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Les contradictions du mouvement altermondialiste

Alternative au capitalisme ou nouvelle alternance dans les formes du capitalisme ?

Les contradictions du mouvement altermondialiste : Alternative au capitalisme ou nouvelle alternance dans les formes du capitalisme

La chute du mur de Berlin suscite un séisme économique, politique et idéologique qui n’a pas fini de déployer l’ensemble de ses effets. Alors que beaucoup de participants au mouvement actuel de contestation de la « mondialisation » voyaient dans cette chute une victoire de la démocratie sur la dictature « stalinienne »[1], nous soulignions à l’époque le début d’une période réactionnaire et versaillaise à l’échelle mondiale. En fait, la disparition des pays de l’Est a pour signification la disparition des contre tendances internationales au déploiement de la logique impitoyable du capital financier[2]. Il n’y a donc pas « mondialisation »[3], qui serait un phénomène nouveau, mais reprise d’une logique inévitablement mondialiste du capital financier après la disparition de sa principale contre tendance : le système socialiste.

Depuis cette chute, la situation des masses laborieuses mondiales est en dégradation permanente: guerres impérialistes, destruction des économies des pays du Sud, remises en cause des acquis sociaux au Nord comme au Sud, pillage des matières premières, développement de la mortalité, des maladies, de la pauvreté, des famines, etc. La mondialisation capitaliste se déploie dans le sang et la souffrance des peuples.

Bien sûr les peuples du monde ne sont pas restés inactifs face à cette attaque sans précédent contre leurs conditions d’existence. Les résistances se développent. Le mouvement alter mondialiste tente de faire converger ces résistances et de rendre visible l’unité indispensable des victimes de la « mondialisation ». Il est cependant hétérogène et parcouru par de nombreuses contradictions que nous devons prendre en compte si nous voulons réellement aller vers cet « autre monde » qui bien entendu est non seulement « possible » mais également « nécessaire »[4].

1. Les origines du mouvement alter mondialiste

Le Forum Social Mondial de Porto Alegre est sans aucun doute l’acte de naissance d’un mouvement mondial de contestation de la mondialisation capitaliste. Il a été rendu possible par trois facteurs distincts :

- Le premier facteur essentiel est le développement quantitatif partout sur la planète de résistances sociales spontanées aux effets de la logique du capital financier après la chute du mur de Berlin. Ces résistances sont portées par deux classes sociales précises auxquelles se joint une partie de la petite bourgeoisie: le prolétariat et la paysannerie pauvre et moyenne.

Le prolétariat au Nord comme au Sud est confronté aux effets de la généralisation de la concurrence à l’ensemble des sphères de la vie sociale, y compris celles qui jusqu’à présent avaient été préservées soit par les luttes de classes, soit par la crainte que les « dominés » regardent trop vers l’Est. Il en découle une tendance à faire converger[5] les conditions d’exploitation partout sur la planète, signifiant la misère immédiate pour les travailleurs du Sud et l’entrée progressive dans la paupérisation pour les travailleurs du Nord. Le prolétariat est ainsi confronté à une nouvelle épreuve redoutable: la modification de sa structure et de sa composition. Le capital ne s’attaque pas d’un seul coup à l’ensemble des secteurs du prolétariat. Si la précarisation concerne les travailleurs du monde entier et de tous les secteurs marchands (et non marchands qui sont marchandisés comme la culture ou l’éducation nationale par exemple), elle ne se réalise pas d’un seul coup et dans la même ampleur pour tous. Ainsi certains gardent encore pendant un certain temps l’illusion d’une sécurité, alors que d’autres sont exclus des garanties gagnées par les luttes de classe des générations ouvrières précédentes. A côté des travailleurs « stables » se met ainsi en place une fraction prolétarienne ultra-précarisée. Ainsi par exemple, les sans-papiers dans les pays industrialisés sont utilisables de par leur précarité juridique et économique comme terrain d’expérimentation de nouvelles formes de précarité et de flexibilité généralisables ensuite à l’ensemble du monde du travail. Les résistances ouvrières à la mondialisation capitaliste et à ses effets prennent ainsi deux formes, pour l’instant, non convergentes : le mouvement ouvrier organisé pour la défense de ses acquis et le mouvement des prolétaires précarisés : chômeurs, sans-papiers, sans-logis, ouvriers agricoles et paysans sans terre, etc. La dernière décennie a été marquée partout sur la planète par des luttes dures mais non convergentes de ces deux fractions du prolétariat.

