La situation actuelle du mouvement ouvrier en France
Ce
texte est la première partie de la présentation des
militants communistes de Lille au symposium organisé en
collaboration avec Correspondance Internationale dans cette
ville du nord de la France, à l’occasion du 70ème
anniversaire de la révolution d’Octobre (édité
dans Correspondance Internationale n°17).
Le
7 novembre 1917, la classe ouvrière de Russie alliée à
la paysannerie laborieuse et aux peuples opprimés, renversait
le régime tsariste et la bourgeoisie. Cette révolution
a fourni aux travailleurs du monde entier et aux peuples opprimés
un exemple, une référence concrète pour leurs
luttes et leurs aspirations. La révolution d'Octobre
démontrait aux yeux des masses laborieuses du monde qu'il
était possible d'en finir avec l'odieux système
d'exploitation de l'homme par l'homme, d’en finir avec
l'exploitation du travail par le capital, d’en finir avec
l'oppression éhontée des peuples.
Le
camarade J.V. Staline soulignait que « la révolution
d'Octobre a élevé à une certaine hauteur la
force et l'importance, le courage et la combativité des
classes opprimées du monde, obligeant les classes dominantes à
compter avec elles, en tant que facteur nouveau et sérieux. Il
n'est plus possible aujourd'hui de considérer les masses
laborieuses du monde comme une « foule aveugle »
errant dans les ténèbres et privée de
perspectives. Car la révolution d'Octobre a créé
pour elles un phare éclairant leur chemin et leur révélant
des perspectives. Si, auparavant, il n'y avait pas de forum universel
ouvert pour manifester et matérialiser les aspirations et la
volonté des classes opprimées, aujourd'hui ce forum
existe en la première dictature du prolétariat. On ne
saurait guère douter que la destruction de ce forum plongerait
pour longtemps la vie sociale et politique des pays « avancés »
dans les ténèbres d'une noire réaction sans
frein. On ne peut nier que le simple fait de l'existence de l'Etat
bolchevik met une bride aux forces ténébreuses de la
réaction, facilitant la lutte des classes opprimées
pour leur libération. C’est ce qui explique en somme la
haine bestiale que les exploiteurs de tous les pays nourrissent à
l'égard des bolchéviks » (« Le
caractère international de la révolution d'Octobre »
in Les questions du léninisme).
Soixante
dix ans après cette révolution, que peut-on dire de la
« hauteur » à laquelle fut élevée
la « lutte, la force, l'importance, la combativité
des classes opprimées », notamment de la classe
ouvrière? Soixante dix ans après octobre 1917, en cette
commémoration de la première victoire décisive
des classes opprimées contre les classes exploiteuses sous le
capitalisme et l'impérialisme, que peut-on dire des ouvriers
et des masses laborieuses vues comme une « foule
aveugle errant dans les ténèbres et privée de
perspectives »?
Notre
contribution à ce symposium, à l'occasion de cette
commémoration, consiste à voir où en est
aujourd'hui le mouvement ouvrier en France, soixante-dix ans après
la révolution qui a ouvert la voie aux travailleurs du monde
et donné la preuve, l'exemple, et pourquoi pas, le modèle
de l'émancipation des travailleurs.
Le
réformisme écrase le mouvement ouvrier de son poids
La
situation des travailleurs est terriblement inquiétante. Les
mesures « anti-crise » des gouvernements
successifs de droite, puis de gauche et de « cohabitation »
tendent à maintenir le profit maximum des capitalistes au
détriment des intérêts des travailleurs. Pas une
seule section du monde du travail n'est épargnée. Il y
a quelques trois millions de chômeurs que les fermetures
d'entreprises, les licenciements, compressions du personnel jettent à
la rue. La « désindustrialisation » et
la « restructuration » avec les nouvelles
technologies et la privatisation actuelle ne font qu'accélérer
ce processus. Les mesures libérales vont bon train,
s'attaquant durement à la vie des travailleurs. La crise n'est
ni conjoncturelle, ni passagère. Elle est durable, car c'est
une crise générale du système capitaliste
mondial. La grave crise boursière n'en est qu'une expression,
de même que celle du pétrole dans les années 70,
et celle des matières premières du début des
années 80. Les crises conjoncturelles, de plus en plus
rapprochées dans le temps, se font sur la base de cette crise
générale.
Devant
cette crise profonde du système, les capitalistes et leurs
gouvernements alignent des mesures sans fin contre les droits acquis
des travailleurs. Ils s'attaquent à leur pouvoir d'achat, au
droit au travail, à leurs organisations, leur disent de se
serrer la ceinture, d'accepter « l'austérité »
comme soi-disant remède à la crise. La réaction
politique anti-ouvrière s'accentue dans le but de dompter la
classe ouvrière. On traîne les militants syndicaux
devant les tribunaux, on leur envoie les flics et les milices
fascistes. Le cancer fasciste pénètre par tous les
pores de la société à mesure que s'opère
l'offensive libérale et la réaction politique. Les
fascistes ont même une représentation à
l'Assemblée Nationale et leurs fonctionnaires exercent de plus
en plus de pouvoirs dans l'administration.
Mais
dans un tel contexte, qui élève la voix pour les
travailleurs? Qui donc défend la classe ouvrière?
Le
Parti Socialiste est arrivé au pouvoir en 1981. Il a remis
dans sa poche toutes les propositions pour lesquelles les
travailleurs l'ont porté au pouvoir. Il a trahi tous les
espoirs mis en lui. Il s'est embourbé dans les compromissions,
avant de capituler complètement devant les exigences
anti-ouvrières du capital, révélant ainsi sa
vraie nature réformiste.
Le
PS représente en fait aujourd’hui des sections
importantes du capital financier français. A bien des égards,
Mitterrand est le De Gaulle des années 80. Il a troqué
le social-démocratisme formel contre le gaullisme. Il a
« désindustrialisé » les
sidérurgies et les charbonnages, « restructuré »
l'industrie conformément aux désirs du capital. Il a
mis sous le boisseau les intérêts des ouvriers et
utilisé la confiance mise en lui pour faire une politique
anti-ouvrière que la droite n'aurait jamais pu faire sans
remous sérieux. Il a pavé la voie au fascisme et jeté
aux oubliettes la promesse électorale du droit de vote aux
immigrés.
Toutefois,
le PS reste influent sur la classe ouvrière et bénéficie
encore du « vote utile ». Il a fait plus de 30%
des voies aux dernières élections. La prééminence
électorale du PS est liée à une certaine
bipolarisation de la scène politique, divisée entre
« droite et gauche ». C'est là le
résultat de la politique « d'union de la gauche »
de ces dernières décennies.
Le
PCF est le parti qui a une influence directe sur la classe ouvrière :
Il est le parti ouvrier. Mais il a poursuivi une politique de
compromission avec le PS dans le cadre de cette funeste « union
de la gauche ». Il a troqué la voie révolutionnaire
contre une « la place que lui accordera le suffrage
universel, en concluant des accords entre formations politiques, en
particulier avec le PS lorsque de tels accords s'avèreront
possibles ». Le PS lui a confié quatre minables
postes ministériels, lui faisant jouer le rôle de frein
des luttes ouvrières.
Le
PCF a ainsi muselé la CGT, tout comme l'a fait le PS avec la
CFDT. Il appelle à la défense de « l'outil
de production », de la « marque française »,
à « produire français », à
« défendre le marché national »,
comme s’il s’agissait d’une « défense
de l'emploi ». Les capitalistes ne font pourtant que
cette sorte de politique, et cela ne les a jamais empêché
de licencier…
En
régime capitaliste, il ne peut y avoir et il n'y a pas
équivalence entre la « défense du marché »,
de la « production » et celle de l'emploi. A
Talbot, c'est au nom de la « modernisation
industrielle » que l'on a laissé licencier les
travailleurs immigrés. Ces derniers qualifièrent la CGT
« d'assassins ».
Des
maires du PCF se sont attaqués à 300 familles maliennes
à Vitry sous couvert de « seuil de tolérance »,
à des familles marocaines à Montigny sous prétexte
de « lutte contre la drogue ». Et le PCF a vu
son influence décroître dans l'électorat
populaire. Aux municipales en 1983, de même que le PS, il
perdait 16 villes de 30 000 habitants et aux Européennes, il
tombait encore avant d'être rejoint par le parti fasciste, à
10%.
De
premier parti du pays en 1945, avec 28% des inscrits, le PCF chute et
se retrouve confronté à une dissidence intérieure
alimentée par la bourgeoisie et la social-démocratie.
