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La déclaration du Comité Central du PCF sur l'immigration

Une dérive opportuniste et électoraliste

La déclaration du Comité Central du PCF sur l’immigration

L'année 1991 aura vu se multiplier les déclarations anti-immigrés de la plupart des formations politiques bourgeoises, du Front National au Parti Socialiste. Cette situation n'est ni nouvelle, ni étonnante. Chaque échéance électorale depuis une décennie est désormais l'occasion d'une série de men­songes à droite comme à « gauche » visant à présenter l'immigration comme responsable des problèmes de la société française, à éluder les causes réelles de la crise économique, c'est-à-dire les lois de fonctionnement économique du système capitaliste, et à masquer l'absence de propositions de ces formations bourgeoises face à une situation sociale de plus en plus insupportable pour la classe ouvrière et pour les masses populaires. Ce qui est nouveau par contre, ce sont trois caractéristiques importantes:

- L'absence d'échéance électorale nationale à court terme qui laisse malheureusement présager d'un climat anti-immigré durable ;

- Le degré d'unité des formations politiques bourgeoises rivalisant les unes avec les autres pour apparaître les plus résolues dans les propositions répres­sives en direction de l'immigration ;

- La pression idéologique énorme sur les masses populaires et leurs organ­isations (syndicales et politiques) pour les faire entrer dans le tourbillon des déclarations anti-immigrés.



Les pressions sur le PCF et les risques de dérive opportuniste et raciste

Alors que Jacques Chirac, ancien Premier ministre et futur candidat présidentiel, se déclare envahi par les « odeurs d'immigrés », alors qu’Edith Cresson, première femme Premier ministre de France envisage, sans rougir, de recourir à des avions charters pour procéder à des expulsions, à l'image de ce que le dernier gouvernement Chirac a réalisé avec des Maliens, alors que VGE nous parle d'une France « envahie » par les immigrés, alors que tous exploitent le problème des « travailleurs clandestins » pour masquer le fait que le système capitaliste est le seul responsable de la misère grandissante, les pressions dans tous les sens sont faites sur le PCF pour qu'il rejoigne cette hystérie anti-immigré. Une partie de la direction du parti est malheureusement sensible à ces pressions comme en témoigne la dernière déclaration intitulée « immigration, l'opinion des communistes ». Celle-ci, loin de répondre aux déclarations et positions des forces politiques bourgeoises, leur emboîte le pas à bien des égards. Nombreux ont été les militants, les cellules et les sections entières à refuser de la distribuer. Ils ont eu entièrement raison, et nous devons tous combattre fermement ces dérives opportunistes au sein du PCF.

l/ L'origine de l'Immigration

« Depuis toujours et pour des raisons très diverses, il y a des immigrés en France, dont beaucoup ont choisi de rester dans notre pays » déclare la direction du PCF. Une telle position consistant à amalgamer les différentes causes d'immigration indépendamment des poids respectifs des unes et des autres, contribue à masquer le fait que l'immigration est essentiellement le résultat de l'exploitation de leur pays par les Etats impérialistes et par la France en particulier. C'est également oublier que de nombreux immigrés ont été apportés avec maintes promesses avant la seconde guerre mondiale, pour défendre la France pendant la barbarie nazi, et après la libération pour la reconstruction. Bien sur, il existe des immigrés qui sont venus par attrait pour le mode de vie occidental, d'autres ont certes fui une vie villageoise jugée trop contraignante pour l'épanouissement individuel mais cette minorité issue d'ailleurs de couches petites bourgeoises et bourgeoises des pays sous-dével­oppés ne doit pas masquer que la quasi totalité de l'immigration est le résultat d'une fuite de la misère. Elle n'est pas un choix mais une obligation lourde de souffrances.

La déclaration de la direction du PCF poursuit: « aujourd'hui c'est essentiellement l'effroyable misère du tiers monde qui contraint des hommes, des femmes, des jeunes à venir tenter de vivre dans un pays développé comme le notre ». Ici encore la déclaration se contente de constater une situation sans en expliquer les causes, dédouanant ainsi l'impérialisme français de sa respon­sabilité dans l'existence et le développement de cette misère. Nous sommes ici aux antipodes d'une position marxiste qui, devant une attaque politique de la bourgeoisie pour diviser les exploités, répond par l'analyse des causes d'une situation afin de démontrer l'unité des intérêts des travailleurs français et immigrés. C'est en effet parce que le système capitaliste provoque l'exploitation des immigrés loin de leurs foyers et de leurs familles, mais aussi l'exploitation des travailleurs français, que leurs ennemis sont communs, et que leur combat doit l'être.

« Cette immigration est d'autant plus forte qu'elle est organisée : les patrons y trouvent une main d’œuvre bon marché » ajoute la déclaration. Là encore nous sommes en plein consensus, toute la classe politique condamne les employeurs de clandestins. Si cette position n'est pas fausse, elle pêche par insuffisance et induit en erreur le travailleur français. Certes il existe des filières d'immigration clandestine mais celles-ci n'ont pas besoin d'être directement organisées par le patronat. Il existe suffisamment de misère pour que des hommes et des femmes tentent de venir ici par n'importe quel moyen sans pour cela que le patronat ait à organiser lui même des filières. Focaliser sur des filières organisées par les employeurs permet de diviser le monde des capitalistes en bons et en mauvais : Une majorité de bons employeurs face à une minorité d'employeurs utilisant des clandestins. Une telle position masque le fait que c'est le système capitaliste lui même, dans son principe et dans son ensemble qui provoque et l'immigration, et la mise en clandestinité d'une partie d'entre elle. L'Etat lui-­même est employeur de clandestins comme l'ont montré les révélations du Canard enchaîné à propos de la construction de l'Arche de la Défense et des infrastructures des Jeux Olympiques d'hiver.