La paysannerie pauvre et moyenne est la seconde classe sociale s’opposant aux attaques de la mondialisation capitaliste. L’exacerbation de la concurrence suppose la disparition de toutes les protections douanières et fiscales que les dominants des différents pays ont été contraints de concéder dans la période antérieure à la disparition des pays de l’Est. L’OMC est l’instrument de cette dérégulation mondiale visant à ouvrir de nouveaux marchés « libres » aux monopôles du capital financier des pays industrialisés, avec la complicité des classes dominantes du Sud. Il en découle une entrée rapide dans la misère de masses énormes de paysans pauvres ou moyens. Nous sommes en fait dans une phase de reproduction à l’échelle mondiale du processus d’expropriation de la paysannerie qu’ont connu les pays industrialisés lors de l’accumulation primitive[6]. Dans ce domaine également les résistances paysannes ont été nombreuses et diverses : insurrections, appropriations de terres par les paysans sans terre, etc. 

- La généralisation des guerres impérialistes: Un autre effet de l’exacerbation de la concurrence issue de la reprise de la mondialisation capitaliste est la généralisation des guerres impérialistes sous leurs formes directes ou masquées dans des conflits régionaux ou locaux.

La disparition des pays de l’Est a été le déclencheur d’une lutte sans pitié entre les différents pôles impérialistes partout sur la planète, et en particulier des deux principaux : les Etats-Unis et l’Europe en construction. Pour saisir l’ampleur des menaces qui pèsent sur le monde, il faut démasquer les fausses théories, largement présentes dans le mouvement alter-mondialiste.

La plus importante d’entre-elle est l’idée que nous serions désormais dans un capitalisme « post-national » dominé par des groupes multinationaux avec des capitaux apatrides[7]. Cette théorie masque le fait que les groupes multinationaux le sont par leurs sphères d’investissement et non par leur appartenance, qui reste nationale. Ce qui s’internationalise, c’est le processus de production et de valorisation du capital et non l’ancrage national des différentes multinationales. Les différents Etats sont au service de leurs multinationales et déclenchent des guerres pour conquérir sur leurs adversaires (et les Etats qui les défendent) des sources de matières premières et des débouchés. La grande majorité des conflits des deux dernières décennies sont le fait de cette lutte sans pitié entre les deux grands pôles impérialistes : Rwanda, Congo, Côte d’Ivoire, Yougoslavie, Afghanistan, Irak, etc.

La seconde théorie fallacieuse en vogue est résumée dans le terme « impérial » qui prétend remplacer celui d’« impérialiste » lequel serait désormais dépassé. On parle ainsi de « l’empire » et de guerre « impériale ». Ce faisant, ce qui est occulté, c’est le fait que les guerres sont le résultat de conflits d’intérêts et de contradictions entre pôles impérialistes. La guerre ne serait, selon les partisans de cette théorie, que le processus d’expansion linéaire d’un « empire » (celui des USA). En fait, cette théorie est au service d’un des pôles (l’Europe) en occultant la place qu’il prend dans le développement des guerres impérialistes. Sur cet aspect également, les résistances se développent et les prises de conscience s’accélèrent. Du soutien à la Palestine à l’opposition à la guerre en Irak, en passant par le développement d’un mouvement anti-guerre partout sur la planète, le refus de la guerre impérialiste est un autre vecteur du refus de la mondialisation capitaliste.

- Des victoires localisées partielles : Le processus de résistance à la re-mondialisation capitaliste ne se déploie pas que sur une base défensive. Dans certains pays, l’état des rapports de force a permis le passage à une offensive et a débouché sur des victoires partielles que les Etats impérialistes tentent de détruire mais qu’ils sont contraints de prendre en compte lorsqu’ils n’y parviennent pas immédiatement : Les victoires de l’Etat cubain contre le blocus et les agressions, l’échec de la contre-révolution au Venezuela, la victoire de Lula au brésil, le maintien de Kabila au Congo en dépit des concessions qu’il a été contraint de faire, l’échec des dernières négociations de l’OMC du fait de l’opposition même timorée des dirigeants de certains pays du Sud, les positions de nombreux pays africains lors du sommet de Durban sur la reconnaissance de l’esclavage et de la colonisation comme source de la situation actuelle des économies dominées, etc., voilà autant de victoires partielles mais réelles que les impérialistes sont contraints d’intégrer dans leurs stratégies. Il en est de même de la résistance palestinienne et de l’actuelle guerre des partisans en Irak. Ces victoires ont été autant de points d’appuis pour permettre la convergence des différentes sections nationales du mouvement d’opposition à la re-mondialisation capitaliste.