La contestation interne s'organise en fraction, utilise à fond
les médias qui lui offrent une tribune. Mais jusqu'ici cette
opposition social-démocrate interne ne rencontre qu'une
attitude défensive et un traitement lui même
social-démocrate. C'est là un signe de grande
dégénérescence du PCF. Il agit ainsi car dans la
perspective des élections, il aura besoin de toutes les voix,
y compris celle des « rénovateurs ». Il
tient aussi à garder son image de parti « démocratique »,
et ce d'autant que les médias lui ont collé l’image
d’un « parti de dictature ». Il est
regrettable que, dans ce tintamarre au sein du PCF, aucune voix ne
s'élève à la gauche de Pierre Juquin (droite) et
de Georges Marchais (centre) pour tirer le parti vers la voie de la
révolution d'Octobre.
Les
organisations « d'extrême gauche » n'ont
jamais pu s'implanter réellement dans la classe ouvrière.
Elles sont toujours composées d'éléments
petit-bourgeois, souvent à la remorque du PS. C'est le cas des
trotskistes de la LCR et d'autres groupuscules. Les groupes maoïstes
se sont désintégrés, laissant des groupuscules
anarcho-terroristes ou semi-trotskistes. De toute façon, ces
groupuscules n'ont aucune prise sur les ouvriers qui les ignorent. Au
plan syndical, c'est la division en plusieurs cadres syndicaux qui
sont, par ordre d'importance, la CGT, la CFDT, FO, la CFTC et
plusieurs syndicats autonomes.
Une
certaine désyndicalisation frappe le mouvement ouvrier par
suite des déceptions, de la « désindustrialisation »
et des « restructurations », qui provoquent
l’instabilité des ouvriers. Très peu de luttes
sont menées pour organiser les chômeurs dont le nombre
ne fait que grossir. Au sein des syndicats, la démocratie
ouvrière, le pouvoir des syndiqués à la base est
brimé, limité par celui des directions syndicales. La
division syndicale et les querelles subséquentes des bureaux
syndicaux pour le leadership découragent les travailleurs qui
les voient plus souvent se battre les uns contre les autres que
s'occuper des problèmes réels des travailleurs. Les
victoires -quand il y en a- et les échecs sont ainsi attribués
réciproquement, selon les cas, aux uns et aux autres. On
passe le temps à définir des tactiques en fonction de
l'autre syndicat et en vue de gains syndicaux plutôt que
d'organiser de véritables luttes contre l'offensive du capital
et de son gouvernement. On comptabilise les succès contre
l'autre syndicat et non contre notre ennemi commun, le capital et son
gouvernement. Résultat: L'éloignement des ouvriers des
syndicats. Des syndicats autonomes pullulent dans les entreprises en
réaction au « joug » des grosses
centrales qui à leurs yeux ne luttent pas et ne prennent pas
suffisamment en compte leurs revendications propres.
Ainsi,
à grands traits, le réformisme domine largement le
mouvement ouvrier. Nous signalons ici les traits essentiels qui
caractérisent le mouvement actuel. L'idéologie
bourgeoise règne sans partage. Elle est colportée par
la social-démocratie réformiste et le révisionnisme.
Toutefois,
nous pensons que les enquêtes doivent se poursuivre pour cerner
plus en profondeur la réalité des situations objective
et subjective de la classe ouvrière. Dans la société
d'aujourd'hui, la gauche « officielle » (PS et
PC) constitue la seule opposition à la droite. Depuis quelque
temps, à la faveur du pouvoir de « gauche »,
le courant fasciste a relevé la tête et, utilisant à
fond la dérive droitière et libérale
dominante, tente de gagner une partie de l’électorat
populaire. La crise et ses conséquences est le terreau sur
laquelle pousse le FN fasciste, pendant que la droite s'empêtre
dans la réaction politique.
Le
mouvement ouvrier a vu ses gains antérieurs liquidés
par l'offensive orchestrée par la gauche puis par la droite au
profit des capitalistes. Les luttes ouvrières sont la plupart
du temps écrasées et le mouvement ouvrier se trouve
acculé, dos au mur, à des batailles défensives,
cherchant à préserver des acquis très
sérieusement entamés ou menacés.
La
crise: une vraie guerre contre les femmes, les minorités
nationales et les peuples opprimés.
L'offensive
des capitalistes et de leurs gouvernements pour le profit maximum,
comporte une attaque en règle contre les femmes, les minorités
immigrées, les basques, les corses et peuples des
« DOM-TOM ».
La
question des femmes, celle de la section féminine de la classe
ouvrière, se pose avec une acuité renouvelée et
pose un débat de fond quant à la composition réelle
de la classe ouvrière. Les femmes ouvrières sous
l'impérialisme sont doublement opprimées: en tant que
travailleuses et en tant que femmes. Le capitalisme ne les a
nullement libérées de la séculaire oppression
patriarcale et féodale. Il utilise plutôt cette
oppression des femmes pour tirer le maximum de profits de
l'exploitation de la section féminine des travailleurs.
L'ouvrière
reste sous payée par rapport à l'ouvrier. Son salaire
est perçu comme un complément de celui du mari. La
bourgeoisie utilise ces préjugés, l'idéologie du
chauvinisme mâle et la position de la femme au foyer pour
diviser la classe ouvrière et affaiblir son unité de
combat.
Dès
la naissance du capitalisme, le travail des femmes a été
utilisé comme « cheap-labour ». En plus
du travail domestique, il les a enchaînées à la
machine en « sapant les fondements économiques
de la famille ouvrière (...), en a bouleversé toutes
les autres relations » (Karl Marx, Le Capital).
La famille a vu ses relations de plus en plus basées sur
l'argent, du fait que l'homme « tire vanité de
rapporter la plus grande part à ce fonds familial. Les
ouvrières sont d'autant vulnérables qu'elles se
chargent « naturellement » de l'éducation
des enfants et de l'entretien du foyer ».
Le
capitalisme, en devenant impérialisme, a développé
des secteurs économiques nouveaux dans lesquels ont été
incorporées en masse les femmes. Les secteurs des « services »
(banques, commerces...) dans lesquels les femmes forment l'écrasante
majorité de la main-d’œuvre, ont été
proclamés « travail féminin ».
Elles y sont (chiffre de 1982) 1 782 000 pour 870 000 hommes. Le
développement fulgurant du secteur des services, ou tertiaire,
est le résultat direct de la fusion du capital des monopoles
et multinationales.
La
situation actuelle de la fraction féminine de la classe
ouvrière est pénible. L'écart salarial, selon
une étude de Cégos, reprise par le Nouvel
Observateur, entre l'ouvrier et l'ouvrière, est de 16,3%
en 1984 dans le secteur des services. Chez les « employés »
en général, l'écart est de 25% entre hommes et
femmes. La réduction relative de 36% de l'écart
salarial entre les travailleurs des deux sexes depuis 1950 est en
lien direct avec la crise et la baisse générale des
salaires, le développement du temps partiel -ou chômage
partiel- et les conquêtes du mouvement ouvrier. Le chômage
frappe davantage les travailleuses, avec 12,6% et 8,5% chez les
ouvriers.
La
bourgeoisie, en période de « croissance »,
fait appel au travail sous payé des femmes, mais n'en veut pas
en période de crise. Jacques Henriet, sénateur du
Doubs, révèle la pensée profonde des
capitalistes quand il affirme que « le travail des
femmes, dont personne ne conteste (sic) la légitimité,
ni la légalité, n'en est pas moins facteur de
chômage et de dénatalité. Plutôt que
d'envoyer les femmes au travail, mieux vaut les envoyer au lit ».
Le
rapport Ramsès, commandé par les capitalistes et
leur gouvernement, fait l'apologie du « modèle »
japonais et recommande son application ici en France: « Les
femmes tendent à se retirer du marché de l'emploi en
période de crise. A la fois par la faiblesse de leur salaire,
inférieur de près de moitié à ceux des
hommes, et par leur faible niveau d'instruction, elles représentent
une importante réserve prête à accepter des
emplois peu qualifiés à temps partiel ou
conjoncturel ». De telles attaques trouvent même
un écho dans les organisations ouvrières, comme le
rapporte le Nouvel Observateur : « Aux
usines SEB des Pyrénées, la CFDT et FO ont signé
au début de l'année un accord proposant un congé
sans solde d'un an au personnel féminin, la direction
s'engageant à embaucher en contrepartie les maris chômeurs,
mais l'accord n'a pas été appliqué faute de
volontaires ». C'est là la reprise des
pratiques courantes du patronat qui « à l'usine
Lincrustra de Seclin dans le nord a proposé le temps
partiel aux seules femmes; le patron leur a écrit
personnellement pour leur conseiller de retourner s'occuper de leurs
enfants ».
