CHAPITRE 1: LE PARTI COMMUNISTE CHINOIS, L’INTERNATIONALE ET JOSEPH STALINE
Au
XXème congrès du P.C.U.S. s’est forgé
le mythe de Mao et du P.C.C. défenseurs de l’œuvre
théorique et pratique de Joseph Staline. Certes Mao prit la
défense de Staline contre Khrouchtchev mais d’une bien
étrange manière. En fait, si Mao s’oppose à
Khrouchtchev, il reproche surtout à ce dernier la « forme »
de l’attaque contre Staline. Sur le fond, il déclare de
nombreux accords avec Khrouchtchev. Que ce soit sur la question des
positions de l’I.C. à propos de la Chine ou à
propos de la construction du socialisme en U.R.S.S., Mao reprend de
nombreuses calomnies bourgeoises contre le camarade Staline.
1)
Mao et les positions de Staline et de l’I.C. sur la Chine
Dans
la brochure Sur la question de Staline datée de 1963,
le Parti Communiste Chinois (PCC) écrit:
« Lorsque
nous prenons la défense de Staline, ce ne sont pas ses erreurs
que nous défendons. Les communistes chinois ont, il y a
longtemps, fait par eux-mêmes l’expérience
personnelle de certaines erreurs de Staline. Des erreurs de ligne
furent commises au sein du P.C.C., ce fut tantôt l’opportunisme
« de gauche », tantôt celui de droite.
Pour ce qui est de leurs causes internationales, quelques-unes
d’entres-elles se firent jour sous l’influence de
certaines erreurs de Staline. Dès la fin des années 20,
puis durant les années 30, enfin au début et au milieu
des années 40 »[1].
Les
années 20, 30 et 40, cela fait décidement beaucoup. En
fait, Mao considère que l’I.C. et Staline se sont
trompés pendant toute la durée de la révolution
chinoise. Les marxistes-léninistes étaient tellement
focalisés sur la trahison de Khrouchtchev qu’ils n’ont
pas accordés d’importance à cette attaque plus
subtile de l’œuvre de l’I.C.
a)
Les années 20 :
L’oppression
impérialiste soulève dans la Chine du début du
siècle une révolte grandissante. Les aspirations
nationales ne cessent de se développer. Pourtant la Chine
manque à cette époque des formes organisationnelles et
des analyses théoriques permettant à cette révolte
de se transformer en mouvement révolutionnaire. La victoire de
la révolution d’Octobre en Russie aura une influence
décisive sur cette fermentation révolutionnaire. En
premier lieu, elle accélère la transformation du
Kuomintang qui passe d’une organisation de conspirateurs à
un véritable mouvement de libération nationale. Les
formes d’organisations du mouvement communiste sont adoptées
par le Kuomintang et celui-ci prend la direction des aspirations
anti-impérialistes. En second lieu, de nombreux membres du
Kuomintang sont attirés vers le communisme du fait de l’écho
de la révolution russe. Ils y arrivent cependant en ne
percevant pas toujours la différence entre nationalisme
radical et marxisme-léninisme. Le premier congrès du
P.C.C. regroupe des idéologies très différentes.
Voici comment l’I.C. décrit ce congrès:
« En
juillet 1921, se tint à Shanghai le premier congrès du
Parti Communiste de Chine. Il réunit treize délégués.
Ceux-ci n’étaient pas tous communistes. Il y avait parmi
eux des adeptes de l’anarchisme, du marxisme légal, du
socialisme biblique et des compagnons de route fortuits du mouvement
communiste »[2].
Pendant
les années qui suivirent, le prolétariat des villes
engage des luttes de grandes ampleurs. La bourgeoisie nationale et la
petite bourgeoisie du Kuomintang se radicalisent. Le P.C.C. ne
dispose cependant pas d’une analyse scientifique de la
situation lui permettant d’utiliser les potentialités
révolutionnaires de la situation. Ainsi le deuxième
congrès de juillet 1922 qui décide l’adhésion
à l’I.C. est analysé de la manière
suivante par l’I.C.:
« Ce
programme d’action, de même que les autres décisions
prises par le deuxième congrès du Parti Communiste de
Chine, trahit une certaine faiblesse du Parti: l’insuffisance
de sa participation à la lutte de libération nationale,
la sous-estimation de la question nationale et paysanne, ainsi que la
sous-estimation de la lutte pour gagner et diriger les masses
paysannes ».[3]
Ces
aspects essentiels ne furent corriger qu’avec l’aide de
l’I.C. Conformément à sa mission et à ses
statuts, l’I.C. se penche sur la question chinoise et propose
un changement radical d’analyse et de stratégie. Une
décision spéciale du Comité Exécutif de
l’I.C. en date du 12 janvier 1923 est prise. Elle déclare:
« En
Chine, l’unique groupement national révolutionnaire
important est le parti du Kuomintang, qui s’appuie en partie
sur la bourgeoisie libérale démocratique et la petite
bourgeoisie et, en partie, sur les intellectuels et les ouvriers. Vu
que le mouvement ouvrier indépendant est encore faible dans le
pays, et que le problème cardinal, pour la Chine, est la
révolution nationale contre les impérialistes et leurs
agents féodaux à l’intérieur; vu enfin que
la classe ouvrière, directement intéressée à
la solution de ce problème national-révolutionnaire,
n’est pas encore suffisamment différenciée en
tant que force spéciale tout à fait indépendante,
le C.E. de l’I.C. estime nécessaire de coordonner
l’action du parti du Kuomintang et du jeune Parti communiste
chinois. (...). Soutenant le Kuomintang dans toutes les campagnes
qu’il mène sur le front national-révolutionnaire
pour autant que ce parti mène une politique objectivement
juste, le Parti communiste chinois ne doit cependant pas fusionner
avec ce parti et ne doit pas, au cours de ces campagnes, replier son
propre drapeau »[4].
