Le
piège mis en place depuis des mois par Hollande s’est
refermé, réussissant à imposer son poulain
centriste libéral – Macron – pour donner un nouvel
élan à une social-démocratie libérale
eurocrate. Propulsé par les médias, Macron était
d’abord une carte possible parmi d’autres pour les
capitalistes et les tenants du système, mais quand Fillon est
apparu complètement carbonisé par le scandale de
l’emploi fictif de son épouse, Macron était
devenu LE candidat, avec en face la fasciste Le Pen dans le rôle
de l’épouvantail utile.
Confrontées
à la crise de son système d'alternance
« droite-gauche », les classes dirigeantes
savent que parfois, « il faut que tout change pour que
rien ne change ». Macron et son mouvement « En
Marche ! » en est le prototype.
A
gauche, Hamon et le PS ont joué leur rôle visant d’abord
à briser la dynamique populaire autour de la candidature de
Jean-Luc Mélenchon puis, face à l’impossibilité
de briser cet élan, à l’amoindrir en bloquant des
voix de gauche qui ont manqué à Mélenchon pour
atteindre le second tour.
Le
très beau score de Jean-Luc Mélenchon
Malgré
toutes ces embûches, le score de Jean-Luc Mélenchon est
inédit pour un candidat exprimant la résistance sociale
et politique au libéralisme eurocrate. 19,6% !
Plus de 7 millions de voix !
C’est-à-dire plus de 3 millions de voix supplémentaires
par rapport à 2012 ! A moins de 2 points de la
qualification pour le 2ème tour ! Dans nombre de villes
populaires, le score est même bien supérieur et
Mélenchon est en tête, ainsi que dans 67
circonscriptions législatives du pays, ce qui ouvre des
possibilités inédites lors des élections des
députés à venir pour faire entrer les voix de la
Résistance au Parlement (pour peu qu’il y ait l’unité
entre tous les partisans de Mélenchon, c’est-à-dire
notamment entre FdG/PCF et FI). Notre camp antilibéral,
antifasciste et antiguerre a manifestement nettement percé
dans les couches populaires, ce qui constitue une avancée
précieuse pour la politisation de nos luttes. Jean-Luc
Mélenchon est objectivement le candidat du peuple dans ce
scrutin, et inscrit enfin un espoir des exploités qu’il
faut maintenant consolider.
Bien
sûr, il y a la déception de beaucoup de se retrouver
face à un duel Macron-Le Pen dans lequel nous
sommes et serons perdants-perdants,
comme nous l’avons dit dans un tract diffusé avant le
premier tour.
Mais
il faut distinguer la victoire de Macron, qui est en fait la
continuité de l’ordre capitaliste existant, sous une de
ses formes « démocratique », et la
victoire de Le Pen, qui signifierait une seconde défaite en
nous précipitant vers le fascisme, c’est-à-dire
l’ordre capitaliste sous sa forme ouvertement et légalement
anti-démocratique (quand bien même ce fascisme se
présenterait, dans un premier temps, sous un visage
« respectable » et procéderait par étape
en implantant durablement ses
pions dans l’appareil d’Etat).
Macron
/ Le Pen : même danger ?
Macron,
c’est le ministre de Hollande qui a ouvert la porte à la
loi El Khomri, qui a cassé un grand nombre de règles
protectrices de professions règlementées pour plus de
libéralisme, c’est le pacte de responsabilité et
le CICE pour enrichir encore plus les patrons et les actionnaires
sans exiger aucune contre-partie en termes d’emplois. Les
années Macron appelleront des luttes pour la protection de nos
conquis, de ce qui n’a pas encore été détruits :
sécurité sociale, retraites, services publics, …
Macron, c’est clairement l’enfant du social-libéralisme
au service de l’oligarchie qui se repaît des diktats que
nous impose l’Union Européenne ! C’est
l'ancrage dans l'OTAN et la poursuite d’une politique
impérialiste essaimant la guerre pour les intérêts
des vautours aux 4 coins du monde !
Mais
Le Pen, c’est un saut qualitatif dans la répression,
dans l’oppression et l’exploitation du peuple :
c’est la soumission brutale des travailleurs et du peuple au
capital, mais aussi l’ethnisation de la nation. C'est la casse
brutale de nos conquis, la sécurité sociale, les
retraites, les services publics bradés aux patrons et autres
actionnaires, avec la terreur systématisée comme outil
de gouvernance. Ce sont le racisme et l’islamophobie
décomplexés, qui va accélérer la scission
et donc l’affaiblissement de la classe ouvrière
multicolore, multiculturelle et multireligieuse. C'est en même
temps la chasse à l'arabe, aux noirs, aux rroms, aux juifs,
aux musulmans, aux communistes, aux démocrates, aux
anti-racistes, et la menace sur l’existence des syndicats et
autres organisations progressistes et démocratiques. Le FN au
pouvoir, ça pourrait demain transformer la provocation de
l'hôpital Necker (qui fit disparaître des écrans
une manif de 1 million de travailleurs contre la loi El Khomri le 14
juin 2016) en une sorte "d'incendie du Reichstag" pouvant
mener à la dissolution de la CGT, vous savez ce syndicat
« terroriste » qui « bloque le
pays » ...
