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Le léninisme, la guerre et la paix

Le cas de la guerre du Golfe

Le léninisme, la guerre et la paix

I. La guerre du Golfe et le « nouvel ordre international »

Contre l'Irak et son peuple, c'est plus de 60% des forces militaires initialement prévues contre le camp socialiste (notamment l'URSS) lors de la guerre froide, qui ont été utilisés par la coalition impérialiste de 29 Etats. Plus de 76 000 tonnes de bombes, dont des armes non conventionnelles (napalm, FAE, bombes à neutrons), ont été larguées sur ce peuple du Tiers-monde, 18 millions d'habitants, montrant clairement que la frauduleuse résolution 678 de l'ONU, cet instrument de l'impérialisme, adoptée par 12 voix contre 2 (Cuba et le Yémen) et une abstention (la Chine), n'était en réalité qu’un arbre cachant la forêt du plan impérialiste d'instauration d’un « nouvel ordre mondial pour cent ans » (selon les termes de G. Bush lors de l'effondrement des pays de l'Est). Il s'agissait de « détruire par l'agression armée les infrastructures militaires, les usines d'armement, les sites de missiles et autant de chars, d’avions et de pièces d'artillerie que possible ».

De l'aveu de T.L. Friedman (International Herald Tribune, 21 janvier 1991), l'objectif est de « rendre ce pays incapable de projeter sa force au-delà des frontières dans les prochaines années (...). Qu'il sorte ou non du Koweït, l'Irak doit être militairement détruit ».

Lénine disait en 1915, lors de la première guerre mondiale, que « l'impérialisme a développé les forces productives au point que l'humanité n'a plus qu'à passer au socialisme ou bien à subir pendant des années et même des dizaines d'années la lutte armée des grandes puissances pour le maintien artificiel du capitalisme à l'aide de colonies, de monopôles, de privilèges et d'oppressions nationales de toute nature » (Le socialisme et la Guerre). Plus que jamais les USA ont besoin d’un tel « maintien artificiel du capitalisme à l'aide de colonies, de monopoles, de privilèges de toute nature »… En effet, la récession y sévit fortement et le taux de croissance y est tombé à zéro. Deux tiers des agriculteurs y sont ruinés, ce qui s'est traduit par l'échec retentissant des négociations du GATT dans le cadre de l'Uruguay-round, prélude d'une guerre économique au niveau international. La faillite des caisses d'épargne y est quasi totale : atteignant plus de 500 milliards de dollars, le système bancaire y est en faillite avec une dette de 3200 milliards de dollars ; le budget connaît un déficit de 300 milliards de dollars sans compter les dépenses causées par la guerre. Le déficit de la balance des paiements culmine à 100 milliards de dollars et l'endettement des ménages atteint 2700 milliards de dollars. Plus de 30 millions d'américains, les nationalités opprimées surtout (noires, chicanos, et immigrantes), vivent en dessous du seuil de pauvreté, avec plus de deux millions sont sans abris. Dans un tel contexte, la sortie de crise envisagée de plus en plus sérieusement par les impérialistes US se traduit par « war save america » (que la guerre sauve l'Amérique).

Faut-il rappeler qu'en 1914/1918, la dette US de 2700 millions de dollars fut commuée à la fin de la guerre en exportation massive de capitaux et en détention de plus de la moitié du stock d'or mondial. Que pendant la guerre du Vietnam les USA connurent un retour à des taux de croissance de 6 à 11% après une assez longue période de stagnation. Que la guerre de 39/45 avait déjà permis d'en finir avec la très longue crise commencée en 1929, avec un doublement de son PNB. Que la guerre de Corée en 1950 donna un coup d'arrêt aux difficultés de la croissance et au retour de la production civile d'après guerre. Que le record de croissance -atteignant 25,5%- date de 1943, deux ans après l'entrée en guerre des USA… C'est dire à quel point le système capitaliste en général, et l'impérialisme en particulier, porte la guerre en son sein comme la nuée porte l'orage.

Les USA ont d'autant plus besoin « du maintien du capitalisme à l'aide de colonies, de monopoles, de privilèges et d'oppressions nationales » que sa puissance est en déclin et que l'Allemagne et le japon lui damnent le pion sur le plan économique.

La situation actuelle confirme l'analyse de Joseph Staline, qui disait en 1952 : « en apparence, la sérénité règne partout : les Etats-Unis d'Amérique ont réduit à la portion congrue l'Europe occidentale. Le Japon et les autres pays capitalistes qui sont tombés dans les griffes des USA exécutent docilement leurs injonctions. Mais on aurait tort de croire que cette sérénité puisse se maintenir pour l'éternité, que ces pays supportent sans fin la domination et le joug des Etats-Unis d'Amérique, qu'ils n'essaieront pas de s'arracher du joug américain pour s'engager sur le chemin de l'indépendance (...). Penser que ces pays n'essaieront pas de se relever, de briser le régime des Etats-unis et de s'engager sur le chemin de l'indépendance, c'est croire aux miracles ».