L’analyse
de l’I.C. fut adoptée par le troisième congrès
du P.C.C. du 7 février 1923 en rencontrant cependant des
oppositions de « gauche » et de droite.
L’opposition de « gauche » refusait
l’adhésion au Kuomintang alors que la droite concevait
cette adhésion comme la fin du travail indépendant du
parti. Cette nouvelle ligne politique permit au P.C.C de se
développer et de s’implanter tant au sein du mouvement
anti-impérialiste qu’au sein de la classe ouvrière.
Cependant, le troisième congrès ne tint pas compte d’un
autre aspect de la directive du C.E. du Komintern:
« En
outre, le troisième congrès adopta le nouveau programme
du parti, qui se distinguait avantageusement des programmes
précédents en ce qu’il détaillait
davantage les revendications qui visaient à la liquidation de
la domination impérialiste et l’abolition de
l’asservissement féodal et militariste. Mais ce
programme, de même que les programmes précédents,
ne tenaient nullement compte des revendications fondamentales des
masses paysannes. Cette lacune doit être relevée,
d’autant plus que la directive spéciale du C.E. de
l’I.C.au troisième congrès du P.C. de Chine
insistait sur l’importance primordiale d’une juste
solution de la question paysanne, et indiquait les mots d’ordre
fondamentaux de la révolution agraire, dont le principal était
« confiscation, sans indemnité, des terres des
grands propriétaires fonciers au profit des paysans »
(...). Les décisions du troisième congrès du
P.C. de Chine ne tinrent pas compte de ces directives du C.E. de
l’I.C. ».[5]
Les
déviations opportunistes de droite et de « gauche »
s’expriment alors en Chine à la fois sur la question du
front avec le Kuomintang comme nous l’avons dit ci-dessus, mais
également sur la question paysanne. Pour les gauchistes (alors
dominants au P.C.C.) la question de l’action des communistes en
direction de la paysannerie est secondaire, voire inutile. Pour les
droitiers, l’action en direction de la paysannerie est
considérée comme première et conduit à
occulter la nécessaire direction par le prolétariat du
mouvement paysan. Le P.C.C. ne résoudra jamais correctement la
question paysanne et ne cessera d’effectuer un mouvement de
bascule entre les opportunismes de droite et de « gauche ».
L’I.C. analyse de la manière suivante les racines
théoriques de cette incapacité à résoudre
scientifiquement la question paysanne. Voici ce qu’elle
développe à propos du quatrième congrès
qui sous-estime une nouvelle fois le travail pour la conquête
du mouvement paysan:
« Le
quatrième congrès commit une erreur fondamentale en
n’exposant pas d’une façon détaillée
ces revendications partielles de la paysannerie et en ne les
rattachant pas au mot d’ordre cardinal « Confiscation
sans indemnité de la grande propriété foncière
au profit de la paysannerie ». Cette erreur provenait
d’une fausse conception des étapes de la révolution
chinoise. Ainsi dans les thèses du quatrième congrès
sur le « mouvement national-révolutionnaire »,
il était dit que l’étape du front unique de
libération nationale serait immédiatement suivie de
l’étape de la révolution socialiste
prolétarienne. L’étape de la révolution
agraire, qui devait constituer la suite de la révolution
anti-impérialiste et la consolider, était donc
sautée »[6].
L’alliance
solide du Kuomintang de Sun Yatsen et des communistes, le
développement du mouvement ouvrier dans les villes, de
l’organisation des paysans dans les campagnes, les victoires
militaires des armées du Kuomintang dans lesquelles se
trouvent de nombreux communistes, etc., aboutissent à une
accélération du processus révolutionnaire. Voici
comment l’I.C. analyse cette période:
« La
révolution en Chine et plusieurs insurrections dans les
colonies sont devenues le plus grand facteur de l’ébranlement
de la stabilisation temporaire du capitalisme. La grève
générale du 30 mai 1925 à Shanghai, la lutte
héroïque du prolétariat de Hong-Kong et de Canton
en 1925 et 1926, l’expédition du Nord de l’armée
cantonaise et l’occupation par elle de la Chine méridionale
et centrale jusqu’à la vallée du Yangzi (en hiver
1926-1927) ont retenu l’attention du monde entier »[7].
Le
développement des luttes de masses et le renforcement des
communistes au sein du mouvement de libération nationale font
peur à la bourgeoisie nationale et la jettent dans le camp de
la contre-révolution. Le coup d’Etat
contre-révolutionnaire de Tchang Kaï-chek des 11 et 12
avril 1927 marque le passage de la bourgeoisie nationale à la
contre-révolution. La répression contre les ouvriers et
les communistes fut sanglante. La révolution change d’étape.
Les divergences avec l’I.C., dont parle Mao pour la fin de la
décennie 20, concernent ces événements. Pour
Mao, nous avons affaire à une « trahison de la
clique réactionnaire du Kuomintang » alors que
pour Staline et l’I.C., nous assistons au passage à une
nouvelle étape de la révolution caractérisée
par le passage de la bourgeoisie nationale à la
contre-révolution. Ecoutons Staline et Mao sur ces mêmes
événements:
Staline:
« Le
coup d’Etat de Tchang Kaï-chek signifie que la révolution
est entrée dans la seconde étape de son développement,
qu’on est au début d’un tournant de la révolution
du front unique national vers la révolution des masses
ouvrières et paysannes innombrables, vers la révolution
agraire.»[8].
