CERCLE HENRI BARBUSSE
L’expérience
de la campagne victorieuse de toutes les forces du camp du NON le 29
mai 2005 n’a pu être prolongée par le choix d’une
candidature unique et unitaire anti-libérale à la
présidentielle. Et pourtant cela semblait bien parti, avec un
cadre unitaire national regroupant une dizaine de forces politiques,
plus de 800 collectifs anti-libéraux et une plate-forme de 125
propositions anti-libérales. Il ne restait plus qu’à
porter un nom sur le bulletin de vote de la présidentielle.
C’est
là que tout s’est gâté : la
multiplication des candidats anti-libéraux issus du camp du
NON a brisé l’espoir d’une candidature unique et
unitaire pour battre au premier tour la candidate social-libérale
« OUI-iste » du PS. Cette division a ramené
les candidats du camp anti-libéral à un total de 9%,
c’est à dire moins globalement qu’en 2002.
La
déception chez les militant(e)s engagé(e)s dans le
front unitaire anti-libéral est grande, mais elle est aussi
très forte chez tous les électeurs potentiels qui
espéraient une candidature unitaire et unique à la
présidentielle 2007. L’expérience d’un
transfert de la victoire du camp du NON sur le terrain électoral
de la présidentielle, puis des législatives et enfin
des locales, voilà le défi que le front anti-libéral
devait, doit et devra relever pour en finir avec le piège
bourgeois usé du bipartisme droite/ « gauche ».
Il
nous faut donc comprendre les raisons profondes de cette occasion
manquée pour pouvoir à l’avenir frayer la voie à
l’alternative anti-libérale, étape indispensable
dans la marche vers l’alternative anti-capitaliste que porte le
mouvement communiste marxiste-léniniste encore éparpillé.
Unir
toutes les forces dans la diversité pour frapper le même
ennemi
La
bataille du référendum constitutionnel a réuni
la sainte alliance des patrons à travers le Medef, les médias
télévisions, radios, presse écrite, les partis
UMP/PS/UDF/Verts, 96% des députés et sénateurs,
les directions des centrales syndicales inféodées à
la direction de la Centrale Européenne des Syndicats (CES),
l’écrasante majorité de la prétendue
« élite intellectuelle », etc. Tout ce
beau monde a été appuyé par l’ensemble de
la bourgeoisie européenne, la « table ronde des
industriels européens », des partis libéraux
et sociaux libéraux européens.
A
l’occasion du vote interne du PS qui a opposé 60% de
partisans du OUI à 40% de partisans du NON, l’enjeu de
classe, tant au plan national qu’à l’échelle
européenne, du référendum du 29 mai 2005 a
été noté ainsi par l’ex-président
de l’Internationale Socialiste et ex-premier ministre Pierre
Mauroy : « Les Fédérations du Nord Pas de
Calais [du PS] sont longtemps restées les plus
ouvrières de France… si le NO l’avait emporté,
on allait vers une très grave crise. Jamais on n’a
assisté à une telle mobilisation des responsables des
autres partis socialistes européens. Ils étaient
effrayés par certaines positions françaises ».
La
déferlante médiatique totalitaire de classe du camp
libéral et bourgeois du OUI est toutefois venue se briser sur
les souffrances imposées aux travailleurs par les politiques
libérales des gouvernements successifs de droite et de gauche,
dociles exécuteurs des traités européens
(traités de Maastricht, d’Amsterdam, de Nice, de
Lisbonne).
Chaque
secteur ou catégorie du monde du travail – public,
privé, chômeurs, femmes, jeunes, immigré(e)s –
a subi l’un après l’autre la perte de pouvoir
d’achat consécutif au passage à l’euro, les
licenciements, les fermetures et délocalisations
d’entreprises, le blocage des salaires et des indemnités
de chômage, l’augmentation infernale des cadences de
travail, la précarisation des emplois, le poison diviseur du
racisme, le loyer cher, la répression des luttes et des
syndicalistes, etc. Le capitalisme dans son offensive libérale
en vient même à « clochardiser »
de nombreux travailleurs.
Les
syndicats de base CGT, le CCN de la CGT, les bases de la FSU, le PCF,
les organisations trotskistes (LO, LCR, PT), des minoritaires
socialistes et Verts, l’Appel des 200,
Attac, la Fondation Copernic, la Confédération
Paysanne, les organisations communistes de la reconstruction (URCF,
PCOF, PRCF, Coordination Communiste 59/62, Rouges Vifs, Communistes,
etc.) ont constitué le camp militant du NON en mettant en
action le principe « marcher séparément
et frapper ensemble ». Puis le rassemblement s’est
opéré au fil de la campagne et a permis la mise en
place progressive de Comités du NON qui vont se muer en
Collectifs Anti-libéraux.
L’action
militante du camp du NON a diversement formalisé et traduit en
discours politique le besoin concret du mouvement ouvrier et
populaire de sanctionner dans les urnes le bilan socialement,
politiquement et culturellement désastreux de plusieurs
décennies de « construction de l’Europe
capitaliste ». La campagne militante du front anti-libéral
de toutes les forces syndicales, politiques, associatives marchant
séparément et frappant ensemble le même ennemi, a
constitué le facteur subjectif qui a contribué à
la victoire du NON.
La
perte des acquis sociaux en marche sous la houlette de « Bruxelles »,
accompagnée des répressions et atteintes liberticides
aux conquêtes et aux droits démocratiques, sont les
facteurs objectifs de la victoire du NON le 29 mai 2005. C’est
en ce sens un vote populaire de classe, anti-libéral.
L’échec
du transfert sur le terrain électoral
du
front militant victorieux du NON au TCE
Trois
tendances ont miné puis fait exploser le travail de
construction politique du front anti-libéral :
-
la première est celle des « anti-partis »,
c’est-à-dire des militants issus du mouvement
alter-mondialiste, écologiste et trotskiste (minorité
de la LCR), lesquels ont fait, sans jamais le dire auparavant, du
rejet du choix majoritaire de la Secrétaire Général
du PCF par les collectifs anti-libéraux un dogme diviseur.
Cette ligne dans le front anti-libéral veut se soumettre les
partis, les diluer dans une recomposition politique qui liquide de
fait l’indépendance des partis.
-
Lutte Ouvrière et la LCR ont successivement, dès
le départ, rejeté l’effort collectif fait pour
unir tout le camp militant du NON. A la base de leur comportement
diviseur, il y a le fait que la stratégie unitaire du camp
militant du NON remet en cause leur stratégie visant à
substituer au PCF une union des partis trotskistes. Minés par
des divergences liées à la nature idéologique
petite bourgeoise individualiste du trotskisme, LO et LCR cherchent à
rééditer ce que le PS sous l’égide de
Mitterrand avait réussi avec le « programme commun
de gouvernement » dans les décennies 70/90 à
savoir « plumer la volaille communiste ». C’est
la ligne de la concurrence pour effacer le PCF de la scène
politique.
-
Le PCF sous la houlette de MG BUFFET, principale force organisée
du camp du NON, n’a œuvré qu’à
l’unité du camp du NON « autour du PCF »
au lieu d’être « unitaire pour deux ».
C’est la ligne anti-libérale pour sauver et remettre en
selle le PCF.
Contre
ces trois orientations, la lutte doit être menée pour
faire triompher la ligne suivante : Dans les circonstances
actuelles, il ne peut y avoir de front anti-libéral sans
les partis, contre les partis ou autour des partis. Le
front anti-libéral ne peut donc exister qu’avec
les partis.
Voilà
en substance les facteurs politiques décisifs qui ont conduit
à l’échec de l’unité électorale
du camp du NON pour le premier tour de la présidentielle 2007.
Toutefois, il nous faut analyser en profondeur la nature politique,
idéologique et la signification sociale de ces courants.
Les
nouvelles luttes anti-libérales des classes paupérisées
et
la théorie anti-libérale
L’époque
inaugurée par la « chute du mur de Berlin »
correspond au développement progressif du militantisme
alter-mondialiste, anti-guerre, écologiste, anti-raciste, etc.
à travers les mobilisations contre les sommets du G8 (Seattle,
Gênes, etc.), contre les guerres impérialistes. Les
forums sociaux européens et mondiaux en sont devenus le moyen
privilégié d’expression politique. En effet
débarrassé de l’URSS, le capital armé du
libéralisme, pensée unique libérale totalitaire,
s’est attaqué aux conquêtes sociales, a démantelé
« l’Etat providence », les politiques
keynésiennes, les nationalisations, le « service
public », la « sécurité sociale »
et la retraite par répartition, a mis en place une recette
politique fondée sur le « désengagement de
l’Etat, les privatisations, le monétarisme ».
L’offensive
de l’impérialisme va faire émerger une nouvelle
résistance politique informelle (sous la forme d’associations,
d’ONG, etc.) traversée par les débats de
positionnement sur les notions d’alter-mondialisme ou
d’anti-mondialisme, les mobilisations anti-guerre minées
par le « ni Bush, ni Saddam » ou encore le « ni
OTAN, ni Milosevic », les options alternatives au
libéralisme avec des slogans comme « un autre monde
est possible », « une autre Europe est
possible », « l’écologie politique
pour un développement durable non productiviste »,
la notion d’« empire » en lieu et place
de celle d’impérialisme, la « réforme
des institutions financières internationales (IFI) comme le
Fonds Monétaire International, la Banque Mondiale et de
l’OMC » au lieu de les abolir. La critique du
néolibéralisme va constituer l’axe principal de
démarcation au sein de la « gauche » et
la nouvelle aune idéologique indépassable. C’est
ainsi que le néolibéralisme, l’ultra-libéralisme
- partie prenante de la superstructure politique - vont devenir la
nouvelle définition du capitalisme. Or, le libéralisme
est une des politiques économiques possibles du mode de
production capitaliste. C’est l’économiste libéral
Keynes qui, pour sauver le capitalisme empêtré dans la
crise de 1929, théorisa la nécessité pour l’Etat
capitaliste « d’amorcer la pompe »,
c’est-à-dire d’établir une politique
monétaire inflationniste et de créer des
infrastructures sur la base desquelles le capital privé
pourrait réinvestir pour tirer des profits. C’est cela
qui donna naissance à la politique des « grands
travaux de l’Etat » ou new deal notamment aux
USA sous Roosevelt. La social-démocratie a fait à
partir de 1945 du « keynésianisme » sa
doctrine économique en démarcation avec le libéralisme
présenté comme la doctrine de la droite politique.
En
1934, Keynes écrit au New York Times : « je
vois le problème du redressement de la façon suivante :
Combien de temps faudra t-il aux entreprises ordinaires pour venir à
la rescousse ? A quelle échelle, par quels moyens et
pendant combien de temps les dépenses anormales du
gouvernement doivent-elles se poursuivre en attendant ? ».
