitalisme, à son
stade suprême l’impérialisme, n’a plus rien
à offrir à l’humanité. Le capitalisme
porte en son sein la guerre, la misère, la maladie, la famine
et la destruction de la nature comme la nuée porte l’orage.
J.V. Staline définit ainsi la loi économique
fondamentale de l’impérialisme: « La loi
qui convient le mieux à la notion de loi économique
fondamentale du capitalisme est celle de la plus-value, celle de la
naissance et de l’accroissement du profit capitaliste. En
effet, elle détermine les traits essentiels de la production
capitaliste (...). Les traits principaux et les exigences de
la loi économique fondamentale du capitalisme actuel
pourraient être formulés à peu près ainsi:
assurer le profit capitaliste maximum par l’exploitation, la
ruine et l’appauvrissement de la majorité de la
population d’un pays donné, par l’asservissement
et le pillage systématique des peuples des autres pays,
surtout des pays arriérés, et enfin par les guerres et
la militarisation de l’économie nationale utilisées
pour assurer les profits les plus élevés »
(Problèmes économiques du socialisme).
Les peuples et les
travailleurs découvrent l’ampleur de la catastrophe
sociale, économique, politique et culturelle qu’est le
capitalisme temporairement vainqueur du « socialisme
réel » de l’URSS qui, 70 ans durant, aura
permis toutes les avancées sociales, démocratiques,
culturelles et patriotiques de l’humanité au XXème
siècle.
C’est pour
retarder l’inévitable chute du capitalisme que
l’impérialisme US a décidé à
l’occasion de cette élection de faire élire un
noir à la présidence. Objectivement ce besoin,
cette nécessité est une avancée, une étape
par laquelle il faut passer, vers l’inévitable avenir
communiste de l’humanité.
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