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Le léninisme

Guide pour l'Action Révolutionnaire du Prolétariat à l'Epoque de l'Impérialisme

Cher Vincent,

La défaite du socialisme et la désintégration de l’URSS engendre un recul de la lutte de classe du prolétariat et de la lutte des peuples contre l’impérialisme. Le déséquilibre dans le rapport de force entre d’une part l’impérialisme et d’autre part le mouvement ouvrier, les peuples opprimés et les pays du camp socialiste est ainsi largement en faveur des forces sociales et politiques du capital. Cette situation résulte d’un long processus de montée en puissance des déviations de droite et de gauche, du révisionnisme transformé en réformisme avant de s’effondrer dans une faillite complète.

LE MOUVEMENT OUVRIER ENTRE REFORMISME ET « GAUCHISME »

L’histoire du mouvement ouvrier de la première Internationale à la victoire du révisionnisme en URSS et dans le Mouvement Communiste International peut être définie comme la lutte entre trois courants qui l’ont toujours traversé : la déviation de droite, la déviation de gauche et le courant révolutionnaire.

Déjà Karl Marx et Friedrich Engels ont livré bataille à la fois contre les opportunistes de droite, notamment les socialistes ministérialistes et les anarchistes, lesquels à bien des égards étaient les « gauchistes » de leur époque. Cette lutte déboucha sur la première Internationale puis sur la deuxième Internationale. 

Lénine livra ensuite un combat à la fois contre les mencheviks et les populistes, ou encore les socialistes-révolutionnaires et les trotskistes. Il mena un combat identique au sein de la deuxième Internationale contre l’opportunisme déclaré, le centrisme -notamment kautskiste- et le nihilisme sectaire luxembourgiste, hollandais, italien et allemand. Les résultats sont la Révolution d’Octobre 1917 et la fondation du Kominterm.

Fort de cette expérience victorieuse, Lénine rédigea la synthèse de ce combat (« La maladie infantile du communisme ») pour lutter au sein même de l’Internationale Communiste contre le sectarisme « gauchiste », italien et allemand notamment, ouvrant la voie à la bolchevisation des sections nationales de l’Internationale Communiste.

C’est enfin à Staline, et dans son sillage à Dimitrov, que revient l’utilisation du scalpel du matérialisme dialectique pour arriver à bout des déviations de droite et de « gauche » lors du bras fer historique avec le fascisme. Les résultats sont la défaite du fascisme, l’émergence d’un vaste camp socialiste de Berlin à Pékin, la Corée du Nord et Cuba, le développement fulgurant des luttes de libération nationale, la création de Partis Communistes de masse dans la plupart des grands pays capitalistes et dans plusieurs pays du tiers monde, les conquêtes sociales dans les pays impérialistes et les indépendances nationales de la plupart des pays colonisés.

Dans le travail de bilan nécessaire pour comprendre les sources de la défaite subie par notre classe, notre mouvement communiste international, il nous faut donc aujourd’hui réexaminer en profondeur cet avertissement de Lénine : «  Le doctrinarisme de gauche dans le mouvement communiste international est, à l’heure présente, mille fois moins dangereux et moins grave que l’erreur représentée par le doctrinarisme de droite ; mais cela vient uniquement de ce que le communisme de gauche est une tendance de formation récente, qui ne fait que naître » (La maladie infantile du communisme). 

Précisons justement que Lénine parle de « doctrinarisme de gauche » et non de telle ou telle autre forme particulière que peut prendre « la maladie infantile du communisme » ou encore comme l’appelle aussi Lénine « l’esprit révolutionnaire petit-bourgeois ». En effet, de l’anarchisme au trotskisme (selon l’époque et la version), en passant par le « luxemburgisme », le « bordiguisme » ou encore le maoïsme (selon l’époque et la version), toutes ces déviations sont des variétés, des formes et non l’essence de ce que Lénine appelle le « doctrinarisme de gauche ou maladie infantile du communisme ».

Prenant différentes formes, ces variétés du « gauchisme sectaire » peuvent se traduire et se traduisent dans des organisations spécifiques qui se combattent mêmes les unes et les autres. Cela ne doit pas nous cacher le fait que ces organisations appartiennent toutes quant au fond à une seule et même déviation : le doctrinarisme de gauche, qui peut même, comme cela a été le cas maintes fois dans l’histoire de la lutte des classes, conduire à une capitulation de droite.