Rappelons que le capitalisme apeuré par la force du socialisme
réel, surtout après la guerre et la victoire
antifasciste de l’URSS et des peuples, a concédé
aux travailleurs et aux peuples, qui se sont battus sous la direction
des PC, des conquêtes sociales d’une grande importance
qu’il cherche depuis les années 80 à reprendre
par son offensive libérale. L’ultra-libéralisme
qui caractérise le discours économique du Front
National aujourd’hui ne peut nous cacher, par exemple, le fait
que le parti Nazi de Hitler a combiné à la fois
« Keynes et le libéralisme »,
c’est-à-dire la mise à disposition de l’Etat,
de l’épargne nationale au service des intérêts
patronaux, particulièrement le patronat de l’industrie
militaire.
La
critique anti-libérale alter-mondialiste reste donc
prisonnière du carcan du système capitaliste. Cette
critique ne dépasse pas le réformisme historique de la
social démocratie. Mais dans le contexte actuel du rapport des
forces largement favorable au capital dans la lutte des classes, la
critique keynésienne du néolibéralisme est une
arme de résistance sociale et politique contre la liquidation
libérale programmée des acquis et conquêtes
sociales et démocratiques de l’après guerre. La
social-démocratie connaît d’ailleurs en son sein
un processus de démarcation entre critiques du libéralisme
et sociaux libéraux qui se sont affrontés lors du débat
interne au PS sur le TCE. En ce sens les 125 propositions des Comités
anti-libéraux sont une avancée permettant l’unité
du front anti-libéral. Avancée nécessaire, mais
insuffisante à ne pas confondre avec l’anti-capitalisme,
c’est-à-dire la suppression de la propriété
privée des moyens de production et d’échange et
l’édification d’une société
socialiste.
Dans
notre texte intitulé « les contradictions du
mouvement alter-mondialiste : alternative au capitalisme ou
nouvelle alternance dans les formes du capitalisme ? »,
nous écrivions que « le mouvement
alter-mondialiste est l’expression de la résistance
populaire à l’échelle mondiale. Il est porteur de
potentialités énormes de luttes mais également
de lignes différentes et contradictoires »
parce que « si l’ensemble du mouvement
alter-mondialiste peut s’entendre sur l’ampleur des
dégâts du fonctionnement économique dominant sur
la planète, il se divise en revanche sur de nombreuses
contradictions : nature et caractérisation de ce système
économique (c’est-à-dire en réalité
sur les causes de la misère et des guerres), contenu de
l’alternative à construire, revendications à
avancer, etc. » (10/11/2003). Ces positionnements
politiques différents recoupent aussi les différences
de position du Nord et du Sud dans la nouvelle phase de la
mondialisation capitaliste, c’est à dire l’oppression
et l’exploitation renforcée du Sud par le Nord.
L’opposition à la mondialisation est en général
plus radicale dans le Sud que dans le Nord. Il suffit de lire les
résolutions adoptées dans les forums sociaux mondiaux
de Porto Alegre, de Bamako, et de regarder l’exemplaire
progrès des conquêtes démocratiques et sociales
en cours en Amérique Latine pour s’en convaincre. En
fait, la reprise de la mondialisation capitaliste après la
défaite du socialisme réel, c’est la destruction
de l’indépendance nationale des Etats du Sud et la
recolonisation indirecte ou directe, voire parfois la reconquête
militaire comme en Irak, l’implosion d’Etats comme la
Yougoslavie et la disparition de l’Etat comme en Somalie.
Mais
la tendance à la radicalisation anti-libérale des
travailleurs du Nord s’est aussi affirmée suite aux
coups anti-sociaux toujours plus nombreux et s’est matérialisée
par des luttes sociales comme novembre/décembre 1995, contre
la casse de la retraite en 2003, des luttes sectorielles dures contre
les délocalisations, les licenciements, les privatisations, le
CPE, etc. Ces luttes ont été des étapes pour un
rapprochement entre syndicats, PCF et alter-mondialistes, pour la
recherche de convergences, de solidarités au sein du monde du
travail à l’échelle locale, nationale, régionale
(continentale) et internationale.
L’anti-libéralisme
d’aujourd’hui est la voie de passage obligée pour
retrouver à l’échelle des masses laborieuses le
chemin de la lutte anti-capitaliste.
Les
projets de recomposition politique anticommuniste
Depuis
les années 89/90 les trotskistes, LO, LCR, PT, sont des
formations politiques petites bourgeoises revitalisées par la
défaite de l’URSS. Ces groupuscules anti-soviétiques
et anti-bolcheviques ont propagé, durant des décennies
la théorie de « l’Etat ouvrier dégénéré
bureaucratique Stalinien » de leur mentor Trotski,
combattant historique contre le socialisme réel. Ils ont ainsi
participé à fournir la partie trotskiste de l’arsenal
théorique mensonger et contre-révolutionnaire de la
bourgeoisie mondiale contre l’URSS, le camp socialiste, le
socialisme réel. A l’exception de LO qui le fait depuis
1974, ces groupes se sont lancés dans la compétition
électorale avec un certain succès, occupant sur la
scène politique la posture de la « gauche de la
gauche » à mesure que le PCF s’enfonçait
dans la collaboration de classe au gouvernement, particulièrement
lors du gouvernement dit de « gauche plurielle »
de 1997 à 2002. LO et LCR ont même tenté de
s’unir électoralement pour damer le pion au PCF. Ils ont
aussi envisagé l’unité organique, la sainte
alliance des trotskistes pour en finir avec les « staliniens
du PCF ». Mais le dogmatisme de gauche a échoué
parce que l’idéologie trotskiste, dont la marque de
fabrique est le « scissionnisme putschiste » de
la démocratie petite bourgeoise individualiste, les en rendait
fondamentalement incapable. La discipline ouvrière
démocratique fondée sur le respect de la majorité
pour l’action de lutte leur est étrangère, parce
que l’individu prime sur le collectif dans l’idéologie
trotskiste.
La
bourgeoisie a très vite compris l’intérêt
de parachever la disparition de l’URSS par celle du PCF en
France : la place et le rôle du PCF dans l’histoire
rappellent quand même un peu trop les grandes conquêtes
sociales, les grandes victoires politiques du mouvement ouvrier et
communiste et bien sûr l’existence de l’URSS,
première expérience réussie d’un pouvoir
ouvrier et paysan durant 70 ans. Le PS social démocrate dont
plusieurs cadres politiques ont été formés dans
l’une des écoles trotskistes, est aussi impatient, après
avoir « plumé la volaille communiste »,
de se débarrasser à la première occasion du
« boulet PCF ».
Le
révisionnisme et le réformisme dirigeant au sein du PCF
résulte justement de la conciliation avec la social-démocratie
devenue la « gauche » du capital impérialiste.
C’est d’ailleurs aussi la tactique des Verts qui
promeuvent « l’écologie politique »
pour tenter de rompre l’ordre de l’alliance/soumission
PS/PCF/Verts. Le capital, dans ses calculs de recomposition
politique à gauche du PS, œuvre à substituer au
PCF une combinaison trotskiste et/ou écologiste, tout en
continuant à pousser le parti historique de la classe ouvrière
dans le renoncement révisionniste et réformiste. Ainsi
la « chute du mur de Berlin » fut un
accélérateur de la social-démocratisation du PCF
et de son passage aux « travaux pratiques de la
collaboration de classe ». Si la participation du PCF au
gouvernement en 1981 était déjà un pas dans la
collaboration de classe, ce dernier démissionna sous la
houlette de Georges Marchais dès le « tournant de
la rigueur et de l’austérité budgétaire ».
L’opportunisme minait fortement le PCF, mais la résistance
interne d’une partie significative de la base poussa à
la démarcation, sans parvenir toutefois à une
rectification idéologique et une indépendance
électorale réelle.
Dans
notre texte intitulé « la place des communistes
est auprès des travailleurs et non au gouvernement des
capitalistes », nous écrivions : « Le
PCF s’est empressé d’envoyer trois ministres au
gouvernement issu de ces élections législatives (1997).
C’est le premier pas du passage de ce parti devenu
social-démocrate aux travaux pratiques de la collaboration de
classe. Le PS jette de la poudre aux yeux avec le thème
trotskiste de « l’Europe sociale »
utilisant à ce propos le fait que la social-démocratie
européenne est au pouvoir dans 12 des 15 pays que compte
l’Union Européenne. Mais la fonction du PS de parti de
« gauche » du capital ne changera rien aux
effets sociaux dévastateurs qu’induisent inévitablement
les traités de Maastricht et d’Amsterdam et la recherche
accrue du profit maximum qui résulte de la crise du système »
(31/01/1998). La figure qui symbolise la capitulation réformiste
du PCF est Robert Hue -que l’on peut appeler le « Gorbatchev
français »-, lequel a conduit à son
effondrement électoral. L’abandon du
Marxisme-Léninisme, de l’internationalisme
pro-soviétique, de la défense intransigeante des
intérêts de l’ensemble de la classe ouvrière,
de la lutte pour la transformation révolutionnaire de la
société, le renversement de la dictature de la
bourgeoisie, de l’expropriation des capitalistes et
l’édification de la société socialiste par
la dictature du prolétariat sans et contre la bourgeoisie a
fait consensus progressivement dans la direction du PCF de G.
Marchais à aujourd’hui. Le PCF s’est engagé
d’abord de façon critique sous G. Marchais, puis
entièrement, dans l’alliance/soumission au PS en
privilégiant la défense des intérêts de
l’aristocratie ouvrière (et non de l’ensemble de
la classe ouvrière) ce qui a conduit à l’effacement
du rôle et de la place des militants ouvriers d’avant-garde
au profit du rôle des élus, eux mêmes de plus en
plus issus des couches petites bourgeoises. De là on assista
au passage inévitable à la collaboration de classe avec
Robert Hue : tel est le processus que l’on a connu ces
deux dernières décennies dans le PCF. Ce qui devait
arriver arriva : la capitulation idéologique, puis
l’affaiblissement organisationnel furent suivis de
l’effondrement électoral du PCF. C’est en partie
en réaction à cela qu’arrive MG Buffet à
la tête du PCF et qu’un revirement anti-libéral
s’opère… réaction liée en partie à
un réflexe de survie de l’appareil et des élus.
Plusieurs
positions s’expriment dans le PCF ; les éléments
ultra-droitiers, comme Robert Hue, poursuivent l’objectif d’un
naufrage du PCF dans le PS. D’autres, comme Braouzek, veulent
l’effacement du PCF au profit des Collectifs anti-libéraux.