Mao:
« Cette
révolution s’est terminée par une défaite
parce qu’en 1927 la clique de réactionnaires dans le
Kuomintang, qui était alors notre allié, a trahi la
révolution; parce que les forces combinées des
impérialistes et de la clique réactionnaire du
Kuomintang étaient alors trop puissantes »[9].
La
divergence n’est pas secondaire, elle porte sur l’analyse
de classe de la révolution chinoise. Pour Staline, la
bourgeoisie nationale a épuisé ses potentialités
révolutionnaires et se situe désormais dans le camp de
la contre-révolution. Pour Mao, nous avons la trahison d’une
« clique réactionnaire ». Pour Mao, nous
sommes en présence d’une défaite alors que pour
Staline, nous sommes en présence d’une progression du
processus révolutionnaire. En fait, Mao considère que
la bourgeoisie nationale n’a pas trahi. Il analyse la période
comme n’étant constituée que d’une seule
étape, celle de « la démocratie nouvelle ».
L’analyse de classe est remplacée par une explication en
terme de « clique traître ».
L’explication de la situation à partir des intérêts
des classes sociales en présence est remplacée par une
explication en terme de « morale ». La
bourgeoisie nationale n’est pas analysée comme une
classe sociale vacillante et stratégiquement « traître »
à la révolution nationale anti-impérialiste.
A
la même époque (début 1927), Mao rédige
son « rapport sur l’enquête menée dans
la province du Hunan à propos du mouvement paysan »[10].
Il y développe une analyse faisant des paysans pauvres la
classe dirigeante de la révolution. Mao est visiblement
impressionné par une « révolution
rurale d’une ampleur encore inconnue ». Il
considère que ce mouvement de révolte doit devenir
l’axe stratégique central des communistes afin
« d’encercler
les villes par les campagnes, puis de prendre les villes ».
C’était là proposer d’abandonner les villes
et le prolétariat pour ne concentrer les forces que sur le
mouvement paysan.
La
divergence avec l’I.C. et Staline ne porte pas sur l’importance
de la question paysanne. Nous avons cité ci-dessus les
nombreuses critiques de l’I.C. au P.C.C. portant sur la
sous-estimation de la question paysanne. Pour combattre cette dérive
gauchiste, Mao sombre dans une idéalisation du mouvement
paysan oubliant au passage une des bases du marxisme: la direction
par le prolétariat, même faible numériquement, de
l’alliance entre ouvriers et paysans.
L’I.C.
critiqua sévèrement le rapport de Mao et celui-ci fut
exclu du bureau politique du P.C.C. Il n’y reviendra qu’en
1935. Voici comment le maoïste Jean Baby associe les calomnies
contre Staline (en reprenant les attaques des trotskistes) et la
présentation de ce rapport: « Mao
Tsé-Toung avait vainement insisté sur la nécessité
de soutenir le mouvement révolutionnaire des villes par celui
des campagnes. Mais pour Staline il s’agissait de ne rien faire
qui puisse inquiéter la bourgeoisie du Kuomintang avec qui il
voulait à tout prix maintenir le contact. Bien que Mao
Tsé-Toung ait eu entièrement raison, il fut exclu du
Bureau Politique. Les directives données par Staline avaient
coûté la vie aux quatre cinquièmes des
communistes (...). Mao Tsé-Toung avait rédigé,
au début 1927 un « rapport sur l’enquête
menée dans la province du Hunan à propos du mouvement
paysan ». Ce rapport, est, sans contestation possible un
modèle de ce que doit être une analyse marxiste d’une
situation concrète examinée sous tous ses aspects. Il
n’en reste pas moins que ce rapport, qui est une importante
contribution à la science marxiste-léniniste, a été
rejeté par le secrétaire de l’Internationale et
plus spécialement par Staline. C’est ce rapport qui a
valu à Mao Tsé-Toung d’être exclu du Bureau
Politique où il ne rentrera qu’en 1935 »[11].
L’approche
de l’I.C. et de Mao de la question paysanne est
fondamentalement contradictoire. Pour Staline, les communistes
devaient être à l’avant-garde de la révolution
agraire mais la paysannerie ne pouvait pas de par ses
caractéristiques socio-économiques être la classe
dirigeante. Pour Mao, impressionné par l’ampleur et la
radicalité du mouvement paysan, se basant uniquement sur
l’argument quantitatif d’une paysannerie largement
majoritaire et sur la pauvreté de la masse des paysans, la
paysannerie pauvre devenait la classe révolutionnaire par
excellence. Comme pour la bourgeoisie nationale, nous avons ici une
approche subjective des classes sociales.
b)
La conférence de Zunyi (janvier 1935) :
Le
coup d’Etat de Tchang Kaï-chek eut pour résultat la
création de deux gouvernements, l’un réactionnaire
à Nankin et l’autre regroupant la gauche du Kuomintang
et les communistes à Wuhan, dans la Chine centrale. Le Vème
congrès du P.C.C. se tint en pleine légalité
dans le gouvernement de Wuhan le 27 avril 1927. Les communistes s’y
présentaient avec de nombreux succès. Le PCC était
devenu un parti de masse regroupant prés de 60 000 membres
dont 53,8 % étaient ouvriers. La direction qui en sortit resta
cependant largement dominée par l’opportunisme de
droite. Pour ne pas gêner les chefs du Kuomintang de gauche,
les dirigeants du P.C.C. (autour de Chen Duxiu) freinaient le
mouvement paysan. L’Internationale Communiste intervint à
plusieurs reprises pour corriger ses erreurs. Ainsi la résolution
de la VIIIeme assemblée plénière du
C.E. de l’I.C. déclare en mai 1927:
« L’essentiel
aujourd’hui, c’est que les dizaines et les centaines de
millions de paysans résolvent eux-mêmes, par en bas,
d’une manière révolutionnaire et « plébéienne »
le problème agraire. Il faut rapidement, hardiment et
résolument appliquer une politique d’armement de classe
des ouvriers et paysans »[12].
