Discours
prononcé par William Roger, Coordinateur de la Coordination
Communiste à l'occasion du traditionnel hommage rendu au
cimetière militaire d'Haubourdin aux soldats soviétiques
évadés et engagés dans la résistance
française pour combattre l'occupation nazie, comme aux
“tirailleurs” africains enterrés dans ce même
cimetière.
Chers
amis, Chers camarades,
Comme
chaque année, nous nous réunissons ici, au Cimetière
militaire d’Haubourdin, pour rendre un double hommage à
l’humanité résistante contre la barbarie.
Hommage d’une part aux martyrs soviétiques morts en
France entre 1940 et 1945, et hommage d’autre part aux soldats
des troupes coloniales morts pour la libération de la France.
Nous y reviendrons dans un deuxième temps, avec nos camarades
du CSP59 qui arrivent en marchant de Lille.
Nous
remercions de sa présence Monsieur le représentant de
l’Ambassade de Russie en France, les amis de l’Association
d’amitié France-Russie/CEI, la section d’Haubourdin
du Parti Communiste Français, la Jeunesse Communiste du Nord.
Ici
à Haubourdin, dans ce cimetière militaire, sont
rassemblés plus de 200 tombes de partisans soviétiques
morts sur le sol français pour la défaite du nazisme et
la libération de la France de l’occupation. Pour la
Coordination Communiste, leur rendre hommage, ici, c’est rendre
hommage à des hommes oubliés, morts loin de leur
patrie, qui ont participé à la Résistance
française, une Résistance dont il faut rappeler le
caractère multinational. C’est aussi rendre hommage,
bien sûr, à l’URSS et à sa contribution
décisive à la défaite du fascisme.
Qui
étaient ces citoyens soviétiques enterrés ici
sur notre sol ?
Pour
l’essentiel, il s’agissait de prisonniers, militaires
mais aussi civils, arrêtés par les Allemands sur le
front de l’Est et transférés ici en France pour
servir de main d’œuvre notamment dans les mines et pour
participer à la construction du Mur de l’Atlantique ou à
d’autres ouvrages défensifs. Environ 7300 hommes (civils
requis et prisonniers de l’Armée Rouge) ont ainsi
travaillé dans les mines du Nord-Pas-de-Calais. Auxquels
s’ajoutaient des immigrés russes antifascistes, qui, dès
mai 1941, participèrent d’ailleurs à la grande
grève des mineurs, acte massif de la résistance de la
classe ouvrière de la région.
Tous
ces hommes participèrent directement à la Résistance
intérieure, organisés pour l’essentiel dans deux
organismes fondés par le PCF en octobre-décembre 1943 :
d’une part « l’Union antifasciste des
patriotes russes », centrée sur l’immigration
russe en France ; d’autre part « le Comité
Central des Prisonniers de Guerre Soviétiques ».
Les
premières organisations clandestines des prisonniers de guerre
soviétique furent créées au début
d’octobre 1942 dans le camp de Beaumont-en-Artois
(Hénin-Beaumont aujourd’hui) dans le Pas-de-Calais. Les
initiateurs étaient des officiers de l’Armée
Rouge ayant réussi à s’évader. A l’automne
1943 s’y joignit un nouvel évadé, lieutenant de
l’Armée Rouge fait prisonnier à l’Est et
transféré en France depuis février 1943 :
Vassyl Poryk, qui
deviendra le chef des partisans soviétiques FTP du Bassin
Minier. A l’actif de son bataillon : 300 soldats et
officiers nazis tués ou blessés, le déraillement
de 11 convois militaires et 2 ponts détruits, des attaques de
dépôts de munitions et de vivres, ainsi que la mise hors
d’état de nuire de collabos notoires.
A
la dernière étape de la libération de la France,
jusque 10 000 Soviétiques formaient 55 détachements en
France, sans compter les centaines de soviétiques intégrés
dans des détachements soviéto-français ou
internationaux. Un millier de partisans soviétiques ont
participé à la libération de Paris. Dans le
Nord-Pas-de-Calais, 10 détachements soviétiques ont
combattu les occupants.
Ces
héros ont contribué à notre libération.
Ils ont été l’expression vivante de l’alliance
libre des peuples libres qu’a signifié l’alliance
antifasciste contre le nazisme.
Chers
amis, Chers camarades,
Au-delà
de ces combattants soviétiques morts en France, héros
oubliés de la Résistance, il faut rendre hommage, en ce
8 mai, à l’URSS, qui a perdu 25 millions de ses enfants
dans cette grande boucherie de la deuxième guerre mondiale
déclenchée par le fascisme hitlérien.
En
particulier ici en France, dans cet « occident
capitaliste » où les héros médiatisés
sont les Etats-Unis d’Amérique venus « sauver
la pauvre Europe » en juin 1944, il importe de rétablir
les faits en montrant l’apport décisif de l’URSS
et de son Armée Rouge dans la victoire contre le nazisme.