Certains sont partisans du sectarisme vis à vis les Collectifs
anti-libéraux comme beaucoup au sein des Fédérations
du Nord-pas-de-Calais. Enfin, à l’instar de MG Buffet,
certains veulent l’ouverture en direction des Collectifs
anti-libéraux. Ces différenciations internes reflètent
les différenciations qui s’opèrent au sein de
l’aristocratie ouvrière et des couches petites
bourgeoises que représente aujourd’hui la direction du
PCF. Pour comprendre cela il faut revenir sur l’évolution
du capitalisme en France depuis la fin de la guerre.
Comment
a évolué le capitalisme français entre 1945 à
nos jours
Au
sortir de la seconde guerre antifasciste la caractéristique
économique de la stratégie impérialiste a été
le réaménagement de la « division
internationale du travail », c'est-à-dire du
système colonial ainsi transformé en système
semi-colonial ou « néo-colonial ».
Ce réaménagement était imposé aussi par
l’existence d’un vaste camp socialiste qui limitait le
processus « naturel »
d’internationalisation ou -comme on dit aujourd’hui- de
« mondialisation » du capitalisme.
Un
des moyens utilisés par le capital pour contourner cette
restriction du marché capitaliste mondial a été
la mise en place d’un système d’emprunt massif
auprès des Etats impérialistes et des grandes banques
monopolistes de la part des nouveaux Etats politiquement
indépendants. Ces dettes massives ainsi concoctées ont
favorisé la naissance d’une bourgeoisie d’Etat
compradore dans les semi-colonies et/ou « néo-colonies »
et les Etats dépendants. La « décolonisation »
par l’impérialisme français a été
aussi la mise en place de la zone monétaire CFA qui capte 65%
des réserves de change des Etats de l’ex-empire colonial
de l’Afrique Occidentale Française (AOF) et de l’Afrique
Equatoriale Française (AEF), les accords de sujétion
militaire qui permettent la présence de près de dix
bases militaires françaises sur le continent, la Francophonie
et les sommets annuels de la « Françafrique ».
A
l’intérieur de la Métropole, des stratégies
de maintien du profit maximum furent adoptées par
l’utilisation d’une main d’œuvre féminine
massive dans le secteur tertiaire, immigrée non qualifiée
et surexploitée dans les industries.
De
1945 aux années 70/80, après 22 ans de pouvoir de la
droite, l’alternance, véritable conquête politique
en 1981, aura permis à la gauche socialiste flanquée de
quatre ministres du PCF de passer à l’introduction des
nouvelles technologies nécessitant une main-d’œuvre
hautement qualifiée dans les grandes entreprises
industrielles, notamment l’automobile, puis à la
fermeture des mines de charbon, etc. Le chômage devait
exploser, franchissant le cap des 3 millions de salariés jetés
à la rue. Le capitalisme confronté à la
désagrégation de son marché mondial a introduit
les nouvelles technologies (robotique, bureautique, Internet, NTIC,
etc. ) qui ont provoqué le chômage de masse et la
précarité massive que connaît actuellement le
monde du travail. L’avènement du PS au pouvoir a
favorisé sans résistance de classe majeure la mise au
pas du mouvement ouvrier ; chômage, précarité
et appauvrissement des travailleurs devenant des facteurs de
régulation libérale du marché du travail.
Parallèlement
s’est développé un phénomène de
délocalisation des entreprises ayant besoin de main d’œuvre
importante, phénomène qui a géographiquement
étendu la prolétarisation à l’échelle
de toute la planète. L’externalisation de certaines
activités s’est accrue en rapport avec le développement
de la sous-traitance. La délocalisation et l’externalisation
par la sous-traitance ont littéralement explosées,
répandant comme une traînée de poudre le travail
intérimaire, les CDD, les multiples formes en évolution
permanente du travail précaire et l’appauvrissement de
pans entiers du monde du travail.
De
1945 aux années 70/80, le capital a mis ainsi à profit
cette période d’évolution « pacifique »
et les plus-values tirés de cette réorganisation
prédatrice pour corrompre, soudoyer progressivement la couche
dirigeante du mouvement ouvrier et l’intégrer dans son
système de domination politique. La base économique et
sociale du révisionnisme et du réformisme se retrouve
dans le processus de réadaptation du capital au nouveau
rapport de forces né de la victoire de l’URSS dans la
confrontation avec le fascisme.
Cette
période d’évolution « tranquille »
du capitalisme a été fatale au PCF en ce sens que,
lentement mais sûrement, celui-ci a été miné
par la montée progressive du révisionnisme, de la
déviation de droite, et s’est retrouvé dans
l’incapacité de lancer une contre-offensive lorsque vint
la crise avec les « chocs pétroliers »
dans les années 70, la crise de l’endettement des pays
du Tiers-Monde dans les années 80, et le chômage de
masse dans les pays impérialistes, notamment en France. Le PCF
s’est peu à peu transformé en parti des couches
privilégiées du prolétariat, abandonnant les
couches toujours plus nombreuses des travailleurs précarisés.
L’électoralisme du PCF l’amènera à
abandonner aussi la fraction immigrée de la classe ouvrière,
cédant peu à peu le terrain à la propagande
raciste du FN. C’est ainsi qu’après l’époque
glorieuse de « l’union inter-coloniale »,
puis de la MOI, ce n’est qu’aujourd’hui, à
l’occasion de la campagne présidentielle 2007, que la
candidate anti-libérale du PCF propose le droit de vote à
toutes les élections nationales pour les immigré(e)s
avec carte de 10 ans et aux élections locales pour ceux,
celles qui ont la carte d’un an.
La
défaite de l’URSS vaincue par l’encerclement
capitaliste et la trahison révisionniste khrouchtchévienne,
puis bourgeoise Gorbatchévienne ont littéralement
libéré les forces prédatrices du capital,
lesquelles, pour faire face à la crise structurelle de
surproduction qui frappe l’économie capitaliste
mondiale, passèrent à l’offensive libérale,
mettant fin à « l’Etat providence »
par les plans d’ajustement structurel du Fonds Monétaire
International (FMI) et de la Banque Mondiale, l’austérité
budgétaire, la marchandisation de la santé, du social
et de l’école, les privatisations et la mise en place de
l’Organisation Mondiale du Commerce (OMC).
Les
partis et mouvements politiques
représentent
des classes et couches sociales
Voilà
une définition oubliée de nos jours. Examinons la de
plus près : Quelle est la base sociale représentée
par l’appareil du PCF ? Quelles couches de la société
sont représentées par la constellation trotskiste, les
Verts, les alter-mondialistes ?
Les
processus économiques et politiques décrits ci-dessus
ont eu pour conséquence de transformer progressivement le
PCF de parti de l’ensemble de la classe en parti d’une
partie de la classe. En effet, l’adaptation du capitalisme
français par le réaménagement de son empire
colonial en système semi-colonial françafricain, la
réorientation de son activité économique sur la
construction du nouvel impérialisme montant de l’Union
Européenne, la féminisation massive du tertiaire et
l’importation massive de travailleurs immigrés masculins
ont permis la corruption progressive de la couche supérieure
du mouvement ouvrier dans un contexte d’évolution
« pacifique et tranquille » du capitalisme
entre 1945/80.
La
principale manifestation politique de cela a été
l’abandon de la lutte idéologique contre la
social-démocratie et le glissement progressif du PCF vers
l’alliance stratégique avec le PS pour un « programme
commun de gouvernement de gauche ». Une couche de plus en
plus bureaucratisée s’est emparée de la direction
du PCF qui privilégia peu à peu les intérêts
de certaines fractions du mouvement ouvrier : Secteur
nationalisé, public, para-public et grands groupes
monopolistes privés, en d’autres termes l’aristocratie
ouvrière issue du dévoiement des conquêtes
sociales.
Les
grandes grèves des années 80 dans l’automobile,
coïncidant avec les luttes immigrées des foyers Sonacotra
et les mobilisations des mouvements féministes furent traitées
par le PCF comme des luttes secondaires. Il en est de même des
luttes des chômeurs, des précaires, des quartiers
populaires, de l’immigration, des sans papiers aujourd’hui.
A l’époque ce sont les trotskistes et les maoïstes
qui vont donner une certaine importance à ces combats sociaux
en critiquant le « chauvinisme du PCF », mais
en surestimant de façon gauchiste ces luttes dans l’optique
infantile du « grand soir ». Aujourd’hui
les luttes sociales ont été dans un premier temps,
médiatiquement et théoriquement parlant, l’affaire
des alter-mondialistes - non pas dans l’optique du « grand
soir », mais comme laboratoire expérimental de la
critique anti-libérale du néolibéralisme.
Si
le PCF a été marqué par la montée en
puissance de la déviation de droite, du réformisme
opportuniste jusqu’à la collaboration au gouvernement,
les mouvements trotskistes, mao-écologistes ont été
caractérisés par la déviation de « gauche ».
L’actuel mouvement alter-mondialiste est lui même
traversé par des débats entre ligne réformiste,
ligne gauchiste et ligne anti-capitaliste.
Toutefois,
le PCF tout comme les courants de la démocratie petite
bourgeoisie anti-communiste et trotskiste (LO, LCR, PT, Verts,
socialistes de gauche) vont aussi subir de plein fouet, à
partir des années 89/90, des évolutions dues à
l’offensive néo-libérale. Rappelons le :
dans un premier temps le PCF s’enfonce dans la collaboration de
classe, y compris au gouvernement, en 1997/2002. La sanction tomba
comme un couperet avec « le tremblement de terre de
l’arrivée de Le Pen au second tour de la
présidentielle ». Le candidat du PCF fut dépassé
pour la première fois dans une élection par les
« candidats d’extrême gauche ». A
la base du virage anti-libéral radical du PCF, il y a à
n’en pas douter l’expérience douloureuse de la
punition électorale qu’a donné l’électorat
ouvrier et populaire au renégat Robert Hue. Mais il y a aussi
le fait que l’attaque du capital, surtout depuis
novembre/décembre 1995, avec la casse des retraites du privé
puis du public, a visé les bastions du mouvement ouvrier qui
ont le plus bénéficié des conquêtes
sociales d’après guerre et dans lesquelles on retrouve
l’aristocratie ouvrière, voire la bureaucratie ouvrière,
et la petite bourgeoise. Le chômage de masse, résultat
des licenciements de masse organisés dans les années 80
par la social-démocratie, a laminé les « bastions
ouvriers » dans la métallurgie, les mines, etc.