La
stratégie de Le Pen pour accéder au pouvoir :
respectabilité de façade et désarmement
idéologique de ses adversaires
Aucun
travailleur ne doit se laisser duper par les sirènes du FN et
baisser la garde. Macron est le candidat des médias et de
l’oligarchie, mais Le Pen est le choix camouflé de
l’oligarchie pour duper ceux « qui n’aiment
pas les médias et l’oligarchie ».
D’un
côté Le Pen se présente dans les vêtements
d’une bourgeoise ayant rejeté les outrances du père.
De l’autre, tous les jours sous ce système capitaliste
des travailleurs sont brisés, écrasés par la
politique des Fillon-Hollande-Macron qui vantent l’esprit
« républicain » et la « démocratie »
(la leur, celle des puissants), la répression antisyndicale
est réelle. C’est la base matérielle du
désarmement idéologique face au danger Le Pen.
La
bourgeoisie a réussi son pari quand Marine Le Pen a comme seul
« adversaire » un Macron ! Car elle espère
que ce duel entre l’ex-banquier de Rothschild et le fascisme
démoralisera et désarmera encore plus la lutte de
classe des travailleurs et les forces alternatives de la gauche
anti-libérale, anti-fasciste et anti-guerre. De fait,
l’abstentionnisme de gauche, sur lequel compte le FN, est le
seul moyen pour Le Pen de dégonfler le score de son adversaire
et espérer ainsi accéder à la victoire.
Il
est faux de voir du « fascisme » partout dans
le moindre acte de répression de l’Etat bourgeois, cela
ne conduit qu’à banaliser le danger fasciste réel.
Le
fascisme constitue, dans des conditions déterminées, un
besoin réel de sauvetage, de préservation, de
pérennisation du capitalisme. En général, les
partis fascistes se développent dans une lutte contre les
partis « traditionnels » (de droite et de
« gauche ») du capital, même si à
un certain stade de leur développement, les éléments
bourgeois de ces partis (de droite comme de « gauche »)
rejoignent le parti fasciste. C’est lorsque le mécanisme
de duperie sociale, de contrôle social du mouvement ouvrier
devient inefficace, c’est lorsque l’autorité des
partis bourgeois « traditionnels » s’effondre,
que le capital met en selle le fascisme. La fonction sociale et
politique du réformisme s’épuisant, le besoin se
fait sentir pour le capital de détruire
le mouvement ouvrier organisé par la force.
C’est cela le vrai projet politique du FN, c'est cela que
précipiterait son arrivée au pouvoir.
Quelles
conditions veut-on pour lutter demain ?
Ceux
qui pensent qu’il sera « plus facile » de
lutter demain avec le FN au pouvoir, sous prétexte que
l’adversaire sera plus facilement cernable, et que cela
« réveillera » les masses, se font de
lourdes illusions : peut-être qu’eux seront
déterminés ? Mais ils seront seuls, coupés
des masses et isolés. Ce scénario catastrophe ne peut
être que la conséquence d'une défaite du
mouvement ouvrier syndical et politique organisé. C'est donc
l'amplification de l'actuel recul de la conscience de classe, la
division, le désarroi et la peur qui s’installeront et
seront décuplés par rapport à ce qui existent
déjà dans de larges secteurs de la masse de la classe
ouvrière encore insuffisamment mobilisée. C’est
là un pari dangereux qui traduit là encore une
sous-estimation et une méconnaissance de ce qu'est le
fascisme.
Les
syndicalistes sont certes aujourd’hui réprimés et
condamnés en nombre, mais on n’assiste pas à une
répression de masse légalisée qui conduirait en
prison les principaux dirigeants et disloqueraient les organisations
des travailleurs. Aujourd’hui une condamnation à de la
prison comme dans le procès des Goodyear (peine avec sursis,
grâce à la mobilisation) reste l’exception, demain
ça pourrait être la règle.
De
plus la consolidation nécessaire de notre camp
antilibéral, antifasciste et antiguerre ces prochaines
années est cruciale, et cette consolidation passe par le
développement des luttes, qui déterminent le reste, et
la confirmation des prises de conscience actuelles, pas le
confusionnisme idéologique, qui est l’art des fascistes,
qui veut nous réduire au silence par tous les moyens.
La présence structurelle (et donc durable) du FN dans le
pouvoir d’Etat ne peut être à prendre à la
légère.
Le
fascisme, un « risque immédiat » ?
D’aucuns
affirment que Marine Le Pen n’a aucune chance de gagner. Cette
année peut-être en effet ; encore qu’à
force de compter sur les autres et se dire qu’il y aura bien
assez de gens qui vont se mobiliser pour l’écarter….
on joue avec le feu et on rend de plus en plus possible sa victoire.
Mais
il ne suffit pas d'écarter Le Pen, il
faut qu'elle ait le plus petit score possible.