Staline
lui-même envoie un télégramme le 1er
juin
d’une clarté exemplaire: « Nous
sommes résolument pour la prise effective de la terre par en
bas. Ce qu’il nous faut, ce n’est pas se détacher
du mouvement ouvrier et paysan, mais y contribuer par tous les moyens
(...). Il faut attirer au C.C. du Kuomintang le plus possible de
nouveaux leaders paysans et ouvriers de la base. Leur voix hardie
rendra les vieillards résolus ou les mettra au rencart
(...)Organisez, pendant qu’il n’est pas trop tard, votre
propre armée sûre. Sinon, il n’est point de
garantie contre les échecs »[13].
Les
propos de Staline sonnent comme une prophétie au regard des
événements qui vont suivre. En fait, il s’agit
d’une analyse marxiste et scientifique d’un processus
révolutionnaire et de la dynamique des alliances qu’il
contient. De la même façon que le coup d’Etat de
Tchang Kaï-chek était prévisible au fur et à
mesure du développement du mouvement de masse et du parti
communiste, celui de la gauche du Kuomintang était prévisible
pour les mêmes raisons. Elle survint en juillet 1927 et ouvrit
une période de réaction noire et de massacre des
communistes.
A
la demande de l’I.C., le P.C.C. réunit le 7 août
1927 une conférence extraordinaire qui démit la
direction opportuniste de droite.
Pour
l’I.C., ces événements signifiaient le passage à
la contre-révolution des couches moyennes et de nombreux
éléments de la petite-bourgeoisie citadine. Le P.C.C.,
dans cette phase de réaction, défendit les armes à
la main les conquêtes de la révolution en particulier au
moment de l’insurrection de Nanchang (août 1927) et de la
commune de Canton (décembre 1927). Pour le Veme
congrès de l’I.C., la commune de Canton représente
le passage à une nouvelle étape de la révolution
chinoise:
« La
révolution en Chine et plusieurs insurrections dans les
colonies sont devenues le plus grand facteur de l’ébranlement
de la stabilisation temporaire du capitalisme (...). L’insurrection
de Canton (décembre 1927) est devenue le point de démarcation
entre l’étape du Kuomintang et l’étape
soviétique ».[14]
Après
les erreurs commises par la direction opportuniste de droite jusqu’en
août 1927, le P.C.C. paya également chèrement la
politique gauchiste et putschiste de la direction de Li Lisan:
« Jusqu’en
été 1930, le Parti communiste de Chine, menant une
ligne en général juste[15],
avait remporté des succès considérables, dans
tous les domaines de son activité. Mais en été
1930, dans les conditions de l’essor de la lutte
révolutionnaire, la ligne de Li Lisan, contraire à la
position et à la ligne de l’Internationale Communiste,
commença à avoir le dessus à la direction du
parti. Toute la politique de Li Lisan escomptait le développement
rapide de la révolution chinoise et mondiale. Considérant
que la situation révolutionnaire était arrivée à
sa maturité sur tout le territoire de la Chine, il engageait
le Parti à organiser partout des soulèvements,
notamment dans les principaux centres du pays. Ces soulèvements
se transformaient en de véritables actes putschistes »[16].
C’est
à cette période que rentrent de Moscou ceux qui seront
appelés par Mao le groupe des « 28 bolchéviks
et demi ». Ces communistes accèdent à la
direction du parti à la session de janvier 1931. C’est
ce groupe de communistes formés à Moscou et en
particulier Wang Ming qui mena la lutte contre la ligne gauchiste de
Li Lisan et qui s’opposa ensuite à Mao. Voyons comment
l’I.C. parle de ces militants et comment Mao en parle
également:
« La
lutte contre la ligne semi-trotskiste de Li Lisan commença
dans l’organisation de Shanghai,
sous
la direction du camarade Tchen Chao Oui (Wang Ming). Et elle eut
d’excellents résultats. Le camarade Wang Ming, l’un
des chefs les plus éminents du mouvement communiste en Chine,
et d’autres dirigeants remarquables du parti, les camarades
Tchen Bang Sian, Van Tsia Sian, Ho Vei Chou, Chen Tsé Min et
Tchen Youan Dao défendirent en luttant sur deux fronts, la
ligne léniniste-staliniste, uniquement juste dans les
questions de la révolution chinoise »[17].
Quant
à la version officielle du P.C.C., voici comment elle présente
l’histoire de la lutte contre Li Lisan: « La
troisième lutte opposa la ligne du président Mao à
celle de Li Lisan (...) ». Décidément
la version de l’Internationale de 1936 est pour Mao et le
P.C.C. un mensonge. Parlant des « camarades remarquables »
de l’I.C. le P.C.C. poursuit: « La
cinquième lutte fut menée contre la ligne prônée
principalement par Wang Ming, pseudonyme de Tchen Chao Oui
(1907-1974), ligne connue comme la « troisième
ligne de gauche ». Wang Ming avait adhéré au
Parti à Moscou en 1925 et il y avait formé une faction
en organisant les « vingt-huit bolchéviks et
demi ». Revenu en Chine, ils prenaient, lui et son groupe
le pouvoir dans le parti en 1931 et le conservaient pendant quatre
ans »[18].