Sur
783 divisions allemandes ayant participé aux différents
fronts de la guerre, 670 ont été détruites par
l’Armée Rouge. L’Armée Rouge a détruit
75% des avions allemands, des pièces d’artillerie et des
blindés. 80% des victimes allemands l’ont été
sur le front germano-soviétique, soit 3 millions de soldats.
C’est
l’Armée Rouge qui a brisé l’armée
nazie et qui a fourni l’effort principal pour la libération
de l’Europe. Jusqu’au bout : même après
le débarquement de Normandie – ce second front tant
attendu par les Soviétiques pour les soulager un peu de
l’effort principal qu’ils supportaient depuis 1941 –
l’Allemagne avait 60 divisions mobilisées à
l’Ouest en France et en Italie, mais devait maintenir 235
divisions contre l’Armée Rouge.
L’URSS
a payé cher cet effort titanesque :
Un
soviétique sur 7 a perdu la vie, 70 000 villes, cités
et villages ont été détruites, ainsi que 98 000
fermes collectives. Au cours de la seule bataille de Stalingrad,
l’Armée Rouge a eu plus de pertes que les Anglais et les
Américains réunis pendant toute la guerre.
Ce
rôle essentiel de l’URSS était forcément
reconnu à l’époque. Churchill eut ce mot :
« C’est
l’Armée Rouge qui a tordu les tripes de la machine de
guerre nazie ».
Le Général de De Gaulle déclarait alors :
« Les
Français savent ce qu’a fait la Russie soviétique
et savent que c’est elle qui a joué le rôle
principal dans leur libération ».
Rôle
principal n’a jamais voulu dire nier l’apport des autres
nations partie prenante de cette grande coalition contre le fascisme.
Et on peut féliciter l’intelligence de la direction
politique de l’URSS de l’époque, du Parti
Communiste d’Union Soviétique et de ses dirigeants
d’avoir su éviter l’encerclement politique de
l’URSS par les puissances capitalistes fascistes et les
puissances capitalistes démocratiques peu enclines alors à
se battre contre le fascisme à la fin des années 1930,
et d’avoir su construire un véritable front
antifasciste.
Outre
l’ouverture -bien tardive- du second front sur le plan
militaire, sur le plan économique la contribution des
occidentaux a été dans la fourniture d’environ
10% des besoins économiques des soviétiques du temps de
guerre, notamment 360 000 camions, 43 000 jeeps, 2 000
locomotives et 11 000 wagons, sans oublier les livraisons
alimentaires. Certes la plupart de cette aide n’est parvenue
qu’après la bataille de Stalingrad, mais elle a
grandement facilité l’offensive stratégique
soviétique de 1943-1945.
Chers
amis, Chers camarades,
Pour
continuer le combat contre le fascisme, la guerre et le capitalisme,
nous ne pouvons pas être amnésiques. Nous devons nous
inspirer du courage de ceux qui nous ont précédés.
Qu’ils s’appellent Vassyl Poryk, Félicien Joly,
Eusébio Ferrari, Tiemoko Garang Kouyaté ou Mohamed
Lakhdar-Toumi.
Les
temps sont durs, le 13 novembre à Paris ou le 22 mars à
Bruxelles la barbarie a frappé, écho au cœur de
l’occident des guerres impériales menées dans les
pays dominés. Aujourd’hui comme hier, la bourgeoisie
préfère parfois soutenir ou fabriquer des monstres afin
de diviser les peuples, lutter contre leur esprit d’insoumission,
restreindre leur capacité de résistance aux diktats des
puissances impérialistes. Et ces monstres se retournent
parfois contre leurs créateurs.
L’impérialisme,
c’est-à-dire le capitalisme à son stade
supérieur, veut écraser toute résistance de la
classe ouvrière et du mouvement populaire à sa
recherche permanente du profit maximum, et diviser les peuples pour
mieux régner, en s’appuyant sur les différences
ethniques ou religieuses. En Syrie, dans cette optique, ils ont joué
avec le feu, vantant les mérites des barbares d’Al-Nosra
contre le gouvernement de Bachar El-Assad. Et aujourd’hui
encore, alors que l’Etat syrien lutte et remporte des victoires
décisives contre les barbares de Daesh, avec l’aide des
troupes russes, les puissances occidentales rechignent à
s’unir aux forces de paix, et trouvent à redire quand –
beau symbole – un orchestre symphonique russe vient redonner de
la vie à la cité martyr de Palmyre. Encore une fois,
dans un autre contexte, 70 ans après, la Russie est en
première ligne pour sauver l’humanité de la folie
meurtrière fasciste.
En
France, cette situation nous donne l’état d’urgence.
