Les leçons du mouvement de grève de novembre décembre 2005 :
La
France vient d'être balayée par un puissant mouvement
gréviste - qui perdure - déclenché par les
mesures impopulaires et anti-travailleurs du gouvernement
Chirac-Juppé. De mémoire, cela faisait très
longtemps que nous n'avions pas été si proche d'une
grève générale.
Ces
dernières années, la classe des capitalistes s'est
d'abord attaquée aux plus fragiles, les minorités
nationales immigrées, puis les chômeurs, les femmes, les
jeunes, les retraités, les pauvres, le secteur privé et
enfin aux bastions du secteur public. A chaque fois nous avons
assisté à l'isolement dans sa résistance du
secteur ou de la catégorie visée. Cette fois, au
contraire, le mouvement ouvrier s'est mis clairement à la tête
de l'ensemble du mouvement démocratique. Le réveil de
la lutte de classe a en effet posé les questions démocratiques
générales telle la question du logement pour les masses
populaires. Le prolétariat par sa lutte s'est révélé
un véritable rempart, contribuant efficacement à la
résolution de problèmes concrets touchant toutes les
couches de la société. On a vu ainsi les ouvriers
grévistes mettre délibérément les mal
logés en tête des cortèges des manifestants, les
cheminots de l'Essonne aller revendiquer et imposer à leur
préfecture le relogement d'un des leurs qui vivait dans une
caravane avec sa famille ou encore l'occupation par les grévistes
et les associations pour le droit au logement d'immeubles vides pour
y reloger des SDF. Par la même occasion, les multiples
revendications des différentes couches de la société
ont été remises à l'ordre du jour. C'est le cas
du droit au travail, du droit de tous aux soins médicaux, de
la solidarité entre travailleurs de différentes
nationalités, du retour aux 37 annuités et demie de
cotisations pour la retraite à taux plein dans le secteur
privé, etc.
Cette
contre-offensive du monde du travail intervient après 14
années d'austérité gérées par la
social-démocratie mitterrandienne pour les besoins de
« l'ajustement structurel » dû à
la construction du nouveau pôle impérialiste européen.
Maastricht a été en effet le tournant pour une nouvelle
phase dans cette oeuvre destructrice et prédatrice contre le
monde du travail et les peuples. La crise du capitalisme mondial est
le facteur qui rythme l'édification de l'Europe capitaliste,
laquelle adapte sa construction à la recherche du profit
maximum et à la mise en place d'un nouveau pôle
impérialiste rival des USA et du Japon. Voilà la base
de l'attaque sans précédent contre les conquêtes
sociales (protection sociale, retraite, régimes spéciaux...).
Les
signes annonciateurs d'un réveil du prolétariat
A
vrai dire l'année 1994 a été un tournant
annonciateur d'une contre-offensive du mouvement ouvrier face à
l'offensive par vagues du capital et de ses gouvernements successifs
depuis plus de deux décennies. Citons le patronat lui même
dans un de ses rapports intitulé « L'année
économique et sociale 1994 » publié par
l'Union des Industries Métallurgiques et Minières
(UIMM): « La situation s'est détériorée
au cours de l'année 1994, marquée par la montée
d'un malaise beaucoup plus profond que ne pourraient le laisser
penser les deux phases de mécontentement aigu: l'affaire du
CIP en mars et avril et le réveil revendicatif de l'automne. A
l'origine de ces mouvements, l'emploi et la question salariale ont
joué un rôle décisif. L'inquiétude, le
sentiment de précarité, suscités par un chômage
toujours très élevé malgré un
infléchissement, ne font plus obstacle à des
revendications de salaires attisées par l'amélioration
de la situation économique. Au contraire même, pour
certains salariés du secteur privé qui éprouvent
le double sentiment de vivre une reprise frustrante après des
années de modération salariale et d'avoir fait des
sacrifices inutiles dans la mesure où cette modération
ne semble pas contribuer à faire baisser sensiblement le
chômage ». Les experts du patronat vont dès
lors indiquer à Chirac ce qui fera l'objet de sa campagne
démagogique et deviendra après les élections le
plan Juppé: « Indépendamment des temps
forts revendicatifs, le calme social reste ambigu, le climat social
s'alourdit car au-delà de ces deux questions cruciales
(salaire et emploi) notre société est ébranlée
dans ses fondements. Cette tension est en grande partie due au risque
de la fracture sociale [repris par Chirac] liée au
chômage, surtout de longue durée avec son corollaire, la
montée de l'exclusion. Or les régimes de protection
sociale destinés à porter remède à ces
maux sont à bout de souffle [plan Juppé], l'Etat
providence a fait son temps ». Selon les capitalistes
« l'explosion provoquée par l'affaire du CIP a
été le révélateur du malaise d'une large
fraction du corps social. Cette sorte de mai 68 à l'envers a
certes été très largement manipulé par
les forces qui, cherchant les amalgames, ont coutume d'exploiter un
catalyseur, d'orchestrer les mécontentements pour tenter de
provoquer un mouvement globalisé à des fins politiques
». Le patronat exprime ici son obsession de la « politisation »
et de la « globalisation du mouvement social ».