Les
« camarades remarquables » de l’I.C. sont
devenus des « factionnistes gauchistes » pour
Mao et le P.C.C. En réalité quand l’I.C. parle du
combat sur deux fronts qu’eurent à mener Wang Ming et
ses camarades, c’est qu’ils eurent, non seulement à
démasquer le gauchisme de Li Lisan, mais aussi la ligne
droitière de Mao conduisant à sous-estimer le travail
dans le prolétariat.
Pendant
toutes ces années, l’armée rouge connue un
développement important. Tchang Kaï-chek tenta six
campagnes pour la détruire mais fut à chaque fois
vaincu. Les territoires régis par le pouvoir soviétique
s’étendirent considérablement. Mao Tsé-Toung
contribua efficacement aux succès de l’armée
rouge. Il fut élu à la tête du gouvernement
soviétique central. Cependant les divergences avec
l’Internationale Communiste se développèrent
toujours sur la même question: l’urgence d’une
action d’envergure pour s’implanter plus profondément
dans le prolétariat urbain.
Lors
de la sixième campagne, Tchang Kaï-chek concentra contre
les forces de l’armée rouge une armée de 700 000
hommes. Le gros des forces de l’armée rouge fut encerclé
dans le Jiangxi. La longue marche permis de briser cet encerclement.
Profitant des difficultés de la lutte et des revers de l’armée
rouge, Mao Tsé-Toung allait imposer en janvier 1935 son
pouvoir à la tête du P.C.C. lors de la conférence
de Zunyi. Une divergence de tactique militaire était utilisée
pour imposer le pouvoir de Mao.
Ecoutons
sur cet aspect aussi les versions de l’I.C., de Mao et des
maoïstes:
« La
sixième campagne dura plus d’un an. Le gros des forces
de l’Armée rouge fut obligé d’abandonner le
Jiangxi et se dirigea vers le Guizhou et le Sichuan en passant par le
Guangxi. Arrivée à destination, l’Armée
rouge déploya des opérations efficaces. Le plan établi
par Tchang Kaï-chek pour encercler et écraser l’Armée
rouge chinoise échoua complètement malgré les
forces et les ressources énormes qu’il y consacra »[19].
Telle
est la version de l’I.C.
La
version officielle du P.C.C. est bien différente. Elle
critique les positions prises par la direction du P.C.C. en accord
avec le Komintern. Les revers momentanés de l’Armée
rouge ne sont plus expliqués par l’ampleur de
l’offensive ennemie et par les inégalités des
forces mais par des erreurs de ligne militaires: « A
la fin 1932, le président Mao perdait le commandement de
l’Armée rouge, et Wang Ming pouvait appliquer sa ligne
militaire: la guerre de positions et l’occupation « jusqu’au
bout » des positions clés. Le président Mao
et d’autres membres du parti réussissaient après
une longue opposition, à obtenir la convocation d’une
Conférence élargie du Bureau Politique du Comité
Central du Parti en janvier 1935 à Zunyi, dans la province de
Guizhou. Cette Conférence écartait la ligne
opportuniste « de gauche » et établissait
la position dirigeante du président Mao »[20].
Les
faits démentent cette version officielle. En effet, à
la date de la conférence, la « grande marche »
a déjà commencé. Le moins que l’on puisse
dire est que celle-ci n’est pas une « guerre de
position ». C’est l’ancienne direction qui a
décidé la « grande marche » pour
briser l’encerclement, et non Mao comme s’évertue
à nous le faire croire les écrits officiels chinois.
C’est ce que défend Wang Ming dans un livre publié
en 1975:
« Wang
Ming réfute la thèse de la propagande maoïste,
d’ailleurs reprise par certains historiens bourgeois
d’Occident, comme quoi cette conférence « aurait
sauvé » la révolution chinoise, soi-disant
acculée dans l’impasse en raison des directives erronées
du Komintern. En réalité, comme le prouve abondamment
l’auteur de l’ouvrage, les pertes subies à la
première étape de la Grande Marche, c’est à
dire avant Zunyi, étaient moindres que celles de la seconde
après Zunyi »[21].
Une
version convergente est proposée par le Parti du Travail du
Vietnam:
« Le
clivage qui s’opéra au sein du P.C.C. en ces années
d’après 1927 divisa donc ceux qui restaient fidèles
à un marxisme « orthodoxe » qui, sans
nier le rôle important des paysans, lui refusaient le rôle
de classe dirigeante de la révolution à ceux qui
prônaient une révolution fondamentalement paysanne. Il
était normal que ceux qui gardaient des contacts étroits
avec l’Internationale Communiste penchaient pour l’orthodoxie,
tandis que les dirigeants et cadres d’origine rurale avaient
plutôt tendance à revenir vers les conceptions
traditionnelles. Deux lignes politiques fondamentalement différentes
s’opposaient par le truchement de deux groupes dirigeants, l’un
lié à la personne de Mao, l’autre à
l’Internationale. La coupure presque totale avec les villes
pendant de longues années mettait les « orthodoxes »
en nette position d’infériorité; le massacre des
militants des premières années, comme les pertes graves
encourues au cours de la Longue Marche achevaient d’éliminer
les combattants issus des milieux citadins (...). En janvier 1935, au
cours de la Longue Marche, au soir d’une bataille, Mao
convoquait une réunion extraordinaire du Bureau Politique, en
fait une réunion élargie à de nombreux chefs
politiques et militaires, et se fit confier la direction militaire
(c’est à dire générale, étant donné
le contexte) devenant le « président »
de ce parti plus ou moins confondu avec une armée en
marche »[22].