Une des manifestations de ce « doctrinarisme de gauche » dans les années d’après-guerre a été l’expérience désastreuse des Brigades Rouges en Italie qui est en fait une reprise de l’expérience des populistes russes dont Lénine disait : « La voie choisie par les populistes pour lutter contre le tsarisme, celle des attentats isolés, de la terreur individuelle, était fausse et nuisible à la révolution. La politique de terreur individuelle s’inspirait de la fausse théorie populiste des « héros » actifs et de la « foule » passive, qui attend les exploits de ces « héros ». Cette fausse théorie prétendait que seules les individualités d’élite font l’histoire, tandis que la masse, le peuple, la classe, « la foule », comme s’exprimaient dédaigneusement les écrivains populistes, est incapable d’actions conscientes, organisées ; qu’elle ne peut que suivre aveuglement les « héros ». C’est pourquoi les populistes avaient renoncé à l’action révolutionnaire de masse au sein de la paysannerie et de la classe ouvrière et étaient passés à la terreur individuelle. Les populistes amenèrent un des plus grands révolutionnaires de l’époque, Stépan Khaltourine, à abandonner le travail d’organisation d’une union ouvrière révolutionnaire pour se consacrer entièrement au terrorisme. Les populistes détournaient l’attention des travailleurs de la lutte contre la classe des oppresseurs, en exécutant – sans profit pour la révolution – des représentants isolés de cette classe. Ils entravaient le développement de l’initiative révolutionnaire et de l’activité de la classe ouvrière et de la paysannerie. Les populistes empêchaient la classe ouvrière de comprendre le rôle dirigeant qu’elle devait jouer dans la révolution et freinaient la création d’un parti indépendant pour la classe ouvrière. Bien que l’organisation secrète des populistes eût été détruite par le gouvernement tsariste, les conceptions populistes se maintinrent longtemps encore parmi les intellectuels d’esprit révolutionnaire. Ce qui restait de populistes résistaient opiniâtrement à la diffusion du marxisme en Russie, empêchaient la classe ouvrière de s’organiser. Aussi le Marxisme ne put-il croître et se fortifier en Russie qu’en luttant contre le populisme » (Histoire du PC(b)US, approuvé par le CC en 1938, édition Drapeau Rouge, p. 13/14).

Selon la documentation disponible, les Brigades Rouges ont entraîné plusieurs milliers d’ouvriers dans l’aventure militariste en partie en raison de la domination du révisionnisme réformiste du Parti Communiste Italien sur le mouvement ouvrier. De ce point de vue, on peut dire comme Lénine que le phénomène des Brigades Rouges a été « une sorte de châtiment pour les déviations opportunistes du mouvement ouvrier » (Maladie Infantile), notamment le révisionnisme fondateur de la théorie réformiste de « l’eurocommunisme ».

EVOLUTION « PACIFIQUE » DU CAPITALISME ET CORRUPTION

DES COUCHES SUPERIEURES DE LA CLASSE OUVRIERE

Karl Marx a expliqué qu’une des sources du « socialisme ministérialiste » est à rechercher dans la défaite de la Commune de Paris et la frayeur suscitée au sein de la social-démocratie par la réaction barbare ultra-répressive de la bourgeoisie. Cette défaite a révélé aussi la nécessité d’un parti uni, organisé, discipliné en lieu et place de l’anarchisme libertaire « gauchiste ».

Lénine a pointé une des sources du réformisme de la social-démocratie dans la longue période « d’évolution pacifique » du capitalisme en transformation pour devenir l’impérialisme stade suprême du mode de production engendré par le capital.

L’après seconde guerre mondiale antifasciste n’a pas échappé à cette dialectique de l’histoire de la lutte des classes. La caractéristique économique de la stratégie impérialiste a été le réaménagement de la « division internationale du travail », c'est-à-dire du système colonial ainsi transformé en système semi-colonial ou « néo-colonial ». Ce réaménagement était imposé aussi par l’existence d’un vaste camp socialiste qui limitait le processus « naturel » d’internationalisation ou comme on dit aujourd’hui de « mondialisation » du capitalisme.

Un des moyens utilisés par le capital pour contourner cette restriction du marché capitaliste mondial a été la mise en place d’un système d’emprunt massif auprès des Etats impérialistes et des grandes banques monopolistes de la part des nouveaux Etats politiquement indépendants. Ces dettes massives ainsi concoctées ont favorisé la naissance d’une bourgeoisie d’état compradore dans les semi-colonies et/ou « néo-colonies » et les Etats dépendants.  

A l’intérieur de chacun des grands pays capitalistes, des stratégies de maintien du profit maximum furent mises en place : soit l’utilisation d’une main d’œuvre féminine massive dans le secteur tertiaire, immigrée non qualifiée et surexploitée dans les industries (exemple de la France), soit l’introduction des nouvelles technologies nécessitant une main-d’œuvre hautement qualifiée (c’est l’exemple du Japon). Ou encore, des pays impérialistes comme les USA et l’Allemagne ont opté pour une combinaison des deux méthodes.