L’extension des liens entre multinationales donneuses d’ordre
et petits patrons, sous traitants comme exécutants, structure
dorénavant le tissu économique ainsi fortement marqué
par les petites unités de sous traitance à courte durée
de vie et par les sociétés d’intérim qui
prennent la place de l’ANPE. Non seulement ce système
massifie la précarité des travailleurs, mais la
faillite des petits patrons (ils sont près de 2 millions dans
le pays) devient structurelle. Peu à peu, aucune couche du
monde du travail, de la classe ouvrière, du prolétariat
-y compris le nouveau prolétariat surqualifié des
centres de recherche-, n’échappe à la remise en
cause des acquis sociaux, des conquêtes sociales.
Les
bastions traditionnels où le prolétariat était
fortement concentré dans des grandes unités de
production comme les mines, la sidérurgie, la métallurgie,
la chimie, etc., ont été démantelées dans
le cadre du processus de la division européenne du travail à
l’échelle de la Communauté Economique Européenne
(CEE) puis de l’Union Européenne (UE). Ce réaménagement
de la spécialisation dans certains secteurs par les fusions et
rachats pour fonder de grands groupes industriels et financiers a
affaibli la classe ouvrière en France. Ce processus a été
renforcé par la délocalisation des entreprises à
faible composition organique du capital employant une main d’œuvre
nombreuse.
Pour
vaincre les résistances ouvrières isolées par un
manque de solidarité du au réformisme politique et
syndical, la stratégie des gouvernements successifs de droite
et de gauche a été d’éviter l’attaque
globale pour diviser et donc mieux régner. Les fractions du
monde du travail ont été attaquées et vaincues
les unes après les autres. L’exemple de la retraite est
à ce propos édifiant : D’abord en 1993 le
secteur privé est passé sans lutte significative de
37,5 annuités de cotisation pour une retraite complète
à 40 annuités ; puis 10 ans plus tard en 2003,
c’est le tour du secteur public avec à la clef une
propagande bourgeoise fortement médiatisée sur le thème
des « fonctionnaires privilégiés ».
L’offensive
libérale a provoqué un processus de différenciation
au sein même du mouvement ouvrier, au sein du monde du travail.
Une ligne d’affrontement émerge peu à peu au sein
des organisations ouvrières syndicales et politiques entre
ceux qui défendent le système au nom de l’inexistence
d’alternative au capitalisme et ceux qui cherchent une autre
voie dans la formule alter-mondialiste « un autre monde
est possible ». Cette différenciation se
nourrit des luttes sociales et politiques telles que le recul imposé
par la jeunesse au gouvernement de droite sur le projet anti-social
du CPE, la résistance extraordinaire des sans papiers en lutte
continue depuis plus de 10 ans, le formidable mouvement gréviste
de novembre/décembre 95 piloté par les cheminots, celle
des marins et dockers de Marseille et de Corse, les luttes souvent
vaincues contre les délocalisations, celles des intermittents,
des paysans, etc.
L’opposition
aux politiques libérales devient ainsi un facteur de
rapprochement entre les tenants de la tradition ouvrière
communiste incarnée par le PCF dans la mémoire
collective et ceux symbolisant les résistances sociales
actuelles très souvent labellisées
« alter-mondialistes ». La lutte à
l’usine ; c’est le PCF. Les luttes sociétales
types paysans, intermittents, chômeurs, sans papiers,
anti-racistes, féministes, c’est alter-mondialiste. Le
mouvement alter-mondialiste naissant à l’époque a
pu ainsi observer le rôle important et décisif du PCF
dans la campagne du NON à Maastricht. Puis l’occasion de
la campagne victorieuse du NON au référendum sur la
constitution européenne fut une étape où la
tactique du « marcher séparément pour
frapper ensemble » se montra efficace.
Mais
il faut dire que si le besoin de résister, de riposter aux
attaques anti-sociales de la bourgeoisie pousse à l’unité
d’action, l’origine historique, la nature sociale et
politique des organisations et surtout leur projet stratégique
à long terme revient systématiquement au galop. Cet
obstacle s’est révélé insurmontable lors
du choix du nom du candidat unitaire et unique du camp anti-libéral
pour la présidentielle 2007.
L’enjeu
des traditions, de l’héritage,
des
cultures sociales, politiques, idéologiques
Questions
complexes difficiles à éclaircir. Lénine disait
que la meilleure méthode consiste à « séparer
l’essence de l’apparent ». Essayons comme
nous avons tenté de le faire jusqu’ici d’appliquer
cette méthodologie marxiste léniniste.
Le
PCF a révisé le Marxisme-Léninisme en
abandonnant en 1976 la dictature du prolétariat, en adoptant
la stratégie opportuniste de la conquête du pouvoir de
classe par la voie parlementaire, en abandonnant l’internationalisme
prolétarien au profit de l’eurocommunisme, puis en
rééditant le « socialisme ministérialiste »
du 19e siècle en 1981. Enfin, quand survint la
chute du mur de Berlin, ce fut la couardise et la débandade
idéologique foudroyant le parti, et la fuite en avant dans la
« mutation » social-démocrate et la
collaboration de classe au gouvernement (« gauche
plurielle »). Mais ce qui reste de la base ainsi
dépossédée du pouvoir au sein du parti reste
pour une part importante ouvrière. On peut vérifier
cela par le fait que très souvent les dirigeants ouvriers des
luttes sociales actuelles sont pour beaucoup soit des adhérents,
soit des sympathisants du PCF. Les départs successifs de
militants qui vont fonder la Coordination Communiste, l’URCF,
le PRCF, Rouges Vifs, Communistes, etc. n’ont pas, loin de là,
vidé le PCF de sa substance ouvrière. Même si sur
le plan idéologique et organisationnel la liquidation des
positions révolutionnaires est très avancée dans
le PCF, des éléments combatifs à la base y sont
encore relativement nombreux. La faillite électorale à
laquelle a conduit la « mutation » a poussé
à réorienter l’action du PCF en direction des
luttes alter-mondialistes et de plus en plus de militants du PCF se
sont engagés dans l’animation des associations et la
participation aux forums sociaux. Ces facteurs sont à la base
du virage anti-libéral qui a fait jouer au PCF, d’abord
contre le traité de Maastricht, puis contre le TCE, le rôle
objectif de principal parti politique du camp du NON. C’est
cela aussi qui explique, du moins en partie, l’engagement du
PCF dans l’expérience des Collectifs anti-libéraux.
Le
PCF, parti révolutionnaire du Congrès de Tours, a été
à la direction des grandes luttes sociales et nationales qui
ont contraint le capital aux concessions sociales et démocratiques,
« acquis » aujourd’hui en voie de
liquidation. Même si le PCF de l’époque de Thorez
et Duclos n’a rien à voir sur le plan idéologique,
politique, organisationnel et électoral avec l’actuel
PCF social-démocratisé, un certain héritage, des
traits pérennes ont traversé le temps et continuent à
œuvrer en profondeur au sein du mouvement ouvrier et donc au
sein des organisations politiques et syndicales ouvrières.
Les
traditions guesdistes ouvriéristes demeurent présentes
au sein du PCF et cohabitent avec les traditions jauressistes
démocratiques petites bourgeoises comme le démontrent
notre texte intitulé Contribution à l’histoire
du PCF, des Origines au Front Populaire (tome 1). Le rapport non
critique à la révolution bourgeoise de 1789/1793 est à
l’origine de l’existence de deux tendances historiques au
sein du mouvement ouvrier en France : la déviation
ouvriériste ou guesdisme qui consiste à ne
s’occuper que des questions ouvrières, à
absolutiser les luttes économiques, les luttes de classe
« pures » des ouvriers. Déviation que
l’on retrouve au sein du PCF à différents moments
de l’évolution historique, mais aussi chez les
formations trotskistes comme LO. La déviation petite
bourgeoise jauressiste qui consiste à absolutiser les
questions démocratiques, les questions dites « sociétales »,
à les porter aux nues, à les considérer
prioritaires par rapport aux questions spécialement
« ouvrières ». Si de l’époque
de Thorez à celle de Marchais, le PCF était traversé
par ces déviations contradictoires, on les retrouve toujours
au sein du PCF social-démocratisé avec même plus
d’ampleur.
A
l’époque de l’Internationale Communiste, ces
déviations étaient combattues dans le PCF avec,
notamment l’aide du mouvement communiste international.
Tendances lourdes du mouvement ouvrier et populaires, elles
caractérisent aussi fondamentalement le mouvement
alter-mondialiste. Les désastres écologiques sont par
exemple considérés comme des conséquences du
« productivisme » et non du capitalisme, d’où
les critiques de type « comportementalistes »
individuels. Une autre tendance lourde imposée par le travail
de sape de la bourgeoisie est la sous-estimation, voire une certaine
ignorance de l’importance politique fondamentale de
l’expérience révolutionnaire de la Commune dans
le pays même où elle s’est déroulée.
Une des déviations historiques du mouvement ouvrier et
populaire a été d’idolâtrer « la
République » comme « Etat au dessus des
classes » au contraire de ce qu’enseigne
l’expérience révolutionnaire de la Commune
théorisée par Karl Marx.
Rappelons
que ces courants idéologiques et politiques de l’actuel
front anti-libéral – PCF mutant, LO, LCR, Verts,
Républicains de gauche – se sont aussi très
souvent combattus durant des décennies avant la « chute
du Mur de Berlin ». Ces courants ont été
tous porteurs de projets de « réforme du
communisme ». La « défaite de l’URSS »
a ainsi été perçue par les uns et les autres
comme une occasion d’en finir avec le « modèle
stalinien ». Chacun à sa manière a affûté
ses ambitions « réformatrices » tout en
subissant des évolutions imposées par la nécessité
du combat anti-libéral. Nous avons ici à faire à
la dialectique entre ce qu’impose la situation réelle
(ce que veulent les masses) et les désirs de chaque formation
(ce que veulent les partis). Interfère aussi la réalité
de la paupérisation des « classes moyennes »
représentées par les courants non prolétarien
altermondialistes.
Dès
1974, LO entamait le projet de concurrence électorale à
la présidentielle, « Arlette » devenant
la coqueluche « d’extrême gauche »
des grands médias bourgeois. La LCR, après la vieille
expérience électorale de la présidentielle de
1969 où Krivine fit 1%, ne reprend ses aventures électorales
à partir de 2002 qu’avec la nouvelle coqueluche des
médias bourgeois, le « postier »
Besancenot. L’objectif politique des trois formations
trotskistes – LO, LCR, PT – est de damer le pion au PCF
électoralement. LO cherche à capter l’électorat
ouvrier de plus en plus abandonné par le PCF dans sa dérive
opportuniste de « mutation ». La LCR et les
Verts, souvent ex-maoïstes, s’orientent vers
l’électorat des « classes moyennes »,
des luttes dites « sociétales ». Le PT
veut attirer la frange anti-européenne de l’électorat
ouvrier. Il n’est donc pas surprenant que LO, la LCR et le PT
aient boudé, puis pour la LCR saboté dès le
départ, l’expérience des Collectifs anti-libéraux
(la LCR a toutefois choisi de ne pas mettre tous ses œufs dans
le même panier en envoyant sa « minorité »
dans le processus unitaire).