Quant
à certains maoïstes d’autres pays, ils ne font que
reprendre la version officielle chinoise avec cependant un
anti-stalinisme plus franc:
« Auparavant,
l’armée populaire, dont les effectifs étaient
montés jusqu’à cent quatre-vingt mille hommes
environ, avait été engagée, en dépit de
l’opposition de Mao Tsé-Toung et de Zhu De, par un
envoyé militaire de l’Internationale Communiste, dans de
grandes batailles de position qui avaient coûté à
l’armée populaire des pertes considérables. La
majorité du Bureau Politique du P.C.C., qui n’imaginait
pas pouvoir s’opposer aux directives de Moscou, n’avait
pas encore compris la valeur des principes de stratégie et de
tactique élaboré par Mao Tsé-Toung. C’est
encore en vies humaines que s’est soldé le bilan des
erreurs commises par Staline dans cette période »[23].
Encore
une fois le maoïsme conduit à l’antistalinisme.
C’est de ces divergences que parlent les Chinois lorsqu’ils
évoquent les « erreurs de Staline des années
30 ».
c)
Les années 40 :
Le
18 septembre 1931, les fascistes impérialistes japonais
commencent leur guerre de brigandage en Chine : ils occupent
militairement la Mandchourie. Un vaste mouvement de résistance
à l’envahisseur se développe dans la classe
ouvrière et chez les étudiants. Le gouvernement de
Nankin de Tchang Kaï-chek réprime ce mouvement de
résistance nationale:
« Bien
que le gouvernement de Nankin étouffât par tous les
moyens le mouvement antijaponais, ce dernier continua à se
développer irrésistiblement. La petite bourgeoisie
citadine recommença à participer à la lutte
anti-impérialiste. Les étudiants de Pékin,
Shanghai, Nankin et d’autres villes organisèrent
d’imposantes manifestations contre le Japon et contre le
Kuomintang »[24].
Progressivement
les Japonais étendent leurs conquêtes et font régner
dans les régions occupées une dictature de type
fasciste. La résistance se développe partout sous la
forme de détachements de partisans, de grèves dans les
villes, de manifestations contre l’occupant. Au sein de l’armée
du Kuomintang, la grogne règne. Plusieurs unités de
l’armée de Tchang Kaï-chek refusent de marcher
contre l’armée rouge. La XXVIeme armée
du Kuomintang au complet passe à l’armée rouge.
De plus en plus de membres du Kuomintang s’opposent à la
guerre contre l’armée rouge et prennent position pour
une alliance avec le P.C.C. contre les envahisseurs.
En
s’appuyant sur la tactique du VIIeme congrès
de l’I.C., le P.C.C. prend alors une série d’initiatives
pour parvenir à un accord avec Tchang Kaï-chek afin
d’organiser la lutte contre les occupants japonais. Voici
comment Wang Ming, délégué chinois au VIIeme
congrès de l’I.C., décrit cette période:
« En
novembre 1935, le comité central du P.C. de Chine, se guidant
sur la nouvelle orientation tactique du VII eme
congrès et sur le rapport historique de Dimitrov à ce
congrès, encore une fois s’adressa à tous les
partis politiques groupés et aux troupes militaires de Chine
en leur demandant de convoquer une conférence pan-chinoise de
« salut national » pour la discussion et la
réalisation de la proposition du Parti communiste de former un
front national antijaponais (...). Le 23 septembre 1937, tous les
journaux importants chinois publièrent la déclaration
du C.C. du P.C. de Chine, adressée au peuple chinois sur
l’entente conclue entre le C.C. et le Kuomintang »[25].
Le
P.C.C. acceptait par cet accord de ne plus combattre pour le
renversement du Kuomintang, d’arrêter la politique de
confiscation des terres des grands propriétaires fonciers, de
supprimer le gouvernement soviétique et de faire se joindre
l’armée rouge à celle du Kuomintang. En revanche:
« Le
C.C. du P.C. exige du Kuomintang: 1) La cessation de la guerre civile
et l’union de toutes les forces nationales pour résister
à l’ennemi extérieur ; 2) Pour le peuple, la
liberté de parole, de presse, d’organisation, etc. et la
libération de tous les détenus politiques ; 3) La
convocation d’un congrès national de salut avec la
participation des représentants de tous les partis politiques,
de tous les groupes, de toutes les troupes militaires et associations
publiques, antijaponaises ; 4) L’achèvement rapide
de la préparation de la lutte armée contre
l’impérialisme japonais ; 5) L’amélioration
de la situation des masses populaires. ».[26]
Cette
position juste du P.C.C. conforme aux analyses du VIIeme
congrès de l’I.C. permettrons à la lutte
anti-impérialiste de connaître des succès
grandissants. Cependant, une nouvelle fois, les divergences entre Mao
(désormais à la tête du P.C.C. depuis la
conférence de 1935) et l’I.C. allaient s’approfondir.
Le
22 juin 1941, les nazis occupent une partie de l’Union
Soviétique. Malgré la défense héroïque
des troupes russes, ils menacent Moscou quatre mois plus tard. Les
peuples de l’Union Soviétique supportent à partir
de ce moment le poids essentiel de la guerre. Les « alliés »
anglais et américains retardent sans cesse l’ouverture
d’un second front qui aurait pu soulager le prix payé
par les Soviétiques. Le premier et seul pays socialiste au
monde payera de plus de vingt millions de morts cette guerre pour la
libération de l’humanité de la barbarie nazie. Le
devoir de tous les partis communistes était de mettre toutes
leurs forces dans le combat anti-nazi, de renforcer les fronts
antifascistes de libération nationale et de soulager ainsi la
pression militaire sur l’Union Soviétique.