La déclaration peut avec un tel raisonnement conclure, toujours dans le consensus avec la droite et le PS : « toute immigration nouvelle aurait du être arrêtée depuis longtemps (les communistes le disent depuis 1974) ». La déclara­tion se vante des erreurs opportunistes antérieures du PCF et qui l'on amené à demander parmi les premiers « la fermeture des frontières », alors que les causes économiques qui provoquent l'immigration, c'est-à-dire l'exploitation par les pays impérialistes des pays sous développés, non seule­ment perdurent mais s'accroissent encore fortement.

2/ Un discours proche de celui du PS

« La France peut-elle continuer à accueillir de nouveaux immigrés? Non » poursuit la déclaration du PCF. Cela ressemble étrangement au thème mitterrandien d'une France qui « ne peut pas accueillir toute la misère du monde ». Là encore c'est oublier que tant que l'exploitation et le pillage des pays du sud n'aura pas cessé, fermer les frontières revient à faire payer deux fois les opprimés: une première fois par les conditions qui leur sont faites dans leurs pays d'origine, une seconde en supprimant tout espoir de s'en sortir par la seule voie qui leur reste: l'immigration.

Pour arrêter ce flux d'immigrés, la déclaration propose: « des accords doivent être conclus avec l'ensemble des pays d'immigration pour un contrôle plus strict des sorties et retours de leurs ressortissants ». C'est donc en s'appuyant sur les gouvernements anti-populaires et souvent dictatoriaux des pays d'origine que l'on nous propose de stopper l'immigration. Déjà soumis à une surveillance policière à l'arrivée, les candidats à l'immigration auraient ainsi à subir une surveillance policière au départ. Là encore l'accord avec le PS est complet.

3/ Haro contre le regroupement familial

« Certains utilisent les conditions actuelles pour rassembler sans contrôle sous un même toit un nombre élevé d'adultes et d'enfants en dissimulant une immigration familiale », cette déclaration rejoint les multiples déclarations visant à supprimer ou à limiter le droit de vivre en famille. Que ces propos soient présents dans une déclaration nationale du PCF doit sérieusement nous in­quiéter, compte tenu du fait que les conditions actuelles faites aux immigrés désirant faire venir leurs familles sont déjà scandaleusement restrictives. Nous ne prendrons qu'un exemple: la loi de Georgina Dufoix (1984) déterminant les conditions pour obtenir le droit au regroupement familial fixe des conditions d'espace et de confort du logement tellement strictes que plus de la moitié des ménages ouvriers français devraient être séparés si les mêmes conditions de logement leur étaient appliqués. Non content de ne pas dénoncer les conditions trop strictes actuelles du regroupement familial comme il devrait le faire en tant que parti communiste, la direction du PCF réclame une sévérité plus grande.

4/ Les « problèmes urbains »

Le ton de la déclaration se fait ici ouvertement raciste: « le respect de la tranquillité des gens, des traditions et du mode de vie français, puisque nous sommes en France, des droits et des devoirs de la vie en commun est une exigence qui s'impose à tous et ne souffre d'aucune exception ». Sans exagérer Jean Marie Le Pen aurait pu dire la même chose.

Arrêtons là cette autopsie d'une déclaration qui constitue une responsabilité grave de la direction du PCF et tentons de saisir les conséquences d'une telle analyse.

Le racisme divise la classe ouvrière et l'affaiblit

Le racisme anti-immigré dans les pays capitalistes a toujours été une arme de division de la classe ouvrière. Il aboutit à opposer des hommes et des femmes que leur intérêt de classe réunit et soude en un même combat pour abattre le système capitaliste. C'est le rôle des communistes et de leur parti que de combattre les points de vues racistes et de regrouper ensemble dans les mêmes organisations Français et immigrés. Des déclarations opportunistes comme celles du Comité Central éloignent du parti nos frères et sœurs de classe immigrés, qui devraient y voir toute leur place. Elles aboutissent au fait que beaucoup de personnes issues de l'immigration et désormais de nationalité française, ne votent plus communiste. L'opportunisme a également pour effet d'endormir la classe ouvrière française en orientant sa colère sur l'immigration au lieu de l'amener à un combat pour la destruction du système capitaliste. Une telle politique liquide l'indispensable unité de classe. Nous devons exiger du comité central qu'il l'abandonne et la critique. Les communistes doivent à l'inverse de la déclaration du comité central réaffirmer leur position de classe. Ce n'est pas en suivant les idées fausses, même si celles-ci sont implantées dans la classe ouvrière, que notre classe et notre parti renforceront leurs positions. Nous devons au contraire des positions bourgeoises et de principes, « ouvrir les yeux » et éduquer ceux qui sont endormis par les idéologues de la bourgeoisie. C'est ainsi au cœur même des combats de classe, que Français et immigrés, comprendront l'unité de leurs intérêts, issue de l'unité de leur exploitation.

Octobre 1991


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