Pointant un doigt
accusateur contre le gouvernement d’Al Assad, Hollande et
Fabius disent ne pas exclure une intervention militaire en Syrie
après les tueries barbares perpétrée en Syrie.
Et cela alors que le gouvernement Syrien et l’émissaire
de l’ONU ont condamné la boucherie et annoncée
des commissions d’enquête pour établir les
responsabilités et démasquer les assassins. Sans
attendre les nouveaux chiens de garde de la presse des milliardaires
des USA, de l’UE et des théocraties moyenâgeuses
d’Arabie saoudite, du Quatar, du Koweit et des Emirats
pilonnent déjà les peuples des excréments
nauséabonds de leur véritable but : trouver tous
les prétextes possibles pour provoquer une nouvelle guerre
coloniale à l’instar de celles d’Afghanistan,
d’Irak, de Yougoslavie, de Côte d’Ivoire et de
Lybie.
La marche guerrière
des USA affublés de l’UE pour faire main basse sur les
matières premières, notamment stratégiques
(pétrole, gaz) et empêcher l’avènement d’un
monde multipolaire qui rapprocherait l’humanité de
l’égalité entre les peuples a été
inaugurée par la « guerre du golfe » dès
fin 90 et début 91.
La crise du capitalisme
qui frappe le centre étatsunien et européen de
l’impérialisme mondial ne fait qu’accélérer
le besoin viscéral des impérialistes des bourses
financières de New York, de Londres, de Paris, de Frankfort
d’en finir avec les Etats et pouvoirs nés des luttes
pour l’indépendance au XXéme siècle tout
comme ils ont terrassé et liquidé l’URSS et le
camp socialiste né de la victoire des peuples contre la bête
immonde Nazi.
Ces Etats et pouvoirs
mêmes bourgeois nationalistes des ex-colonies des empires
britanniques, français, etc., deviennent pour eux des oripeaux
qui leur rappellent leur défaite passé face à
la volonté indépendantistes des peuples et à
leur aspiration à l’égalité.
Dans ce projet de
domination mondiale, les impérialistes US et Européens
ont trouvé des alliés dans les forces fanatiques
fondamentalistes religieux que sont les théocraties
saoudienne, quatarie, koweitienne et émirates. Aux USA, dans
l’UE et en Israël, on assiste au réveil des
fondamentalismes religieux chrétiens, baptistes, juifs, etc.
Toutes ces forces rétrogrades sont coalisées contre les
pouvoirs mêmes bourgeois des pays, nations et Etats
patriotiques, laïcs et à fortiori antilibéraux et
socialistes.
La stratégie du
chaos mise en place et menée par les impérialistes US
et de l’UE que l’on a vue en œuvre de l’Irak,
Somalie, Congo RDC, Yougoslavie, Afghanistan, Côte d’Ivoire,
Libye et dans le Sahel avec la situation actuelle du Mali n’est
pour en réalité pour l’impérialisme en
crise qu’une transition vers l’installation partout de
pouvoirs islamistes qui seront ensuite utilisés par
‘commodité’ pour recoloniser y compris
militairement les pays qui ont conquis de haute lutte le droit à
l’autodétermination (indépendance) au XXéme
siècle et en ce qui concerne l’Amérique du sud au
19éme siècle.
La stratégie du
chaos des impérialistes sert aussi à contrôler
pour conditionner l’accès des ‘pays émergents’
(Chine, Inde, Brésil, Russie, Afrique du Sud, Vietnam, les
pays de l’Alba, etc.) aux matières premières dont
ils ont besoin pour poursuivre leur développement national.