Trente neuf ans après ces paroles prophétiques, les USA, à la tête d’une coalition d’Etats, se jettent dans une aventure meurtrière pour un contrôle stratégique déterminant pour le système impérialiste mondial. Selon les dires même de M. Schultz (chef de la diplomatie US en 1985) au moment de l’avènement de Gorbatchev, les USA étaient « prêts à dissuader les soviétiques de livrer une guerre nucléaire totale ou d’attaquer nos principaux alliés, mais il n’est pas du tout évident que nous soyons aussi prêts et organisés pour empêcher et contrer la zone grise des défis intermédiaires auxquels nous avons le plus de chances d’être confrontés ; les conflits de faible intensité ».

Le rapport de la commission sur la stratégie intégrée à long terme du 10 janvier 1988 intitulé « La dissuasion sélective » précisait que « ces conflits de faible ou moyenne intensité dans le tiers-monde sont à l’évidence moins dangereux que ne le serait toute guerre soviéto-américaine et pourtant ils ont eu et auront un effet cumulatif négatif sur l’accès des USA à des régions critiques ».

Henri Kissinger, lui, préconisait « qu’il faut donc qu’en plus de notre force (nucléaire) de représailles, nous constituions des unités qui puissent intervenir rapidement et soient à même de faire sentir leur puissance »… Ce qui allait se traduire par cette affirmation de Gaspar Weinberger (Secrétaire d’Etat à la défense en 1986) : « La priorité élevée que nous avons attribuée au SOF – Special Operation Force – reflète notre sentiment que les conflits de faible intensité sont les menaces auxquelles nous allons le plus vraisemblablement avoir à faire face dans les années à venir ». Cyniquement, c’est au moment où Gorbatchev se pavanait à travers le monde, propageant sa « nouvelle mentalité » que ses partenaires et néanmoins concurrents US élaboraient de tels plans, qu’ils mettent aujourd’hui en application contre l’Irak.

Les impérialistes ont toujours cherché à mettre la main sur le pétrole du Moyen-Orient, comme le montre un mémorandum du département d’Etat US de septembre 1950 : « Le contrôle de cette source d’énergie, le pétrole, importante dans la paix comme dans la guerre est un objectif souhaitable en soi (…). Les gouvernements des USA devraient s’efforcer de développer au maximum les concessions (pétrolières) américaines ». A l’époque, la CIA avait déstabilisé le régime de Mossadeh parce qu’il avait osé nationaliser les sociétés pétrolières, par la suite les firmes US obtinrent plus de 40% des parts de l’Anglo-Iranian Petroleum Company. Jimmy Carter, lors de la chute de son valet local d’alors, le Shah d’Iran, proclama le Golfe en 1979 « région d’intérêt vital pour la survie de l’Europe occidentale de l’Extrême-Orient (entendre le japon) et finalement des USA ». On comprend mieux dès lors le sabotage systématique de toutes les tentatives de rencontre entre Tarek Aziz et Baker à Genève. Comme le plan de paix de Mitterrand à la veille du déclenchement des hostilités, elles n’étaient que pures manœuvres pour rejeter la responsabilité du carnage qui se préparait sur le régime irakien, pour se donner une image de « pacifistes » obligés de faire « la guerre pour obtenir la paix ».

Karl Marx, il y a plus de 150 ans, dénonçait ce type de procédé capable de mener l'humanité aux pires horreurs: « De tous les dogmes des politiques fanatiques de notre temps, aucun n'a causé autant de dommages que celui qui dit « pour obtenir la paix prépare la guerre ». Cette grande vérité dont la caractéristique est qu'elle contient un grand mensonge, le cri de guerre qui a appelé toute l'Europe à s'armer et à générer un tel fanatisme belligérant que chaque nouveau traité de paix est comme une nouvelle déclaration de guerre et est avidement exploité. Au moment où les Etats d'Europe sont devenus autant de champs armés dont les mercenaires brûlent du désir de bondir l'un sur l'autre et de se trancher la gorge l'un l'autre pour la plus grande gloire de la paix, la seule considération avant chaque déclenchement de guerre concerne simplement les insignifiants détails de savoir de quel côté on doit être. Aussitôt que cette considération fortuite est réglée de façon satisfaisante par les parlementaires diplomatiques avec l'aide du vieux slogan « pour obtenir la paix on doit préparer la guerre », l'une de ces guerres de civilisation commence dont la barbarie frivole appartient au meilleur temps des voleurs de grands chemins et que leurs perfidies astucieuses appartiennent exclusivement à la période la plus moderne de la bourgeoisie impérialiste ».