La
stratégie du capital est d’empêcher la
reconstruction d’un parti communiste révolutionnaire
s’inspirant de la seule expérience révolutionnaire
ayant vaincu la bourgeoisie dans un pays et édifié une
société socialiste débarrassée de la
propriété privée des moyens de production. Sur
ce point précis la bourgeoisie voit tout l’intérêt
pour elle d’avoir une « gauche de la gauche »
trotskiste/social-démocrate/écologiste. Les forces
politiques sur lesquelles compte le capital pour faire obstacle à
la reconstruction d’un parti de la révolution socialiste
sont les suivantes:
-
D’abord il y a la « mutation » enclenchée
par la direction du PCF, qui se résume à une
transformation en parti social-démocrate avec des tendances
reconnues en son sein. Ce projet en cours illustre tout le danger que
constitue la stratégie de la « renaissance ou de la
reconquête communiste» du PCF. Il faut une rupture
politique claire et nette, préservant la capacité d’une
propagande et d’une agitation communiste réelle tout en
gardant les liens d’unité d’action avec la base et
parfois le sommet du PCF. L’affaiblissement électoral du
PCF résulte de la colère des classes populaires contre
l’abandon de la lutte des classes, sa participation aux
gouvernements patronaux et sa dépendance de plus en plus
grande vis à vis du PS pour ses élus nationaux
(députés) et locaux (collectivités
territoriales). Une partie des ouvriers – moins nombreuse que
l’affirment la bourgeoisie et ses sociologues - allant même
se réfugier dans le vote FN. Le processus de liquidation du
PCF même muté vient de franchir une étape
nouvelle avec les appels émanant à la fois de
l’intérieur du PS et du PCF à la
« fusion »/liquidation par la création
d’un « parti de la gauche ».
Historiquement la bourgeoisie a d’abord affaibli
idéologiquement le PCF en détruisant de l’intérieur
avec l’aide des révisionnistes ses fondements
marxistes-léninistes, puis l’a affaibli sur le plan
organisationnel par la liquidation des cellules d’entreprises
et de sa direction prolétarienne, tout en l’inféodant
au PS sur le plan électoral. Il s’agit maintenant de lui
substituer les trotskistes sur la scène médiatico-électorale.
La bourgeoisie est en effet consciente que la tradition et la culture
ouvrière et communiste qui marque le PCF et qui peut, avec son
nouveau virage anti-libéral, continuer à inspirer les
jeunes générations, ses liens – affaiblis mais
toujours existants - avec le monde du travail, sont objectivement un
facteur de résistance anti-libérale aujourd’hui,
notamment dans les usines, dans les entreprises et les lieux de
travail. Une partie significative de la base militante ouvrière
et populaire du PCF peut (et devra) participer demain à une
possible et nécessaire recomposition politique
Marxiste-Léniniste. - Ensuite il y a le projet d’un
grand parti trotskiste à la « gauche »
du PCF, notamment l’alliance ou la fusion LO, LCR, PT et autres
groupes trotskistes. Cette perspective butte sur les rivalités
entre les formations trotskistes. LO et LCR n’étant
parvenues à se présenter ensemble que pour les
élections européennes (voir notre texte intitulé
Victoire populaire de classe du NON au
Référendum sur le TCE, Quelles leçons ?).
Leur unité idéologique pro-européenne facilite
une telle unité, mais la concurrence entre elles, voire le
partage de rôle ciblant la classe ouvrière pour LO et
les « classes moyennes » pour la LCR, priment
souvent dans les élections nationales. Puis il y a les Verts
chez qui se retrouvent bon nombre d’ex-maoïstes qui ont la
charge de capter les éléments des classes moyennes de
sensibilité écologiste pour les détourner des
questions sociales.
-
Enfin, autour de la candidature Bové s’agitent des
militants anti-partis, viscéralement anti-communistes, dont le
projet est un « linkspartei »
à la « gauche de la gauche » dans lequel
doivent se diluer les partis existants et les « militants-citoyens »
individuels. L’Humanité
présente
ainsi les thèses de ce courant: « Condamnée
par le stalinisme, mise au rencard après la déconstruction
du mur de Berlin, anémiée par l’échec du
« tiers-mondisme », l’idée même
de « révolution » aurait-elle aussi
entraîné dans sa chute celle de « réformes »
véritables, les forces politiques ayant longtemps véhiculé
cette ambition, se contentant aujourd’hui d’accompagner
l’évolution du capitalisme ? C’est en tout
cas à partir du double échec du soviétisme (qui
a porté un coup meurtrier à l’idée de
transformation radicale) et de la social-démocratie (qui
prétendait changer les choses par d’autres voies)
qu’Yves Salesse, conseiller d’État, président
de la Fondation Copernic, a entrepris, avec « Réformes
et Révolution : propositions pour une gauche de gauche »,
de tenter de repenser, dans le monde d’aujourd’hui, ce
que pourraient être les contours d’un « projet »
susceptible de refonder la conviction que le capitalisme n’est
pas « la fin de l’histoire », et qu’une
alternative est possible – « qui ne soit pas pire ».
Ne rêvons plus aux « lendemains qui chantent »,
dit-il en substance, mais définissons « des axes
pour une transformation sociale, ici et maintenant ».
Impulsion démocratique, invention de nouvelles formes
« d’appropriation sociale », réforme
de l’État articulée aux mobilisations et aux
formes d’« auto-organisation qui peuvent exister
dans la société » : autant d’éléments
mis en débat, de même que l’objectif explicite de
contribuer, par ce biais, à la « recomposition
d’une vaste force anticapitaliste », toutes choses
sur lesquelles il s’explique dans un entretien à
l’Humanité.
Signe des temps ? Le lecteur sera peut-être surpris par
une certaine proximité entre les problématiques
esquissées par Yves Salesse et les réflexions de
l’économiste Michel Husson, qui publie ces jours-ci le
« Grand Bluff capitaliste », un ouvrage dans
lequel il entend à la fois contredire la prétention du
capitalisme à « incarner la modernité »
et montrer que les conditions se créent pour l’émergence
d’un « anticapitalisme moderne et radical ».
Paraphrasant Che Guevara, et insistant à sa façon sur
le fait que « le débat sur réforme et
révolution » se présente « dans
une configuration nouvelle », Michel Husson écrit,
dans le texte que l’on lira ci-contre : Le premier devoir
des révolutionnaires, c’est de faire des réformes »
(le 14/01/07). Il n’y a vraiment rien de nouveau, c’est
une recherche vaine
et réformiste d’une « troisième voie »
inspirée par les réformistes de la social-démocratie
internationale – Bernstein, plus tard Kautsky, etc. - après
la défaite de la première Révolution Ouvrière
en France en 1871, la Commune.
L’essence
de classe des théories révisionnistes de « gauche »,
notamment les groupes de la constellation trotskiste et les
nihilistes de « la troisième voie » a
été ainsi décrite dans le programme de
l’Internationale Communiste à son VIe Congrès
en 1928 : « Le Communisme se heurte, d’autre part
à divers courants petits-bourgeois reflétant et
exprimant les fluctuations des couches sociales instables (petite
bourgeoise urbaine, moyenne bourgeoisie en voie de dissolution,
prolétariat en guenilles – Lumpenprolétariat -,
bohêmes intellectuels déclassés, artisans tombés
dans la misère, certains groupes de paysans et maints autres
éléments). Ces courants, qui se distinguent par une
extrême instabilité politique, dissimulent souvent sous
une phraséologie de gauche une politique de droite ou tombent
dans l’aventurisme, substituant à la connaissance
objective des forces en présence une bruyante gesticulation
politique, passant fréquemment de la « surenchère »
révolutionnaire la plus insolente au plus profond pessimisme
et à de véritables capitulations devant l’ennemi.
Ces courants peuvent, dans certaines conditions, surtout au moment de
changements brusques dans la situation politique et dans la nécessité
de reculs momentanés, jouer dans les rangs du prolétariat
un rôle désorganisateur des plus dangereux et entraver
ainsi le mouvement ouvrier révolutionnaire ».
On a ici l’explication scientifique de la base de classe du
comportement désorganisateur et diviseur des formations
trotskistes et des tenants trotskisants de la « troisième
voie » dans la lutte pour forger un front anti-libéral,
lesquels vont jusqu’au scandaleux amalgame bourgeois
« stalinisme = hitlérisme ».
L’élection
pour construire un nouveau rapport de force :
L’exemple
latino – américain
Avec
la défaite de l’URSS et du camp socialiste dans le bras
de fer historique qui l’a opposé au camp capitaliste, le
rapport de force au plan international a été
temporairement renversé. Le prolétariat, le mouvement
communiste et révolutionnaire international et les peuples
opprimés subissent la re-mondialisation du capitalisme. Les
forces révolutionnaires ont ainsi été acculées
à la défensive, à la résistance, pour ne
pas être broyées par la machine infernale prédatrice
de l’offensive impérialiste qui agresse tous les acquis
sociaux, démocratiques, nationaux, culturels arrachés
dans la période précédente par le prolétariat,
les peuples, le mouvement communiste et révolutionnaire
international.
Dans
la période d’avant « la chute du mur de
Berlin », l’existence de l’URSS, du camp
socialiste, a contribué, articulée au niveau
d’organisation des luttes nationales, aux victoires
révolutionnaires directes en 1949 avec la révolution
nationale démocratique populaire anti-impérialiste en
Chine, en 1953 en Corée du Nord, en 1959 à Cuba, en
1946, puis en 1976 au Vietnam, etc. Elle a permis l’avènement
des régimes des Démocraties Populaires dans les pays
d’Europe de l’Est entre 1945 et 1947, conséquence
de la victoire de l’URSS et des peuples contre le nazisme et le
fascisme mondial. Ces victoires furent aussi réelles que
l’aide, y compris électorale, des impérialistes
US et anglais au maintien du capitalisme du coté des pays
d’Europe de l’Ouest, contrairement au mensonge propagé
par les impérialistes sur les prétendues « fraudes
électorales des communistes » lors des
élections issues des accords de Yalta.