Mais tout aussi significatif, le diagnostic des capitalistes est que
« les manifestations violentes du mois de mars
[1994] ont mis en lumière deux faits nouveaux résultant
de l'accélération des évolutions
socioculturelles. Tout d'abord si la jonction jeunes-salariés
ne s'est pas opérée, en revanche on a vu, pour la
première fois, des fraternisations inédites entre d'une
part les élèves du Secondaire désemparés
devant les choix de filières, les étudiants des IUT et
BTS exprimant une inquiétude justifiée, et d'autre part
des jeunes banlieusards marginalisés. « Même
combat », « tous dans la même galère »,
proclamaient ces jeunes nés après le premier choc
pétrolier, n'ayant donc connu que la crise et qui ont mêlé
ouvertement agitation et délinquance. Ainsi les débordements
de l'affaire du CIP ont montré le risque d'une agrégation
de révoltes jusqu'ici bien circonscrites ». Ces
conseillers patronaux de Chirac, véritables organisateurs de
sa victoire électorale, notaient donc le « risque
d'une agrégation de révoltes jusqu'ici circonscrites »
et celui d'une « fraternisation » entre
catégories et/ou secteurs en lutte.
Le
prolétariat à l'avant-garde
Les
craintes des capitalistes vont se révéler justifiées.
En effet, les cheminots, puis les postiers, la RATP, EDF-GDF, France
Télécom vont se lancer dans la bataille contre le plan
Juppé et pour des revendications liées à leur
secteur de travail. En quelques semaines, des années de
propagande sur la « fin de l'histoire », sur la «
mort du prolétariat », sur « la société
post-industrielle », sur la « disparition de la
classe ouvrière » se sont volatilisées. Le
mouvement ouvrier par son réveil prévisible mais
soudain a mis au rencard durant sa forte mobilisation les inepties
social-démocrates et révisionnistes déversées
à longueur de discours, d'écrits et d'émissions
télé sur les « gens », les « citoyens »
et les « individus », inepties dont le sens
profond cache mal la volonté de leurs auteurs d'éluder
la division de la société capitaliste en classes
sociales exploiteuses et exploitées. Le mouvement gréviste
a mis en avant des particularités dont nous devons tirer les
leçons pour envisager l'avenir dans le sens du développement
de la lutte de classe révolutionnaire.
a)
Le mouvement social est aussi politique
On
a assisté à un effort explicatif des dirigeants de tous
les partis de droite et de « gauche » afin de présenter
la grève comme un mouvement « purement et exclusivement
social ». Leur mot d'ordre, de Chirac/Juppé à la
direction du parti socialiste en passant par celle du PCF, a été:
« mouvement social oui, mouvement politique non ».
