Il est absolument évident
que l’immense majorité des Musulmans est horrifiée
par les actes barbares perpétrés par Daech, en Syrie et
en Irak, et par les fidèles du soi-disant « Etat »
soi-disant « Islamique » ailleurs, comme en
Algérie précisément.
Les Musulmans de France
n’échappent pas à cette révulsion face à
de tels actes barbares, et s’apprêtent à se
rassembler pour rendre hommage à la mémoire de Hervé
Gourdel et condamner ses assassins et l’utilisation perverse
que ceux-ci font de leur religion. Cette mobilisation est tout à
fait compréhensible et salutaire.
Mais
dans le contexte français, avec l’appel au rassemblement
« national » face au terrorisme, cette
mobilisation pourrait fort bien être dévoyée. En
effet, les Musulmans, depuis de longues années déjà
stigmatisés, sont sommés de se distinguer de « leurs »
fanatiques, et, en quelque sorte, de s’excuser d’être
ce qu’ils sont. Et ce bien qu’étant radicalement
différents des assassins qui prennent leur religion en otage.
Bien sûr, en tant
que Musulman on peut s’interroger sur une apparente passivité
de l’ensemble du monde islamique vis-à-vis des
mercenaires égorgeurs. Mais c’est une question interne
pourrait-on dire, et qui, de l’extérieur, ne tient pas
compte de la réalité, diverse, des sociétés
arabo-musulmanes.
La
question française de l’islam et des musulmans introduit
ce paradigme selon lequel le musulman, forcément suspect,
devrait en « rajouter » pour se distinguer des
barbares. C’est toute la question de cette absurdité
répétée à l’envi de « l’islam
à la française ». Dans ce contexte, la
mobilisation musulmane autour de l’assassinat de Gourdel
pourrait bien prendre une dimension « défensive »,
à savoir revêtir les habits de la repentance.
Les musulmans de France seraient sommés de demander pardon, de
faire preuve de leur allégeance à ce pays qui est
pourtant le leur. Dès lors, leur mobilisation deviendrait un
supplétif de « l’Unité Nationale »
invoquée.
Pour
échapper à ce piège, il faudrait que cette
mobilisation devienne vraiment populaire, échappe aux
« institutionnels » de l’islam et au
catéchisme républicain, bref, devienne « offensive ».
Bien sûr il s’agirait, il
s’agira
inch’Allah, de dénoncer les atrocités commises
par Daech. Mais cela ne saurait suffire : il faudra aussi dire,
une fois dit que l’islam n’a rien à voir avec les
barbares de l’E.I., qu’il
n’est pas acceptable même que la question soit posée,
par ceux-là mêmes qui instrumentalisent la « question
musulmane » depuis des années (UMP/PS et FN).
L’amalgame entre l’islam et les psychopathes qui s’en
réclament a été fait, et a pénétré
profond dans l’inconscient collectif français. C’est
aussi cela qu’il faut dénoncer.
Enfin,
cette mobilisation des musulmans sera vraiment complète et
efficace, pour eux,
s’ils soulignent que ceux qu’ils sont sommés de
condamner sont en fait les jouets, les alliés de
l’impérialisme US. Et que cet impérialisme US est
activement secondé par le gouvernement français actuel
(comme par le précédent). Que c’est à
Hollande, c’est à Fabius de demander pardon, et à
l’ensemble des medias qui ont pris activement partie à
la destruction programmée de pays souverains (la Libye et la
Syrie), en utilisant le mensonge à grande échelle.
C’est à BHL de demander pardon, et à Sarkozy. Mon
voisin Mohamed lui, n’a rien à voir dans cette affaire.
Ils sont vraiment mal
placés, ceux qui appellent à « l’unité
nationale » autour de leur drapeau maculé de sang,
qui soumettent tout un pays aux intérêts des Etats-Unis,
qui soutiennent, financent et arment les mercenaires chargés
d’abattre Assad, et qui, en parallèle, encouragent
Israël à poursuivre le génocide des Palestiniens.
C’est ce projet monstrueux de destruction et de guerre, visible
aussi en Ukraine (où « notre »
gouvernement soutient les nazis), c’est cela qu’il faut
dénoncer avec force.
Dans ce vaste plan de
déstabilisation mondiale, établi à seule fin de
maintenir la domination du capitalisme occidental, le Moyen-Orient
est « programmé » pour être
émietté, fragmenté, divisé. C’est
aussi bien sûr une question première pour la
« sécurité » (comprendre :
l’expansion) d’Israël. Aussi, les stratèges
de l’impérialisme ont-ils décidé de
nourrir des antagonismes à l’intérieur même
du monde musulman, misant sur une guerre chiites/sunnites (entre
autres confessions et cultures présentes au Moyen-Orient).
Ce
plan, qui ne rencontre pas la résistance de la majeure partie
des Etats de culture islamique (nos alliés saoudiens, qataris
etc … nourrissent même abondamment ce projet avec
leurs dollars et leurs relais de propagande wahhabite), met en danger
immédiat les populations même de cette région du
monde. Les premières victimes de cette guerre menée par
l’Occident et ses alliés dans la région, ce sont
les peuples eux-mêmes, majoritairement
musulmans.
Ce plan comporte une
condition qui est aussi conséquence : salir l’islam.
« L’Etat Islamique », dont les origines
sont à rechercher plutôt du côté de
Washington que d’Alep, participe de ce noircissement de cette
religion. Si les paumés idéalistes (venus souvent
d’Europe) ou les voyous et criminels opportunistes qui forment
les bataillons de l’E.I. sont insensibles à ces effets
sur l’image de l’islam et aux conséquences pour
les musulmans (après tout, ils en tuent tous les jours…),
leurs chefs, en lien direct avec ceux qui les arment et les financent
(l’Occident et ses alliés régionaux), savent très
bien ce qu’ils font. Ils se mettent au service de
l’impérialisme US et d’Israël (qui les soigne
et bombarde de temps à autres les positions de l’armée
syrienne).
Les
musulmans ont donc toutes les bonnes raisons de s’opposer aux
actes barbares de Daech. Mais cette question ne concerne pas que les
musulmans. Tous les Français, quelle que soit leur confession
ou leur absence de confession, et qui n’appartiennent pas aux
sphères supérieures de la société, ont un
intérêt immédiat à se serrer les coudes.
Mais pas autour du gouvernement qui les y appelle. Ce serait se jeter
dans les bras des responsables politiques
de la mort de Hervé Gourdel.
Sam.
Le 25 septembre 2014
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