Le capitalisme confronté à la désagrégation de son marché mondial a introduit les nouvelles technologies (robotique, bureautique, Internet, NTIC, etc.) qui ont provoqué le chômage de masse et la précarité massive que connaît actuellement le monde du travail. La précarité et le chômage massif sont devenus des facteurs majeurs de régulation du monde du travail.

Parallèlement s’est développé le phénomène de délocalisation des entreprises à faible composition organique du capital, phénomène qui a géographiquement étendu la prolétarisation à l’échelle de toute la planète. L’externalisation de certaines activités s’est accrue en rapport avec la multiplication de la sous-traitance. La délocalisation et l’externalisation de la production industrielle et de certaines activités du tertiaire déterminent en même temps les zones où se concentrent les investissements à travers l’explosion des investissements intra-firmes.             

De 1945 aux années 70/80, le capital a mis ainsi à profit cette période d’évolution « pacifique » et les surprofits tirés de sa réorganisation prédatrice pour corrompre, soudoyer progressivement la couche dirigeante du mouvement ouvrier et l’intégrer dans son système de domination politique. La base économique et sociale du révisionnisme et du réformisme se retrouve dans les processus de réadaptation du capital au nouveau rapport de force né de la victoire de l’URSS dans la confrontation avec le fascisme.

Cette période d’évolution « tranquille » du capitalisme a été fatale au mouvement communiste international en ce sens que progressivement, mais sûrement celui-ci a été miné et mis dans l’incapacité d’une contre-offensive lorsque vint la crise, dont les manifestations furent les « chocs pétroliers » au début et à la fin des années 70, puis à partir de 1980 la crise de l’endettement des pays du Tiers-Monde et le chômage de masse dans les pays impérialistes.

La crise structurelle de surproduction qui frappe l’économie capitaliste mondiale entraîna l’offensive ultra-libérale avec la fin de « l’Etat providence », les plans d’ajustement structurel du Fonds Monétaire International (FMI) et de la Banque Mondiale, l’austérité budgétaire, la marchandisation de la santé, du social et de l’école, les privatisations et la mise en place de l’Organisation Mondiale du Commerce (OMC). L’offensive ultra-libérale du grand capital a été décuplée par la défaite temporaire de l’URSS, du socialisme et a favorisé l’émergence, le développement des pôles impérialistes concurrents (Union Européenne, USA, Japon) et l’explosion des contradictions inter-impérialistes qui conduisent aux guerres d’aujourd’hui.  

LA DIALECTIQUE  « FRONT UNIQUE » ET « CLASSE CONTRE CLASSE »

Avec l’avènement du révisionnisme à la tête du mouvement communiste international, le débat en son sein a consisté à opposer systématiquement la tactique du front unique du prolétariat et la tactique dite classe contre classe. L’une a été conçue comme l’alliance stratégique avec la social-démocratie, alliance des états-majors principalement en vue de la « conquête pacifique » du pouvoir. Et l’autre a été présentée comme la panacée sectaire applicable en toutes circonstances par l’opposition de « gauche » trotskiste et/ou maoïste contre l’opportunisme des dirigeants droitiers. L’abandon de la dialectique entre ces deux tactiques et leur opposition systématique ont caractérisé fondamentalement les deux courants opportunistes dominants du mouvement ouvrier et communiste international depuis la mort de Staline.

Or, le bolchevisme n’oppose pas, mais lie ces deux tactiques selon les circonstances, le rapport de force du moment et les tâches qui en découlent. C’est Karl Marx lui-même, qui le premier en a défini les axes fondamentaux, quand il a dit : « Dans les grands développements historiques, vingt années ne sont pas plus qu’un jour, bien que, par la suite puissent venir des journées qui concentrent en elles vingt années » (cité dans Textes sur les syndicats, éd. du Progrès, p.270).

Lénine explique ensuite qu’« à chaque étape de l’évolution, à chaque moment, la tactique du prolétariat doit tenir compte de cette dialectique objective de l’histoire de l’humanité: d’une part, en mettant à profit les époques de stagnation politique, c’est-à-dire de développement dit « paisible », avançant à pas de tortue pour accroître la conscience, la force et la combativité de la classe d’avant-garde; d’autre part, en orientant tout ce travail vers le « but final » de cette classe et en la rendant capable de remplir pratiquement de grandes tâches dans les journées qui concentrent en elles vingt années » (idem).