« Les
femmes au foyer ! » est le cri de la bourgeoisie
dans sa recherche effrénée du profit maximum en période
de crise, tout comme le cri que nous entendons partout aujourd'hui
« les immigrés dehors! ».
Devant
une telle situation, le PCF et les trotskistes ont la même
approche de la classe ouvrière que l'INSEE, qui qualifie tous
les ouvriers du secteur des services « d’employés ».
Le PCF affirme ainsi « qu'à la différence
des membres d'autres couches ou catégories sociales de
salariés, l'ouvrier est directement associé aux moyens
de travail, il les met en œuvre dans le cadre de la production
matérielle, il est un producteur direct de marchandises, il se
trouve ainsi à l'origine de la plus value que s'approprient
les capitalistes. La classe ouvrière est donc constituée
de l'ensemble de salariés qui, par leur action sur les moyens
de production... créent pour les capitalistes de la plus
value, du capital » (Le capitalisme monopoliste
d'Etat, tome 1. Editions sociales. p.217 - 218).
Karl
Marx enseigne pourtant: « Tout travail productif produit
du capital ». C'est à dire que les ouvriers de
l'automobile qui produisent les voitures, ainsi que ceux qui les
lavent, les mécaniciens qui les réparent au profit d'un
capitaliste, sont tous des ouvriers productifs et donc font partie
intégrante de la classe ouvrière.
Le
PCF par contre, oppose les « ouvriers productifs »
aux « ouvriers improductifs » comme subterfuge
pour exclure de la classe ouvrière tout ouvrier qui ne produit
pas directement des « biens matériels »,
des « marchandises », comme ces millions
d'ouvrières surexploitées du secteur des services. Le
PCF ignore la formule de Marx selon laquelle « tout
travail productif produit du capital ». Le PCF
affirme: « L'appartenance à la classe ouvrière
implique nécessairement une activité productrice
salariée créatrice de plus value. Mais la classe
ouvrière ne comprend pas pour autant, tous les travailleurs
salariés... Le critère déterminant de
l'appartenance à la classe est la création de plus
value dans la sphère de la production matérielle »
(idem).
Alors
que Karl Marx voyait dans la classe ouvrière la classe
d'avenir montante, le PCF, lui, accrédite l'idée
bourgeoise de l'INSEE et de professeurs de chaires universitaires,
selon laquelle la majorité des travailleurs dans les pays
impérialistes ne sont pas des ouvriers, mais plutôt des
petit-bourgeois appartenant aux classes moyennes. Le Manifeste du
parti communiste enseigne: « Le caractère
distinctif de notre époque, de l'époque de la
bourgeoisie, est d'avoir simplifié les antagonismes de
classes. La société entière se scinde de plus en
plus en deux vastes camps ennemis, en deux grandes classes qui
s'affrontent directement: la bourgeoisie et le prolétariat.
(...) De toutes les classes qui, à l'heure actuelle,
s'opposent à la bourgeoisie, seul le prolétariat est
une classe vraiment révolutionnaire. Les autres périclitent
et disparaissent avec la grande industrie; le prolétariat, au
contraire, en est le produit le plus authentique ».
Le
PCF réfute en fait cette analyse du Manifeste communiste
et adopte les positions de la bourgeoisie au prétexte que les
employés du tertiaire ne seraient pas productifs, ne
produiraient pas de « biens matériels et de
marchandises ». Karl Marx, dans son œuvre immortelle
Le Capital, donne une précision importante: « Le
travail productif, au sens de la production capitaliste, c'est le
travail salarié qui, en échange de la partie variable
du capital (de la partie du capital déboursée en
salaire) non seulement reproduit cette partie du capital (...) mais
produit en outre de la plus value... seul est productif le travail
salarié qui produit le capital... seule donc la puissance de
travail dont la mise en valeur est plus élevée que sa
valeur » et d'ajouter encore qu'un « entrepreneur
de spectacles, de concerts, de bordels, etc. achète la
disposition temporaire de la puissance de travail des comédiens,
des musiciens, des prostituées, etc. en fait par un détour
qui n'a économiquement qu'un intérêt formel, à
considérer le résultat, le procès lui-même.
Il achète ce travail dit improductif, dont les services
disparaissent à l'instant même où ils sont rendus
et (en dehors d'eux-mêmes) ne se fixent, ni ne se réalisent
en un « objet durable » (...) ou bien une
marchandise vénale. En les vendant au public, il récupère
leurs salaires et obtient un profit. Et ces services ainsi achetés
lui donnent la faculté de les acheter à nouveau, c'est
à dire qu'ils renouvellent eux-mêmes le fond sur lequel
ils sont payés. Ceci s'applique aussi par exemple au travail
des clercs qu'un avocat emploie dans son bureau, avec cette
circonstance particulière que ces services se matérialisent
en outre le plus souvent en de très volumineux objets
particuliers sous formes d'énormes piles de dossiers »
(Le capital. p178) La mutation du capitalisme en impérialisme
a vu se développer sans commune mesure le secteur dit
tertiaire sur la base du monopole et de la fusion du capital bancaire
et du capital industriel.
Les
banques, CCP, caisses d'épargne, Télécom,
Holdings, assurances, PTT, etc. et autres entreprises de services,
ont pris une dimension et une importance fondamentale en fonction
même de la prééminence du capital financier. Et
en même temps, des millions d'ouvrières ont été
recrutées dans ces secteurs dont la particularité est
de produire non des biens matériels, des marchandises, mais
des « services ». Mais si à la
manufacture correspond l'ouvrier de manufacture, si à
l'industrie correspond l'ouvrier d'usine, à quoi donc peut
correspondre le travailleur du capital financier et de la structure
correspondante, si ce n'est « l'ouvrier du capital
financier » ? Et ce sont ces millions d'ouvrières,
souvent encore faiblement organisées, que l'on veut ignorer en
les excluant de la classe ouvrière. Ceci a des conséquences
graves sur la lutte de la classe ouvrière pour l'émancipation.
Le
PCF et les luttes ouvrières.
On
peut affirmer sans se tromper qu’aujourd’hui en France,
le mouvement ouvrier en général ignore quasiment tout
des principes et méthodes d’actions révolutionnaires
au sens marxiste-léniniste.
Sous
la conduite du PCF principalement, qui a depuis plusieurs dizaines
d'années entrepris de les effacer de la mémoire
collective, les enseignements de Marx et Engels, Lénine et
Staline dont il (le PCF) s'était lui-même fait le
premier propagateur ont été liquidées. C'était
même sa raison d'être : Quoi de plus logique que
d'assister à la liquidation de ces principes et méthodes,
puisque convaincu qu'il fallait les abandonner, le PCF a organisé
leur inobservation puis leur mise en caisse systématique, et
enfin leur abandon. A y regarder de plus près, on peut dire
que le PCF, sous la conduite des révisionnistes, a dû
procéder par attaques successives et par révisions
programmatiques graduelles, parce que précisément ces
principes et méthodes étaient profondément
ancrés au sein de la classe ouvrière en France, parce
qu’on ne liquide pas d'un trait l'héritage
révolutionnaire.
Aujourd'hui,
le mouvement ouvrier, quoique privé d'un parti
révolutionnaire, n'en est pas moins sujet à des
soubresauts qu'il exprime essentiellement par le biais syndical. On a
vu dans les luttes des cheminots qu'aucun travailleur ne remettait en
cause la nécessaire implication de tous les syndicats.
Bien plus, ils ont trouvé des formes permettant à la
fois de s'organiser concrètement, mais aussi en faisant
participer les syndicats à la démocratie directe, de
contraindre les chefs syndicalistes réformistes à venir
s'expliquer et prendre clairement position.
Cela
traduit à la fois un attachement historique à la forme
d'organisation élémentaire qu'est le syndicat, mais
aussi une critique collective fondamentale de ce qu'est le
syndicalisme dans son dispositif; les travailleurs ont dû,
tactiquement, respecter le syndicalisme traditionnel, faute de
n'avoir aucun interlocuteur direct. Ce que la direction de la SNCF
savait et sait fort bien utiliser par ailleurs. La lutte des
cheminots, celle des étudiants et lycéens confrontées
à des nécessités organisationnelles, illustrent
avec éloquence que même dans une société
dirigée par la bourgeoisie et sous influence sans partage du
réformisme, en ce qui concerne la classe ouvrière, il
existe néanmoins des possibilités de voir ressurgir des
méthodes d'organisation et d'action de masse brisant les
verrous de ce réformisme.