L’impérialisme
(USA, UE, Israël) dans sa course effrénée à
la domination mondiale suit les traces de son prédécesseur
qui, au XXéme siècle, s’était lui aussi
fixé comme but l’hégémonie mondiale :
l’Allemagne Nazie. Le fasciste Hitler justifiait ce projet
démoniaque et raciste ainsi : « Tout ce qu’on
admire aujourd’hui sur cette terre – la science, l’art,
la technologie et les inventions – est uniquement le produit de
la création de quelques peuples et à l’origine
peut-être d’une seule race. D’eux dépend
l’existence de toute culture. S’ils périssent, ils
emporteront avec eux dans la tombe la beauté de cette terre »
(Mein Kampf).
En fait à y
regarder de plus près tout le baratin des médias chiens
de garde des milliardaires sur « la communauté
internationale » ramenée aux USA et à l’UE,
sur « les interventions humanitaires », sur les
guerres pour exporter la « démocratie »,
sur les « révolutions colorées »
n’est rien d’autre que couvrir d’un ramage et d’un
plumage coloré le programme de domination mondiale que les USA
et l’UE partagent avec les Nazis. Les guerres coloniales
d’aujourd’hui poursuivent le même but fixé
par Hitler lui-même : « Ne jamais accepter
l’émergence de deux puissances continentales en Europe
(aujourd’hui dans le monde à l’exception des USA
et l’UE). Considérer toute tentative d’organiser
une deuxième puissance militaire aux frontières
allemandes comme une attaque contre l’Allemagne, même si
c’est seulement dans la forme de créer un Etat capable
de puissance militaire, et y voir non seulement le droit, mais aussi
le devoir d’utiliser tous les moyens jusqu’à et y
compris la force armée pour empêcher l’avènement
d’un tel Etat ou, si un tel Etat voit le jour, de l’écraser »
(Mein Kampf). Voilà en pratique les raisons cachées des
guerres actuelles que le grand capital US et Européen impose à
l’humanité depuis la défaite de l’URSS et
du socialisme réel.
Voilà le sens réel
de la marche guerrière de ‘notre’ occident sous
l’emprise du capital financier et des monopoles capitalistes
vers une guerre mondiale visant à terme les pays ‘émergents’
(Chine, Inde, Russie, Brésil, Vietnam, les pays de l’Alba,
etc.).
Voilà pourquoi
plus que jamais aux USA et dans l’UE, il devient urgent et
d’une grave importance que le mouvement ouvrier, les forces
démocratiques, que les peuples se mobilisent contre les
barbaries agressives de ‘nos’ impérialistes parce
que tous les peuples sont égaux en droits et en dignité,
ont droit au développement dans la paix et sont capables de
régler leurs difficultés temporaires propres sur le
chemin de l’évolution historique de l’humanité
vers la démocratie populaire, le progrès et le
socialisme.
Voilà enfin
pourquoi nous publions ces textes de différents horizons sur
le massacre en et les projets de guerre des impérialistes en
Syrie pour démasquer les médiamensonges des
va-t-en-guerre impérialistes de droite, de « gauche »
et de l’extrême droite fasciste. Bonne lecture;;;
SYRIE
- Opération terroriste appuyée par les États-Unis:
Tuer des civils innocents pour justifier une guerre humanitaire, par
Michel Chossudovsky
La
doctrine militaire américaine envisage le rôle central
“d’évènements produisant un nombre
important de victimes” et dans lesquels des civils innocents
sont tués. Les meurtres sont perpétrés de
manière délibérée comme partie intégrante
d’opérations secrètes. L’objectif est
de justifier un agenda militaire sur une base humanitaire. Cette
doctrine date de 1962 avec l’opération Northwoods.
Dans
un plan secret du pentagone datant de 1962 appelé l’opération
Northwoods, des civils cubains de la communauté de Miami
(Floride) devaient être tués dans une opération
secrète. Le but était de déclencher une “vague
d’indignation utile dans la presse américaine”.
Les assassinats auraient été blâmés en
accusant le gouvernement cubain de Fidel Castro. L’objectif
de ce sinistre plan, que le ministre de la défense Robert Mc
Namara et le président J.F. Kennedy, refusèrent de
mettre en action, était de gagner le soutien de l’opinion
publique pour une guerre contre Cuba:
“Au
début des années 1960, les chefs militaires des
Etats-Unis dressèrent des plans pour tuer des personnes
innocentes et pour commettre des actes terroristes dans des villes
états-uniennes, ce afin de créer un soutien public pour
une guerre contre Cuba.