2. Les contradictions du mouvement

Si l’ensemble du mouvement alter mondialiste peut s’entendre sur l’ampleur des dégâts du fonctionnement économique dominant sur la planète, il se divise en revanche sur de nombreuses contradictions: nature et caractérisation de ce système économique mondial (c’est-à-dire en réalité sur les causes de la misère et des guerres), contenu de l’alternative à construire, revendications à avancer, etc. Ces différentes contradictions ne sont pas d’égales importances. En réalité la première, c’est-à-dire la caractérisation de la situation actuelle, détermine l’ensemble des autres aspects. Selon la réponse donnée à cette première question découle les réponses logiques aux autres questions.

a) Capitalisme ou ultra libéralisme ?

Le terme « libéral » ou « ultra-libéral » est une expression courante dans les textes, analyses et prises de position de nombreux mouvements et organisations de l’alter mondialisme. Un journal comme Le monde diplomatique en France tente de lui donner un contenu théorique critique permettant de fonder une action de contestation. Un mouvement comme Attac décrit de la manière suivante la situation actuelle : « La mondialisation libérale a entraîné une montée des inégalités et de l’instabilité à l’échelle planétaire. La finance libéralisée est un vecteur puissant de ces déséquilibres mondiaux » [8]. Rien n’est erroné dans cette formulation, mais elle est incomplète dans la mesure où elle ne précise pas la source des crises, des guerres et de la situation actuelle.

Le libéralisme et l’ultra-libéralisme ne caractérisent pas un système économique mais une politique économique déterminée au sein du système capitaliste. Cette politique économique n’est pas simplement le fait de décisions moralement mauvaises des dominants mais correspond à un état des rapports de force entre classes sociales à l’échelle mondiale. Le même système capitaliste utilisera des politiques économiques différentes (comme des attitudes différentes à l’égard des droits démocratiques d’ailleurs) selon le rapport de force. Ainsi l’existence du socialisme réel, des pays de l’Est, des luttes de libération nationale et de la lutte des travailleurs dans les pays du Nord ont conduit les classes dominantes à adopter le keynésianisme pendant les « trente glorieuses ». De même la disparition de ces pays et ses conséquences négatives en chaîne sur les luttes de libération nationale et sur les luttes des classe dans chacun des Etats ont conduit à l’abandon du keynésianisme et à l’adoption du monétarisme, c’est-à-dire du libéralisme.

Il ne s’agit pas ici d’une simple querelle de terme. Si le système économique mondial est caractérisé comme capitaliste, alors la solution doit logiquement être recherchée dans l’abolition de ce dernier, c’est-à-dire dans la suppression de la propriété privée des moyens de production. Si au contraire, c’est son aspect libéral qui est mis en avant, alors l’idée d’une possible correction du capitalisme par une réglementation s’impose. En fait, l’expression « mondialisation libérale » est un mythe idéaliste visant à détourner le combat vers une correction keynésienne du capitalisme.

Nous parlons d’idéalisme dans la mesure où une telle correction n’est pas possible, n’est plus possible. Pour qu’elle le soit de nouveau, il faudrait recréer une situation de rupture, à l’instar de la Révolution d’Octobre 1917, d’un ou de plusieurs pays avec le capitalisme, rupture suffisamment importante pour qu’elle puisse influer sur les décisions des classes dominantes des autres pays restés capitalistes. Autrement dit, la condition de possibilité du keynésianisme est justement de combattre le capitalisme et de le faire céder dans plusieurs maillons du système capitaliste mondial. Refuser de prendre le capitalisme comme cible, c’est se condamner à la seule perspective de correction de ses effets.

b) Empire ou système impérialiste mondial ?