Toutefois
les masses ne sont éduquées et guidées par aucun
principe révolutionnaire marxiste-léniniste. Seuls
quelques morceaux de l'histoire sociale gravés dans la mémoire
collective parviennent à instruire de façon marginale,
les éléments autodidactes les plus avancés du
prolétariat. L'absence d'un véritable parti
révolutionnaire, parti des communistes, parti de l'avant-garde
du prolétariat révolutionnaire, se fait cruellement
sentir.
Le
PCF depuis peu s'autoproclame à nouveau parti révolutionnaire.
Le mot communiste apparaît plus fréquemment. On est même
allé rechercher la faucille et le marteau que l'on avait eu
tant de mal à effacer des tracts et journaux du parti à
partir de 1976. Marchais, tout comme Gorbatchev en URSS,
chercherait-il à contenir les remous des communistes
révolutionnaires au sein du PCF? Ceux-ci existent bien, mais
ils savent que fractionner le parti conduit à son éclatement
et à l'inverse des droitiers juquinistes, ils ne le veulent
pas. Faut-il qu'ils se taisent pour autant? Faut-il qu'ils assistent
silencieux et impuissants à la liquidation totale des
principes fondamentaux du marxisme-léninisme par les
centristes du PCF? La préparation du 26ème
congrès et son projet de résolution illustrent
clairement les pratiques liquidatrices et le mode de fonctionnement
bureaucratique et centriste du PCF actuellement. Va-t-on à
nouveau permettre à ces dirigeants de réécrire
l'histoire et cette fois sous la conduite du plus rusé des
révisionnistes modernes, Gorbatchev? Ce qui domine
actuellement dans le PCF, ce n’est pas le centralisme
démocratique, mais le bureaucratisme. L'enfoncement
électoraliste conduit inexorablement le Bureau Politique du
PCF à évincer toute idée de boycott des
élections présidentielles et l'amène à
imposer la candidature de Lajoinie. Les centristes qui dirigent le
parti ont beau jeu de ranger, dès lors, dans les rangs des
« rénovateurs » droitiers de Juquin,
toutes celles et tous ceux, pourtant authentiquement communistes, qui
élèvent leur voix contre le Bureau Politique. C'est
ainsi que des communistes à la gauche du droitier Pierre
Juquin et du centriste Georges Marchais font les frais de la fausse
purge des éléments droitiers.
C'est
une réalité qui doit interpeller tous les communistes
révolutionnaires, membres ou non du PCF. Car il faut y faire
face, l'heure n'étant pas à la constitution d'un parti
en dehors du PCF puisque les conditions même de l'organisation
d'une tendance à gauche, révolutionnaire, au sein du
PCF n'existent pas vraiment.
Signalons
l'existence du RCU (Regroupement Communiste Unifié)
regroupant des communistes membres du PCF agissant autour d'une
plateforme de reconstruction du PCF sur la base du
marxisme-léninisme, de l'internationalisme prolétarien,
de la dictature du prolétariat, mais aussi, et cela est
matière à débat, de soutien à l'URSS
d'aujourd'hui (et d'hier). Que faire donc? Il faut donc travailler à
la propagation des enseignements historiques du marxisme-léninisme.
La tâche des communistes révolutionnaires, là où
ils sont, est de rétablir la vérité historique
des faits face à l'immense falsification bourgeoise et
révisionniste. C'est bien la tâche principale et
immédiate des communistes révolutionnaires de rétablir
cette vérité historique et les enseignements du
socialisme réel, celui de l'œuvre de Marx et Engels
appliqué par Lénine et Staline et combattu depuis par
les révisionnistes de tous poils. Dans la pratique, il faut
travailler à enseigner ce qui s'est réellement passé.
Gorbatchev, après Khrouchtchev, n'a pas encore réussi à
brûler tous les écrits et à faire taire tous les
témoins vivants du socialisme réel, celui
de Lénine et de Staline. C'est aussi le sens de cette
commémoration du 70ème anniversaire de la
révolution d'Octobre 1917.
L'affrontement
au sein du PCF et la nécessité de l'émergence
d'une gauche vraiment révolutionnaire.
Depuis
les élections législatives du 16 mars une contestation
interne a éclaté au PCF. Elle mûrissait déjà
depuis quelques temps. Le score du PCF, premier parti du pays en
1945, chutant à 10% environ à égalité
avec le parti fasciste, fut la goutte qui a fait déborder le
vase. Nos seules données concernent ceux que les médias
dénomment « rénovateurs » ;
nous analyserons donc leur point de vue, exposé dans leur
manifeste et les écrits de leur chef de file Pierre Juquin,
afin de cerner la nature du débat actuel au sein du PCF.
Toutefois
cette situation de confusion ne doit pas nous cacher que plusieurs
éléments dans le PCF se posent des questions et
cherchent une autre voie que celle des prétendus
« rénovateurs » et du BP actuel du
parti. Il s'agit ici, pour nous, de contribuer à indiquer la
voie de la révolution d'Octobre comme celle de la véritable
perspective révolutionnaire.
Union
de la gauche, ancienne ou nouvelle version?
Voilà
l'essentiel des divergences entre juquinistes et BP du PCF. Le 25ème
congrès du parti fait l'objet de critiques acerbes de la part
de l'opposition interne. Et jamais, de mémoire, la situation
intérieure du PCF n'a fait état de degrés de
fractionnisme aussi grand. Plusieurs élus dans diverses
institutions, sentant souvent leur mandat menacé par la
nouvelle orientation de la ligne du parti, entrent en dissidence.
Souvent, ils optent pour « l'union de la gauche ancienne
version ».
C'est
le cas à Lille. La direction, au nom de la « démocratie »,
manœuvre mollement devant les fractions, laissant faire. Et
souvent, quand des mesures sont prises, c'est pour entériner
une situation de fait. La direction du parti reste pour « l'union
de la gauche », mais à certaines conditions ;
Elle ne doit pas se faire au détriment de l'influence
électorale du parti par exemple. Le PCF diagnostiquant le mal
qui lui a fait perdre son influence électorale, en situe la
raison dans le passé, avant les années 50. Le BP fait
le diagnostic suivant: « Le projet de société,
le socialisme à la française, la voie de son
édification, sont démocratiques de part en part. Le
projet et la démarche sont complètement nouveaux. Ils
constituent une autre façon de faire la politique, qui se
heurte aux conceptions précédentes, à la
pratique, à l'expérience enracinée du passé.
L'évolution du monde et de notre pays appelait à de
telles réponses dès le milieu des années
cinquante. (...) Nous avons donc pris du retard à dégager
notre réflexion sur le socialisme pour la France d'un
« modèle » extérieur et à
définir une perspective adaptée aux conditions de notre
pays et de notre temps ».
Selon
le projet de résolution du 25ème congrès,
c'est ce « retard à se dégager du modèle
extérieur pris dans les années 50 » qui
aurait eu « des conséquences sur notre politique
d'union (...). Nous avons proposé, poursuit le BP, comme
seule perspective des formes d'union et d'action qui avaient été
efficaces dans le passé. Nous avons placé la
revendication d'un programme commun de gouvernement au centre de
notre activité, jusqu'à ce qu'il soit conclu en 1972
(...). Du même coup, se trouvait nourrie l'illusion que le
parti socialiste était décidé à rompre
avec le capitalisme (...). De plus, tout ramener au programme commun
gênait l'intégration des changements de sociétés
(...). Le programme commun, comme accord de sommet PS et PC, a nourri
l'idée que la solution de tous les problèmes viendrait
d'en haut, encouragé l'attente plus ou moins passive de cette
solutions (...). Le mouvement social a été limité
à un rôle d'instrument de pression en direction du
sommet pour aider à la conclusion du programme commun d'abord,
pour soutenir celui-ci ensuite ».
Ce
diagnostic qui se veut une autocritique du BP est en réalité
basé sur une falsification de ce que fut l'essence des
politiques « d'union » avant les années
50, en particulier dans les circonstances de la lutte antifasciste.