Mais plus de 3 millions de grévistes et de manifestants aux
différents temps forts contre une décision
gouvernementale ratifiée par le parlement, peut-on trouver
acte politique plus significatif? Fondamentalement la grève,
et les manifestations populaires qui l'ont jalonnée, ont posé
la question centrale éminemment politique de savoir dans
quelle démocratie nous vivons. Même les sondages
montrant que la majorité absolue du peuple ne veut pas du «
plan Juppé » n'ont fait que confirmer la nature
dictatoriale des décisions gouvernementales et étatiques
qui, contre la majorité du peuple, n'étaient approuvées
que par les institutions bourgeoises que sont le gouvernement,
l'Assemblée Nationale, le Sénat, la justice et les
grands médias d'information. Les fascistes du Front National
ne s'y sont d'ailleurs pas trompés, eux qui tout de suite ont
réclamé la remise en cause du droit de grève,
montrant par là qu'ils sont une des pièces du
dispositif politique du grand capital monopoliste.
Non
seulement la campagne électorale démagogique, mais
encore l'arrogance avec laquelle Chirac a décrété,
au nom de « la durée de son mandat » (7 ans), que
« par définition, l'avenir [européen]
programmé n'est pas négociable », tout
cela démontre bien que la démocratie bourgeoise est une
dictature de classe qui organise l'alternance entre différents
partis politiques au service du capital financier et monopoliste.
N'a-t-on pas déjà vu le côté complètement
caricatural de la démocratie bourgeoise dans la décision
de refaire un nouveau référendum sur Maastricht après
la victoire du NON au Danemark?
Plus
que jamais le mouvement ouvrier et populaire gréviste a posé
objectivement l'importante question de la révocabilité
comme un des principes de la démocratie prolétarienne.
L'image des grévistes en assemblée générale
votant tous les matins la reconduite de la grève est une des
expressions de la démocratie directe, celle de la classe
ouvrière, celle du peuple travailleur par opposition à
la démocratie parlementaire bourgeoise incarnée par le
vote positif du « plan Juppé » par
l'Assemblée nationale et la dérisoire motion de censure
socialiste soutenue par la direction social-démocratisée
du PCF. Dans le mouvement de grève actuel, on a clairement vu
s'opposer la démocratie prolétarienne (qui dans son
contenu de classe préfigure la dictature du prolétariat)
à la « démocratie » capitaliste,
qui a clairement montré qu'elle n'était rien d'autre
que la dictature capitaliste: on voit bien en effet que les
interventions musclées de la police contre les grévistes
et les assignations au tribunal des dirigeants grévistes qui
vont faire les frais de la justice de classe au nom de la soi-disant
« liberté du travail » sont des
manifestations de la dictature capitaliste.
Les
réformistes et les révisionnistes ont toujours réduit
la démocratie à la forme, à la méthode,
au mode d'application du pouvoir pour rejeter en bloc le contenu de
classe du pouvoir Mais le mouvement gréviste a montré
l'ineptie et le ridicule d'une telle conception. Démocratie et
dictature ne peuvent s'opposer qu'en ce qui concerne la forme, le
mode d'exécution, la manière d'exercer le pouvoir. Or
l'histoire prouve que la forme, la manière, le mode d'exercice
du pouvoir dépend de la situation objective, des conditions
concrètes et du rapport des forces sociales et politiques en
présence. Par exemple, on ne gouverne pas de la même
manière en temps de paix qu'en temps de guerre. Or, on ne peut
confondre la forme et le fond, lequel pose la question du contenu de
classe du pouvoir: Quelle classe détient le pouvoir d'Etat? Au
service de quelle classe le pouvoir est il exercé? Encore une
fois à travers le bras de fer entre le mouvement ouvrier
et populaire gréviste et l'ensemble des institutions d'Etat
qui ont approuvé le plan Juppé, cet enjeu essentiel est
apparu dans toute sa franchise. Objectivement ce mouvement est donc
une sentence prononcée contre plusieurs décennies
d'hégémonie sans partage de l'opportunisme et du
réformisme dans le mouvement ouvrier.
b)
Le prolétariat rallie à lui les classes moyennes
Le
ralliement des classes moyennes au prolétariat est une
dimension fondamentale qui est à la base de la force, certes
insuffisante, mais réelle du mouvement gréviste.