Nous l’avons souligné plus haut, le concept d’« empire » est également en vogue dans le mouvement alter mondialiste. Voici comment une synthèse des discussions de Porto Alegre définit le concept d’empire : « [Les documents du FSM de Porto Alegre] contribuent au débat sur les alternatives à la mondialisation néo-libérale, ou à ce que de nombreux progressistes appellent désormais « l’empire ». Les mouvements sociaux décrivent « l’empire » comme une entité mise en place et maintenue par des institutions et des groupes comme le FMI, la Banque mondiale, l’OMC, les multinationales, les Banques et le G8. Utiliser le mot «  empire » met un accent particulier sur le rôle des Etats-Unis comme agent central du projet néo-libéral (« le consensus de Washington »)[9].

Un tel concept et une telle analyse ont tendance à évacuer les contradictions alors que les guerres auxquelles nous assistons ne sont que les résultats des contradictions entre les différentes puissances impérialistes.

L’occultation des contradictions conduit à une vision unilatérale de la situation mondiale centrée sur les seuls Etats-Unis. On comprend mieux dès lors les discours de dirigeants européens se déclarant alter mondialiste et faisant du pied à ce mouvement. Certains dirigeants de l’Europe impérialiste en construction espèrent ainsi s’appuyer sur le mouvement alter mondialiste dans la lutte qui les oppose à leurs concurrents impérialistes Etats-uniens. En France, des hommes politiques libéraux comme Jacques Chirac ou Alain Juppé (récemment lors d’un colloque de l’UMP le 4 novembre 2003) ou des sociaux libéraux comme François Hollande ou Jack Lang n’hésitent pas à se revendiquer de la « mouvance » alter mondialiste.

c) Réformer les institutions financières internationales ou les combattre ?

Les deux divergences préalablement décrites ont bien entendu des conséquences sur les revendications. Alors qu’une partie importante du mouvement alter-mondialiste (surtout dans les pays dominés du Sud) réclame l’abolition du FMI par exemple, d’autres agissent pour l’ouverture de négociations avec les institutions financières internationales (IFI) afin de les réformer. Ainsi le mouvement Attac propose de corriger la mondialisation capitaliste par des mesures fiscales, c’est-à-dire par la mise en place de trois taxes internationales: la taxe Tobin sur les transactions financières internationales[10], une taxe sur les investissements directs à l’étranger[11], une taxe sur les bénéfices des multinationales. Pour mettre en oeuvre cette nouvelle fiscalité, Attac propose une réforme des IFI: « L’ensemble des mesures de contrôle de la finance mondiale ne peut être mis en oeuvre sans que soit également menée à bien une réforme radicale des organisations internationales : FMI et Banque mondiale »[12].

Ces propositions occultent simplement le fait que le rôle actuel des IFI n’est pas une simple dérive mais une nécessité du système impérialiste mondial afin d’assurer un profit maximum aux détenteurs du capital financier. La transformation de leur rôle passe en conséquence par une remise en cause de ce système. Tant que celui-ci sera dominant, ces institutions resteront à son service. L’objectif ne peut donc pas être de réformer ces institutions mais de les combattre en attendant de pouvoir les détruire en même temps que le système de domination qu’elles servent.

La logique de combat contre les I.F.I est celle défendue par exemple par le « Forum mondial sur la souveraineté alimentaire » qui s’est réuni en septembre 2001 à la Havane, qui mentionne dans sa déclaration finale : « La souveraineté alimentaire est la voie à suivre pour éliminer la faim et la malnutrition et garantir la sécurité alimentaire durable pour tous les peuples. Nous entendons par souveraineté alimentaire le droit des peuples à définir leurs propres politiques et stratégies durables de production, de distribution et de consommation d’aliments qui garantissent le droit à l’alimentation à toute la population (...). La souveraineté alimentaire des peuples est basée sur une agriculture dont la priorité est la satisfaction des besoins des marchés locaux et nationaux (...). Nous nous prononçons en faveur de la reconnaissance des droits, de l’autonomie et de la culture des peuples indigènes de tous les pays (...). La souveraineté alimentaire implique la mise en oeuvre de processus radicaux de réforme agraire intégrale (...). Nous condamnons toute ingérence de l’OMC dans les domaines de l’alimentation, l’agriculture et la pêche, ainsi que sa prétention à déterminer les politiques nationales d’alimentation (...). Nous proposons la création d’un nouvel ordre démocratique et transparent, indépendant de l’OMC pour réglementer le commerce international. »[13].