Le camarade G. Dimitrov au VIIème Congrès du
Komintern nous l'a décrit comme suit: « La
défense des intérêts économiques et
politiques immédiats de la classe ouvrière, la défense
de celle-ci contre le fascisme doit être le point de départ
et constituer le contenu essentiel du front unique dans tous les pays
capitalistes. Nous ne devons pas nous borner simplement à des
appels sans lendemain à la lutte pour la dictature du
prolétariat, mais trouver et formuler des mots d'ordre et des
formes de lutte découlant des besoins vitaux des masses, du
niveau de leur combativité à l'étape actuelle de
développement. Nous devons indiquer aux masses ce qu'elles
doivent faire aujourd'hui pour se défendre contre le pillage
capitaliste et la barbarie fasciste. Nous devons travailler à
établir le plus large front unique par des actions communes
entre organisations ouvrières de différentes tendances
pour défendre les intérêts vitaux des masses
laborieuses. (...) Les communistes, évidemment, ne peuvent pas
et ne doivent pas, l'espace d'une minute, renoncer à leur
travail indépendant en matière d'éducation,
d'organisation et de mobilisation communiste des masses. Toutefois,
afin de garantir aux ouvriers la voie menant à l'unité
d'action, il est nécessaire, simultanément, de
travailler à réaliser des accords de brève comme
de longue durée, sur les actions à engager en commun
avec les partis sociale-démocrates, les syndicats réformistes
et les autres organisations des travailleurs contre les ennemis de
classe du prolétariat. Ce faisant, il faudra surtout fixer son
attention sur le développement d’actions de masse à
la base réalisées par les organisations de base, au
moyen d'accords conclus sur place. Remplissant loyalement les
conditions de tous les accords conclus avec eux, nous dénoncerons
sans merci tout sabotage de l'action par les individus et
organisations participant au front unique à toutes les
tentatives de rompre les accords (...), nous répondrons en
nous adressant aux masses, en continuant notre lutte inlassablement
pour rétablir l'unité d'action violée »
(Dimitrov, VIIème Congrès de l’IC).
Quiconque
compare la ligne exposée par le camarade G. Dimitrov et celle
décrite plus haut dans le « diagnostic
autocritique » du BP du PCF comprend que le
« bouc-émissaire » de la mauvaise
politique d’union de la gauche des vingt dernières
années ne peut être en aucune façon la politique
d'avant les 70. L'Internationale Communiste n'a jamais préconisé
cette politique avouée par le BP consistant à
privilégier « l'accord au sommet »,
à « placer le programme commun »
comme « perspective », semant ainsi
« l'illusion que le PS était décidé
à rompre avec le capitalisme », à
bloquer « l'initiative » des masses dans la
lutte contre l'offensive du capital et de ses gouvernements en
encourageant « l'attente et la passivité »
des travailleurs, auxquels cette politique a fait croire que « les
solutions viendraient d'en haut », à
« instrumentaliser les masses pour conclure un accord
au sommet avec le PS et pour soutenir celui ci ensuite ».
La vérité est que « l'illusion que le PS
était décidé à rompre avec le
capitalisme » avant de devenir celle des masses, fut
avant tout celle de la direction du PCF.
La
preuve en est que bien des militants du PCF avaient, à maintes
reprises, tiré la sonnette d'alarme sur la nature déloyale
du PS dans « l'union de la gauche ».
Evoquant
les « assises du socialisme », Guy Poussy au
XXIème Congrès du PCF, observait déjà :
« On ne peut pas mettre sur le compte d'un simple
oubli, que dans la déclaration finale, il ne soit pas fait une
seule fois référence au programme commun de
gouvernement... Comment ne pas s'étonner encore que Rocard,
Chapuis, rejoignent le PS et poursuivent leurs attaques contre le
programme commun sans que celles-ci ne reçoivent la riposte
nécessaire de la part des dirigeants socialistes? Nous sommes
d'autant plus fondés à nous inquiéter que, par
ailleurs, il est clair que l'activité du PS ne tend pas à
gagner les masses aux solutions du programme commun... Tout est
conditionné à sa propre expansion dans le but de
devenir le premier parti de France » (Cahiers du
communisme, Novembre 74 – N°II). Gustave Ansart
ajoutait « qu'en plus de vingt ans… nous avons
aidé (!) le PS à sortir de la collaboration de
classes dans laquelle il s'enfonçait (...). Le combat
politique pour gagner une large majorité à l'union de
la gauche doit être mené dans la clarté. Il
suppose... que le PS cesse de donner la priorité à sa
propre expansion et au détriment du PC au nom d'un prétendu
rééquilibrage qui s'inscrirait dans la nécessité
de rassurer une partie de l'électorat. (...) L'union de la
gauche, si elle veut être la base d'un large rassemblement
majoritaire doit... cesser d'apparaître par trop comme un
accord électoral au sommet... L'union de la gauche... doit
résoudre... certaines contradictions. Ainsi, nous avons
souvent relevé que c'est à Paris que Pierre Mauroy
tient ses propos unitaires. Mais à Lille, les propos et les
démarches du PS sont marqués de beaucoup plus de
circonspection et de discrétion. Et il en est ainsi parce que
l'alliance centriste continue d'être la règle dans la
grande municipalité dirigée par le PS. C'est le cas...
à Roubaix, à Wattrelos, à Cambrai, à
Denain. C'est une entente de fait avec les partis de la majorité
dans une assemblée qui élimine les communistes... Mais
nous sommes réalistes. Nous n'avons jamais demandé à
nos partenaires socialistes de rompre ces coalitions municipales du
jour au lendemain. Mais nous constatons que le souci de ménager
de telles alliances l'emporte trop souvent sur la nécessité
de développer l'union de la gauche » (idem).
Déclarations
confuses, mais qui ont le mérite de montrer clairement que la
politique de suivisme dans le cadre de « l'union de la
gauche » n'a pas commencé à poser problème
récemment. Dès le début, en 1974 au moins, des
militants du parti posaient déjà un diagnostic, certes
confus, des problèmes que la direction vient seulement de
prendre en compte 12 ans plus tard, en 1986. Déclarations
confuses, qui amalgament appels aux masses et électoralisme.
Juquin lui-même faisait un constat similaire quand il disait:
« Est-ce que nos partenaires socialistes et radicaux de
gauche font bien tout ce qu'il faut pour déjouer le plan
anti-programme commun de la bourgeoisie? Plus encore, n'existe- t-il
pas une série de phénomènes qui pourraient faire
croire à une convergence de fait entre les plans de la
bourgeoisie et certains desseins de nos alliés? »,
« Considérons la Dordogne, poursuit Juquin, ...
la campagne anticommuniste conduite au premier tour par le candidat
radical et par son suppléant socialiste... a été
construite sur un thème unique: si vous voulez abattre Guiéna,
ne votez pas communiste (...). Ils sont allés jusqu'à
tenter de convaincre des membres du PC, certains élus locaux,
qu'ils devaient se rallier à eux s'ils voulaient battre
Guiéna.(...) Ils ont imprimé un appel... attribuant un
caractère populaire et positif aux mesures de Giscard
d'Estaing. (...) Les faits que je cite, ajoute Juquin, ne sont
pas des détails ou des lapsus, mais semblent traduire quelque
chose de systématique et posent, en conséquence, des
questions de fond » (idem).
Il
faut croire que le BP aura fait la sourde oreille, jusqu'à ce
que les manœuvres du PS portent leur fruit, à savoir la
chute électorale du PCF au profit du PS. C'est alors, et
seulement alors, que le BP effrayé par la perte de son
électorat, se mit à observer attentivement la politique
du PS. Mais que fait aujourd'hui le BP du PCF? Il a remplacé
le « rassemblement populaire majoritaire »
autour de « l'union de la gauche » pour
le pouvoir par le « suffrage universel »
par le « rassemblement populaire majoritaire »
autour du PCF pour « prendre à la direction des
affaires du pays la place que lui accordera le suffrage universel »
en concluant « des accords entre formations politiques,
en particulier avec le PS, lorsque de tels accords s'avèreront
possibles » (projet de résolution du 26ème
Congrès du PCF). C'est dire qu'il n'y a vraiment rien de
nouveau dans la prétendue nouvelle orientation du PCF. Le BP
n'a fait que retirer le PS et maintenir le « rassemblement
populaire majoritaire » et le « suffrage
universel ».
La
conception et la pratique gouvernementale du PCF n'est pas
révolutionnaire.
L'attitude
du PCF durant le pouvoir « d'union de la gauche »
et surtout après le départ des ministres communistes,
n'a rien à voir non plus avec les recommandations de l'IC et
la ligne d'avant les années 50. Dimitrov indique: « Ainsi,
les communistes utilisant telles ou telles revendications
particulières contenues dans les plateformes des partis
sociale-démocrates eux-mêmes et les promesses faites aux
élections par les ministres social- démocrates, comme
point de départ pour des actions communes avec les
organisations et partis sociale-démocrates, les communistes
pourront ensuite plus aisément déployer la campagne
pour l'établissement du front unique, cette fois sur la base
de plusieurs autres revendications des masses en lutte contre
l'offensive du capital » (Rapport au Vllème
congrès).
Le
comité central du PCF, au contraire, déclarait le 19
juillet 1984 qu'il « va de soi que nous restons
entièrement disponibles (sic) pour favoriser et soutenir toute
mesure qui ira dans le sens des engagements pris. Et pourquoi pas, si
les conditions étaient à nouveau créées,
reprendre notre place au gouvernement pour le plus grand profit de la
nation, du monde du travail et de l'union de la gauche elle même »
(cité dans Autocritique de P. Juquin).