L'expérience des luttes antérieures, notamment la grève
de 1986 des cheminots pour ne prendre que cet exemple, a servi dans
la lutte récente. En effet, une des préoccupations dans
la lutte a été la prise en compte de la tactique
patronale et gouvernementale consistant à opposer à
chaque fois les « usagers » aux grévistes.
En pratique, en mettant au service des SDF des bus de ramassage, en
ouvrant certains bureaux de poste pour payer les allocations
familiales, les retraites et les ASSEDIC, en faisant basculer les
compteurs EDF en tarif de nuit pour les milieux populaires, en
dégageant au centre de tri une équipe pour assurer les
services du Téléthon, en mettant à des moments
donnés, selon les endroits, en service certains trains, en
fournissant du courant dans des logements occupés par des SDF,
en se positionnant pour l'emploi des jeunes... la classe ouvrière
du secteur public a ainsi objectivement oeuvré d'abord à
l'unification des travailleurs dans la lutte, mais a également
rallié ainsi les classes moyennes à sa cause qui,
finalement, est celle du peuple dans son écrasante majorité.
En prenant la tête du mécontentement populaire, le
prolétariat du secteur public a commencé à
constituer et organiser un véritable camp populaire isolant
ainsi le capital, son gouvernement, ses institutions et ses
serviteurs zélés médiatisés. Il doit être
dit que le fait que les classes moyennes soient elles-mêmes de
plus en plus victimes des politiques maastrichtiennes antisociales du
capitalisme en crise est un des facteurs décisifs qui a permis
ce ralliement à la contre-offensive du mouvement ouvrier.
Ce
phénomène nouveau que l'UIMM, dans son analyse du
mouvement contre le CIP en 1994, appelait la « fraternisation »
est une nécessité fondamentale pour le prolétariat
dans sa lutte pour le pouvoir et pour le socialisme. En règle
générale, la domination du capital sur toute la société
s'opère en effet par le fait qu'au fond il détient le
pouvoir économique et politique, mais aussi parce qu'il soumet
idéologiquement, économiquement et politiquement les
classes moyennes. Dans la lutte entre le prolétariat et la
bourgeoisie, y compris dans les pays capitalistes développés
comme en France, l'attitude des classes moyennes est décisive
quant à l'issue de la bataille de classe. L'activité
fébrile et dérisoire des fascistes du Front National et
des militants RPR cherchant à monter, conformément à
la directive de leur secrétaire général et
premier ministre A. Juppé, des « comités
d'usagers anti-grève » en est une illustration.
L'utilisation de l'argent du contribuable (3 millions de francs par
jour) pour mettre en service des bus et le fameux bateau-mouche sur
la Seine afin de briser la grève en est un autre exemple. il
est à noter que les médias ont bien compris cette
dimension, eux qui ont passé leur temps à parler de
« grève par procuration ». On peut dire
que le fait que la sympathie réelle maintes fois manifestée
des classes moyennes pour la grève n'a pu se transformer en
mouvement gréviste actif s'est révélé
être un des points faibles de la lutte. Chirac a pu ainsi,
impunément pour l'instant, lancer l'affront du « courage
et de la durée » tablant sur l'épuisement de
l'avant-garde ouvrière. Une autre faiblesse a été
la non extension de la grève au secteur privé par
la grève générale. Toutefois, malgré ces
faiblesses, le mouvement gréviste spontané a été
une démonstration de force et de mobilisation sans précédent
depuis plusieurs décennies de la nouvelle génération
ouvrière, qui a été coupée de la
génération ouvrière antérieure - celle
qui au sortir de la seconde guerre mondiale avait conquis de haute
lutte tous les acquis que l'on défend actuellement - par ces
décennies d'hégémonie du réformisme et de
l'opportunisme.