C’est à partir d’une telle conception scientifique des « étapes de l’évolution » de la lutte de classe que Lénine et les Bolcheviks ont su préparer pratiquement les masses ouvrières et paysannes de l’empire tsariste aux « grandes tâches dans les journées qui concentrent en elles vingt années » en octobre 1917. Mais pour arriver à cela, il aura fallu que les Bolcheviks mènent une politique combinant à la fois front unique et classe contre classe.

C’est ce qu’explique le Comité Exécutif de l’Internationale Communiste (IC) contre les tenants de la « maladie infantile du communisme » dans les années 20 et 30 : « Le Comité Exécutif de l’IC croit utile de rappeler à tous les partis frères les expériences des Bolcheviks russes, dont le parti est le seul qui ait jusqu’à présent réussi à vaincre la bourgeoisie et à s’emparer du pouvoir. Pendant les quinze années qui s’étendent entre la naissance du Bolchevisme et sa victoire (1903-1917), celui-ci n’a jamais cessé de combattre le réformisme ou, ce qui revient au même, le Menchevisme. Mais pendant ce laps de temps, les Bolcheviks ont à plusieurs reprises passé des accords avec les Mencheviks. La première scission formelle eut lieu au printemps de 1905. Mais sous l’influence irrésistible d’un mouvement ouvrier de vaste envergure, les Bolcheviks formèrent la même année un front commun avec les Mencheviks. La seconde scission formelle eut lieu en 1912. Mais, de 1905 à 1912, la scission alterna avec des unions et des accords temporaires (en 1906, 1907 et 1910). Unions et accords ne se produisirent pas seulement à la suite des péripéties de la lutte entre fractions, mais surtout sous la pression des grandes masses ouvrières éveillées à la vie politique et qui voulaient voir par elles-mêmes si les voies du Menchevisme s’écartaient véritablement de la révolution. Peu avant la guerre impérialiste, le nouveau mouvement révolutionnaire qui suivit la grève de la Léna engendra dans les masses prolétariennes une puissante aspiration à l’unité, que les dirigeants du Menchevisme s’évertuèrent à exploiter à leur profit, comme le font aujourd’hui les leaders des internationales « socialistes » et ceux de l’Internationale d’Amsterdam. A cette époque les Bolcheviks ne se refusèrent pas au front unique. Loin de là, ils adoptèrent le mot d’ordre de « l’unité à la base », c'est-à-dire de l’unité des masses ouvrières dans l’action révolutionnaire pratique contre la bourgeoisie. L’expérience montra que c’était là la seule voie tactique. Modifiée selon les temps et les lieux, cette tactique gagna au communisme l’immense majorité des meilleurs éléments prolétariens Mencheviks » (Quatre Premiers Congrès de l’IC, 1919-1923).

On peut dire que les défaites du prolétariat et du Parti Communiste Italien (PCI) en Italie face aux fascistes dirigés par Mussolini et celles du prolétariat et du Parti Communiste Allemand (KPD) face aux Nazis Hitlériens en Allemagne sont fondamentalement dues à la division du mouvement ouvrier et populaire antifasciste. Division dans laquelle la social-démocratie a la principale responsabilité en raison de sa politique « mieux vaut les bruns que les rouges » ou encore « bruns et rouges sont pareils ». Mais on ne peut ignorer l’incapacité des communistes à appliquer rigoureusement la politique combinant à la fois front unique et classe contre classe.

Heureusement qu’à cette époque des années 20, 30, 40, l’apport indéniable du Parti Bolchevik, de l’Etat Soviétique et de l’IC a permis de rectifier le tir et conduire le prolétariat international, les peuples et même des sections importantes de la bourgeoisie non-fasciste dans un large front unique et front populaire mondial capable d’écraser la bête immonde fasciste et son programme de domination mondiale.

« ORGANISER LE SIEGE EN REGLE DE LA FORTERESSE ENNEMIE » ; PHASE PREPARATOIRE DE LA CONTRE-OFFENSIVE PROLETARIENNE

C’est l’inverse par contre qui s’est produit avec le triomphe du révisionnisme en URSS et dans les principaux Partis Communistes à partir des années 60.

Au sortir de la Seconde guerre mondiale antifasciste, le capitalisme entrait dans une phase de reconstruction des pays détruits par la guerre, d’évolution relativement « tranquille » et de relative expansion économique.