Le
P.C.C. avait en outre une responsabilité particulière
compte tenu du danger d’une attaque japonaise contre
l’Extrême-Orient soviétique. Le danger d’une
telle attaque dura de 1941 à 1943. Elle aurait eu des
conséquences dramatiques en ouvrant un second front fasciste
contre les Soviétiques. Mao Tsé-Toung refusa de lancer
l’ensemble de ses troupes contre les envahisseurs japonais. En
fait, Mao était en désaccord avec l’Internationale
et Staline sur la priorité à accorder au combat
antifasciste. Il ne voulait pas affaiblir ses forces dans la
perspective d’un combat contre Tchang Kaï-chek pour la
prise du pouvoir après la guerre. Voici comment
l’antistalinien Fernando Claudin présente la période:
« Tandis
que Mao réservait des forces et les préparait dans la
perspective de la révolution chinoise, Staline voulait que Mao
et Tchang lancent immédiatement tous leurs contingents
militaires contre les Japonais »[27].
Wang
Ming, défenseur internationaliste de la ligne de l’I.C.,
parle aussi de cette divergence de fond quant au combat antifasciste
pendant toute la durée de la guerre:
« Après
la conférence de Zunyi, Mao Tsé-Toung a saboté
depuis longtemps la création d’un front unique qui
devait opposer la résistance à l’agression
nippone. Seuls les conseils du Komintern, qui insistaient sur une
politique de front national anti-nippon uni, ont sauvé la
situation. Dès 1938, les régions libérées
couvraient de nouveau un vaste territoire de la Chine »[28].
Mao
Tsé-Toung utilisa les décisions du VIIème
congrès de l’I.C., qui accordait une autonomie plus
grande aux sections nationales, pour prendre le pouvoir au sein du
P.C.C. en 1935. Il utilisa également la dissolution de l’I.C.
en 1943 pour s’opposer encore plus à l’analyse
marxiste du fascisme et du combat antifasciste. Voici comment il se
félicite de la dissolution de l’I.C.:
« Depuis
la décision, prise en août 1935 lors du VIIème
congrès de l’Internationale Communiste, de supprimer
toute ingérence dans les affaires concernant les organisations
communistes des différents pays, le Comité exécutif
de l’Internationale Communiste et son présidium,
respectant cette décision, ne sont plus intervenus dans les
affaires concernant l’organisation communiste chinoise (...).
Dans ces conditions, la dissolution de l’Internationale
Communiste ne pourra que renforcer la confiance du Parti communiste
chinois en lui-même et son esprit de créativité,
consolider les liens qui unissent le Parti au peuple chinois et
porter à un niveau supérieur la combativité du
Parti »[29].
Si
les décisions du VIIème
congrès et la dissolution de l’I.C. sont des décisions
justes qui ont permis aux communistes de développer
efficacement le combat antifasciste[30],
ils ont aussi été utilisés par les opportunistes
dans plusieurs pays. Ce sont ces divergences dont parle le P.C.C.
lorsqu’il parle de ses désaccords avec Staline « au
début et au milieu des années 40 ».
Mao
s’est, on le voit, opposé à Staline et à
l’I.C. tout au long de l’histoire du P.C.C. Concernant
l’histoire, on ne peut donc être à la fois
stalinien et maoïste. Pour une fois, nous serons en accord avec
un défenseur de Mao:
« Le
P.C.C., sous la direction de Mao Tsé-Toung, n’a jamais
été « stalinien » et, selon toute
vraisemblance, ne le sera jamais. Il est donc parfaitement absurde
d’accuser les communistes chinois d’être des
« néo-staliniens et de vouloir perpétuer le
culte de Staline »[31].
2)
Mao critique Staline
Les
critiques de Mao sur Staline ne se limitent pas à l’histoire
de la Chine. En prétendant prendre la défense de
Staline contre les attaques de Khrouchtchev, le P.C.C. reprend à
son compte toutes les calomnies que la bourgeoisie a déversées
contre l’U.R.S.S. et son dirigeant Joseph Staline. Ecoutons:
—
« Staline
infatué de lui-même »:
« Aux
dirigeants des partis communistes et des Etats socialistes incombent
la responsabilité de réduire au minimum le nombre de
leurs erreurs (...). Pour cela, tout dirigeant doit être
extrêmement modeste et prudent, être en liaison étroite
avec les masses, les consulter en toutes matières, procéder
à des enquêtes et des examens réitérés
sur la situation réelle et se livrer constamment à la
critique et l’autocritique conformément aux
circonstances et dans la mesure qu’il convient. C’est
précisément parce que Staline n’a pas agi ainsi
qu’il a commis dans la dernière période de sa vie
certaines erreurs graves dans son travail, en tant que dirigeant du
Parti et de l’Etat. Il devint infatué de lui-même,
manqua de circonspection, et l’on vit apparaître dans son
esprit le subjectivisme et la tendance à se contenter de vues
partielles. Il prit des décisions erronées sur
certaines questions importantes, ce qui aboutit à des
conséquences très fâcheuses. »[32]
—
« Staline a
accusé des innocents »: « Ces
erreurs se sont surtout manifestées en ce qui concerne la
liquidation de la contre-révolution et les rapports avec
certains pays (...). Il a accusé gratuitement de nombreux
communistes et de bons citoyens »[33]
—
« Le
chauvinisme de grande nation »:
«...en
réglant certains problèmes concrets, il a manifesté
une tendance au chauvinisme de grande nation et il n’a pas eu
assez le sens de l’égalité; il pouvait d’autant
moins être question qu’il éduquât l’ensemble
des cadres dans un esprit de modestie; parfois même il
intervenait indûment dans les affaires intérieures de
certains pays frères et de certains partis frères, ce
qui a eu maintes conséquences graves »[34]
—
« Staline
s’écarte du matérialisme dialectique »:
« Dans
certains problèmes, la méthode de pensée de
Staline s’écarta du matérialisme dialectique pour
tomber dans la métaphysique et le subjectivisme, et, de ce
fait, il lui arriva parfois de s’écarter de la réalité
et de se détacher des masses »[35].