Marine Le Pen à 25%, ce n’est pas pareil qu’à
45% en terme de dynamique politique : à 45%, ça
sera une pression d'extrême-droite encore plus forte sur toute
la société, c'est encore plus de MLP invitée sur
les plateaux télé pour déverser sa haine, c'est
encore plus de banalisation, de "respectabilité"
pour ce parti et une sortie de la clandestinité qui reste
encore réelle pour ce parti : combien de permanences FN
dans les villes aujourd'hui ? Combien demain ? Le FN à
45%, ce seront des milliers de jeunes recrues, des cadres, c’est
la haine décomplexée, la montée en flèche
des actes racistes, bref c’est la fascisation accélérée
de la société, etc… C’est aussi cela le
« risque immédiat » fasciste, pas
seulement la possibilité d’arrivée de Le Pen au
pouvoir (la bourgeoisie ayant encore d’autres cartes à
jouer).
Marine
Le Pen sous les 25%, cela freine cette montée du fascisme, à
condition que nous soyons en capacité de traduire le bon score
de Jean-Luc Mélenchon en luttes sociales et politiques
massives pour changer l'actuel rapport des forces entre capital et
travail dans le pays !
Rien
n’est inexorable ! Pas même l’arrivée
au pouvoir de Marine Le Pen en 2022 si Macron arrive au pouvoir en
2017. Rien n’est inéluctable, pour peu que les
travailleurs se mobilisent. Les 5 ans de Hollande ont illustré
qu’un gouvernement de « gauche »
n’empêchait pas une formidable mobilisation sociale (la
lutte contre le Loi El Khomri) et pouvait se conclure par un Jean-Luc
Mélenchon à 20%.
Tirons
les bons enseignements de 2002 !
Souvenons-nous
de 2002 : du fait du puissant vote anti-Le Pen, celui-ci n’a
que 17% au second tour. Cela a freiné temporairement
l'ascension du FN, puisque ce n'est que 15 ans plus tard qu'on le
retrouve dans cette situation. Bien sûr, ces 15 ans n'ont pas
été suffisamment mis à profit pour construire
l'alternative populaire antilibéral, antifasciste, antiguerre
et anticapitaliste qui permettra d'en finir avec ce "ventre
immonde" capitaliste qui féconde le fascisme. Et nous
restons au pied du mur. Mais gagner ce temps encore aujourd’hui
est précieux, car nous avons
besoin de temps pour construire le
front de résistance populaire antilibéral, antifasciste
et antiguerre et reconstruire le parti communiste révolutionnaire
dont nous avons besoin pour mener jusqu'au bout la transformation de
la société.
Il
n’y a pas, il n’y aura pas de « front
républicain » avec Macron. Cette expression est
depuis plus de 20 ans une arme idéologique des tenants du
système PS / LR et des médias qui les soutiennent,
expression reprise par le FN qui a en besoin.
Il
s’agit simplement de préserver l’existant, de
préserver un terrain de lutte.
Pas de renoncer à nos luttes : il n’y pas
d’extinction de la lutte des classes au nom de la
République » !
Macron
élu, préparons le 3ème tour
social !
Macron
ne sera pas élu pour son programme, et il aura face à
lui des opposants déterminés. D’autant plus que
les forces de la résistance sociale, notamment celles
galvanisées par la campagne et les scores de Jean-Luc
Mélenchon sont sur le pied de guerre, prêtes à
réagir dès le 7 mai au soir.
Par
la grève et les mobilisations de rue, nous construirons le
rapport de force pour la satisfaction des principales revendications
des travailleurs, des quartiers populaires, de la ruralité et
les revendications posées dans la campagne de l’Avenir
en commun !
Pour
combattre et faire reculer sur le long terme le fascisme, il faut
construire le front de résistance populaire autour d’un
programme d'actions en capacité de mobiliser le
peuple travailleur :
Sortie
de l’Euro et de l’Union Européenne : on ne
peut résoudre les aspirations du peuple sans indépendance
nationale et souveraineté populaire, le plan B doit devenir
notre plan A !
Stop
aux guerres impérialistes, sortie de l’OTAN : Les
impérialistes états-uniens et européens doivent
stopper leurs menées guerrières à l’Est de
l’Europe, au Proche et au Moyen Orient, comme en Afrique et
en Asie ! Leur stratégie maquillée en « choc
des civilisations » doit cesser car les peuples n’ont
plus à subir les coûts humains et matériels
exorbitants de leurs guerres de rapine ! Cela permettra d’en
finir avec le terrorisme qui frappe sur notre sol ici, comme
conséquence des guerres et du terrorisme là-bas.
Unité
aux législatives !
Il
faudra aussi un prolongement législatif, dans l’optique
de constituer un fort groupe de députés France
Insoumise / Front de Gauche. Cela nécessite l’unité : dans
chaque circonscription, il ne doit y avoir qu’une seule
candidature du camp qui a soutenu JLM.
Opposer
des candidats de la France Insoumise à des candidats du Front
de Gauche/PCF dans les mêmes circonscriptions serait en effet
totalement illisible pour le peuple autant que durablement et
extrêmement préjudiciable pour les idées
convergentes que nous défendons.
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