Il
est à noter que Juquin, dans son livre Autocritique,
d'où est tirée cette citation du CC du PCF, se réjouit
d’une telle déclaration, l'utilisant même contre
la politique actuelle du parti. En fait, la préoccupation du
CC, tout comme celle de Juquin ici, n'est pas le renversement
définitif de la bourgeoisie et de son pouvoir. On est très
loin ici d'utiliser « telles ou telles
revendications... contenues dans les plateformes des partis
sociale-démocrates... et les promesses faites aux élections...
pour ensuite... déployer la campagne... sur la base de
plusieurs autres revendications des masses en lutte contre
l'offensive du capital » tel que l'indique la ligne
d'avant les années 50.
« L'union »
n'est pas une fin en soi pour les communistes. Ils savent que
l'alliance avec les forces réformistes n'est qu'un moyen, une
étape tactique dans des conditions données. Quand une
telle question se pose pratiquement, les communistes répondent
à la question des bases et objectifs de l'alliance. L'unité
avec d'autres forces politiques est une question concrète
déterminée par la situation concrète du moment.
Il ne peut être question d'une « union »
de gouvernement se suffisant à elle-même, car c'est là
un ralliement des communistes à la social-démocratie.
C'est là la terrible tragédie qu'a connue le PCF le
long de ces dernières décennies.
C'est
ainsi que le gouvernement de coalition, avec participation de
communistes, est envisagé par G. Dimitrov élaborant au
VIIème Congrès de manière tout à
fait différente du BP du PCF: « Premièrement,
l'appareil d'Etat de la bourgeoisie est suffisamment désorganisé
et paralysé pour que la bourgeoisie ne puisse empêcher
la création d'un gouvernement de lutte contre la réaction
et le fascisme ; deuxièmement, la grande masse des
travailleurs, et particulièrement des syndicats, se dresse
énergiquement contre le fascisme et la réaction, mais
ils ne sont pas encore prêts à se soulever, afin de
lutter, sous la direction du parti communiste, pour la conquête
du pouvoir soviétique ; troisièmement, la
différenciation et l'évolution à gauche dans les
rangs de la social-démocratie et des autres partis membres du
front unique ont déjà abouti à ce résultat
qu'une partie considérable d'entre eux exige des mesures
implacables contre les fascistes et les autres réactionnaires,
lutte en commun avec les communistes contre le fascisme et intervient
ouvertement contre la fraction réactionnaire hostile au
communisme de son propre parti » (Rapport au VIIème
Congrès de l'IC).
Dimitrov
envisage donc le gouvernement de coalition avec d'autres forces, mais
le relie clairement et directement à la crise politique et au
développement d'une lutte de masse faisant que les classes
dominantes ne sont plus à même de maîtriser
l'essor du mouvement des masses. Les contestataires devant la
politique actuelle de la direction du PCF dirigée contre le PS
pour la reconquête de son influence électorale veulent
en revenir à « l'union de la gauche »
telle qu'elle a été pratiquée par le parti
communiste. Dans leur manifeste « La révolution,
camarade », ils disent « oui, la gauche
existe. Elle est une donnée ancienne de notre vie politique.
Elle s'identifie aux aspirations à la liberté, à
la démocratie, à la justice sociale, à la
transformation des réalités présentées
comme immuables par les conservateurs. En France, la gauche est
pluraliste. Le courant réformiste est le fruit du mouvement du
capital lui-même: il constitue la première réponse
aux injustices du système: il exprime la volonté
spontanée et la nécessité permanente de
l'aménager. Le courant révolutionnaire fonda son
existence et sa vitalité sur des réalités
matérielles et culturelles anciennes et toujours renouvelées.
Il s'est aussi constitué contre les abandons, les
capitulations, les limites du courant réformiste en 1914, puis
en 1958 notamment, puis dans les aventures coloniales de
l'impérialisme français. Il est aussi mortel et
fallacieux de prétendre détruire ou nier la réalité
de cette gauche pluraliste, que d'en méconnaître les
traits contradictoires fondés sur l'histoire de la réalité ».
Une
telle vision est la maladie endémique qui gangrène le
PC depuis longtemps.
Objectivement,
concevoir un pluralisme immuable de la gauche condamnée à
être unie, affirmer qu'il est « mortel et
fallacieux de prétendre le détruire »,
c'est se condamner à l’impossibilité de changer
la société. Subjectivement, c'est se situer pleinement
sur le terrain de l’opportunisme. La lutte pour l'hégémonie
du courant révolutionnaire dans le mouvement ouvrier et
populaire est la condition inévitable de la victoire des
travailleurs sur leur ennemi de classe. C'est là
où historiquement durant toutes ces décennies, le PCF a
échoué. Il s'est mis à la remorque de la
social-démocratie réformiste et à bien des
égards du social-impérialisme. Il s'est mis à
reprendre à son propre compte la politique et la propagande
social-démocrate. Cette capitulation idéologique et
politique est la base du « programme commun »
de gouvernement dont le PCF n'a cesse de faire la quête,
adoptant la position selon laquelle il ne peut y avoir prise de
pouvoir par le PCF qu'en faisant « l’union de la
gauche » avec le PS. La ligne électoraliste a
entrainé inévitablement les dirigeants à
cette conclusion défaitiste.
C'est
ce sentiment là qui fait dire à Juquin que « seul,
le PCF s'enfoncerait dans l'impuissance, laisserait le terrain libre
à la collaboration de classe, désespérerait le
monde du travail. Seul, le PS ne pourrait pas longtemps supporter les
contradictions entre les espoirs qu'il a fait naître et une
politique néolibérale, entre son ambition de
représenter le mouvement ouvrier et une direction de plus en
plus monopolisée par les énarques a coloration
bourgeoise... qui court-circuite la société civile...
La grande majorité des Français a intérêt
à une gauche diverse, équilibrée, unie »
(Autocritique).
A
une nuance près, le BP actuel du PCF ajoute à cette
position un élément, en demandant au PS de rompre avec
son orientation vers « l'alliance centriste »,
de mettre fin à son « anticommunisme »
et de revenir à une politique similaire à celle du
« programme commun ». Le projet de résolution
du 26ème congrès formule cela en disant que
« les choix des dirigeants socialistes posent un
problème nouveau à la gauche (...). La gauche a
de tout temps été pluraliste (...), de profondes
différences de nature ont existé entre le PCF et le PS.
Tirant parti des possibilités que leur offrait la
stratégie qui était alors celle du PCF et les
institutions, François Mitterrand et les dirigeants
socialistes ont utilisé l'union sur le programme commun pour
renforcer leur parti au détriment du notre, puis accéder
au pouvoir dans une position hégémonique: lls ont alors
appliqué une politique de droite dans des conditions qui leur
ont permis de changer de stratégie tout en préservant
leur base électorale ». C'est donc que le PS a
utilisé l'union pour arriver de façon « hégémonique »
au pouvoir tout en préservant sa base électorale.
Telles étaient les vraies raisons pour lesquelles il y a eu
tant d'entorses signalées plus haut dans les citations
d'intervenants au XXIème congrès du PCF, à
la loyauté de la part du PS à « l'union de
la gauche ». Bien avant le pouvoir de « gauche »
il était clair pour qui voulait le voir que « l'union
de la gauche » était une manœuvre
social-démocrate comme il y en a eu maintes fois dans
l'histoire.
Pour
le BP, il s'agit aujourd'hui de pousser à la base les
dirigeants socialistes à la rupture avec ses « choix
de classe... communs aux dirigeants du PS, du RPR et de l'UDF ».
Et le BP du PCF d'ajouter que « cela ne signifie pas
que cette situation est sans issue, définitive... car quels
que soient les choix politiques de ses dirigeants, l'immense majorité
de celles et ceux qui lui font confiance se réclament des
idéaux de gauche et sont directement frappés par la
politique du grand capital. (...) Nous nous adressons aux électeurs
et militants socialistes. Nous les appelons à agir avec nous
pour ouvrir la voie à une union nouvelle pour le changement »
(Résolution du 26ème Congrès). Il
s'agit d'obliger les dirigeants socialistes à l'union avec le
PCF et, en dépit des « choix politiques »
libéraux du PS, le BP n'est même pas gêné
de supplier encore : « nous sommes désireux
de continuer à gérer ensemble, dans l'intérêt
des populations, les collectivités locales où existe
une majorité de gauche ». L'on voit là
l'essence de la politique du BP du PCF de ces dernières
décennies, qu’il a pourtant identifié la base de
la faillite. « L'union de la gauche »
décidément marque de façon indélébile
la prétendue « nouvelle politique pour le
changement » du BP. Mais cette politique et ce débat
sont-ils vraiment nouveaux? N’y a-t-il que ces deux politiques,
celle de Juquin et celle mise en avant actuellement par G. Marchais ?