Sous
le nom de code d’Opération Northwoods, les plans
incluaient les assassinats possibles d’émigrés
cubains, le coulage des bateaux de réfugiés cubains en
haute mer, le détournement d’avions, l’explosion
d’un navire américain et même l’orchestration
d’attentats terroristes dans des villes américaines.
Ces
plans furent développés afin de tromper le public
américain et la communauté internationale afin qu’ils
supportent une guerre qui mettrait fin au pouvoir du nouveau leader
de Cuba, le communiste Fidel Castro.
Les
pontes de l’armée américaine avaient même
accepté de causer des pertes dans les rangs de l’armée
américaine en écrivant: “Nous pourrions faire
exploser un navire de guerre dans la baie de Guantanamo et blâmer
Cuba” et “les listes des victimes dans les journaux
américains causeraient immanquablement une vague d’indignation
très utile.”
… Les
documents montrent “que le chef d’état-major fît
et approuva des plans qui sans aucun doute furent les plus corrompus
jamais créés par le gouvernement des Etats-Unis”,
écrit Bamford. (U.S.
Military Wanted to Provoke War With Cuba – ABC News
Ce
document secret du pentagone a été déclassifié
et peut-être consulté (See
Operation Northwoods, See also National
Security Archive, 30 April 2001)
Le
document de l’Opération Northwoods de 1962 avait pour
titre: “Justification pour une intervention militaire à
Cuba”. “Le mémorandum secret décrit les
plans des Etats-Unis pour créer secrètement des excuses
variées qui justifieraient une invasion de Cuba. Ces
propositions, parties d’un programme secret anti-Castro appelé
Opération Mangouste, incluaient les assassinats de
Cubains vivant aux Etats-Unis, développant ainsi une fausse
“campagne de terreur communiste cubaine dans la région
de Miami, dans d’autres villes de Floride et à
Washington”, ceci incluait également “de couler
des bateaux de réfugiés cubains (réellement ou
de manière simulée)”, imiter une attaque des
forces aériennes cubaines contre un avion de ligne civil et
concocter un incident “souvenez-vous du Maine” en faisant
sauter un vaisseau américain dans les eaux territoriales
cubaines et ensuite blâmer l’incident comme un sabotage
cubain. Bamford écrit lui-même que l’opération
Northwoods “est probablement le plan le plus pourri jamais créé
par le gouvernement américain.”
(http://www.gwu.edu/~nsarchiv/news/20010430/doc1.pdf,
c'est l'auteur qui souligne)
Avancée
dans le temps, Cuba 1962, Syria 2012…
Alors
que la réalisation pratique de l’opération
Northwoods fut mise au placard, sa base fondamentale d’utiliser
les décès de civils comme prétexte à une
intervention (sur des bases humanitaires), a été
appliquée à plusieurs reprises.
La
question fondamentale: L’assassinat de Mai 2012 des civils du
village de Houla était-il partie intégrante d’une
opération secrète, ayant pour intention de battre les
tambours du soutien public pour une guerre contre la Syrie ?
Les
morts sont blâmés come étant le fait du
gouvernement Al-Assad avec “la liste des victimes publiée
dans les journaux américains provoquant une vague
d’indignation utile”. Dans le même temps, plusieurs
pays européens ainsi que le Canada et l’Australie ont
coupé leurs relations diplomatiques avec la Syrie.
Le
massacre de Houla était-il partie intégrante d’une
sinistre opération secrète portant les empreintes
digitales de l’opération Northwoods ?
