J’interviens
au nom du syndicat CGT de FRALIB et des salariés de notre
entreprise en lutte depuis 903 jours contre la fermeture de notre
site, pour le maintien de notre activité industrielle et de
nos emplois. Nous voulons mettre en débat trois sujets tirés
de notre expérience sur le terrain et de ce que nous voulons
que notre syndicat de classe la CGT se saisisse. Durant 3 ans de
lutte, nous avons reçu beaucoup de soutien des syndicats de
notre profession et de l’interprofessionnel. L’Agroalimentaire
est concerné par de nombreuses luttes. Des conflits importants
sont en cours. D’autres conflits se développent aussi
dans toutes les industries, le commerce, la santé, les
services publics. Nous avons participé et organisé
nombre d’actions communes avec d’autres camarades menant
des luttes, et portons ensemble nos exigences communes.
Avec les
Continental Nutrition, le Grand Conseil de la Mutualité des
Bouches du Rhône, Pilpa, Goodyear, Ford, les Trois Suisses,
Sanofi, Sodimédical, Arcelor et encore bien d’autres.
Nous
voulons que notre CGT partage cette démarche
de coordination des luttes et des entreprises en luttes
pour la défense de l’emploi et du potentiel industriel
national. Pour cela nous proposons que soient mis en place des moyens
où toutes nos structures participent pour coordonner les
entreprises en luttes. Les deux autres sujets que nous voulons
soulever et qui sont totalement absents du document d’orientation
et pourtant bien d’actualité et qui correspondent à
de réelles exigences pour un vrai changement de société.
Ce sont la
réappropriation par les travailleurs des moyens de production
et la Nationalisation
qui doit être un des moyens pour y parvenir. Il n’y a que
les luttes qui peuvent nous permettre de reprendre aux patrons ce
qu’ils nous ont pris ! La preuve en est faite avec notre
lutte. Notre Éléphant résiste et avance
doucement mais sûrement vers la mise en œuvre de notre
solution alternative et le démarrage de notre SCOP T.I
Nous
avons obtenu l’annulation par la justice des trois plans de
sabordage de l’emploi présentés par UNILEVER. A
l’évidence la lutte paie. Le dernier Arrêt rendu
par la Cour d’Appel d’Aix le 28 février, est très
clair. Le 3ème plan patronal est annulé ainsi que les
licenciements. Les salariés ont été licenciés
deux fois et deux fois les licenciements auront été
annulées ! Nous exigeons que nous soient cédés
la marque « Éléphant » ainsi que
les volumes de production nécessaires à la reprise de
notre activité. François HOLLANDE et le gouvernement
doivent maintenant être conséquents, et faire vivre leur
volonté affichée d’être aux côtés
des salariés de FRALIB. Nous voulons leur imposer qu’ils
prennent toutes les dispositions pour que soient données
toutes les suites concrètes au plan politique, économique
et social et faire sauter « le verrou d’UNILEVER »
qui bloque la solution alternative. Les experts du Comité
d’Entreprise ont confirmé la viabilité et la
rentabilité de notre entreprise. Nous relevons le défi
avec détermination et courage, autour de notre projet
alternatif qui est la seule solution sérieuse et crédible
pour le maintien de notre activité industrielle et nos
emplois. Le combat pour la poursuite de l’activité de
production et de conditionnement de thé et d’infusions
sur le site de Gémenos, le maintien de la marque « Eléphant »
implantée depuis 120 ans en Provence et commercialisée
uniquement en France, des tonnages de production en sous- traitance,
sont des exigences qu’il faut concrétiser.
UNILEVER
doit assumer toutes ses responsabilités. Il en a les moyens,
L’Etat en a la responsabilité! Nous avons obtenu par
notre lutte que les bâtiments et les terrains soient rachetés
par la Communauté Urbaine de Marseille. Nous avons imposé
qu’UNILEVER cède l’ensemble de l’outil
Industriel pour l’€uro symbolique. Cela nous permet de
fortifier notre projet pour le maintien de l’activité
industrielle autour, avant tout, de la perspective de production de
thés et infusions. Cette nouvelle situation se construit
autour de la volonté de « réappropriation
ouvrière et publique des moyens de production ». En
septembre 2011, le Ministre du Redressement Productif Arnaud
MONTEBOURG, alors en campagne au primaire socialiste pour l’élection
Présidentielle est venu nous rencontrer dans notre usine. Il
s’exprimait ainsi en ce qui concerne la défense de notre
patrimoine industriel et la question posée par les Fralib. Il
proposait de prendre possession de la marque, d’exproprier
Unilever, de l’indemniser à la hauteur de ce qu’il
indemnise les salariés et il disait qu’il ferait une loi
pour cela! Alors, si l’exigence de réappropriation des
moyens de production et de Nationalisation fait parti des promesses
d’un candidat du parti socialiste devenu Ministre aujourd’hui,
cela doit être une revendication forte portée par notre
syndicat CGT dans le combat de classe qui nous oppose au Grand
Capital.
Pour
conclure, et comme depuis hier je n’ai pas ou peu entendu
parler dans les références internationales de
l’évolution des pays en Amérique Latine, je
finirai par un : HASTA
LA VICTORIA SIEMPRE CAMARADES !