La contradiction décisive qui va déterminer toutes les autres dans les années 45/50 a été décrite comme suit par la « déclaration sur les problèmes de la situation internationale » lors de la fondation du Kominform: « Ce désaccord (entre l’URSS et les USA) dans la détermination des buts de la guerre et des tâches relatives à l’organisation du monde d’après-guerre n’a cessé de s’approfondir depuis la fin des hostilités. Deux lignes politiques opposées se sont manifestées: à l’un des pôles, la politique de l’URSS et des autres pays démocratiques, qui vise à saper l’impérialisme et à renforcer la démocratie; au pôle opposé, la politique des Etats-Unis et de l’Angleterre, qui vise à renforcer l’impérialisme et à étrangler la démocratie. Et parce que l’URSS et les démocraties nouvelles sont devenues un obstacle à la réalisation des plans impérialistes de lutte pour la domination mondiale et pour l’écrasement des mouvements démocratiques, une croisade est organisée contre elles. (...) Ainsi deux camps se sont formés dans le monde: d’une part, le camp impérialiste et antidémocratique, qui a pour but essentiel l’établissement de la domination mondiale de l’impérialisme américain et l’écrasement de la démocratie et, d’autre part, le camp anti-impérialiste et démocratique, dont le but essentiel consiste à saper l’impérialisme, à renforcer la démocratie, à liquider les restes du fascisme. La lutte entre ces deux camps, entre le camp impérialiste et le camp anti-impérialiste, se déroule dans les conditions de l’accentuation continue de la crise générale du capitalisme, de l’affaiblissement des forces du capitalisme et de l’affermissement des forces du socialisme et de la démocratie » (Conférence d’Information des 9 Partis Communistes en Pologne, septembre 1947).

A cette conférence, une critique très sévère a été adressée au PCF et au PCI en ce qui concerne des déviations droitières tendant à « sacraliser » les gouvernements d’union nationale nés en France et en Italie, dominés par la bourgeoisie. Des archives en partie ouvertes aujourd’hui, nous apprenons qu’à la question « que faire des armes détenues par les communistes dans des pays comme la France », Staline répondait en 1944 à Maurice Thorez, secrétaire général du PCF : « il faut les cacher ». Ce qui donne un éclairage net de l’attitude que devaient avoir les communistes dans les pays capitalistes dans lesquels il y avait l’armée US. Cette présence militaire va plus tard s’apparenter à une occupation militaire. Maintenir une politique de défense et de soutien internationaliste à l’URSS et au camp socialiste et organiser « le siège en règle de la forteresse ennemie » (Que faire ? Lénine) était la seule politique révolutionnaire du moment dans un tel contexte.

Dans une telle circonstance d’absence d’une crise révolutionnaire, la perspective de la révolution socialiste était  ajournée pour un temps. L’évolution « pacifique » du capitalisme obligeait à la combinaison dans la lutte de classe du front unique et de la tactique classe contre classe, seule tactique permettant de préparer les masses ouvrières et populaires à la période de crise et donc de lutte offensive pour la prise du pouvoir.

MONTEE PROGRESSIVE ET TRIOMPHE

DES DEVIATIONS DE DROITE ET DE « GAUCHE »

Plusieurs partis, organisations, militants communistes cherchent une explication de la tragédie terrible que furent pour le prolétariat mondial et les peuples opprimés la défaite et la disparition de l’URSS, dans cette interrogation que nous avons rencontrée : « Comment un parti communiste léniniste se préserve du danger révisionniste et opportuniste dans des pays où la puissance financière de la bourgeoisie est capable de corrompre des vastes secteurs du prolétariat et de ses avant-gardes de lutte. Comment un parti communiste léniniste développe sur des bases révolutionnaires et de classe l’unité politique du prolétariat de ces pays, c’est-à-dire entre les couches supérieures du prolétariat (techniciens et ouvriers qualifiés, viviers de l’aristocratie ouvrière) et le prolétariat de base (prolétaires précaires, prolétaires au chômage, ouvriers de base et prolétaires immigrés). Comment un parti communiste léniniste trouve un espace politique de représentation générale des intérêts du prolétariat dans des dictatures fascistes, mais aussi dans des démocraties bourgeoises où le formalisme de la démocratie et la corruption politique sont poussés à l’extrême pour limiter et empêcher la représentation politique des intérêts du prolétariat ».     

L’expérience de la lutte révolutionnaire du prolétariat depuis la Commune de Paris et Octobre 1917 met largement en lumière les deux méthodes par lesquelles la bourgeoisie préserve son pouvoir de classe : d’une part la corruption de l’aristocratie ouvrière, c’est à dire le contrôle économique, social et politique des directions des organisations ouvrières démocratiques, syndicales et politiques et d’autre part le fascisme, c’est à dire l’écrasement répressif terroriste du mouvement ouvrier et démocratique.