Déjà Marx prédisait l'émergence de la période la plus moderne de la « bourgeoisie impérialiste ». Maintenant, longtemps après sa mort, le monde vit la barbarie de cette nouvelle époque, dont la guerre du Golfe n’est qu’une nouvelle illustration. Des millions et des millions de gens sont morts, résultat de tant d’années d'efforts de la bourgeoisie impérialiste pour « préserver la paix ». Depuis son avènement au début de ce siècle, l'impérialisme c'est inévitablement la guerre; mais la bourgeoisie a toujours trompé les gens avec ses appels incessants à la « paix » quand elle prépare la guerre.

Les USA ont ainsi poussé Saddam Hussein dans un piège afin d'avoir un prétexte pour s'installer durablement dans cette région « vitale pour son pétrole ». Des révélations ont été faites à ce propos par Pierre Salinger dans son livre « Le dossier secret de la guerre du Golfe » : C'est l'Europe et le Japon qui dépendent surtout du pétrole du Moyen-Orient, pour 70% de leurs besoins. L'arrière-plan de cette intervention US dont personne ne parle apparaît clairement quand on sait que les USA ne dépendent que de 10% du pétrole du Golfe. Dans la guerre économique en cours au plan mondial, sur fond de crise générale de l'impérialisme, les USA en plein  déclin n'ont plus d'autres moyens de maintenir le Japon, l'Allemagne et la CEE sous leur dépendance que d’utiliser leur puissance militaire pour                 contrôler le pétrole, cette matière première stratégique indispensable « au maintien artificiel du capitalisme à l'aide de colonies, de monopôles, de privilèges et d'oppressions nationales ».

Mais personne ne peut croire que l'Allemagne, le Japon, la CEE n’essaieront pas de s'arracher du joug des USA : suivra alors inévitablement une crise politique inter-impérialiste où l'on verra d'autres moyens, notamment la violence (la guerre) continuer la politique. C'est d'ailleurs ce que confirme le sénateur US David L. Boren, président de la commission chargée des questions de renseignement: « nous avons eu des relations étranges et symbiotiques avec l'URSS (...). Le déclin de l'Union Soviétique (...) pourrait tout aussi bien entraîner le déclin des Etats-Unis (…). Les pays européens, le Japon et d'autres pays ont volontiers accepté la direction américaine au cours des décennies passées. Pourquoi? Parce qu'ils avaient besoin de nous (…). Seront-ils désireux, dans ce nouveau contexte, d'accepter la direction des Etats Unis comme c'était le cas il y a quelques mois? Je ne le pense pas » (Le Monde Diplomatique, avril 1991).

L'Irak remettait en cause directement l'ordre semi-colonial imposé lors de la décolonisation qu'entend préserver G. Bush dans le cadre de son « Nouvel ordre international pour cent ans ». La création artificielle du Koweït relève des seuls impératifs de la mainmise impérialiste sur les matières premières et les zones d'exportation des capitaux. Une constante en matière territoriale de la décolonisation impérialiste a été le tracé des frontières des futurs Etats indépendants conformément aux impératifs de domination des impérialistes et de partage des sources des matières premières et des marchés.

- Ainsi le tracé des frontières consistait par exemple à amputer purement et simplement des Etats historiquement constitués, en séparant souvent le plus possible les populations des richesses naturelles. Ce fut le cas de l'Irak et du Koweït.

- Autre configuration possible ; la frontière passe au milieu d'un même peuple, ainsi divisé entre plusieurs Etats dans lesquels chaque partie de la nation forme une minorité nationale opprimée par d'autres. C’est le cas des Kurdes, partagés entre la Turquie, l'Iran, l'Irak et la Syrie.

- Dernier cas ; les frontières d'Etats où sont réunis par la force des peuples et des nationalités, les uns étant soumis aux autres. L'Afrique du Sud en est un exemple.

Une étude attentive des différentes situations territoriales dans le monde révèle diverses combinaisons de ces trois méthodes de « balkanisation », traits caractéristiques du système d'oppression nationale de l'impérialisme.

On peut ne pas être d'accord avec la méthode de Saddam Hussein quand ce dernier se réapproprie la « 19e province » perdue en 1961 en application d'une décision impérialiste britannique. Mais il demeure sur le fond (et c'est cela qui pour nous doit primer) que l'appartenance légitime du Koweït à l'Irak ne fait aucun doute.

Mieux ; nous autres communistes révolutionnaires devons soutenir le vaste mouvement profond et populaire qui se dessine dans le Tiers-monde et dont l'essence est la remise en cause des plans impérialistes basés sur « l'intangibilité des frontières » nées de la décolonisation impérialiste. En agissant ainsi le 2 août 1990, l'Irak n'effectuait en réalité que l'acte défensif d'une bourgeoisie nationale d'un pays opprimé -victime d'une tentative d'étranglement financier après avoir été durant huit ans le « bouclier armé » de l'impérialisme et des monarchies féodales arabes contre l'Iran de Khomeiny -.