Il
n’y a absolument aucune preuve que le gouvernement syrien soit
derrière ces meurtres. Il y a des indices ainsi que des
preuves documentées que depuis le début de
l’insurrection en Mars 2011, des terroristes soutenus par des
puissances étrangères ont été impliqués
dans les assassinats de civils innocents. Des sources du
renseignement israélien d’Août 2011 confirment un
processus organisé de recrutement de combattants terroristes
par l’OTAN:
Le
QG de l’OTAN à Bruxelles et le haut commandement turc
sont en train de faire des plans pour leurs premiers pas militaires
en Syrie, qui est d’armer les rebelles avec des armes pour
combattre les tanks et les hélicoptères.
Nos
sources nous rapportent qu’est également discutée
à Bruxelles et Ankara, une campagne de recrutement de milliers
de volontaires musulmans des pays du Moyen-Orient et du monde
musulman pour aller se battre aux côtés des rebelles
syriens. L’armée turque hébergerait ces
volontaires, les entraînerait et assurerait leur passage en
Syrie. (Ibid, c'est l'auteur qui souligne)
Les
facteurs géopolitiques de la guerre impérialiste contre
la Syrie : L’Ancien ordre du Moyen-Orient (Deuxième
partie) - par Fida Dakroub Première
partie : La défaite d’Israël à la deuxième
Guerre du Liban (2006) Généralités
Beaucoup
de malheur a surgi de ce monde par la confusion et les choses
tues[1]. On publie ouvrage sur ouvrage, article sur article, la
plupart même cinq ou six fois pour qu’ils ne se perdent
pas au cours du long chemin de la prétendue « révolution
» syrienne, dont les héros auraient assiégé,
depuis un an et quelque, le « tyran de Damas » dans son
Grand sérail de despotisme et de tyrannie. Analyses
préalables, analyses incidentes, analyses, intérieures,
analyses subsidiaires et autres essentielles sont, à chaque
instant, soulevées en très grande prolifération.
À
propos de chacune de ces grandes et petites analyses, les animateurs
de télévision engagent régulièrement, sur
les grands écrans, d’entretiens avec des professeurs en
sciences politiques, des experts spécialistes des affaires
syriennes, des présidents de centres de recherche sur le
Proche-Orient, des charlatans orientalistes devenus experts en
géostratégie proche-orientale après avoir lu «
Tintin et les cigares du Pharaon ». Tout ce bruit, ce brouhaha,
ce qu’en-dira-t-on, ce bâillement, ce ronflement, à
la radio, à la télé, sur internet, dans les
salles à manger, tous ceux-ci constituent des « grands
débats » sur le « Printemps arabe » et la
prétendue « révolution » syrienne,
précisément. Ce sont surtout ces « docteurs »
en shamanisme proche-oriental que les médias de l’ordre
ont coutume de consulter chaque fois que l’on veut reproduire
l’imagerie typique du « despotisme » arabe face à
la « démocratie démocratique » de
l’Occident. Cependant cette fois-ci, nous voyons
ces mêmes « docteurs », qu’on a tant
consultés, se précipitent devant les caméras des
médias de l’ordre, diffuseurs de la propagande
impérialiste, non pour accuser les Arabes d’un «
penchant inné au despotisme », mais au contraire, pour
les glorifier et les féliciter de leur « printemps »,
considéré par les fanfarons de l’impérialisme
comme l’« incarnation suprême » de
l’achèvement total de la démocratie bourgeoise
occidentale. Plaudite, acta est fabula ![2]
Des
deux axes belligérants au Moyen-Orient
Cependant,
derrière cette idylle foudroyante entre médias de
l’ordre et « révolutions arabes », se
cachent, avec toute l’hypocrisie du discours «
philanthrope » et « libérateur », les
intérêts stratégiques de l’impérialisme
mondial au Moyen-Orient.