Nous sommes bien en présence de deux lignes antagonistes: l’une voulant réformer les IFI, l’autre voulant les combattre. Soulignons que cette divergence en révèle une autre encore plus fondamentale : celle sur la question nationale. Les uns proposent une réforme des IFI parce qu’ils considèrent que la forme nationale (l’Etat-Nation ou l’Etat Multinational) a fait son temps et qu’il convient en conséquence de prendre acte de l’aspect inéluctable de la re-mondialisation. D’autres au contraire, essentiellement dans les pays du Sud, insistent sur le nécessaire combat pour reconquérir une souveraineté nationale dans les choix économiques.

d) Annuler la dette ou exiger les réparations de l’esclavage, de la colonisation et de l’exploitation ?

Un autre point de divergence essentiel se trouve dans les revendications concernant la dette. Un mouvement comme Attac propose de confier aux institutions financières internationales réformées d’« organiser l’annulation internationale de la dette extérieure des pays les plus pauvres »[14]. Notons la double limitation de la revendication d’annulation : il s’agit d’une part de l’organiser, c’est-à-dire en fait de l’étaler et de la mettre sous critères, il s’agit d’autre part de la limiter aux pays les plus pauvres. Raisonner ainsi, c’est une nouvelle fois condamner les excès de la dette tout en lui reconnaissant une légitimité.

A l’opposé de cette logique, le Forum Social de Bamako défend la revendication de réparations : « Les réparations et « l’action affirmative » trouvent leurs racines dans la compréhension de la nécessité de donner une compensation aux peuples et membres de groupes pour les dommages matériels et moraux causés par le colonialisme et l’esclavage »[15]. Une telle revendication inclue bien entendu l’annulation totale et immédiate de la dette mais également la prise en compte par des réparations des destructions de l’esclavage et de la colonisation qui ont durablement entravé les possibilités de développement des pays du Sud.

Conclusion : Adoucir l’exploitation ou la supprimer ?

Le mouvement alter mondialiste est l’expression de la résistance populaire à l’échelle mondiale. Il est porteur de potentialités énormes de lutte mais également de lignes différentes et contradictoires. La force potentielle de ce mouvement suscite des craintes de la part des classes dominantes et des grandes puissances impérialistes. Ces dernières tentent et tenteront d’affaiblir la force de contestation de ce mouvement en diffusant par de multiples théorisations le mythe d’une possible réforme des institutions qui régissent la mondialisation capitaliste. Déjà des propositions de rencontre se font, visant à mettre autour d’une table de négociation le mouvement social et les organisations capitalistes internationales afin de neutraliser l’aspect contestataire du mouvement alter mondialiste. De grands groupes capitalistes n’hésitent pas à proposer des financements pour l’organisation des Forums en se déclarant pour un « commerce éthique », pour une « gestion humaine de la dette », pour une « annulation progressive », pour des « comportements citoyens des entreprises », etc. Le pôle impérialiste européen en construction tente également d’instrumentaliser le mouvement dans son combat féroce contre son rival états-unien. Face à cette offensive visant à « intégrer pour neutraliser », il est urgent et important de mener le débat et de clarifier les combats, en particulier sur les points suivants :

Il ne s’agit pas de combattre des excès libéraux ou ultra-libéraux mais de remettre en cause la domination d’un système économique précis, le système capitaliste ;

Il ne s’agit pas de s’opposer à un « empire » mais de combattre un système impérialiste mondial producteur de misère et de guerre ;

Il ne s’agit pas de s’appuyer sur un impérialisme (l’Union Européenne) pour en combattre un autre (les USA) ;

Il ne s’agit pas de réformer les IFI mais de les combattre pour pouvoir les supprimer quand le rapport des forces le permettra ;

Il ne s’agit pas de rendre « démocratique » la re-mondialisation capitaliste mais de se battre pour les souverainetés nationales ;

Il ne s’agit pas de réformer et d’adoucir la dette mais de la supprimer entièrement tout en imposant les réparations pour les destructions de l’esclavage et de la colonisation ;

Il ne s’agit pas de négocier des règles plus souples de l’OMC en matière agricole mais de refuser l’OMC et d’imposer des réformes agraires radicales.