En effet, bien avant l'intervention irakienne, une véritable « guerre secrète » économique avait été fomentée contre la bourgeoisie contestataire irakienne. Saddam Hussein exigeait à la fin du conflit contre l'Iran le relèvement du prix du baril de brut à 25 dollars au moins et l'annulation de sa dette de 100 milliards de dollars (P. Salinger).

Les monarques saoudiens et koweïtiens, obéissant aux injonctions de leurs maîtres impérialistes, manquant à leurs engagements, dépassèrent les quotas de production fixés par l'OPEP, créant ainsi une surproduction de brut sur le marché afin de comprimer les prix à 18 dollars. Ils refusèrent même de ré-échelonner la dette irakienne, a fortiori de l'annuler. L'Emir poussa la provocation jusqu'à mettre en exploitation le pétrole de la zone contestée de Roumaila, qui fait l'objet d'un contentieux avec l'Irak.

Il est tout à fait significatif que tous les beaux discours sur « l'annulation de la dette du Tiers-monde » ont été jetés soudainement aux oubliettes par les propagandistes tiers-mondistes de l'impérialisme, trop empressés qu’ils sont de s'aligner sur les plans guerriers de l'Etat impérialiste le plus endetté du monde. La récupération par l’Irak du territoire perdu en 1961 et de son pétrole portait objectivement un coup au « funeste droit d'accès » aux matières premières des impérialistes, qui nient aux peuples opprimés leur « libre droit de jouissance » des ressources naturelles de leur pays.

L’Irak tenait déjà tête à l'impérialisme en 1973/74 lorsqu'il participa à la création de l'OPEP, au moment où il nationalisait la production pétrolière. Ce fut toujours l'Irak qui contraria les plans impérialistes quand en 1978/80 il nationalisa cette fois le raffinage. C'est donc de longue date qu'existe un contentieux entre cette bourgeoisie nationale contestataire et l'impérialisme.

Il y a enfin un lien évident entre la volonté impérialiste de détruire le potentiel industriel et militaire irakien et le maintien de la suprématie militaire de l'Etat sioniste dans la région. Israël est localement le « porte-avion » de l'impérialisme, au service de ses intérêts stratégiques. Ce rôle permet à ce dernier de réaliser son vieux rêve colonial au détriment du peuple palestinien. Il est clair que les impérialistes n'admettent pas la remise en cause des fondements sur lesquels s'appuie leur « nouvel ordre international pour cent ans », surtout depuis que les révisionnistes ont complètement capitulé, contribuant à détruire le camp socialiste.

Cette guerre, par l’odieux massacre des populations irakiennes (plus de 300 000) n'est que le reflet du système d'exploitation et d'oppression  impérialiste dont la survie ne dépend que du « maintien artificiel du capitalisme à l'aide de colonies, de monopoles, de privilèges et d'oppressions nationales de toute nature ».

La désinformation organisée à une échelle jamais atteinte auparavant tend à diaboliser Saddam Hussein. Ceci vient s’ajouter à un contexte déjà complètement miné par le social-chauvinisme, le réformisme et le racisme, surtout anti-arabe. Les campagnes comparant Saddam Hussein à Hitler ou présentant son armée comme la 4e du monde n'auront servi qu'à justifier les bombardements et la nécessité de « faire la guerre pour préserver la paix ». Des appels ouverts à l'assassinat ont même été lancés par Moshe Arens, un ministre israélien qui a dit: « Tout dépend d'un seul homme. Si cet homme s'effondre, c'est la fin de la guerre ». Bush, le premier Ministre anglais et d'autres l'on d’ailleurs clairement repris.

Devant cette démonstration qui a facilité idéologiquement les menées impérialistes, le mouvement pacifiste et communiste s'est embourbé dans des considérations locales ou passéistes, rejetant dos à dos les deux belligérants. Certains ont passé leur temps à ne parler que du caractère dictatorial de Saddam Hussein ; d'autres ne parlaient que « du droit des Kurdes » ou encore de « l'élimination des communistes par Saddam Hussein », comme si les impérialistes faisaient la guerre en vue dans le but de résoudre ces questions là ! En 1915, Lénine disait déjà : « Les socialistes ont toujours entendu par guerre « défensive » une « guerre juste », dans ce sens (...) que les socialistes reconnaissent et continuent de reconnaître le caractère légitime, progressiste, juste de la « défense de la patrie » ou d'une guerre « défensive ». Par exemple si demain le Maroc déclarait la guerre à la France, l'Inde à l'Angleterre, la Perse ou la Chine à la Russie etc... ce seraient des guerres justes, défensives, quel que soit celui qui commence, et tout socialiste appellerait de ses vœux la victoire des Etats opprimés, dépendants, lésés dans leurs droits, sur les grandes puissances oppressives esclavagistes spoliatrices » (Le socialisme et la guerre).