La première méthode est celle du système démocratique bourgeois, du parlementarisme et de l’électoralisme. En d’autres termes, c’est la forme démocratique de la dictature de classe de la bourgeoisie. La principale force politique utilisée par le capital est alors la social–démocratie et le révisionnisme.

La seconde méthode est celle qui est utilisée lorsque la première n’est plus opérante parce que la bourgeoisie se révèle incapable de gouverner autrement que par la force brutale, C’est la forme dictatoriale et terroriste de la dictature de classe du capital.

La fonction historique du doctrinarisme de gauche ou « maladie infantile du communisme », devenue depuis un véritable vice enraciné dans la vie par l’influence de l’impérialisme lui-même, a toujours été de désorganiser le prolétariat, de le rendre ainsi impotent et incapable de saisir le rapport réel des forces du moment, sans lequel aucune tâche sérieuse le préparant à la révolution n’est possible.

C’est dans la dialectique front unique / classe contre classe que se trouve la méthode par laquelle « le parti communiste se préserve du danger révisionniste et opportuniste dans des pays où la puissance financière de la bourgeoisie est capable de corrompre des vastes secteurs du prolétariat et de ses avant-gardes de lutte ». En effet, les périodes d’évolution « tranquille » du capitalisme sont propices pour corrompre, soudoyer la bureaucratie ouvrière, syndicale en ce sens que la question de la révolution n’est pas posée concrètement par la vie.

Ce que le mouvement communiste n’a pas su faire dans la période des années 60 à 90, c’est justement qu’« à chaque étape de l’évolution, à chaque moment, la tactique du prolétariat doit tenir compte de cette dialectique objective de l’histoire : d’une part, mettant à profit les époques de stagnation politique, c’est- à-dire de développement dit « paisible », avançant à pas de tortue pour accroître la conscience, la force et la combativité de la classe d’avant-garde ; d’autre part en orientant ce travail vers le « but final » de cette classe et en la rendant capable de remplir pratiquement de grandes tâches dans les journées qui concentrent en elles vingt années » (Lénine).

Les grandes conquêtes dues à la force du mouvement communiste, de l’URSS par sa simple existence et par sa formidable victoire contre le Nazisme, ont créé une sorte de « vertige du succès » (Staline) qui s’est révélé fatal. Pendant que la vigilance idéologique et politique du mouvement communiste s’émoussait, pendant que fleurissait « cent fleurs, cent écoles », pendant que la division du mouvement communiste s’étalait au grand jour, la social-démocratie entraînait les chefs révisionnistes des Partis Communistes dans des alliances électoralistes pour « plumer la volaille communiste ».

Dans les pays impérialistes, la vieille bourgeoisie financière, très expérimentée, a façonné une aristocratie, puis une bureaucratie ouvrière, partie intégrante des couches moyennes soudoyées par les surplus de l’exploitation des couches surexploitées de la classe ouvrière, notamment féminine et immigrée, et des surprofits tirés de l’oppression des peuples et pays du Sud. Une des leçons à retenir est que ces périodes d’évolution dite « paisible » accroissent l’importance du travail théorique et idéologique pour préparer la période de crise et donc de contre-offensive du prolétariat.

Or, pendant ce temps, les maoïstes et les trotskistes ont passé leur temps à présenter l’URSS comme un « état ouvrier dégénéré » (Trotski) ou « social-impérialiste » (Mao) sur les bases de « l’esprit révolutionnaire petit- bourgeois qui frise l’anarchisme ou lui fait quelque emprunt et qui, pour tout ce qui est essentiel, déroge aux conditions et aux nécessités d’une lutte de classe prolétarienne conséquente » (Lénine, Maladie Infantile). En effet, ces courants gauchistes prônent l’offensive à tout moment et dans tout contexte, ce qui masque aux yeux des prolétaires la politique des opportunistes de droite et les empêche de rallier les positions et forces véritablement révolutionnaires. Ces courants « révolutionnaires petits-bourgeois » ont objectivement accompagné la propagande impérialiste contre l’URSS sur la base de leur présupposé selon lequel « le stalinisme, le soviétisme est l’ennemi principal ».

En outre, l’esprit révolutionnaire petit-bourgeois ignore totalement le fait que « pour que vraiment la classe tout entière, pour que vraiment les grandes masses de travailleurs et d’opprimés du capital en arrivent à une telle position, la propagande seule, l’agitation seule ne suffisent pas. Pour cela, il faut que ces masses fassent leur propre expérience politique » (Maladie Infantile). Ceci a conduit au fait que le « vice enraciné » qu’est aujourd’hui le doctrinarisme de gauche s’est propagé comme une traînée de poudre dans les parties encore saines du prolétariat qui cherchaient à organiser une riposte sérieuse et révolutionnaire à la déferlante du révisionnisme et du réformisme à l’intérieur de chaque pays.        