Suite
à la défaite d’Israël à la deuxième
Guerre du Liban[3], l’Empire s’est réveillé
à la réalité amère que les Iraniens sont
déjà aux portes d’Israël et que l’arche
chiite s’est bien établi de l’Iran à l’Est
jusqu’au Liban à l’Ouest, en passant par l’Irak
et la Syrie. Cet axe opposant à l’Empire au
Moyen-Orient comprend, en effet, trois pays, l’Iran, la Syrie
et le Liban (ajoutons-y l’Irak du gouvernement Maliki après
le départ des troupes étatsuniennes). Le secrétaire
général de l’organisation du Hezbollah, Hassan
Nasrallah, l’a bien décrit lorsqu’il a dit que cet
axe comprend trois «organes » : l’épaule
(l’Iran), le bras (la Syrie) et le coup de poing (le Liban)[4].
Face
à cet axe, se trouve l’axe pro-Empire composé
d’Israël, fer de lance de l’impérialisme
mondial au Moyen-Orient, les émirats et sultanats de la
péninsule Arabique, l’Égypte au Sud (avant le
détrônement de son pharaon, Mubarak), et la Turquie au
Nord. En effet, l’axe de l’Empire s’est formé
en 1978 avec l’établissement de l’ordre de Camp
David[5] qui avait remplacé l’ordre de l’après
deuxième Guerre mondiale.
En
ce sens, nous nous sentons vraiment « embarrassée »
de croire au discours « philanthrope » des fanfarons de
la tragédie du « printemps arabe », et
d’interpréter, par conséquent, les évènements
qui bouleversent le monde arabe, dès lors, en tant que faits
isolés des plans expansionnistes de l’Empire dans la
région.
Nos
observations du paysage syrien aboutirent à ce résultat
que l’insurrection armée en Syrie ainsi que l’émergence
subite des groupes islamistes salafistes sur la scène des
événements ne peuvent être comprises ni en
suivant le discours des médias de l’ordre occidentaux et
arabes subordonnés, ni en retenant par cœur le discours
poétique et misérable du Conseil national syrien [6],
mais bien plutôt en déterminant 1) les composants
ethnico-religieux du paysage interne de la Syrie ; 2) les conditions
historiques de l’émergence de nouveaux États au
Moyen-Orient, au lendemain du démembrement de l’Empire
ottoman en 1918 [7] ; 3) l’échec de l’Empire
étatsunien suite à la guerre en Afghanistan et en Irak
; 4) la défaite d’Israël à la deuxième
Guerre du Liban[8].
Ceci
dit, toute analyse portant sur les violences en Syrie – une
appellation que nous trouvons plus réaliste que celle
fantastique de « révolution » syrienne –
doit prendre, comme base d’analyse, ces points mentionnés
ci-dessus.
En
plus, ce que nous cherchons à établir, c’est
précisément la connaissance d’un événement
historique significatif dans l’histoire du Proche-Orient, et
son effet sur les événements actuels en Syrie ; car
même si on possède la connaissance la plus complète
possible de la totalité des événements du «
printemps arabe », nous resterions désemparés
devant les questions suivantes :
premièrement,
comment expliquer le fait qu'à un moment donné de la
guerre contre le terrorisme déclarée en 2011,
l’antagonisme Occident / Islam réussit à former
un « front uni » et prétend « défendre
» la démocratie et les droits de l’homme dans le
monde arabe ; un « front » qui rassemble, derrière
la même barricade et sous le même étendard de «
liberté, démocratie, justice », l’impérialisme
étatsunien, le néo-colonialisme européen,
l'islamisme califal turc et le despotisme obscurantiste arabique ?
deuxièmement,
comment expliquer le fait que les émirats et sultanats arabes
du Golfe se considèrent menacés par l’Iran, un
pays musulman, et non par l’État hébreu implanté
au cœur du monde arabe par l’impérialisme
britannique au lendemain de la Grande guerre ?
troisièmement,
comment expliquer qu’Israël, le pays qui se considère
et que l’on considère comme la « seule démocratie
» au Moyen-Orient, devient à un moment donné la
garantie stratégique de la continuité des monarchies
despotiques obscurantistes de la péninsule Arabique ?