c)
L'internationalisme renaissant
« Toute
l'Europe a le regard tourné vers la France » a
dit un chroniqueur lors de la grève. Plusieurs délégations
ouvrières de différents pays européens
(Belgique, Allemagne...) se sont déplacées pour rendre
visite à leurs camarades de France. L'unification européenne
est un facteur qui, objectivement, rapproche plus que par le passé
les différentes classes ouvrières nationales. Les
politiques libérales communes des Etats maastrichtiens
commandent des ripostes communes du monde du travail. En outre, tout
l'argumentaire des tenants maastrichtiens de l'Europe impérialiste
s'est résumé à présenter l'Allemagne
comme le « modèle » à imiter. Ne
faudrait-il pas plutôt que les classes ouvrières
allemande et européenne prennent comme modèle la
formidable résistance dont a fait preuve le prolétariat
français en ce mois de décembre 95? Ce rôle
objectif qu'a joué le prolétariat de France comme
précurseur des combats à venir est une 'confirmation
sans équivoque de la loi du développement inégal
du processus révolutionnaire. Plus que jamais, c'est une
condamnation par la vie elle-même des supputations
inconsistantes du trotskisme sur « les Etats-Unis
d'Europe » et la « révolution permanente
mondiale ». Sans attendre l'hypothétique
contre-offensive des autres, la classe ouvrière de France
s'est levée contre le « plan Juppé »,
elle a commencé sa résistance. Et c'est seulement ainsi
que, en fonction de leurs situations objectives et subjectives, les
autres suivront. Voilà en substance ce qu'a toujours enseigné
Lénine et que la vie vient encore une fois de vérifier
à l'échelle actuelle de la conscience de classe. Dans
le contexte historique actuel de reprise de la lutte de classe,
l'initiative d'avant-garde de la classe ouvrière de France
n'est au demeurant pas une surprise: Karl Marx notait déjà
l'extraordinaire capacité de contre-offensive spontanée
du mouvement ouvrier français dont le point culminant avait
donné au prolétariat international la première
Révolution prolétarienne, la Commune, qui fut vaincue
après 3 mois d'exercice de Démocratie ouvrière.
Rappelons que toutes les révolutions postérieures se
sont inspirées de la Commune jusqu'à la victoire de la
Révolution prolétarienne socialiste en 1917 en Russie.
d)
Des gains significatifs
Les
résultats de la lutte sont tangibles. Le pouvoir a été
contraint de céder sur le contrat de plan Etat/SNCF et sur les
retraites des régimes spéciaux, notamment en ce qui
concerne le passage de 37 ans et demi à 40 ans de cotisations
pour le droit à la retraite à taux plein dans le
secteur public. C'est là une base pour poser le cas du secteur
privé qui en avait fait les frais en 1993. La lutte a aussi
permis de gagner la titularisation de plusieurs précaires dans
différents secteurs, par exemple au Centre de tri de Caen très
mobilisé.
L'exemple
des traminots de Marseille est l'illustration que la combativité
prolétarienne est payante. Après une grève
générale locale et la poursuite de la grève
pendant 32 jours, le statut de 1993 (qui obligeait les employés
à travailler plus tout en gagnant moins) a été
aboli et tous les travailleurs embauchés depuis 1993 ont été
alignés sur l'ancien statut plus avantageux. Et de nouvelles
embauches sont d'ores et déjà programmées en
compensation. La détermination des ouvriers Marseillais est
venue à bout des provocations et de la répression
policière et judiciaire.
Crise
générale de l'impérialisme et « Etats-Unis
» d'Europe.