Les périodes de contre-révolution comme celle que nous vivons actuellement sont des moments de reconstitution des forces défaites, donc une période de luttes éparpillées, une période d’émiettement des forces, une période de démoralisation du prolétariat dues aux défaites des résistances multiples et diverses.

Apprendre à accumuler des forces, combattre l’éparpillement, lutter contre la démoralisation sont une nécessité absolue. Pour faire cela, il nous faut réapprendre à développer des tactiques appropriées, car le processus de prise de conscience se fraie une voie non à travers le « boulevard dégagé des Champs Elysées », mais par de petites ruelles jonchées d’obstacles de toute nature. Cette période est propice aux aventuriers gauchistes, trotskistes notamment, lesquels tels des charognards se ruent avec l’aide des médias bourgeois, sur le Parti Communiste tombé en faillite. Ce danger est d’autant plus grand que la confusion règne en maître dans le camp disséminé, éparpillé, divisé des éléments communistes révolutionnaires qui veulent reconstruire l’organisation d’avant-garde du prolétariat.

Il nous faut en même temps travailler d’arrache-pied à la reconstruction du parti communiste dont le prolétariat et le peuple ont besoin. Nous devons ainsi saisir toutes les occasions pour lutter contre la démoralisation, l’éparpillement des forces et la division, l’émiettement politique et syndical de notre classe.

Cela nécessite d’en finir avec le sectarisme impotent qui isole les révolutionnaires des masses ouvrières et populaires. Cela nécessite des tactiques qui tiennent rigoureusement compte du rapport de force et de là, définir des tactiques adéquates en vue du rapprochement par l’unité d’action et le débat idéologique, puis de l’unification des éléments et forces disparates qui ont essaimé du parti mutant dégénéré et qui émergent de la lutte de classe, de la résistance ouvrière et populaire au quotidien.

Cela nécessite aussi des compromis pour éviter que les plans du capital et les forces dont il dispose, ne pérennisent pour longtemps, très longtemps la décapitation idéologique et politique du mouvement ouvrier. En effet, le plan du capital est la promotion perpétuelle des forces opportunistes de droite et de « gauche », à savoir le PC mutant, les verts-écologistes et les trotskistes. L’on mesure toute la complexité et la difficulté de la tâche vu la profondeur du désarroi idéologique dans lequel l’ensemble des groupes disséminés des communistes reconstructeurs actuels sont empêtrés.

REAPPRENDRE LE MARXISME-LENINISME

COMME GUIDE POUR L’ACTION AUJOURD’HUI

A chaque « crise » du marxisme, le mouvement ouvrier s’est retrouvé piégé entre le réformisme droitier et le réformisme gauchiste.

La défaite du socialisme réel, de l’URSS a ressuscité les courants doctrinaires petit-bourgeois. Tels des Lazare, ils reprennent vie. L’impérialisme et les révisionnistes modernes ont beaucoup emprunté à leur arsenal calomniateur et diffamateur pour saper de l’intérieur et de l’extérieur le socialisme, l’URSS, le mouvement communiste international. L’opposition Maoïste, parfois centriste-opportuniste, parfois gauchiste, contribua à sa manière à l’antisoviétisme et à l’anti-stalinisme favorisant ainsi le triomphe momentané de la contre-révolution bourgeoise. L’opposition trotskiste a fourni directement à l’impérialisme un arsenal antisoviétique et anti-staliniste complet auquel emprunte consciemment ou inconsciemment bon nombre de « militants anticapitalistes » d’aujourd’hui.

Nous nous retrouvons aujourd’hui devant la perte momentanée des positions conquises de haute lutte par le prolétariat révolutionnaire, possibilité qu’avait envisagé Staline. Le prolétariat et les peuples s’en trouvent déboussolés et l’attaque contre le Marxisme-léninisme, contre le Bolchevisme se poursuit de tous les côtés à la fois. Elle se mène du haut de la chaire universitaire, des sermons religieux, des médias à la solde du capital, des révisionnistes de tous bords, des trotskistes, etc. Autrement dit, l’opportunisme de droite et de « gauche » « dans son contenu, … n’a pas eu à se développer et à se former ; elle a été transposée directement de la littérature bourgeoise dans la littérature socialiste » (Que Faire ?).

La crise provoque une paupérisation d’une partie des couches moyennes et de l’aristocratie ouvrière, bases sociales du révisionnisme historique. La crise et la domination de l’opportunisme de droite engendrent ainsi une réaction, voire une radicalisation verbale, mais désorganisatrice des nouvelles couches sociales paupérisées.