Staline expliquait : « Le léninisme a prouvé et la guerre impérialiste et la révolution en Russie l'ont confirmé, que la question nationale ne peut être résolue qu'en liaison avec la révolution prolétarienne et sur le terrain de celle-ci. En occident le chemin de la victoire passe par l'alliance révolutionnaire avec le mouvement de libération des colonies et des pays dépendants contre l'impérialisme. La question nationale est une partie de la question générale de la révolution prolétarienne, une partie de la dictature du Prolétariat. La question de l'alliance révolutionnaire du mouvement ouvrier avec le mouvement des peuples opprimés ne signifie évidemment pas que le prolétariat doive soutenir tout mouvement national toujours et partout. Dans chaque cas particulier et concret il s'agit d'appuyer ceux des mouvements nationaux qui tendent à affaiblir, à renverser l'impérialisme et non à le maintenir et à le consolider ». C'est là « une partie de la question générale de la révolution prolétarienne subordonnée à l'ensemble et demandant à être examinée du point de vue de l'ensemble ». Il faut comprendre que « dans les conditions de l'oppression impérialiste, le caractère révolutionnaire du mouvement national n'implique pas nécessairement l'existence d'éléments prolétariens dans le mouvement, l'existence d'une base démocratique du mouvement ». C'est pourquoi Lénine, lors de la guerre impérialiste de 14/18 pensait que « la lutte de l'Emir afghan pour l'indépendance de l'Afghanistan est objectivement une lutte révolutionnaire, malgré le tour monarchiste des conceptions de l'Emir et de ses partisans, car elle affaiblit, désagrège et sape l'impérialisme. Cependant que la lutte des démocrates et des « socialistes » à tout crin, des révolutionnaires et républicains tels que Kerenski et Tesetelli, Renaudel et Scheideman, Tchernov et Dan, Henderson et Clynes pendant la guerre impérialiste (pour la défense de la patrie) était une lutte réactionnaire car elle avait pour résultat de maquiller, de consolider, de faire triompher l'impérialisme ». (Question nationale et coloniale, pages 180, 181, 182).

Ce sont ces considérations révolutionnaires qui expliquent que du point de vue du marxisme-léninisme et des intérêts de la lutte de classe et des peuples opprimés contre l'impérialisme, le combat de Saddam Hussein contre la coalition impérialiste (et ce malgré la nature réactionnaire de son régime) est objectivement anti-impérialiste. Alors que le mouvement kurde irakien est insoutenable parce qu'il est parti prenante de la déstabilisation organisée de l'Irak par les impérialistes. Lénine disait : « Le mouvement national des pays opprimés doit être apprécié non du point de vue de la démocratie formelle, mais de celui de ses résultats effectifs dans la balance générale de la lutte contre l'impérialisme, c'est-à-dire non isolément, mais à l'échelle mondiale » (bilan d'une discussion, Tome XIX).

II. Le léninisme, l’impérialisme et l’inévitabilité des guerres

La guerre du Golfe révèle aussi l’ignominieux mensonge gorbatchévien de la « nouvelle mentalité », mensonge selon lequel une « collaboration fraternelle » humaniste et civilisée entre les peuples sous l'impérialisme est possible dans le monde actuel ? La guerre actuelle de l'impérialisme et celles à venir contre les peuples rebelles du Tiers-monde, contre les pays socialistes et entre les concurrents impérialistes eux mêmes, montrent par delà les beaux discours, que la « nouvelle mentalité » est complètement étrangère à l'impérialisme, dont l'objectif clairement affiché est d'écraser le socialisme et de dompter la classe ouvrière et les peuples opprimés, pour sa recherche effrénée du profit maximum.