Au
sortir de la seconde guerre mondiale antifasciste, le monde
capitaliste a connu une période de relative stabilité
et prospérité économique. Après les
destructions massives de la guerre barbare imposée par les
nazis à l'humanité, l'économie redémarra
sous l'impulsion des USA qui devinrent hégémoniques (la
perte des colonies fut un des signes les plus évidents du
recul des anciennes puissances hégémoniques qu'étaient
l'Angleterre et la France). L'Allemagne et le Japon, les puissances
impérialistes vaincues, se reconstruisent aussi grâce au
fameux plan Marshall. Par ailleurs, comme l'indiquait J. V. Staline
en 1952, « le résultat économique le plus
important de la Seconde guerre mondiale, avec ses répercussions
sur l'économie, a été la désagrégation
du marché mondial unique, universel. Ce qui a déterminé
l'aggravation ultérieure de la crise générale du
système capitaliste mondial » (Les problèmes
économiques du socialisme, éd. de Pékin,
1976, p.30). En effet l'existence d'un camp socialiste allant de
l'Europe de l'Est à la Chine avec à sa tête
l'URSS signifiait objectivement la « désagrégation
du marché (capitaliste) mondial unique, universel »
et donc la restriction des marchés et des sources
d'approvisionnement en matières premières. C'est cette
situation qui a été à la base de la « guerre
froide », du containment ou « endiguement »
du communisme et du « cordon sanitaire »
capitaliste dont les manifestations les plus guerrières ont
été les guerres coloniales françaises et surtout
l'agression américaine contre la Corée en 1950 et la
guerre du Vietnam. Outre la guerre, le « plan Marshall »
fut l'autre réponse capitaliste de « guerre
froide » pour assurer des débouchés aux
entreprises US et organiser l'hégémonie US. Toutefois,
comme le notait J.V.Staline en 1952 « en apparence, la
sérénité règne partout: les Etats-Unis
d’Amérique ont réduit à la portion congrue
l'Europe occidentale, le Japon et autres pays capitalistes,
l’Allemagne (de l'Ouest), la Grande-bretagne, la France,
l'Italie, le Japon, tombés dans les griffes des Etats-Unis,
exécutent docilement leurs injonctions. Mais on aurait tort de
croire que cette « sérénité » puisse
se maintenir « pour l'éternité »;
que ces pays supporteront sans fin la domination et le joug des
Etats-Unis, qu'ils n'essaieront pas de s'arracher de la captivité
américaine pour s'engager sur le chemin de l'indépendance.
(...) Penser que ces pays n'essaieront pas de se relever, de briser
le « régime » des Etats-Unis et de
s'engager sur le chemin de l'indépendance, c'est croire aux
miracles » (idem, pp.32-34).
C'est
en réalité à cela que l'on assiste depuis
plusieurs décennies. Lors des 25 années d'expansion
économique d'après-guerre, le système
capitaliste, sous les coups des luttes ouvrières et
populaires, mais aussi pour contrer l'attrait réel qu'exerçait
le « socialisme réel » sur les masses
laborieuses, a été obligé de concéder des
acquis sociaux et démocratiques dont a bénéficié
une grande majorité de la population. Cette période
durant laquelle les luttes se sont limitées à
l'amélioration des conditions de vie et de travail de la
population a finalement abouti à l'avènement de la
« société de consommation ». Mais
au début des années 1970, le système capitaliste
mondial est entré à nouveau dans une phase de crise
structurelle de surproduction. Les manifestations successives de
celle-ci furent: la crise du pétrole de 1973, puis celle de
1978, la crise de l'endettement du Tiers-monde, la flambée du
chômage dans les pays capitalistes développés,
les déficits publics et sociaux chroniques, l'endettement des
Etats au profit des monopoles auxquels ils sont de plus en plus
soumis... L'accentuation de la concurrence entre les puissances
impérialistes, entre les multinationales a entraîné
une révolution technologique, laquelle a engendré une
surproduction compte tenu de la restriction des capacités de
consommation des marchés intérieurs et extérieurs.