Dans
le contexte international actuel de contre-révolution
bourgeoise impérialiste, les résistances nationales,
démocratiques, anti-impérialistes, malgré le
rapport de force encore favorable aux impérialistes et à
leurs alliés bourgeois nationaux compradores, se
manifestent dans certaines victoires électorales, notamment en
Amérique Latine. Les luttes sociales, nationales et
démocratiques débouchent par-ci par-là sur des
victoires électorales mettant au pouvoir, à l’instar
de Salvador Allende au Chili dans les années 70, des
révolutionnaires, des patriotes démocrates
anti-impérialistes, des anti-libéraux. Cette évolution
correspond à une nouvelle étape, succédant à
la période de défaite, marquée par la montée
en puissance progressive des résistances sociales, populaires
et nationales. C’est ainsi qu’il faut comprendre les
victoires électorales des peuples français et
néerlandais lors des référendums sur la
Constitution Européenne et la récente percée
électorale du camp du NON au Pays-Bas pour les législatives
récentes. C’est aussi cela qu’expriment les
victoires électorales de Lula au Brésil, de Chavez au
Venezuela, de Morales en Bolivie, d’Ortega au Nicaragua, de
Correa en Equateur, etc., et la contestation électorale de
millions d’électeurs Mexicains en faveur d’Obrador
au Mexique contre la fraude du candidat pro-US. En Amérique
Latine, la lutte anti-impérialiste prend l’allure de
victoires électorales des forces politiques révolutionnaires
ayant rompu avec la social-démocratie, voire s’opposant
à celle-ci sur les plans idéologique et politique.
Les
représentants officiels de l’Internationale Socialiste
en Amérique latine révèlent ainsi clairement en
pratique leur nature d’agents de l’impérialisme,
en particulier de la domination US sur « son arrière
cour ». Mais cette résistance va au delà et
se propage peu à peu sur tous les continents. C’est
ainsi que les fraudes électorales, les conséquences du
Tsunami et la contestation qui s’en est suivie a débouché
au Népal et au Sri Lanka sur la lutte armée actuelle
contre les monarchies pro-impérialistes. En Afrique, cela
s’est traduit par les victoires électorales de Mugabe au
Zimbabwe, la victoire électorale et la résistance de
Gbagbo en Côte d’ivoire contre les stratagèmes de
la françafrique, etc. Tous ces exemples non exhaustifs
manifestent à des degrés différents les
résistances des peuples, y compris sur le plan électoral,
à la re-mondialisation, à la re-colonisation
capitaliste.
Ces
victoires électorales sont le contre-pied de l’utilisation
par l’UE et par les USA des élections pour prendre le
contrôle de pays entiers et poursuivre le démantèlement
des Etats nations ou multinationaux. C’est le cas des
prétendues « révolutions à
fleurs » en Ukraine, en Georgie, en ex-Yougoslavie,
etc.
Cependant
il est clair que quand les impérialistes et les bourgeois
nationaux compradores sont électoralement mis en échec
par la volonté populaire au profit des forces objectivement
anti-impérialistes, l’impérialisme n’hésite
pas à revenir à sa vieille tradition des coups d’état,
comme celui qui a échoué au Venezuela contre Chavez ou
celui réalisé au Togo par Eyadéma fils.
Ces
expériences électorales, en Amérique Latine en
particulier, doivent être étudiées par les
communistes révolutionnaires et les anti-libéraux. Ils
doivent s’en inspirer et, à partir du scalpel
léniniste de l’analyse concrète d’une
situation concrète, développer l’unité
d’action nécessaire pour construire un front populaire
anti-libéral capable de briser la bipolarisation politique
droite/« gauche » imposée par le capital
pour pérenniser son système économique et sa
dictature de classe sur le pays. Séparer les particularités
nationales de l’essentiel, pour apprendre des expériences,
mêmes de pays arriérés sous le rapport du mode de
production capitaliste, est une méthode scientifique
marxiste-léniniste applicable tant à l’expérience
de la Commune et à de la Révolution Bolchevique, qu’aux
expériences en cours en ce début du 21e
siècle, lesquelles s’inspirent et s’appuient sur
la résistance exemplaire et le rôle d’avant-garde
de la Révolution Cubaine.
Paraphrasons
Karl Kautsky en 1902 dans son article « Les slaves et
la révolution » cité par Lénine
dans La Maladie Infantile du Communisme, le « Gauchisme » :
« Actuellement (contrairement à 1848), on peut
penser que non seulement les slaves ont pris rang parmi les peuples
révolutionnaires mais aussi que le centre de gravité de
la pensée et de l’action révolutionnaire se
déplace de plus en plus d’Occident en Orient. Dans la
première moitié du XIXe
siècle, il se situait en France, et par moments, en
Angleterre. En 1848, l’Allemagne à son tour prit rang
parmi les nations révolutionnaires… le siècle
nouveau commence par des évènements qui nous font
penser que nous allons au devant d’un nouveau déplacement
du centre de la révolution, précisément son
déplacement en Russie…La Russie, qui a puisé en
Occident tant d’initiative révolutionnaire, est
maintenant, peut-être, sur le point d’être pour
lui, à son tour, une source d’énergie
révolutionnaire (…) Ils féconderont les pousses
de la révolution sociale dans le monde civilisé
tout entier, ils les feront s’épanouir en une floraison
plus luxuriante et plus rapide. En 1848, les slaves furent le gel
rigoureux qui fit périr les fleurs du printemps populaire.
Peut-être leur sera t-il donné maintenant d’être
la tempête qui rompra la glace de la réaction et
apportera impétueusement un nouveau, un radieux printemps pour
les peuples » (Maladie Infantile du Communisme,
édition du progrès, p.10). C’était en
1902, quinze ans avant la Révolution Bolchevik d’Octobre
1917 qui devait confirmer l’analyse marxiste de Karl Kautsky
quand il était encore un révolutionnaire conséquent.
Ces paroles ne sont-elles pas aujourd’hui applicables à
l’Amérique latine, à Cuba et au Venezuela ?
Signalons
encore que la résistance des peuples prend aussi la forme de
victoires politiques et militaires en plus des victoires électorales.
C’est le cas récemment au Liban et de plus en plus en
Irak. La barbare provocation/piège d’Israël dont
l’un des buts étaient d’entraîner la Syrie
et l’Iran dans la guerre a échoué. L’assassinat
de P. Gemayel est sans doute un prolongement du stratagème
sioniste, qui à défaut de la guerre avec la Syrie,
cherche à provoquer une guerre civile au Liban. Israël
continue de pousser à la guerre civile au sein même de
la résistance héroïque du peuple palestinien. Il
en est de même en Irak où les USA pratiquent les mêmes
politiques en organisant des attentats contre les civils dans le but
de dresser les irakiens les uns contre les autres sur des bases
confessionnelles et ethniques. La défaite électorale
récente de Bush est ainsi à mettre au compte,
notamment, des victoires militaires et politiques de la résistance
en Irak et en Afghanistan. La formidable résistance de plus en
plus victorieuse du peuple irakien est un boulet qui entrave le
projet états-unien et sioniste de « guerre
préventive et d’attaque nucléaire tactique »
contre l’Iran. La possession unilatérale et exclusive de
la bombe atomique que veulent imposer les impérialistes comme
moyen de chantage pour soumettre les pays, les Etats et les peuples
vient d’être battue en brèche par la Corée
du nord.
Les
résistances actuellement victorieuses sont parfois dirigées
par les représentants politiques des classes féodales,
aux contenus idéologiques moyenâgeux. Ce fait objectif
est souvent instrumentalisé par l’impérialisme
pour empêcher toute solidarité avec ces résistances
nationales dans les pays faibles et dépendants. Les
révolutionnaires prolétariens et les anti-libéraux
doivent toujours garder en vue que ces luttes, au delà de la
nature idéologique et de classe de ceux qui les dirigent,
participent objectivement à l’affaiblissement de
l’impérialisme, du capitalisme et donc facilitent
jusqu’à un certain point le changement du rapport de
force au bénéfice des forces révolutionnaires,
patriotiques et de progrès. En ce sens, les résistances
nationales mêmes dirigées par des bourgeoisies et/ou des
féodalités nationalistes sont éminemment plus
progressistes que les sociaux libéraux, les révisionnistes
et autres renégats « modernes » qui
capitulent devant l’impérialisme.
Selon
la situation concrète de chaque peuple face à
l’impérialisme déchaîné et libéré
de la bride par laquelle le socialisme réel le tenait
relativement en respect ; luttes politiques, militaires, grèves,
manifestations, luttes électorales, alternent et se combinent
dans le combat de classe et la lutte nationale des travailleurs et
des peuples contre l’impérialisme. Ces luttes mettent au
devant les revendications anti-libérales, patriotiques et
démocratiques, étapes inévitables, nécessaires
sur le chemin des futures révolutions prolétariennes et
l’édification du socialisme dans un pays ou un groupe de
pays à l’instar de la Révolution Bolchevik
d’octobre 1917.
La
tâche actuelle : construire le front anti-libéral
et
une aile anti-capitaliste en son sein
La
leçon à retenir de tout cela est que de façon
générale et plus particulièrement dans le
contexte actuel défavorable, les élections sont et
peuvent être un moyen pour les anti-libéraux et les
révolutionnaires, tout comme pour les impérialistes et
leurs alliés bourgeois compradores, de mesurer et de
faire évoluer le rapport de force pour réaliser des
objectifs tactiques d’étapes. Dans notre document,
intitulé Le Léninisme : Guide pour l’action
révolutionnaire du prolétariat à l’époque
de l’impérialisme, analysant les déviations
de droite et surtout de « gauche »
caractérisant le mouvement de la reconstruction communiste,
nous écrivions : « dans la phase actuelle
de reconstruction de l’organisation politique d’avant-garde
du prolétariat, notre tâche à nous est
de lier dialectiquement le Que faire ? et la Maladie infantile
du communisme comme guide pour l’action sur la base
de cet enseignement fondamental de Lénine : la
nécessité de tenir compte, avec une objectivité
rigoureuse, des forces de classe et du rapport de ces forces, avant
d’engager une action politique quelconque »
(8 avril 2004).
Et
pourtant force est de constater que les multiples organisations
marxiste-léninistes se fixant l’objectif de
« construire » ou de « reconstruire »
le parti communiste révolutionnaire ont appelé à
l’abstention au premier tour et au second tour de la
présidentielle 2007. Contre le sectarisme abstentionniste au
sein des groupes marxistes-léninistes, le Cercle Henri
Barbusse soutient la Coordination Communiste 59 pour son appel
clair et net d’abord pour une candidature unique et unitaire du
front anti-libéral pour battre la candidate social-libérale
PS, ensuite, face à l’échec de la désunion,
l’appel au vote Buffet au premier tour et à
l’utilisation du bulletin Royal pour battre Sarkozy au second
tour.