Niant les faits et la nature prédatrice et guerrière de l'impérialisme, Gorbatchev prône que les « différences idéologiques ne devraient pas être reportées sur la sphère des relations inter-Etats, pas plus que la politique étrangère ne devrait leur être subordonnée. Car voyez-vous, les idéologies peuvent être aux antipodes, l'intérêt et la survie et la prévention de la guerre demeurent des buts universels suprêmes ». Ceux qui parmi nous ont cru à cette fable gorbatchévienne de la « prévention » des guerres sous l'impérialisme peuvent aujourd’hui se rendre compte de la trahison cruelle à laquelle conduit cette théorie. Quarante années de cette propagande révisionniste a causé d'énormes dégâts, conduisant le mouvement ouvrier communiste et pacifiste vers le réformisme le plus naïf. Depuis la seconde guerre mondiale anti-fasciste notamment, et malgré les innombrables interventions armées des impérialistes partout dans le monde, l'illusion d'un monde sans conflits majeurs sous l'impérialisme a été distillée par mille canaux dans le mouvement ouvrier et pacifiste ; au fur et à mesure de l'offensive impérialiste contre le socialisme, de plus en plus de communistes ont eux-mêmes donné de la voix, propageant le mythe kautskiste de l'évitabilité des guerres en système capitaliste-impérialiste. Cette thèse devait avoir son premier écho au sein même du PCUS au XXe Congrès quand N. Khrouchtchev a dit: « Les forces réactionnaires qui représentent les intérêts des monopoles capitalistes poursuivent leurs tentatives d'aventures militaires et d'agressions... Mais les guerres ne sont pas inévitables, ne sont pas fatales. Il y a à présent des forces sociales et politiques puissantes qui disposent des moyens sérieux pour empêcher les impérialistes de déclencher la guerre… » (rapport d'activité du CC du PCUS, mars 1956. Cahiers du Communisme).

N. Khrouchtchev concluait, devant l'avènement des armes nucléaires, « qu'il n'y a que deux voies : ou bien la coexistence pacifique ou bien la guerre la plus destructrice de l'histoire. Il n'y a pas de troisième voie ». Et déjà il appelait à « l'établissement de relations d'amitié durable entre les deux plus grandes puissances du monde, l'Union Soviétique et les USA (ce qui) aurait une importance majeure pour le renforcement de la paix dans le monde entier ». Gorbatchev répète presque mot pour mot N. Khrouchtchev, en prétendant comme son prédécesseur révisionniste d'il y a quarante ans « qu'avec l'émergence des armes de destruction massive et donc globales, apparaît une limite objective à la confrontation de classe sur l'arène internationale. La menace d'une destruction universelle pour la première fois (sic) dans l'histoire s'est fait jour un intérêt commun à toute l'humanité, un intérêt réel et non spéculatif ou lointain, celui de la sauver du désastre » (Perestroïka de Gorbatchev, éditions Flammarion).

Les révisionnistes modernes nient le fait que l'impérialisme soit l'impérialisme ! Pourtant « Lénine montrait que dans les conditions de l'impérialisme, l'inégalité du développement et les contradictions du capitalisme s'aggravent particulièrement, que la lutte pour les marchés d'exportation des marchandises et des capitaux, la lutte pour les colonies, pour les sources de matières premières, rend inévitable les guerres impérialistes périodiques en vue d'un nouveau partage du monde. Lénine montrait que justement par suite de ce développement inégal du capitalisme, des guerres impérialistes éclatent, qui débrident les forces de l'impérialisme et rendent possible la rupture du front de l'impérialisme là où il se révèle le plus faible'' (Histoire du PCUS p. 187, édition N. Béthune).

I.V. Saline nous explique avec encore plus de clarté « qu'étudiant l'impérialisme surtout en période de guerre, Lénine est arrivé à la loi du développement économique et politique inégal et par bonds des pays capitalistes. Au sens de cette loi, le développement des entreprises, des trusts, des branches d'industrie et des divers pays ne se fait pas d'une manière égale selon un ordre de succession établi, de façon qu'un trust, une branche d'industrie ou un pays marche toujours en tête, cependant que les autres trusts du pays restent en arrière dans ce même ordre de succession, mais par bonds avec des interruptions dans le développement des autres pays. Or la tendance parfaitement légitime des pays retardataires à conserver leurs vieilles positions et la tendance non moins légitime des pays ayant fait un bond en avant à s'emparer de positions nouvelles font que les collisions militaires des pays impérialistes sont une nécessité inéluctable » (Les questions du Léninisme).

C'est sur cette base que I.V. Saline a pu affirmer contre les révisionnistes modernes en 1952 que « le mouvement actuel pour la paix se propose d'entraîner les masses populaires dans la lutte pour maintenir la paix, pour conjurer une nouvelle guerre mondiale. Par conséquent, il ne vise pas à renverser le capitalisme et à instaurer le socialisme. Il se borne à des buts démocratiques de lutte pour le maintien de la paix. A cet égard le mouvement actuel pour le maintien de la paix se distingue de celui qui existait dans la période de la première guerre mondiale et qui, visant à transformer la guerre impérialiste en guerre civile, allait plus loin et poursuivait des buts socialistes. Il se peut que les circonstances aidant, la lutte pour la paix évolue ça et là vers la lutte pour le socialisme. Mais ce ne sera plus le mouvement actuel en faveur de la paix, mais un mouvement pour renverser le capitalisme. Le plus probable, c'est que le mouvement actuel en faveur de la paix, en tant que mouvement pour le maintien de la paix, contribuera en cas de succès à conjurer une guerre donnée, à l'ajourner temporairement, à maintenir temporairement une paix donnée... Cela est bien naturellement. mais cela ne suffit cependant pas pour supprimer l'inévitabilité des guerres en général entre pays capitalistes. Cela ne suffit pas car malgré tous ces succès du mouvement de la paix l'impérialisme demeure debout, reste en vigueur (...). Pour supprimer l'inévitabilité des guerres, il faut détruire l'impérialisme » (Problèmes économiques du socialisme).