Dans le même temps, face à l’hégémonie
US, les vaincus de la seconde guerre mondiale, le Japon et
l'Allemagne, s'engageant dans la voie de l'indépendance, se
sont redressés et ont commencé à constituer
autour d'eux deux nouveaux pôles économiques rivaux des
USA. Les capitalistes, notamment ceux des entreprises à faible
taux de profit (textile), se sont délocalisés vers des
zones où le coût du travail est faible. La
restructuration économique dans le cadre de la construction de
l'Europe du capital impulsée par les Konzerns allemands (ceux
là même qui, hier, furent la base économique du
pouvoir nazi) va entraîner une certaine « division
du travail » entre les pays européens eux même,
en plus des fusions, éliminations et alliances entre trusts à
l'échelle de l'Union européenne. L'hégémonie
sans partage de la « pensée unique »
libérale est en vérité le reflet idéologique
des politiques de gestion de la crise qui accompagnent cette œuvre
de construction des « Etats-Unis » capitalistes
d'Europe concurrents des pôles capitalistes américain et
nippon. Maastricht marque le début d'une phase nouvelle, celle
de la monnaie unique, dont le contenu est la paupérisation
absolue des travailleurs afin de continuer à assurer aux
capitalistes le profit maximum. Le capital financier dominant et
libéré de la «menace du communisme» cherche
ainsi à réduire le plus possible le coût du
travail (salaires et services sociaux) dans l'Union Européenne
afin d'être en position de livrer dans les meilleures
conditions la guerre économique à ses concurrents
nippons et américains. Toutes les politiques successives
patronales et gouvernementales (droite et « gauche »)
servent cet objectif central. Ce qui à tenue conduira à
une nouvelle guerre mondiale dès que toutes les conditions
politiques et militaires de celle-ci seront réunies. Mais
avant, il faut au capital financier mâter et modeler l'économie
et la société à sa guise. Le plan Juppé
est un tournant nouveau dans cette offensive capitaliste.
Avec
la crise du capitalisme, les surprofits tirés de la
surexploitation des pays du Tiers-monde se sont révélés
de plus en plus insuffisants du point de vue des sacro-saints
critères de « rentabilité »
capitaliste. Les méthodes prédatrice « d'accumulation
primitive du capital » appliquées dans les pays du
Sud ont été peu à peu colportées dans les
pays impérialistes. Par la fiscalité directe et
indirecte d'abord, le pouvoir d'achat des travailleurs a été
progressivement rongé pendant que se succédaient les
attaques contre l'emploi et les conditions de travail. La
restructuration des entreprises avec l'introduction des robots, des
« nouvelles technologies » a été
l'occasion d'énormes profits grâce aux économies
de salaires réalisées avec les licenciements et à
l'augmentation des rythmes et cadences au nom de la productivité
et de la compétitivité. Parallèlement le
travailleur-contribuable a été racketté par
l'Etat capitaliste au profit des patrons. Les travailleurs, au nom de
la « rigueur » dans la gestion, ont été
invités à mettre la main à la poche pour combler
tous les déficits. Sans compter que la spéculation
financière a pris un envol jamais atteint auparavant. Pour les
seules années 1992 et 1993, les profits réalisés
par les entreprises capitalistes en France ont atteint le chiffre
astronomique de 1234 milliards de francs respectivement pour chaque
année. Ils ont été de 1216 milliards de francs
pour 1994 et de 1330 milliards en 1995. Pendant ce temps, la
spéculation financière a rapporté aux
capitalistes 648 milliards de francs. La crise, au nom de laquelle
l'exploitation du travail par le capital a été accrue,
n'a pas été un malheur pour les 160000 grandes fortunes
imposables de ce pays qui détiennent 850 milliards de francs.