—
« Staline
et la répression de masse »: « Dans
les luttes menées au sein du Parti comme en dehors il
confondit, à certains moments et dans certains problèmes
les deux catégories de contradiction (contradictions entre
l’ennemi et nous, et contradictions au sein du peuple) de même
que les méthodes différentes pour la solution de ces
deux catégories de contradictions. Le travail de liquidation
de la contre-révolution, entrepris sous sa direction, permit
de châtier à juste titre nombre d’éléments
contre-révolutionnaires qui devaient l’être;
cependant, des gens honnêtes furent aussi injustement
condamnés, et ainsi il commit l’erreur d’élargir
le cadre de la répression en 1937 et 1938 »[36].
—
« Staline
entrave le centralisme démocratique »:
« Dans
les organisations du Parti et les organismes de l’Etat, Staline
ne fit pas une application pleine et entière du centralisme
démocratique du prolétariat ou y contrevint
partiellement. Dans les rapports entre partis frères et entre
pays frères, il commit aussi des erreurs. Par ailleurs, il
formula, au sein du mouvement communiste international, certains
conseils erronés. Toutes ces erreurs ont causé des
dommages à l’Union Soviétique et au mouvement
communiste international »[37].
Arrêtons
ces citations du P.C.C. Elles sont suffisantes pour prouver que ce
parti reprend l’ensemble des critiques bourgeoises à
l’égard d’un des plus grands dirigeants du
mouvement communiste. Sur ces aspects non plus, on ne peut pas être
à la fois stalinien et maoïste. Il faut choisir!
CONCLUSION
Les
divergences entre l’I.C. et Staline d’une part et Mao
Tsé-Toung d’autre part n’ont pas cessé
depuis la création du P.C.C. Issus d’une révolte
contre l’oppression nationale, les premiers dirigeants du
P.C.C. n’avaient pas d’éducation marxiste.
Beaucoup d’entre eux adhérèrent au bolchévisme
par l’écho international de la révolution
d’Octobre. La bolchévisation du nouveau parti était
nécessaire sous peine de voir se maintenir le « Sun
Yatsénisme » habillé du discours marxiste.
Les
critiques et conseils de l’I.C. et de Staline permettaient au
parti de corriger ses erreurs. Globalement jusqu’en 1935, la
direction de l’I.C. permis de venir à bout des
déviations droitières et gauchistes et ainsi
d’implanter le parti profondément dans la classe
ouvrière et la paysannerie pauvre. Les critiques essentielles
de l’I.C. portaient sur la question des étapes de la
révolution d’une part et sur celle de la classe sociale
à même de diriger la révolution. Pour l’I.C.,
le P.C.C. avait une analyse erronée des étapes de la
révolution et en conséquence tendait à tisser
des alliances de classes inappropriées à l’étape
en cours. De la même façon, l’I.C. considérait
que le P.C.C. se trompait dans son choix de s’appuyer
essentiellement sur la paysannerie.
A
partir de 1927 et du massacre de milliers de communistes par Tchang
Kaï-chek, le P.C.C. tend à abandonner son travail dans
les villes et auprès du prolétariat pour privilégier
l’action de l’armée rouge dans les zones libérées.
Ayant perdu l’essentiel de ses cadres ouvriers dans les
massacres, la nouvelle tactique conduisait à se couper du
prolétariat. Une nouvelle fois l’I.C. critiqua cette
tendance et insista sur la nécessité de la direction du
prolétariat sur la révolution et donc d’une
implantation dans les villes.
Mao
fut celui qui théorisa cet abandon du prolétariat par
sa thèse d’encerclement des villes par les campagnes. A
partir de sa prise du pouvoir au sein du P.C.C. en 1935, la déviation
« paysanne » ne fera que s’accentuer. Les
décisions du VIIème congrès de l’I.C.
d’accorder une autonomie plus grande aux sections nationales
furent utilisées par Mao pour asseoir définitivement sa
ligne politique. De la même façon, la dissolution de
l’I.C. permis d’accroître cette déviation. A
partir de cette période, le P.C.C ne cessera d’arguer de
la « spécificité » chinoise pour
justifier les décisions contraires au marxisme-léninisme
et pour taxer de « dogmatiques » ceux qui dans
le parti s’opposaient à ses positions erronées.
Les
divergences avec l’I.C. et Staline ne sont pas limitées
à l’histoire. L’accent mis sur les « spécificités
nationales » allait conduire peu à peu Mao à
une position nationaliste du type de Sultan Galiev en Union
Soviétique. Au fur et à mesure du développement
de cette déviation, Mao allait peu à peu s’éloigner
du marxisme-léninisme. Il n’est dès lors pas
étonnant de voir Mao reprendre à son compte l’essentiel
des critiques bourgeoises à l’égard de l’U.R.S.S.
et de Staline. Les raisons de la non-perception par de nombreux
marxistes-léninistes de ce révisionnisme maoïste
sont historiques: Le révisionnisme maoïste s’est
déployé entièrement sous le masque d’un
combat contre le révisionnisme de Khrouchtchev. Il a également
été largement encouragé par la bourgeoisie. La
petite-bourgeoisie de son côté l’a investi comme
« anti-stalinisme » paré des couleurs de
la « révolution ».
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