Un autre monde est non seulement possible mais nécessaire !

Le 10 Novembre 2003



[1] La quasi-totalité du mouvement trotskiste, l’ensemble des anarchistes et la mouvance actuelle symbolisée par Attac considéraient, avec des modulations différentes que cette chute allait dans le sens de la démocratisation du monde. Le soutien quasi-unanime à un mouvement comme Solidarnosc en témoigne. Les positions ultra-réactionnaires actuelles d’un Walesa indiquent les forces sociales qui se masquaient derrière la soi-disant contestation de la dictature : le capital financier international.

[2] Nous appelons capital financier à la suite de Lénine la tendance à la fusion du capital bancaire et du capital industriel. Cette fusion permet une accumulation du capital sans précédent mais renforce les contraintes de valorisation de ce capital. Pour maintenir un profit maximum avec de telles masses de capitaux, le marché national est trop étroit et l’internationalisation (mondialisation) de l’exploitation capitaliste est incontournable.

[3] Marx soulignait déjà la tendance permanente à l’internationalisation de la production et des échanges comme élément essentiel de la logique capitaliste. Lénine décrivait l’impérialisme comme étant un des paliers qualitatif de développement de cette internationalisation/mondialisation. La recherche du profit maximum et la concurrence entre monopoles et entre Etats les représentants poussent à faire du monde un marché unique, que ce soit pour la force de travail, pour les investissements, pour les matières premières ou pour les débouchés.

[4] Le concept de « possibilité » semble en effet ici insuffisant. Il ne marque qu’une « option possible ». En réalité, il y a nécessité d’un autre monde car sans celui-ci l’humanité connaîtra une destruction des forces productives sans précédents accompagnée inévitablement des guerres nécessaires à l’imposition de la logique brutale du capital.

[5] La convergence des conditions de l’exploitation est inscrite dans la logique du capital comme effet incontournable de la concurrence. Elle s’inscrit d’abord à l’échelle nationale du fait que le cadre national est celui d’émergence de l’accumulation primitive, c’est à dire de la naissance du capitalisme. Cependant chacun des Etats impérialistes au service de la bourgeoisie nationale tente de valoriser son capital à l’échelle mondiale, exacerbant ainsi la concurrence à l’échelle mondiale et conduisant ainsi à une convergence sur le long terme des conditions d’exploitation. La durée du mouvement de convergence est fonction des rapports de forces à l’échelle de chaque nation et de la coordination internationale des résistances.

[6] Marx a décrit admirablement cette accumulation primitive qui a permis l’émergence du capitalisme en Europe. Il en souligne deux conditions sans lesquelles le processus n’aurait pas eu lieu: d’une part la violence contre les paysans et leur dépossession, d’autre part le pillage brutal et sanguinaire des colonies.

[7] Il y a 63 000 entreprises multinationales dans le monde et 690 000 filiales étrangères. Les ¾ d’entre elles sont basées en Amérique du Nord, en Europe de l’Ouest et au Japon. 99 des cent plus grandes entreprises multinationales sont issues des pays industrialisés.

[8] William F. Fisher et Thomas Ponniah, Un autre monde est possible, Ed. Parangon, Paris, 2003, p. 44.

[9] Idem, p. 15.

[10] Cette taxe viserait à alimenter un fond international destiné à financer l’aide au développement des pays du Sud.

[11] Cette taxe aurait un taux variable selon un barème établi par l’Organisation Internationale du Travail à partir du critère de respect des droits des travailleurs. Elle serait ainsi d’un taux plus élevé pour les pays ne respectant pas les droits des travailleurs et plus faible pour les autres.

[12] Contrôle des capitaux financiers, in “Un autre monde est possible”, op.cit, p. 51.

[13] Déclaration finale du Forum Mondial sur la souveraineté alimentaire, La Havane, in “ Un autre monde est possible ”, op.cit; p. 143-152.

[14] op.cit, p. 51.

[15] Conférence spéciale Afrique-Brésil, in « Un autre Monde est possible », op.cit., p. 42.


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