En vérité les 20% de français qui accaparent
68,87% de la richesse nationale sont les seuls bénéficiaires
potentiels de l'Europe des milliardaires que nous construisent les
gouvernants à leur service. C'est pourquoi Maastricht et la
monnaie unique sont à l'Union européenne ce que sont
aux pays du Tiers Monde les plans d'ajustement structurel du FMI et
de la Banque Mondiale. Au contraire du grand mensonge mille fois
répété par Chirac et Juppé, la relecture
aujourd'hui du rapport Minc intitulé « La France
de l'an 2000 » nous confirme bien que l'aune à
laquelle toutes les agressions gouvernementales et patronales sont
élaborées depuis plusieurs décennies n'est rien
d'autre que celle de la construction d'une Europe du capital: « Le
réalisme commande donc à la France de maintenir le cap
de la stabilité monétaire et d'attaquer avec
détermination une politique de décrue des déficits
publics. Le plan de convergence de la France dans le cadre du traité
de Maastricht, comme la loi quinquennale sur la maîtrise des
finances publiques, s'inscrivent dans cette orientation. Celle-ci
devra passer par une action sur les dépenses, mais une
augmentation temporaire, des prélèvements, à
l'instar du programme adopté en Allemagne, ne pourra être
éludée. (...) Il faudra combler le déficit par
un prélèvement nouveau. Ce prélèvement
devrait pouvoir être annulé lorsque les critères
du traité de Maastricht auront été satisfaits »
(La Documentation française, Paris, 1994). L'attaque du plan
Juppé n'est que le point culminant de la mise au pas du monde
du travail dont les acquis sociaux et démocratiques de la
période antérieure ont été tour à
tour laminés et détruits. C'est en d'autres termes une
manifestation concrète des lois économiques de
l'exploitation et l'oppression de classe du système
impérialiste que J. V. Staline définit ainsi: «
La loi qui convient le mieux à la notion de loi économique
fondamentale du capitalisme est celle de la plus-value, celle de la
naissance et de l'accroissement du profit capitaliste. En effet, elle
détermine les traits essentiels de la production capitaliste
(...). Les traits principaux et les exigences de la loi économique
fondamentale du capitalisme actuel pourraient être formulés
à peu près ainsi: assurer le profit capitaliste maximum
par l'exploitation, la ruine et l'appauvrissement de la majorité
de la population d'un pays donné, par l'asservissement et le
pillage systématique des peuples des autres pays, surtout des
pays arriérés, et enfin par les guerres et la
militarisation de l'économie nationale utilisées pour
assurer les profits les plus élevées »
(Problèmes économiques du socialisme, idem, p.39).
Alternance
non! Alternative oui!
Karl
Marx disait qu'il y a des moments dans la lutte de classe où
« 20 jours concentrent en eux 20 années »
d'évolution progressive. Ces journées que nous venons
de vivre et dont les cendres sont encore chaudes ont été
une formidable école d'application de la célèbre
formule de la Troisième Internationale « classe
contre classe ». A l'offensive gouvernementale et
patronale a répondu la contre-offensive de classe du
prolétariat qui s'est placé d'emblée à la
tête du mécontentement populaire général,
notamment des classes moyennes. Les assemblées générales
des grévistes ont été autant d'occasions de
réflexions importantes sur le système capitaliste, sur
sa crise et sur l'alternative anticapitaliste. Par lui même, le
mouvement spontané a posé la problématique, mais
par lui même il ne saurait sortir spontanément la
réponse. Ce qui a manqué, c'est justement l'avant-garde
politique, c'est-à-dire le parti révolutionnaire.
Toutes les faiblesses objectives et subjectives que les uns et les
autres ont pu noter dans la lutte sont en réalité liées
à l'inexistence d'un parti communiste assumant toutes ses
responsabilités de parti de classe et se mettant résolument
à la tête du combat du mouvement ouvrier et populaire
pour son émancipation. On a vu dans nos assemblées
générales surgir des dirigeants hors pairs, théoriciens
et praticiens, propagandistes et organisateurs du combat de classe
spontané. Ces dirigeants de la lutte de classe n'étaient
pas liés les uns aux autres par un organisme central unique
représentant le détachement politique organisé,
l'état-major de la classe ouvrière doté d'un
programme dont le but est l'édification d'une société
socialiste, transition vers le communisme. En face, nous avions un
état-major capitaliste de combat avec ses théoriciens,
praticiens, propagandistes et organisateurs détenant de
surcroît l'appareil d'Etat et les principaux médias.
L'organisation des éléments d'avant-garde dans un
parti de classe capable d'orienter, d'organiser et de diriger en
mobilisant toute son énergie et tous ses efforts de façon
coordonnée et scientifique est à coup sûr la
question fondamentale posée et à résoudre. Etant
entendu qu'elle n'est pas et ne peut être une question en
dehors du mouvement tel qu'il est objectivement. La lutte pour le
parti se fait dans et au cours de la lutte des masses laborieuses
quelques soient le contexte et les formes du mouvement.
8
janvier 1996
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