Le gouvernement étouffe nos libertés sur l’autel
de sa politique de la canonnière. Il essaie de créer un
climat de peur permanente, qui conduit jusqu’à interdire
les fêtes des enfants dans les écoles. Quant au
mouvement social en cours contre la loi El Khomri, il essuie les
coups de matraque, les gaz lacrymogènes et les tirs de
flash-ball d’un gouvernement qui a choisi la stratégie
de la tension. A taper sur le mouvement social, à restreindre
les espaces de liberté, on prépare le terrain au
fascisme, qui se tient en embuscade et se frotte les mains.
Dans
ce cimetière d’Haubourdin, soviétiques ici,
tirailleurs des troupes coloniales là-bas, des centaines de
jeunes gens sont morts en luttant contre le fascisme. Nous nous
inclinons devant l’héroïsme de ces partisans
soviétiques, morts loin de leur patrie pour la libération
de l’humanité du joug nazi. Honneur aux combattants
soviétiques !
Discours
d’hommage aux “tirailleurs” des troupes
coloniales
Cimetière
d’Haubourdin – 8 mai 2016
Chers
amis, chers camarades,
La
Coordination Communiste est ici dans ce cimetière militaire,
tous les ans le 8 mai, pour rendre un double hommage : d’une
part aux partisans soviétiques, oubliés de tous, qui
ont combattu ici dans la Résistance et ont payé de leur
vie ; d’autre part à ces autres oubliés, les
‘tirailleurs’, ces soldats originaires des colonies de
l’empire français, qui ont participé activement à
la lutte dans les rangs de l’armée française au
cours des combats de la seconde guerre mondiale contre le fascisme
hitlérien.
178000
Africains et Malgaches et 320 000 Maghrébins ont été
appelés au combat dès 1939-1940, et souvent placés
en première ligne lors des combats de mai-juin 1940, quand
l’armée française en déroute faisait face
à l’avancée des troupes allemandes. Ils paieront
un lourd tribut : sur un total de 60 000 militaires
français tués pendant l’invasion, un tiers
appartiennent à ces troupes coloniales.
Après
juin 1940, Pétain signant l’armistice avec l’Allemagne
nazie, une nouvelle armée française – celle de la
France libre - va être reconstituée par De Gaulle pour
continuer le combat : les ‘tirailleurs’ vont être
le fer de lance de cette nouvelle armée reconstituée
pour une large part en Afrique. Ils seront de toutes les batailles,
en Italie à Monte-Cassino, lors du débarquement de
Provence en août 1944, en franchissant les premiers le Rhin en
1945. A la fin de la guerre, dans la 1ère
armée du Général de Lattre de Tassigny, sur
550 000 hommes, on comptait 134 000 Algériens,
73 000 Marocains, 26 000 Tunisiens et 92 000
ressortissants d’Afrique Noire.
Dans
la Résistance intérieure, les ex-tirailleurs étaient
également présents : 5 000 Africains, évadés
des camps de prisonniers allemands, ont rejoint les rangs des FFI. On
se souvient par exemple du Guinéen Addi Ba, capturé en
juin 1940 puis évadé en octobre 1940, qui participe à
l’établissement du premier maquis des Vosges en 1943 et
qui sera arrêté et fusillé à Epinal.
Sans
oublier bien sûr, tous ces militants immigrés, souvent
déjà engagés avant-guerre, qui ont poursuivi la
lutte dans la Résistance, par exemple le militant communiste
algérien Mohamed Lakhdar-Toumi, ouvrier métallurgiste,
militant de la JC, engagé dans les FTP en 1942, déporté
à Dachau, qui survivra et qui participera, plus tard, au
soulèvement du 1er
Novembre 1954, pour lequel il sera arrêté et interné
jusqu’en 1961.
Tels
étaient les hommes qui, hier, ont lutté pour notre
liberté et dont certains sont morts dans ce combat. Personne
ne peut l’oublier, personne ne doit l’oublier.
Nous
voulons d’autant plus nous souvenir, nous militants du camp des
travailleurs et du progrès social, que la France officielle,
elle, a fait le choix de l’invisibilité de ces
« indigènes » et de la
non-reconnaissance réelle de leur apport. Il est vrai que dès
le 8 mai 1945, la victoire acquise, l’heure n’était
déjà plus à la reconnaissance mais à la
répression : en Algérie, à Sétif,
Guelma, Kherrata et dans tout le Constantinois, la France se retourna
contre ceux qui venaient réclamer leur part de liberté.
En mars 1947, les Malgaches subiront eux-aussi les foudres de la
répression coloniale. Quelques mois plus tôt, en
novembre 1946, les obus français s’étaient
abattus sur Haiphong, prélude de la guerre d’Indochine.
Chers
amis, chers camarades,
Hier,
dans la Résistance militaire pour la libération de la
France, nous avons lutté ensemble, au-delà de nos
origines, de notre couleur de peau, de nos religions !
Aujourd’hui, contre l’exploitation capitaliste et pour
les droits démocratiques, pour l’unité de la
classe ouvrière, nous continuons le combat ensemble !
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