Une conclusion s'impose ici, que met à l'ordre du jour la réalité de la guerre du Golfe ; c'est l’inévitabilité des guerres sous l'impérialisme qui doit sous-tendre toute notre politique en direction du mouvement actuel pour la paix. C'est seulement ainsi que nous pourrons oeuvrer à transformer le mouvement actuel et le lier à la lutte de classe du mouvement ouvrier pour la révolution sociale. La position des révisionnistes modernes d'évitabilité des guerres et conséquemment de « coexistence pacifique » avec les impérialistes est un abandon de la thèse de Lénine qui lie la guerre et la paix à la révolution. C'est aussi directement contraire au but de paix que proclament les révisionnistes.

Comme le dit Lénine : « Il n'est pas possible d'avoir une paix durable et démocratique sans renversement de l'impérialisme ». C'est pourquoi le sixième Congrès de l'Internationale communiste a mis en exergue ces paroles de Lénine : « il faut expliquer sans relâche, inlassablement, aussi concrètement que possible, comment les choses se sont passées durant la dernière guerre et pourquoi elles ne pouvaient pas se passer autrement. Il faut en particulier montrer que la défense de la patrie (aujourd'hui ajoutons du « droit ») sera nécessairement mise en question et que l'immense majorité des travailleurs résoudra nécessairement ce problème « au profit de la bourgeoisie ». Utilisant la récente expérience de la guerre, nous devons faire comprendre qu'une multitude de questions théoriques et pratiques se poseront dès le lendemain de la déclaration de guerre et que l'immense majorité des mobilisés sera sans prévention. Il faut expliquer aux hommes les réalités des circonstances qui font le mystère dans lequel naît la guerre et l'impuissance des organisations ouvrières même soi-disant révolutionnaires devant une guerre imminente ». Il s'agit pour nous de comprendre selon les propos de Lénine que « l'état d'esprit des masses en faveur de la paix exprime souvent le début d'une protestation, d'une révolte et d'une prise de conscience du caractère réactionnaire de la guerre. Tirer profit de cet état d'esprit est le devoir de tous les communistes. Ils participeront très activement à tout mouvement et à toute manifestation sur le terrain. Mais ils ne tromperont pas le peuple en laissant croire qu'en l'absence d'un mouvement révolutionnaire, il est possible de parvenir à une paix sans annexion, sans oppression des nations, sans pillage, sans que subsiste le germe de nouvelles guerres. Tromper ainsi le peuple ne ferait que porter de l'eau au moulin de la diplomatie secrète des gouvernements » (Le socialisme et la guerre, Tome 21).

Il faut être très net sur le fait que les armes atomiques n'ont rien changé quant à la nature de l'impérialisme et à l'inévitabilité des guerres. La guerre réactionnaire contre l'Irak, annonciatrice d'autres conflits encore plus meurtriers, prouve que le rêve kautskiste est aussi fallacieux aujourd'hui qu'il ne l'était lorsqu'il l'a exposé, au moment même où la première guerre mondiale éclatait. Et n'en déplaise au « pacifisme radical » de certains socialistes de « gauche », selon la terminologie du 6e Congrès de l'IC, « qui reconnaissent les dangers de la guerre et n'y opposent que des niaiseries. Souvent ils exagèrent quand ils parlent de la violence destructrice des armes les plus modernes et ils le font à dessein afin de démontrer qu'une guerre prolongée serait impossible ou bien qu'on n'arriverait pas à la transformer en guerre civile ». Les révisionnistes modernes essaient vainement de démontrer qu'une guerre prolongée est impossible parce qu’elle débouchera sur un holocauste nucléaire. C'est là une substitution de l'hystérie pacifiste aux théories et à la stratégie révolutionnaire de Lénine. L'existence des armes nucléaires n'a pas transformé l'impérialisme. Et la nature des guerres n'est pas déterminée par la technologie des armes, fussent-elles nucléaires, mais bel et bien par la lutte des classes. L'appareil militaire y compris l'arme atomique sert l'impérialisme. Ce sont des outils aux mains des impérialistes pour rediviser le monde et non le détruire.

