Les
révoltes du peuple iranien contre la baisse de leur pouvoir
d’achat, notamment liées au maintien de l’embargo
impérialiste qui pèse sur le pays, de même que
les manifestations qui ont agité le Venezuela il y a quelques
semaines, paralysé par des lock out patronaux destinés
à faire plier ce qu’on appelle ici avec dédain le
« régime » chaviste, ont rempli les
colonnes de notre presse aux ordres, toujours sensible comme on sait
aux restrictions et contraintes subies par les peuples du sud.
En Tunisie, des
« événements » visiblement bien
différents ! Pour preuve nos relais médiatiques
qui insistent, comme c’est bizarre, sur les « casseurs »,
le « vandalisme », les craintes de la jeune
« démocratie » tunisienne face aux
« émeutes »… On entend un air
déjà bien connu, qui nous était servi l’année
dernière quand nous luttions contre la loi travail et ses
conséquences.
Depuis
les révoltes populaires de 2011 qui ont réussi à
chasser le dictateur Ben Ali, dictateur valet
des impérialistes français, des américains,
bradant la sueur de son peuple au plus offrant, rien n’a
vraiment changé. D’abord un pouvoir islamiste qui a
brisé l’élan populaire tout en poursuivant les
politiques de bradage dictées par l’UE (la
France impérialiste en première ligne) et les
USA. Puis un retour par la voie des urnes (verrouillées) d’un
front néoRCDiste recyclant les crapules corrompues d’avant
2011, avec bien sûr -c’est bien ce qui compte pour
Macron, Merkel ou Trump- une continuité dans la politique
économique libérale et néocoloniale :
explosion du chômage et du travail hyperprécaire
(essentiellement des multinationales étrangères
profitant de l’absence d’une véritable législation
sur le droit du travail), privatisations massives, inflation
galopante, s’exerçant sur un peuple exsangue au pouvoir
d’achat à la limite de la rupture.
A
ce stade, la moindre hausse des prix fait immédiatement monter
la colère.
Le
gouvernement actuel est dominé par ce front
bourgeois néocolonial corrompu Nidaa Tounes, qui
s’est fait élire en s’appuyant sur la disgrâce
totale des islamistes Ennahdha aux manettes ces dernières
années. Mais il n’est au final qu’un recyclage des
vieilles méthodes autocratiques libérales benalistes,
qui avait assuré une transition post-Bourguiba aux apparences
démocratiques avant de répéter le même
modèle dictatorial néocolonial téléguidé
par l’extérieur. Mieux : il est composé pour
partie de ministres islamistes sous la forme d’un
gouvernement « d’unité nationale ».
C’est une alliance au pouvoir de faux-frères ennemis
représentant des intérêts impérialistes
plus ou moins rivaux au sein de la bourgeoisie antinationale vendue.
Sa
politique est donc logiquement dictée par les impératifs
de Bruxelles, Washington, du FMI et de la Banque Mondiale. On prévoit
bientôt de privatiser Tunisair, le STEG (EDF GDF
tunisien), l’Office du blé et des semences… après
tant d’autres déjà effectuées. Pire, il
est déjà acté, mais pas encore entré en
vigueur, que les subventions étatiques sur les
produits de première nécessité seront
prochainement supprimées … le prix des médicaments
a déjà subi des hausses, dans un pays sans sécurité
sociale, rappelons-le.
Deux
intérêts se font face désormais : d’une
part un mouvement essentiellement partisan et syndical parti de mots
d’ordre plutôt estudiantins et citadins, intitulé
« Fech nastannou » (Qu’est qu’on
attend ?), suivi par des révoltes populaires plus ou
moins spontanées, partant de Gasserine, Sidi Bouzid, les
villes historiques des luttes de classe en Tunisie, dans les régions
les plus déshéritées. D’autre part un
gouvernement pro-impérialiste qui profite du contexte (le vote
au Parlement d’une hausse de la TVA, l’impôt le
plus injuste qui soit) pour tenter, par la surmédiatisation
d’actes de vandalisme inévitables, de discréditer
les forces de l’opposition parlementaire (en particulier le
Front Populaire) en cette période cruciale qui précède
les législatives 2018.
Au
dessus des révoltes légitimes du peuple tunisien se
trament donc des enjeux électoralistes où, par le
discrédit médiatique, la bourgeoisie vendue fait
pression pour pousser la gauche à concéder toujours
davantage (le contexte de la « lutte contre le
terrorisme » avait largement préparé le
terrain sur ce plan), pendant que l’UGTT, grand syndicat
historique, pousse le pouvoir à stopper sa politique
antisosiale avec une première grande manifestation le 14
janvier.
La
révolte populaire spontanée contre la misère
croissante provoquée par les politiques libérales
néocoloniales montre le caractère inachevé du
« printemps arabe » qui fut tant médiatisé
par les médias impérialistes et récupéré
par les forces organisées appuyées par les
impérialistes que sont le benalisme sans Ben Ali et
l'islamisme politique qui cohabitent aujourd'hui au pouvoir en
Tunisie.
La
colère populaire qui se manifeste actuellement en Tunisie pose
la question de l'alternative anti-libérale, patriotique,
anti-impérialiste et révolutionnaire au libéralisme
islamo-benaliste. C'est tout l’enjeu pour les forces de la
gauche révolutionnaire et communiste.
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