L’essence de classe des théories opportunistes de « gauche » à été ainsi décrite dans le programme de l’Internationale Communiste à son VIe Congrès en 1928 : « Le Communisme se heurte, d’autre part à divers courants petits-bourgeois reflétant et exprimant les fluctuations des couches sociales instables (petite bourgeoisie urbaine, moyenne bourgeoisie en voie de dissolution, prolétariat en guenilles – Lumpenprolétariat -, bohêmes intellectuels déclassés, artisans tombés dans la misère, certains groupes de paysans et maints autres éléments). Ces courants, qui se distinguent par une extrême instabilité politique, dissimulent souvent sous une phraséologie de gauche une politique de droite ou tombent dans l’aventurisme, substituant à la connaissance objective des forces en présence une bruyante gesticulation politique, passant fréquemment de la « surenchère » révolutionnaire la plus insolente au plus profond pessimisme et à de véritables capitulations devant l’ennemi. Ces courants peuvent, dans certaines conditions, surtout au moment de changements brusques dans la situation politique et dans la nécessité de reculs momentanés, jouer dans les rangs du prolétariat un rôle désorganisateur des plus dangereux et entraver ainsi le mouvement ouvrier révolutionnaire ».

De 1953 à nos jours avec la domination du révisionnisme de droite à la tête du Mouvement Communiste International (MCI), c’est le rôle qu’a fait jouer l’impérialisme aux courants trotskistes et maoïstes dans le mouvement ouvrier, populaire et national révolutionnaire dans chaque pays et à l’échelle mondiale.

A la source des deux déviations symétriques de droite et de « gauche » se trouve la négation du rôle dirigeant du prolétariat. La déviation de droite représente les intérêts de l'aristocratie ouvrière qui prétend se substituer au prolétariat en tant que classe. Pour ce faire elle présente ses intérêts particuliers comme intérêts de la classe et ses compromissions comme des tactiques provisoires et conjoncturelles. La déviation de « gauche » représente la vision déformée de la petite-bourgeoisie attirée par la révolution à cause des attaques qu'elle subit de la part de la classe dominante. Elle se caractérise par un idéalisme consistant à vouloir précipiter le cours de choses (si nécessaire par la « violence révolutionnaire » ou le « terrorisme ») de la même façon que la déviation de droite se caractérise par un idéalisme consistant à nier la nécessité des ruptures révolutionnaires.

La position matérialiste consiste au contraire à tenir les deux bouts d'une contradiction objective : la nécessité d'une révolution sociale avec usage de la violence révolutionnaire (dans des formes différentes selon les contextes) à un pôle et la nécessité que cette rupture soit portée par les classes opprimées dirigées par le prolétariat et son parti. Cette contradiction objective mène à la fois à la nécessité d'accumuler des forces tant que les conditions d'une révolution ne sont pas mûres et de se préparer (de préparer le prolétariat) à la prise du pouvoir.

Notre analyse ne signifie pas qu'il faille regarder avec mépris l'ensemble des camarades se fourvoyant dans chacune des déviations. « On ne juge pas une époque par l'idée qu'elle se fait d'elle-même » disait Marx. Nous pourrions le paraphraser en disant « On ne juge pas un groupe à l'idée qu'il se fait de lui-même ».

Des déviationnistes de droite ou de « gauche » peuvent se croire sincèrement révolutionnaires. C'est sur les faits objectifs qu'ils peuvent être caractérisés, et en particulier sur deux questions :

- leurs idées et actions aident-elles à accumuler les forces révolutionnaires au sein du prolétariat ou conduisent-elles à la division en son sein, à l'éparpillement et à l'isolement ?

- leurs idées et actions aident-elles à faire prendre conscience de la nécessité d'une rupture révolutionnaire ou diffusent-elles des illusions sur le capitalisme et ses possibilités de transformation ?

Déviationnisme de droite et de « gauche » sont de l’idéalisme en matière philosophique et du mécanisme en terme de méthode d'analyse. Nous sommes nous partisans du matérialisme dialectique.

Dans la phase actuelle de reconstruction de l’organisation politique d’avant garde du prolétariat, notre tâche est de lier dialectiquement le Que Faire ? et la Maladie Infantile du communisme comme guide pour l’action, sur la base de cet enseignement fondamental de Lénine : « la nécessité de tenir compte, avec une objectivité rigoureuse, des forces de classe et du rapport de ces forces, avant d’engager une action politique quelconque ».

Le 8 avril 2004


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