Un danger de mauvais calculs et d'erreurs de la part des impérialistes existe bien sûr. Cela pourrait conduire à des destructions plus importantes que prévues. Mais tomber dans l’hystérie pacifiste qui prétend que toute guerre conduit à l'apocalypse ou qu'une guerre nucléaire limitée est impossible, c’est nier la nature réelle de l'impérialisme et donc des guerres impérialistes. Les promoteurs de l'impossibilité d'une guerre conventionnelle ou de l'impossibilité d'une guerre nucléaire limitée rendent le plus mauvais service au prolétariat car c'est la négation de la culpabilité des impérialistes dans les guerres pour le « maintien artificiel du capitalisme à l'aide de colonies, de monopôles, de privilèges et d'oppressions nationales », telle que celle à laquelle nous venons d'assister au moyen orient contre un pays dépendant. De telles guerres peuvent être menées à une plus grande échelle entre puissances impérialistes.

Dire avec Gorbatchev que toute guerre pose la question de la survie de l'humanité, c'est prétendre que les impérialistes ne peuvent faire la guerre pour des objectifs impérialistes ! C'est nier la quête impérialiste de « colonies, de monopoles, de privilèges... » par les armes nucléaires. Le développement capitaliste n’est pas déterminé par un individu « le doigt sur le bouton ». C'est comme le dit I.V. Staline « assurer le maximum  de profit capitaliste en exploitant, en ruinant, en appauvrissant la majeure partie de la population civile d'un pays donné, en asservissant et en dépouillant de façon systématique les peuples des autres pays, notamment des pays arriérés, enfin en déclenchant des guerres et en militarisant l'économie nationale en vue d'assurer le maximum de profits » (Les problèmes économiques du socialisme, 1952).

Si les guerres impérialistes sont inévitables, il est inévitable qu'elles se produisent sur la base de cette loi décrite ci-dessus. Comment est-il possible que les guerres et la militarisation de l'économie nationale soient utilisées en vue d'assurer le profit  maximum si les moyens de réaliser ces profits sont complètement détruits? Voilà à quelle absurdité arrivent les tenant révisionnistes de « l'apocalypse nucléaire ». Car il n'est pas possible « d'assurer le maximum de profit en exploitant, en appauvrissant la majeure partie de la population d'un pays donné » si la majorité pour ne pas dire toute la population est détruite par les bombes nucléaires. L'écrasement de l'Irak sous les bombes n'a pas tué toute la population mais servait bien à faire capituler Saddam Hussein et à terroriser d'éventuels candidats à la rébellion. En tout cas même une partie de ses troupes reste quasi intacte après le « plus grand bombardement de l'histoire des guerres ». A l’époque des armes nucléaires, I.V. Saline expliquait : « C'est justement la nécessité de réaliser les profits maximum qui pousse le capitalisme de monopôle à des actes hasardeux comme l'asservissement et le pillage systématique des colonies et des autres pays arriérés; la transformation d'une série de pays indépendants en pays dépendants: l'organisation de nouvelles guerres qui sont pour les brasseurs d'affaires du capitalisme actuel de meilleurs business leur permettant de tirer le maximum de profits, enfin les efforts tentés pour conquérir la domination économique mondiale » (Les derniers  écrits,  1950- 1953).

La précipitation des capitalistes en quête de contrats pour « reconstruire » le Koweït avant même la fin des hostilités,  les querelles autour des contrats majoritairement raflés par les USA prouvent la pertinence de la description ci-dessus.

Cette guerre confirme la justesse des analyses de Lénine et de l'IC sur l'impérialisme et la guerre. Elle prouve aussi la nécessité de lutter activement contre les déviations révisionnistes qui gangrènent le mouvement communiste, afin de renouer avec le léninisme. Nous avons délibérément attiré l'attention du lecteur sur deux questions centrales dans la situation actuelle du mouvement pacifiste, anti-impérialiste et communiste : l'internationalisme anti-impérialiste en direction des peuples opprimés et l'inévitabilité des guerres à l'époque de l'impérialisme.

Travailler à renouer avec le léninisme sur ces questions nous permettra de définir des tactiques tenant compte de la réalité actuelle du mouvement et de préparer les conditions de la ré-émergence d'un mouvement communiste s'opposant au révisionnisme à l'opportunisme dans le mouvement ouvrier.

Nous avons longuement cité les théoriciens du communisme car plusieurs des questions auxquelles nous sommes confrontés aujourd'hui ont fait l'objet d'élaborations théoriques à partir desquelles nous devons pouvoir cerner la situation présente et aller de l'avant.

Camarades, nous invitons à une étude de l'immense apport théorique et pratique de I'IC et de ses dirigeants. C'est ainsi que, pensons-nous, Lénine a procédé vis-à-vis de Marx et Engels, de la première révolution ouvrière de l'ère du capitalisme : la Commune. C'est ainsi que nous devons procéder à notre tour vis-à-vis de la révolution d'Octobre, de l'Union Soviétique Socialiste et de l'lC.

Le 13 avril 1991


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