Née
NOMZAMO WINIFRED ZANYANYIWE MADIKIZELA, la « Mama de la
Nation » comme l'appelle affectueusement la jeunesse
sud-africaine, est décédée à 81 ans ce 2
avril 2018.
Winnie
MANDELA est une des trois symboles féminines de la forme
particulière de la lutte de libération nationale qu'est
le combat anti-apartheid avec Myriam MAKEBA (nom complet Zenzile
Makeba Qgwashu Nguvama) décédée le 9 novembre
2008 et Dulcie Evonne SEPTEMBER, représentatne de l'ANC
assassinée en toute impunité à Paris le 29 mars
1988.
Elle
fut tout le long du combat anti-apartheid, non seulement l'épouse
de Nelson Mandela emprisonné, mais une militante dirigeante de
l'ANC qui fut harcelée, brutalisée, violentée,
emprisonnée à trois reprises avec de longues périodes
d’isolement total, torturée, bannie, espionnée.
L'objectif
de cet acharnement répressif du pouvoir raciste contre elle
était notamment de faire flancher son époux, mais c'est
justement sa résistance et celle de la force montante de l'ANC
et du Parti Communiste sud-africain qui faire connaître Nelson
Mandela comme « le plus célèbre prisonnier
politique du monde ».
En
tant que militante responsable, Winnie Mandela va développer
sa propre opinion critique sur les concessions dans les négociations
qui vont aboutir à la suppression de l'apartheid politique
avec l'adoption du principe un humain = une voix et l'exercice du
pouvoir par l'ANC. Sans jamais rompre avec l'ANC, elle a exercé
son droit militant à la critique en exposant clairement ses
divergences avec Nelson Mandela et la direction de l'ANC. C'est cela
qui est à l'origine de la « mauvaise presse »
qui lui est fabriquée les médias impérialistes
et des néocolonies, notamment en Afrique. Mais voyez vous même
ce qu'elle en dit dans son interview par le journal Jeune Afrique du
27 septembre 2017 :
-
sur ses divergences avec Mandela: « Mandela et moi
avons eu de nombreux désaccords. Dès le départ,
lui et ses proches ont commis des erreurs dans les négociations
avec le pouvoir blanc, dont nous payons aujourd’hui le prix.
Par exemple, le problème des terres. Au nom de quoi
devrions-nous payer pour racheter ce qui nous a été
arraché par la force ? Et avec quel argent ? Le
capital reste entre les mains de la minorité blanche. Rien n’a
changé. Autre erreur, l’élection du Parlement au
scrutin proportionnel, dans l’unique but de garantir une
représentation à cette même minorité.
C’est un système pervers qui ne permet pas au peuple de
contrôler ses élus, mais qui permet à ces
derniers d’agir en toute impunité. Nous devons changer
la Constitution. »
-
sur Mugabé, cet autre pestiféré pour avoir osé
redistribuer les terres aux paysans noirs du Zimbabwe parce que
toutes les promesses des parrains impérialistes (Angleterre,
USA, etc) se révélaient être des mensonges:
« Écoutez, à l’époque de
l’apartheid, alors que nous luttions contre un appareil
répressif raciste, vicieux, meurtrier, Robert Mugabe et la
Zanu-PF ont été parmi les rares à nous offrir
aide et protection, alors que les Occidentaux qui les vilipendent
aujourd’hui collaboraient avec le régime blanc. Robert
Mugabe est un vieil ami, et vous ne m’entendrez pas dire du mal
de lui. Je me l’interdis. Cela vaut aussi pour Mouammar
Kadhafi, et pour tous ceux qui nous ont aidés. »
-
sur la corruption de dirigeants de l'ANC à l'épreuve du
pouvoir : « Qui peut nier que l’ANC connaît
de sérieux problèmes en ce moment ? Il n’a
jamais été aussi affaibli, aussi attaqué, aussi
critiqué. Nous vivons l’une des périodes les plus
sombres de l’histoire de notre parti. L’ANC n’est
pas parvenu à réussir sa mue, du mouvement de
libération qu’il fut, avec tous ses rêves, en
parti de gouvernement. Les politiques définies sont les
bonnes, mais nous sommes incapables de les mettre en œuvre.
Chaque semaine, tel ou tel de nos leaders fait l’objet
d’accusations, souvent fondées, de corruption. La
corruption, c’est le maillon faible de l’ANC, et nos
militants de base paient le prix de la mauvaise réputation de
leurs chefs. Nous en sommes arrivés au point où l’on
exige la démission de notre président pour faits de
corruption. Notre Constitution, hélas, ne permet pas au peuple
de se débarrasser de ce type d’individus dès lors
qu’ils sortent du droit chemin. C’est tragique. »
-
sur les accusations de corruption du président Jacob Zuma:
"L’opposition évoque 783 chefs
d’inculpation pour corruption, mais il ne peut être
poursuivi tant qu’il est président en exercice. Il les
réfute, et pour ma part je n’en sais que ce qu’en
disent les médias. Cela dit, tous les responsables dont la
corruption est de notoriété publique doivent se
préparer à affronter les tribunaux un jour ou l’autre,
que les accusations soient fondées ou non. Une chose est
claire : il est plus que temps de changer de leadership si
nous voulons continuer à gouverner ce pays. L’ANC a
besoin de sang nouveau pour mener l’Afrique du Sud sur le
chemin de la liberté. »
-
sur la vision de la corruption en Afrique véhiculée par
les impérailistes occidentaux: « Non. Je ne
partage pas cette analyse. C’est ainsi que les Occidentaux nous
voient, mais ils ont tort. Ce dont nous avons besoin, c’est
d’une nouvelle définition de la démocratie pour
l’Afrique, laquelle doit inclure la nécessité
pour nos dirigeants de quitter le pouvoir quand le moment est venu.