Ou y en a-t-il une autre?
La
ligne tactique du VIIème Congrès du
Komintern et l'opportunisme de droite.
Il
existe deux conceptions erronées du VIIème
Congrès ; celle du PCF et de ses avortons du genre
Juquin, et celle des gauchiste trotskiste reprise par la bourgeoisie.
La conception des dirigeants du PCF est une interprétation
droitière des tactiques formulées au VIIème
Congrès par le Komintern dans les conditions de la lutte
antifasciste. Le BP a érigé en stratégie valable
pour tous les temps et toutes les conditions ce qui était
conçu comme une tactique particulière dans une
situation donnée.
Nous
nous permettons de citer ici un passage intéressant de la
brochure du camarade Alain R. Stover intitulé La défaite
du fascisme, dans lequel il expose et commente la ligne du VIIème
Congrès par opposition à une telle déviation de
droite :
« Je
concentre mon tir principalement contre les théories
trotskistes et semi-trotskistes au sujet du Komintern et du VIIème
Congrès Mondial parce qu'elles constituent les théories
mises en avant par la bourgeoisie, que ce soit sous la forme de
conceptions ouvertement trotskistes ou de celles d'intellectuels
universitaires à propos de l'Union Soviétique, de son
nationalisme, de son patriotisme, etc. qui l'auraient amené à
abandonner la révolution en Europe. Il existe cependant une
autre conception du VIIème Congrès Mondial,
soit celle mise aujourd'hui en avant par l'Union Soviétique.
Celle-ci est souvent utilisée pour justifier la conception
trotskiste. Dimitrov a clairement déclaré au VIIème
Congrès Mondial que le Komintern procédait à un
changement de tactique et non à un changement de but, des
objectifs ou de la stratégie. Mais dans l'histoire
révisionniste du Komintern, on affirme que ce n'était
pas seulement un changement de tactiques mais le développement
d'une nouvelle ligne stratégique qui tenait compte de la
nouvelle disposition des forces de classe en Europe.
Fondamentalement,
ils ont tenté de justifier le fait que les tactiques mises en
avant pour la défaite du fascisme devaient s'appliquer dans
toutes les circonstances, dans tous les pays face à la
question de l'indépendance nationale, dans l'attitude à
adopter dans la lutte contre ou pour la démocratie bourgeoise.
Plutôt
que de considérer cette question comme une question tactique,
ils l'ont élevée à un niveau stratégique
où on lutte toujours pour la démocratie bourgeoise,
pour l'indépendance nationale et pour un gouvernement de
transition au socialisme du type d'un gouvernement de front populaire
en d'autres mots, pour les alliances de classes, etc. En fait, les
révisionnistes transforment ce qui était considéré
à une époque comme une tactique en une conception
social-démocrate de participation à des gouvernements
de coalition avec la bourgeoisie en toutes circonstances, dans
l'objectif d'une quelconque transition pacifique vers le socialisme,
par le biais de réformes qui devraient mener on ne sait trop
comment au socialisme.
Si
l'on examine l'histoire des partis communistes des trente dernières
années, on se rend compte que cela fut leur principale ligne
stratégique. Ils cherchent soit à participer à
des gouvernements de coalition, soit à persuader la
bourgeoisie de les accepter dans de tels gouvernements même si
la bourgeoisie n'y a aucun intérêt. Ils abordent le
VIIème Congrès du Komintern de la façon
suivante :
« Le VIIème
Congrès a développé la politique des partis
communistes sur le parlementarisme dans les conditions de la lutte
démocratique en général. Le développement
d'une politique de front populaire, et plus particulièrement
la question d'un gouvernement de front populaire en tant que forme de
transition possible à la dictature du prolétariat,
constituait un développement des enseignements de Lénine
sur les voies de la révolution socialiste, sur la façon
de combiner la lutte pour la démocratie avec la lutte pour le
socialisme, et sur l'alliance de la classe ouvrière avec
d'autres couches du peuple travailleur. L'effort collectif de
plusieurs partis communistes a permis d'en arriver à
d'importantes conclusions doctrinales sur ces questions. Les
développements des enseignements de Lénine sur
l'interdépendance entre la lutte pour la démocratie et
la lutte pour le socialisme prenaient en considération le fait
que le processus révolutionnaire dans les pays capitalistes ne
dépasserait pas dans l'immédiat l'étape de la
lutte démocratique antifasciste. Cette voie ne signifiait en
aucune façon que les objectifs socialistes étaient mis
à l'écart. Au contraire, le front unique des ouvriers
et le front populaire entraînaient les larges masses dans la
lutte contre le fascisme et pour la victoire de la nouvelle
démocratie, préparant ainsi les pré-conditions
pour la révolution socialiste. Telle est l'essence et la
substance de la politique du front populaire. La nouvelle orientation
ouvre de nouvelles perspectives au mouvement vers la révolution
socialiste » (Georges Dimitrov, L'offensive du fascisme et
les taches de l'Internationale Communiste dans la lutte pour l'unité
de la classe ouvrière contre le fascisme).
Certaines
personnes, qui critiquent le Komintern, considèrent ce genre
de propos comme du révisionnisme. Mais nous devons
examiner ce qui a été dit au VIIème Congrès
sur cette question et qui s'avère fort différent de ce
que les révisionnistes prétendent. Lorsque Dimitrov
aborde la question de front uni, il déclare:
« Je ne parle pas ici
du gouvernement qui peut être formé après la
victoire de la révolution prolétarienne. Evidemment, la
possibilité n'est pas exclue que dans un pays, aussitôt
après le renversement révolutionnaire de la
bourgeoisie, un gouvernement soviétique puisse être
formé sur la base d'un bloc gouvernemental composé du
parti communiste et de tel autre parti (ou de son aile gauche) qui
participe à la révolution. On sait qu'après la
Révolution d'Octobre, le parti vainqueur des bolchéviks
russes a fait entrer dans le gouvernement soviétique les
représentants des socialistes-révolutionnaires de
gauche. C'est là un trait particulier du premier gouvernement
soviétique qui suivit la révolution d'Octobre. Ce n'est
pas lui que j'ai en vue, mais la formation possible d'un gouvernement
de front unique à la veille et avant la victoire de la
révolution soviétique. Qu'est-ce que ce gouvernement?
Et dans quelle situation peut-il en être question? C'est avant
tout un gouvernement de lutte contre le fascisme et la réaction.
Ce doit être un gouvernement formé à l'issue du
mouvement de front unique et ne limitant, en aucune manière,
l'activité du parti communiste et des organisations de masse
de la classe ouvrière, mais au contraire, prenant des
dispositions énergiques dirigées contre les magnats
contre-révolutionnaires de la finance et leurs agents
fascistes » (Dimitrov).
Dimitrov
précise clairement que le Komintern considérait cette
question comme une question tactique liée à certaines
conditions et non d'un changement permanent de la ligne stratégique
comme le prétendent aujourd'hui les révisionnistes. Au
VIIème Congrès Mondial, Dimitrov a combattu
à la fois les déviations de « gauche »
et de droite sur cette question, les mêmes déviations de
« gauche » et de droite contre lesquelles nous
luttons aujourd'hui. Dimitrov poursuit:
« Le fait que nous
mettions aujourd'hui cette question à l'étude est
évidemment lié à notre appréciation de la
situation et des possibilités immédiates de
développement, ainsi qu'à l'essor réel du
mouvement de front unique dans plusieurs pays ces derniers temps.