Si
le doctrinarisme de gauche est souvent « une sorte de
châtiment pour les déviations opportunistes du mouvement
ouvrier », châtiment juvénile, Lénine
avertissait déjà dans les années 20 que le
« doctrinarisme de gauche dans le mouvement communiste
international est, à l’heure présente, mille fois
moins dangereux et moins grave que l’erreur représentée
par le doctrinarisme de droite ; mais cela vient
uniquement de ce que le communisme de gauche est une tendance de
formation récente, qui ne fait que naître »
(La maladie infantile du communisme). Comme il est démontré
sur le plan théorique dans notre document cité
ci-dessus, du triomphe du révisionnisme à la tête
du Mouvement Communiste International au milieu des années 50
à la restauration du capitalisme en URSS entre les années
80/90, le mouvement communiste a été miné à
la fois par le doctrinarisme de droite (opportunisme,
réformisme) et le doctrinarisme de gauche (sectarisme
petit bourgeois) ainsi devenu un « vice enraciné »
comme le prévoyait Lénine lui même. C’est
pourquoi dans notre document nous précisions : « Lénine
parle de « doctrinarisme de gauche » et non de
telle ou telle autre forme particulière que peut prendre « la
maladie infantile du communisme » ou encore comme
l’appelle aussi Lénine « l’esprit
révolutionnaire petit-bourgeois ». En effet, de
l’anarchisme au trotskisme (selon l’époque et la
version), en passant par le « luxembourgisme »,
le « bordiguisme » ou encore le maoïsme
(selon l’époque et la version), toutes ces déviations
sont des variétés, des formes et non
l’essence de ce que Lénine appelle le
« doctrinarisme de gauche ou maladie infantile du
communisme ». Prenant différentes formes, ces
variétés du « gauchisme sectaire »
peuvent se traduire et se traduisent dans des organisations
spécifiques qui se combattent mêmes les unes les autres.
Cela ne doit pas nous cacher le fait que ces organisations
appartiennent toutes quant au fond à une seule et même
déviation : le doctrinarisme de gauche, qui peut même,
comme cela a été le cas maintes fois dans l’histoire
de la lutte de classe, conduire à une capitulation de droite »
(idem).
Ainsi
on est frappé par le fait que trois sources sont à la
base de l’abstentionnisme qui a caractérisé la
majorité des groupes de la reconstruction du parti communiste
marxiste-léniniste : d’abord le rejet de
l’opportunisme de droite du PCF, justifié mais souvent
mêlé de rancœur subjectiviste, ensuite la
confusion sur la nature anti-libérale et non anti-capitaliste
des forces en présence, l’ignorance du rapport réel
des forces et la non prise en compte du sentiment d’impuissance
au sein des masses, conséquence des défaites
successives des combats de classe, enfin la négation des
projets de recomposition politique anti-communiste de la bourgeoisie.
En
effet, les uns ne font aucune différence entre le PCF même
social-démocratisé et les formations trotskistes ou
mao-écologistes, ce qui les isolent de la base, notamment
ouvrière, de ce parti qui fut le nôtre, et dont nous
partageons l’histoire révolutionnaire de sa fondation au
Congrès de Tours comme section française de
l’Internationale Communiste jusqu’à la victoire du
révisionnisme khrouchtchévien dans les années
50/60. D’autres confondent la nécessaire propagande
communiste sur la nature de classe de l’Etat capitaliste contre
les théories bourgeoises de « l’Etat
démocratique au dessus des classes » avec
l’incontournable prise en compte, pour ne pas se laisser
marginaliser vis à vis des masses, de la nécessaire
participation aux combats électoraux structurant de fait la
vie politique dans un pays de vieille démocratie bourgeoise
comme la France. Certains s’enlisent dans la répétition
de formules apprises par cœur – ils appellent cela du
marxisme-léninisme (?!) - sans aucun effort d’analyse
concrète de la situation concrète et de prise en compte
du rapport des forces dans sa réalité objective.
Les
multiples groupes issus du PCF ayant le projet de « construire »
ou de « reconstruire » un parti
marxiste-léniniste se sont fourvoyés dans des appels à
« l’abstention » en dehors de toute prise
en compte du mouvement réel.
Près
de 85% de participation au vote est un indice indéniable de
cette incapacité que dénonçait Lénine
quand il enseignait que « le tout est justement de ne
pas croire que ce qui a fait son temps pour nous (les militants) a
fait son temps pour la classe, a fait son temps pour les masses »
(La maladie infantile du communisme, Edition du Progrès).
Cette vérité indiscutable devrait être méditée
par nos abstentionnistes, qui empruntent plus à l’anarchisme
qu’au marxisme-léninisme en ce qui concerne les
tactiques électorales et la question des élections.
Dans les vieilles démocraties bourgeoises comme la France et
comme la plupart des pays de l’UE et d’Amérique du
Nord, la participation aux luttes électorales est un
apprentissage obligatoire pour amener les masses laborieuses à
la nécessité de la révolution prolétarienne.
Aujourd’hui, dans un contexte de contre-révolution et de
défaite idéologique et politique du prolétariat
mondial, l’abstentionnisme conduit à la marginalisation
et à l’auto-destruction.
Dans
les années 20 alors que le rapport des forces progressait
plutôt en faveur du monde du travail et des forces communistes,
Lénine enseignait que « si même ce ne sont
pas des « millions » et des « légions »
mais simplement une minorité assez importante d’ouvriers
d’usines qui suivent les prêtres catholiques – et
d’ouvriers agricoles qui suivent les grands propriétaires
fonciers et les koulaks – il en résulte déjà
sans le moindre doute que le parlementarisme…n’a pas
encore fait son temps politiquement, que la participation
aux élections parlementaires et à la lutte du haut de
la tribune parlementaire est obligatoire
pour le parti du prolétariat révolutionnaire afin
précisément d’éduquer les couches
retardataires de sa classe, afin précisément d’éveiller
et d’éclairer la masse inculte, opprimée et
ignorante des campagnes. Tant que vous n’êtes
pas de force à dissoudre le parlement bourgeois et toutes les
autres institutions réactionnaires, vous devez travailler dans
ces institutions précisément parce qu’il
s’y trouve encore des ouvriers abrutis par la prêtraille
et par l’atmosphère étouffante des trous de
province » (idem). Lénine poursuit :
« C’est justement parce qu’en Europe
occidentale les masses arriérées d’ouvriers et,
plus encore, de petits paysans sont, beaucoup plus fortement qu’en
Russie, imprégnées de préjugés
démocratiques-bourgeois et parlementaires, c’est
justement pour cette raison que les communistes peuvent (et doivent),
uniquement de l’intérieur d’institutions
comme les parlements bourgeois, mener une lutte opiniâtre, de
longue haleine et ne reculant devant aucune difficulté pour
dénoncer, dissiper, vaincre ces préjugés »
(idem).
Il
s’agit donc ici de la préparation, de la méthode
pour arriver à vaincre la bourgeoisie en amenant les classes
opprimées à la conscience de la nécessité
pratique de briser la machine d’Etat capitaliste. Il s’agit
là de la question pratique de comment amener les masses
laborieuses, le peuple à se convaincre par l’expérience
qu’il faut renverser et abolir les institutions de la
démocratie bourgeoise une des formes de la dictature de classe
des capitalistes.
Cet
enseignement de Lénine nous indique du coup comment il faut
poser les vraies et bonnes questions pour contribuer à
l’émergence d’un mouvement populaire anti-libéral
sur la base de la victoire du NON au TCE, du retrait du CPE, la
campagne du NON à Maastricht et les luttes ouvrières et
sociales vaincues. L’avènement et la montée des
résistances altermondialistes – ce terme s’est
imposé à la place du terme « anti-mondialiste »
comme une concession social-démocrate trotskisante au
capitalisme – ont peu à peu attiré les
représentants des forces associatives, politiques et
syndicales sans mettre pour le moment en mouvement les grandes masses
des travailleurs. Beaucoup ont trouvé dans les discours
altermondialistes un début de réponse théorique
et pratique à l’offensive libérale du capital
libéré par la défaite du socialisme. La formule
« un autre monde est possible » indique
qu’il faut faire autrement, mais de quel autre monde
s’agit-il ? Le socialisme n’est ni l’alternative,
ni la perspective des « penseurs »
altermondialistes. Mais la résistance contre la politique
libérale de casse sociale s’est emparée de ce
point d’appui défensif au cœur des luttes
ouvrières et populaires. Cette situation nécessite
l’intervention des marxiste-léninistes pour participer à
la construction du front anti-libéral rassemblant toutes les
forces anti-libérales et l’élargir le plus
possible aux masses laborieuses. Les marxiste-léninistes
peuvent et doivent former l’aile anti-capitaliste du front
anti-libéral en construction pour y frayer la voie à la
ré-émergence d’un parti communiste véritable,
héritier du PCF « section du Komintern »
né à Tours.
Les
abstentionnistes marxiste-léninistes d’aujourd’hui
opposent et confondent ce travail politique incontournable et la
lutte idéologique continue contre les opportunistes pour
expliquer la juste définition d’Engels selon laquelle le
suffrage universel est en régime capitaliste « l'indice
qui permet de mesurer la maturité de la classe ouvrière.
Il ne peut être rien de plus, il ne sera jamais rien de plus
dans l'Etat actuel » ; que les élections
en régime capitaliste, c’est « décider
périodiquement, pour un certain nombre d'années, quel
membre de la classe dirigeante foulera aux pieds, écrasera le
peuple au Parlement, telle est l'essence véritable du
parlementarisme bourgeois, non seulement dans les monarchies
constitutionnelles parlementaires, mais encore dans les républiques
les plus démocratiques » (L’Etat et la
Révolution) ; que « toute l'histoire de
la démocratie bourgeoise a fait de la tribune parlementaire,
notamment dans les pays avancés, la principale ou l'une des
principales arènes des duperies financières et
politique, de l'arrivisme, de l'hypocrisie, de l'oppression des
travailleurs » (thèses du IIe
congrès de l’Internationale Communiste (1920) ; que
« tout Etat où existe la propriété
privée de la terre et des moyens de production, où
règne le capital, est un Etat capitaliste, une machine aux
mains des capitalistes pour maintenir dans la soumission la classe
ouvrière et la paysannerie pauvre. Le suffrage universel,
l’Assemblée constituante, le Parlement, ne sont que la
forme, une sorte de lettre de change, qui ne changent rien au fond »
(De l’Etat, Lénine) et que « La
forme que revêt la domination de l'Etat peut différer :
le capital manifeste sa puissance d’une certaine façon
là où existe une certaine forme, d'une autre façon
là où la forme est autre; mais, somme toute, le pouvoir
reste aux mains du capital, que le régime soit censitaire ou
non, même si la république est démocratique ;
mieux encore : cette domination du capitalisme est d’autant
plus brutale, d’autant plus cynique que la république
est plus démocratique » (De l’Etat,
Lénine).