Le fait de s'accrocher au pouvoir au-delà du raisonnable est
l'une des faiblesses de notre continent. La démocratie, c’est
le gouvernement du peuple, par le peuple, pour le peuple, et la
possibilité d’une régénération et
d’une transfusion régulières. Cela n’a rien
à voir avec une quelconque maladie infantile dont seraient
atteints les mouvements de libération. »
-
sur le concept de « nation arc-en-ciel » :
« Non. D’abord parce que les couleurs de
l’arc-en-ciel ne se mélangent pas et qu’il
n’existe parmi elles ni la couleur noire ni la blanche. La
comparaison n’a donc pas de sens. Ensuite parce qu’il
s’agit depuis le début d’un mythe total auquel les
dirigeants de l’époque ont voulu nous faire croire.
C’était un vœu pieux qui n’a jamais
correspondu à la moindre réalité. La
réconciliation n’a été qu’une
façade ; nous ne sommes pas libres car nous n’avons
pas la liberté économique. Par ailleurs, nos
gouvernants n’ont jamais eu le courage d’affronter la
question du racisme. Or les incidents où les Noirs sont
traités comme des esclaves, comme des animaux, avec des
insultes comme 'singes' ou 'négros' se multiplient.
J’ai parfois l’impression que nous sommes en train de
revenir à l’époque de l’apartheid, c’est
extrêmement inquiétant. Il faut impérativement
revisiter notre passé et corriger nos erreurs. L’ANC
doit retrouver sa gloire et son éclat d’antan, sinon
nous courons à la catastrophe. Mon seul regret est d’être
obligée de continuer le combat; l’Afrique du Sud de
Mandela a toujours été une fiction, je vis là où
Nelson m’a laissée en 1961. »
-
sur le « pardon » et les travaux de la
« commission vérité et réconciliation »:
« Je crois, oui. On ne peut pas continuer à
vivre si l’on n’a pas, dans une certaine mesure, pardonné
à ceux qui nous ont fait tant de mal, à nous et à
notre peuple. Dans le cas contraire, je n’aurais tout
simplement pas survécu et je ne vois pas comment je pourrais
apprendre à mes petits-enfants à vivre dans un monde
normal. Mais ce pardon est un combat de tous les instants, sans cesse
renouvelé. Chaque fois que j’ouvre un journal et que je
lis, par exemple, qu’un fermier blanc a abattu un enfant noir
de 7 ans qui courait dans son champ, avant de s’expliquer
en disant qu’il l’avait confondu avec un babouin, ou que
deux autres fermiers ont enfermé un ouvrier noir dans un
cercueil pour le punir, mon pardon est mis à rude épreuve.
À en juger par la multiplication des incidents raciaux, je me
demande quelle a été son utilité. Je vis à
Soweto, un township créé par le régime
d’apartheid pour parquer les Noirs. Un quart de siècle
après l’abolition de l’apartheid, il n’y a
toujours pas un seul Blanc à Soweto. Les seuls que nous voyons
sont des touristes. Où est le changement ? Pour vous
rencontrer dans un endroit décent, je suis obligée de
quitter le ghetto où je vis. J’aurais pu déménager,
c’est vrai, pour habiter dans un quartier blanc. Mais j’ai
décidé de rester à Soweto en tant que conscience
de mon peuple, pour partager sa vie et son environnement. Sous bien
des aspects, l’Afrique du Sud d’aujourd’hui reste
le domaine de la minorité blanche. »
-
sur le sens de son combat post-apartheid politique : « Absolument.
Me battre pour la libération de mon peuple a été
et reste pour moi une source puissante de bonheur. Il n’y a
aucune cause supérieure à celle-là. Mon seul
regret est d’être obligée de continuer ce combat.
L’Afrique du Sud de Mandela a toujours été une
fiction. Je vis là où Nelson m’a laissée,
un jour de 1961, alors que si les mots de réconciliation et
d’intégration avaient le moindre contenu ici, en Afrique
du Sud, Soweto n’existerait plus. Pour le reste, je n’ai
aucun remords. Je vivrais cent fois la même vie s’il le
fallait. »
Winnie
qui a toujours vécu dans le bidonville de Soweto livre ici ce
qu'on peut considérer comme son testament politique dont la
simple lecture démasque tous les mensonges ouverts ou
insidieux distillés par les médiamensonges pour la
salir. Honte à cette forfaiture diffamante.
Les
damnés de la terre des townships, les paysans sans terre, les
ouvriers exploités à l'instar des victimes du massacre
de Marikana, les femmes du mouvement national, les discriminés
qui subissent l'apartheid économique et social de la minorité
blanche, les démocrates anti-racistes blancs, les communistes
pleurent la « Mama de la nation » et vont
devoir s'attaquer à la seconde étape de la libération
nationale qui est celle de la suppression de l'apartheid économique
et social après avoir obtenu la suppression de l'apartheid
politique. C'est avant tout cela le message laissé par Winnie
NOMZAMO WINIFRED ZANYANYIWE MADIKIZELA.
Lors
d'un 1er mai 1997 à Bruxelles, nous avions rencontré
Winnie, invitée d'honneur de la Fête du PTB à
l'ULB de Bruxelles et lui avions remis notre brochure du CHB
« Contribution à l'Histoire du PCF Tome 1 »,
qui venait juste de sortir. MOMENT DE SOLIDARITE INTERNATIONALISTE
INOUBLIABLE !
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