Olivier
Leberquier sur le syndicalisme de classe (Interview de notre journal
Chantiers – n°31 – Février 2013)
Les
ouvriers de Fralib en lutte contre la fermeture et la délocalisation
de leur usine (fabrication du thé en sachet Eléphant)
par la multinationale Unilever viennent de fêter en décembre
leur 800ème
jour de lutte. Après une première victoire sur la
multinationale qui vient de céder les locaux occupés et
les machines, ils poursuivent leur combat pour la relance de
l’activité industrielle en créant une coopérative
et en récupérant la marque historique Eléphant…
Là encore les ouvriers, soudés par deux ans de combat
obstiné et d’occupation de l’usine, exigent de
l’Etat un engagement et un soutien décisif. Chantiers
leur a rendu visite à Géménos (13) et a
recueilli des témoignages utiles à tous les ouvriers en
lutte contre les délocalisations et les baisses de salaire.
Chantiers :
La figure du Che est omniprésente dans votre usine depuis
l’occupation et ces deux années de lutte. Pourquoi ?
Olivier
Leberquier (dirigeant CGT Fralib) : Après la première
délocalisation de l’usine du Havre il y a quelques
années, notre syndicat CGT s’est réuni avec celui
de Géménos ici, et la question s’est rapidement
posée du logo du syndicat. C’était en 98, à
l’époque il y avait déjà beaucoup de
débats à l’intérieur de la CGT entre
syndicats réformistes accompagnateurs du système et
syndicats révolutionnaires. On a donc cherché pour nous
un symbole révolutionnaire, et le symbole du Che s’est
naturellement imposé !
Chantiers :
D’ailleurs la direction de la CGT Fralib connaît bien
Cuba, il y a des liens assez étroit entre vous et les
syndicalistes cubains. Quelle expérience retires-tu de tes
voyages en délégation là bas ?
Olivier :
Notre délégation FNAF-CGT [fédération de
l’agroalimentaire] a visité plusieurs entreprises,
notamment une manufacture de tabac à la Havane la première
année où j’y suis allé. Là, le
directeur n’avait pas beaucoup de temps à nous accorder
parce qu’il venait juste d’entrer en fonction…
Trois mois avant c’était lui le
délégué syndical de l’usine ! Le rôle
du syndicat n’est évidemment pas le même dans une
usine cubaine et ici, dans un système capitaliste… mais
d’une certaine manière quand on démarrera notre
SCOP, même si nous restons dans un environnement capitaliste,
le rôle de notre syndicat ne sera pas non plus le même
que quand Fralib appartenait à Unilever. Mais il restera bien
sur nécessaire ! A ce moment là, l’inspiration
des syndicats cubains deviendra certainement centrale pour nous !
Le syndicat aura toujours un rôle de centralisation des
problèmes des salariés et des revendications, mais il y
aura aussi une nécessité de concertation avec la
direction de la SCOP sur les orientations politiques de celle-ci à
long terme.
Chantiers :
Quand on parle de syndicalisme de classe, on parle forcément
politique !
Olivier :
Ce qui est important à Cuba c’est aussi l’existence
en plus du syndicat dans chaque entreprise, d’une cellule du
parti communiste. Quand j’étais jeune, dans la région
du Havre, on trouvait très souvent dans les entreprises de la
région des cellules d’entreprise du PCF. Aujourd’hui
on a cassé ce lien politique qui existait entre les cellules
d’entreprise du parti et le syndicat. C’est à mon
avis une erreur historique au sein de la CGT… même si la
CGT n’est pas devenue pour autant réformiste
fondamentalement : si c’était le cas, on n’aurait
pas eu par exemple en 2005 un positionnement clair de la CGT contre
la constitution européenne !
Chantiers :
Votre fédération est attachée à
l’internationalisme, c’est un aspect qu’on oublie
trop souvent non ?
Olivier :
Notre syndicat de l’agroalimentaire est toujours adhérent
à la FSM [association internationale historique de syndicats
de classe et de masse]. Cette fédération a un ancrage
particulier sur l’internationalisme depuis toujours, c’est
lui qui nous a permis ces visites aux camarades syndicalistes
cubains. Mais il a aussi participé à la création
de liens entre nous et une coopérative vietnamienne de
production de thé [l’usine Fralib met le thé en
sachet] pour développer une activité de commerce
équitable. Là bas, grâce à la CGT, j’ai
pu rencontrer par exemple le président du syndicat national du
thé vietnamien. En fait, la création de la
coopérative de production de thé, ils appellent ça
une « privatisation », mais c’est plutôt
l’Etat qui cède l’usine, propriété
d’Etat [équivalent d’un Sovkhoze en URSS], aux
salariés de l’usine [coopérative équivalent
à un Kolkhoze en URSS], même si le terme coopérative
n’est pas utilisé, en fait les salariés
deviennent propriétaires de l’usine, choisissent
les dirigeants et gardent une maîtrise totale de l’ensemble
de l’activité. L’Etat quant à lui reste
possesseur des terres de la plantation de thé et de l’usine
de transformation. Donc si demain il se passe quelque chose qui ne
plait pas aux dirigeants politiques localement, dans le cas
d’investisseurs étrangers, il ne prête plus les
terrains et tout s’arrête ! De plus concernant la
coopérative que j’ai visitée, l’Etat
fournit l’aide principale pour le développement de la
plantation et de l’usine.
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