Ce
travail idéologique et politique est obligatoire pour rallier
l’avant-garde ouvrière et les couches exploitées
afin de réaliser à terme la fusion du socialisme
scientifique et du mouvement ouvrier. Les communistes doivent mener
une lutte opiniâtre de longue haleine, de toutes leurs forces
et par tous les moyens, pour détruire toutes les illusions des
éléments avancés et combatifs, des « militants
acteurs du mouvement social » pour reprendre un jargon
« alter-mondialiste » sur la prétendue
« neutralité, impartialité de l’Etat »
entre les classes sociales. Chaque lutte sociale, chaque grève,
chaque manifestation réprimée, chaque procès
contre des responsables syndicaux, des organisateurs ou simple
manifestants, chaque atteinte aux libertés démocratiques
doit être une occasion pour démontrer le mensonge des
théories révisionnistes, opportunistes, réformistes
et pour rétablir clairement par des foules de faits et
d’exemples vécus par les travailleurs la nature de
classe de l’Etat bourgeois. Toute notre propagande et agitation
doit reposer sur les trois formes d’aides à la lutte de
classe que distinguait Lénine : D’abord
« développer la conscience de classe des
ouvriers, c’est-à-dire la compréhension par
ceux-ci du fait que pour améliorer leur sort et réaliser
leur émancipation, il n’est pas d’autre moyen que
de lutter contre la classe des capitalistes et des fabricants qui
sont apparus avec les grandes fabriques et usines. C’est
ensuite la compréhension du fait que les intérêts
de tous les ouvriers d’un pays sont identiques, solidaires, que
tous les ouvriers constituent une même classe distincte de
toutes les autres classes de la société. C’est
enfin, la compréhension du fait que pour parvenir à
leurs fins, les ouvriers doivent nécessairement chercher à
influer sur les affaires de l’Etat, comme l’ont fait et
continuent de le faire les grands propriétaires fonciers et
les capitalistes » (Exposé et commentaire du
projet de programme du parti social-démocrate, textes sur
les syndicats, éd. du Progrès idem, p.38). Pour élever
le mouvement ouvrier, à cette prise de conscience, l’activité
d’aide des communistes marxiste-léninistes doit
consister « à leur indiquer les besoins vitaux
essentiels pour la satisfaction desquels ils doivent lutter, à
analyser les causes de l’aggravation particulière de la
situation de telle ou telle catégorie d’ouvriers, à
leur expliquer les lois ouvrières... Cette aide doit consister
à formuler avec plus de précision et de netteté
les revendications des ouvriers et les énoncer publiquement, à
choisir le meilleur moment pour résister et la méthode
de lutte, à analyser la situation et les forces des deux
parties en présence, à examiner s’il ne serait
pas préférable de recourir à une autre méthode
de lutte, etc. » (idem). Ce travail, qui a fait la
force historique, idéologique, politique du PCF à
l’époque « section française de
l’Internationale Communiste », doit être
repris pour soustraire en particulier l’avant-garde ouvrière,
les ouvriers combatifs souvent encore adhérents ou
sympathisants à l’influence nocive du PCF
social-démocratisé, des trotskistes et écologistes
d’aujourd’hui.
Cette
lutte idéologique et politique ne s’oppose donc pas et
doit être complétée par le travail d’implication,
d’intervention et d’actions unitaires anti-libérales
sur le terrain avec toutes les forces luttant ensemble contre les
attaques du capital pour la construction d’un front
anti-libéral le plus large possible.
Les
abstentionnistes en sont restés à la critique du
« communisme du PCF » alors qu’il
s’agissait dans le débat sur les élections de se
prononcer sur l’anti-libéralisme actuel du PCF, lequel
d’ailleurs confond lui même anti-libéralisme et
anti-capitalisme. L’abstention est en réalité une
désertion du terrain politique pour toute force qui a d’une
manière ou d’une autre contribué à la
victoire du NON au TCE. Ainsi nos abstentionnistes abandonnent le
terrain aux manœuvres politiciennes des forces anti-communistes
qui pullulent dans le front anti-libéral. Dans les
circonstances actuelles et vu l’état réel du
rapport de force, le principal danger qui menace les communistes
« constructeurs » ou « reconstructeurs »
est l’isolement sectaire vis à vis des masses ouvrières
et populaires qui conduit à une mort politique certaine. Ce
que nos abstentionnistes ne voient pas, c’est ce qui a bougé,
ce qui a évolué, ce qui a changé ou ce qui est
en train de subir des transformations dans la société,
dans le mouvement ouvrier et populaire et partant dans les
organisations politiques et syndicales. Le PCF, les trotskistes et
écologistes sont des forces anti-communistes,
anti-marxistes-léninistes, mais ces forces sont actives et
hégémoniques dans les résistances ouvrières
et populaires anti-libérales d’aujourd’hui. Le
capital lamine toute résistance ouvrière et populaire,
le sentiment d’impuissance écrase la volonté des
masses. Le combat idéologique contre le réformisme
n’est nullement incompatible avec l’unité d’action
dans le combat de classe y compris sur le plan électoral. Il
n’y a pas et ne peut y avoir de muraille de Chine
infranchissable entre la tactique « classe contre
classe » et la tactique du « front
unique » ou du « front populaire ».
Voilà l’essence de l’erreur de nos camarades
abstentionnistes, erreur dont les traces remontent loin dans
l’histoire du mouvement communiste.
Le
virage anti-libéral actuel en cours dans le PCF et des autres
composantes du front anti-libéral populaire en construction
favorise jusqu’à un certain point la possibilité
d’émergence d’un front anti-libéral. Mais
comme nous l’avons démontré dans cette réflexion,
toutes les conditions pour y arriver ne sont pas encore arrivées
à maturité. Dans toutes les expériences des
victoires électorales, notamment en Amérique latine, y
compris celles du NON en France et au Pays Bas, le front anti-libéral
et patriotique anti-impérialiste a traversé une période
expérimentale d’unité d’action pour
résister aux agressions multiples des forces libérales.
Nous passons et passerons ici aussi par une telle phase d’échecs
relatifs pour repartir toujours de l’avant en raison même
des nécessités imposées par la vie. L’étape
du front anti-libéral pour résister et créer un
nouveau rapport de force est la voie de passage obligée pour
frayer un chemin à l’édification du parti
communiste véritablement révolutionnaire et pour
transformer le front anti-libéral en force anti-capitaliste.
C’est
pourquoi nous devons assimiler ce qu’enseigne Lénine :
« toute l’histoire du bolchévisme, avant
et après la Révolution d’Octobre, abonde en
exemples de louvoiement, d’ententes et de compromis avec les
autres partis, y compris les partis bourgeois ! »
(La maladie infantile). C’est ce qu’explique aussi
le Comité Exécutif de l’Internationale Communiste
contre les tenants de la « maladie infantile du
communisme » dans les années 20 et 30 :
« Le Comité Exécutif de l’IC croit
utile de rappeler à tous les partis frères les
expériences des Bolcheviks russes, dont le parti est le seul
qui ait jusqu’à présent réussi à
vaincre la bourgeoisie et à s’emparer du pouvoir.
Pendant les quinze années qui s’étendent entre la
naissance du Bolchevisme et sa victoire (1903-1917), celui-ci n’a
jamais cessé de combattre le réformisme ou, ce qui
revient au même, le menchevisme. Mais pendant ce laps de temps,
les Bolcheviks ont à plusieurs reprises passé des
accords avec les Mencheviks. La première scission formelle eut
lieu au printemps de 1905. Mais sous l’influence irrésistible
d’un mouvement ouvrier de vaste envergure, les Bolcheviks
formèrent la même année un front commun avec les
Mencheviks. La seconde scission formelle eut lieu en 1912. Mais, de
1905 à 1912, la scission alterna avec des unions et des
accords temporaires (en 1906, 1907 et 1910). Unions et accords ne se
produisirent pas seulement à la suite des péripéties
de la lutte entre fractions, mais surtout sous la pression des
grandes masses ouvrières éveillées à la
vie politique et qui voulaient voir par elles-mêmes si les
voies du Menchevisme s’écartaient véritablement
de la révolution. Peu avant la guerre impérialiste, le
nouveau mouvement révolutionnaire qui suivit la grève
de la Léna engendra dans les masses prolétariennes une
puissante aspiration à l’unité, que les
dirigeants du Menchevisme s’évertuèrent à
exploiter à leur profit, comme le font aujourd’hui les
leaders des internationales « socialistes » et
ceux de l’Internationale d’Amsterdam. A cette époque
les Bolcheviks ne se refusèrent pas au front unique. Loin de
là, ils adoptèrent le mot d’ordre de « l’unité
à la base », c'est-à-dire de l’unité
des masses ouvrières dans l’action révolutionnaire
pratique contre la bourgeoisie. L’expérience montra que
c’était là la seule voie vraie tactique. Modifiée
selon les temps et les lieux, cette tactique gagna au communisme
l’immense majorité des meilleurs éléments
prolétariens Mencheviks » (Quatre Premiers
Congrès de l’IC, 1919-1923).
A
la question pourquoi les Bolcheviks ont vaincu, Lénine donnait
la réponse suivante dans « Une des
conditions essentielles du succès des Bolchéviks » :
« C’est premièrement la haute conscience
de l’avant-garde prolétarienne, son dévouement à
la révolution, sa maîtrise de soi, son esprit de
sacrifice, son héroïsme. C’est, deuxièmement,
son aptitude à se lier, à se rapprocher et, si vous
voulez, à se fondre jusqu’à un certain point avec
la masse la plus large des travailleurs, au premier chef avec la
masse prolétarienne mais aussi avec la masse non prolétarienne
des travailleurs. Troisièmement, c’est la justesse de la
direction politique exercée par cette avant-garde, la justesse
de sa stratégie et de sa tactique politiques, à
condition que les plus larges masses se convainquent de cette
justesse par leur propre expérience (…) d’autres
parts ces conditions ne peuvent pas surgir d’emblée.
Elles ne se réalisent qu’au prix d’un long
travail, d’une dure expérience ; leur réalisation
est facilitée par une théorie révolutionnaire
juste qui, de son côté, n’apparaît pas comme
un dogme mais ne prend finalement forme qu’en liaison
étroite avec la pratique d’un mouvement réellement
de masse et réellement révolutionnaire »
(Maladie infantile du communisme, Edition du Progrès,
p.14).
C’est
à cette source que nous devons, tout en évitant les
écueils du doctrinarisme de droite (opportunisme) et de
« gauche » (gauchisme), nous abreuver car elle
reste un guide pour l’action révolutionnaire dans les
conditions nouvelles nées de la défaite du socialisme
réel et de l’URSS.
Le
1er
mai 2007
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