Pendant plus de dix années, la situation dans les pays
capitalistes était telle que l'Internationale Communiste
n'avait pas à examiner des problèmes de ce genre. Vous
vous rappelez, camarades, qu'à notre IVème
Congrès, tenu en 1922, puis au Vème Congrès,
en 1924, nous avons étudié le mot d'ordre du
gouvernement ouvrier ou ouvrier-paysan. Et il s'agissait au début,
quant au fond, d'une question presque analogue à celle que
nous posons aujourd'hui. Les débats qui s'engagèrent
alors dans l'Internationale Communiste autour de cette question et
surtout les fautes politiques commises dans ce domaine ont maintenant
encore de l'importance: elles nous encouragent à renforcer
notre vigilance contre le danger de déviation à droite
ou « à gauche » de la ligne bolchevik
dans cette question. C'est pourquoi je signalerai brièvement
certaines de ces fautes, afin d'en tirer les enseignements
nécessaires pour la politique actuelle de nos partis. La
première série de fautes était conditionnée
précisément par le fait que la question du gouvernement
ouvrier n'était pas reliée clairement et solidement à
l'existence d'une crise politique. Grâce à cette
circonstance, les opportunistes de droite pouvaient interpréter
les choses de façon à faire croire qu’il convient
de viser à la formation d'un gouvernement ouvrier soutenu par
le parti communiste, dans n'importe quelle situation dite
« normale ». Les ultragauches au contraire, ne
reconnaissaient que le gouvernement ouvrier issu d'une insurrection
armée, qui ait renversé la bourgeoisie. L'un et l'autre
point de vue étaient faux et c'est pourquoi, afin d'éviter
la répétition de pareilles erreurs, nous mettons
aujourd'hui si fortement l'accent sur la nécessité de
tenir compte avec grand soin des conditions concrètes
particulières de la crise politique et de l'essor du mouvement
de masse où la création d'un gouvernement de front
unique peut s'avérer possible et politiquement indispensable.
La deuxième série de fautes était conditionnée
par le fait que la question du mouvement ouvrier n’était
pas liée au développement d'un vaste mouvement combatif
de front unique du prolétariat. C'est pourquoi les
opportunistes de droite avaient la possibilité de déformer
la question en la ramenant à la tactique sans principe de
blocage avec les partis sociale-démocrates sur la base de
combinaisons purement parlementaires. Les ultragauches au contraire,
clamaient « Aucune coalition avec la social-démocratie
contre-révolutionnaire » considérant, dans
le fond, tous les social- démocrates comme des
contre-révolutionnaires » (Dimitrov).
Puis
Dimitrov polémique contre la conception prônant l'unité
avec la social-démocratie au gouvernement, en soulignant qu'il
existe deux camps différents de la social-démocratie;
le camp réactionnaire de la social-démocratie, aux
côtés duquel se tient un camp en développement de
sociale-démocrates de gauche. Il doit être bien compris
que, dans la période de front uni, ce ne sont pas les
communistes qui se sont ralliés aux conceptions
sociale-démocrates. C'est la social-démocratie, du
moins une section de la social-démocratie et non sa majorité,
qui a adopté le point de vue communiste. Une importante
section de l'aile gauche de la social-démocratie s'est ralliée
à la classe ouvrière, au front populaire contre le
fascisme, et cela contre les désirs et la volonté de la
direction de la IIème Internationale. C'est avec ce
type de social-démocratie que Dimitrov évoque la
possibilité de former un gouvernement de front uni. Par la
suite, Dimitrov critique les conceptions opportunistes de droite et
de « gauche » sur cette question.
« Les doctrinaires « de
gauche » ont toujours évité cette indication
de Lénine, propagandistes bornés. Ils ne parlaient que
du « but » sans jamais se préoccuper
des « formes de transition ». Quant aux
opportunistes de droite, ils tentaient d'établir un « stade
intermédiaire démocratique » particulier
entre la dictature de la bourgeoisie et la dictature du prolétariat,
dans le but de répandre parmi les ouvriers l'illusion d'une
paisible promenade parlementaire d'une dictature à l'autre. Ce
« stade intermédiaire » fictif, ils
l'intitulaient aussi « forme transitoire » et
se référaient même à Lénine !
Mais il n'était pas difficile de dévoiler cette
filouterie, car Lénine parlait d’une forme pour passer à
« la révolution prolétarienne »
et l'aborder, c’est-à-dire pour passer au renversement
de la dictature bourgeoise, et non pas d'on ne sait quelle forme
transitoire entre la dictature bourgeoise et la dictature
prolétarienne » (Dimitrov).
Toutefois,
l'Histoire nous a montré que nous n'avions pas vu la fin de
telles déformations. Les révisionnistes l'ont fait dans
leur version de l'histoire du Komintern et de telles déformations
sont communes chez eux. Pour Mao, c'était la Démocratie
nouvelle en tant qu'étape: Ce fut aussi le cri de ralliement
des titistes et c'est la conception de base des révisionnistes
modernes. Et bien entendu, tous les trotskistes, autant anciens que
modernes, pointent ces positions du doigt pour justifier leurs
conceptions
ultragauchistes »
(Alain R. Stover, La
défaite du fascisme).
La
« société » est-elle responsable
de ce qui arrive?
A
la base des arguments du BP pour justifier la faillite de sa
politique d'union menée jusqu'à et sa soi-disant
« réorientation », il y a la théorie
du « glissement à droite de la société ».
Le projet de résolution du 26ème congrès
affirme : « Depuis 1981, la conscience de classe,
les idées et les valeurs de progrès ont reculé.
La politique d'austérité, de plus en plus vécue
comme intolérable, est massivement considérée
comme inévitable. Pour des millions de gens, la perspective
d'un changement de politique s'est obscurcie. L'origine de ce
glissement à droite est politique. A partir de 1982, François
Mitterrand et les dirigeants socialistes ont méthodiquement
appliqué aux forces populaires une véritable pédagogie
du renoncement au changement de société en expliquant
que leur politique s'imposait et que les transformations promises et
attendues n'étaient pas possibles. Sur ce fond de déception
et de résignation, les idées de la droite et de
l'extrême droite ont pu d'autant mieux progresser. La
recomposition politique et idéologique que le RPR, I'UDF et le
PS s'efforcent maintenant de réussir est rendue possible par
ce glissement à droite déjà obtenu ».
Cette
tentative du BP de trouver une explication « théorique »
à l'état piteux dans lequel le mouvement ouvrier a été
placé par le joug du réformisme est contestée
par ce que d'aucuns nomment les « rénovateurs ».
Ces derniers dans leur quête « d'union de la gauche
ancienne formule », justifient ainsi l'attitude du PS par
les soins de leur présidentiable Juquin : « Le
président en a jugé autrement. Je ne pense pas que son
évolution puisse être qualifiée de virage ou de
dérive social-démocrate (sic). De plus en plus,
il a réagi aux difficultés critiques d'application des
politiques classiques d'inspiration social-démocrate, non en
cherchant à les dépasser dans le sens d'un socialisme
rénovateur (?), mais en laissant le gouvernement
devenir une espèce de succursale du néo- libéralisme »
(Autocritique).
En
un mot, malgré la politique ouvertement anti-ouvrière
du PS, cela ne peut empêcher « l'union ».
Le BP saisit au bond ce point de vue droitier pour situer
exclusivement la responsabilité du « glissement à
droite » sur le PS. Mais une question se pose :
l'abandon du sigle (le marteau et la faucille), de la dictature du
prolétariat, de la voie de la révolution au profit d’un
électoralisme tous azimut, de la lutte pour un soi-disant
« socialisme à la française », du
soutien à la lutte des peuples colonisés par « son »
pays tels les « DOM-TOM », etc. par le PCF
n'a-t-il rien à voir avec le fameux « glissement à
droite » dont on nous parle si abondamment?
A-t-on
vraiment vu la fin des déviations de la ligne tactique du
VIIème congrès du Komintern dont parlait le
camarade G. Dimitrov? Comment se fait-il que des gens comme Juquin
aient pu rester si longtemps des dirigeants porte-paroles du parti
tout en défendant des positions selon lesquelles « dans
les pays capitalistes développés existent des poches de
misère insupportables... mais pour la plupart de leurs
habitants, les grands besoins élémentaires sont
couverts. Dans plusieurs pays, comme la Suède ou la France,
les salariés ont des avantages inconnus dans les pays
socialistes: durée des congés, possibilités de
voyages, qualité du logement, niveau de la retraite... La
plupart des chômeurs ne meure plus de faim. Les problèmes
qui se posent à eux sont plutôt la sécurité,
l'accès à une meilleure qualité de vie, le
respect de la dignité, l'autonomie, le développement
personnel. Le problème du socialisme ne se réduit pas à
une productivité plus grande et une répartition plus
équitable. La question de la liberté sera probablement
un enjeu mondial majeur du XXIème
siècle » (Autocritique).
Il
faut croire que nous ne vivons pas dans le même monde que
Juquin. La crise et ses conséquences sont les meilleurs
démentis aux allégations apologétiques de
« son » pays. Mais la relative hausse du niveau
de vie dans « son » pays est le résultat
du pillage éhonté et de la surexploitation des peuples
opprimés par « son » pays impérialiste.
C'est ce profit maximum tiré du sang et de la chair des
travailleurs de l'empire colonial et semi-colonial français
qui permet la corruption d'une partie des ouvriers aristocrates et de
la petite bourgeoisie du pays.
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