quatrièmement,
comment expliquer le fait que malgré la propagande
impérialiste et la désinformation médiatique
contre la Syrie, nous constatons que la majorité des Syriens
soutiennent toujours le président Bachar al-Assad ; et que la
majorité des Libanais et des Irakiens, pour ne pas mentionner
les Iraniens, le soutiennent aussi ?
cinquièmement,
comment expliquer le fait que les minorités chrétiennes
de l’Orient, qui s’identifient normalement avec «
l’Occident chrétien » se sentent menacées
par la « démocratie démocratique » de ce
même Occident, et préfèrent la « tyrannie»
du président syrien Assad sur la « liberté »
promise par l’impérialisme mondiale ?
Il
est vrai que le nombre et la nature des causes déterminant un
événement singulier quelconque sont toujours
infinis, et qu’il n’y a dans les choses même aucune
espèce de critères qui permettrait de sélectionner
une fraction d’entre elles comme devant seule entrer en ligne
de compte ; cependant, nous ne pouvons pas nous laisser pris «
par la confusion et les choses tues » de la propagande
impérialiste, pour la simple raison que les causes sont
infinies ; au contraire, notre travail analytique nécessite la
répartition des causes infinies en groupes de causes finis que
nous limitons en deux points précis : 1) les composants
ethnico-religieux du paysage interne de la Syrie naturelle, ou
l’hétérogénéité culturelle
syrienne ; et 2) la concrétisation politique de cette
hétérogénéité dans l’émergence
de nouveaux États, au lendemain du démembrement de
l’Empire ottoman en 1918, selon des conditions historiques
précises.
De
l’ancien ordre du Moyen-Orient
Il
est clair d’emblée que le monde arabe passe par une
période de reconstruction majeure de sa carte géopolitique,
de ses frontières extérieures et intérieures,
des noms de ses pays et de leur nature. Il s’agit, en effet,
d’une deuxième reconstruction majeure au cours d’un
siècle ; étant donné que la première
reconstruction a eu lieu au lendemain de la Grande guerre et du
démembrement de l’Empire ottoman en 1918 par
l’impérialisme franco-britannique. Entre la première
reconstruction (1918) et la deuxième (2011), deux révisions
ont été faites :
premièrement,
la révision de l’après deuxième Guerre
mondiale qui a été appliquée dans les années
cinquante et soixante. Cette révision a entrainé à
deux grands événements : 1) la chute des monarchies
instaurées par l’impérialisme français et
britannique au lendemain de la Grande guerre, comme la monarchie
d’Idris I de Libye (1951 – 1969), le royaume d’Égypte[9]
(1922 – 1953), le royaume d’Irak[10] (1921 – 1958),
la monarchie du Yémen[11] (1918 – 1962) ; et 2)
l’indépendance des colonies françaises et
britanniques en Afrique du Nord et au Proche-Orient.
deuxièmement,
la révision de l’ordre du Camp David qui a été
établie en 1978 suite à la guerre « carnavalesque
» d’octobre 1974. Cette deuxième révision a
mené à l’émergence des dictatures et des
monarchies sanglantes, imposées et soutenues par
l’impérialisme mondial[12]. Pendant trois décennies,
des monstres comme Moubarak, Saddam, les émirs et sultans de
la péninsule Arabique, se réjouissaient de la
bénédiction de l’Empire étatsunien et de
ses alliés européens. D’un côté, ce
statu quo a imposé Israël au centre des relations
régionales ; de l’autre côté, il a permis
aux despotes et aux monstres arabes dociles à l’Empire
étatsunien à tyranniser leurs peuples et à les
terroriser par la torture, l’oppression et l’extermination.
Citons, ici, l’exemple de Saddam Hussein qui s’est
précipité dans une guerre sauvage contre le peuple
iranien (1979 – 1988) causant 1. 5 millions de pertes humaines
entre tués et handicapés[13] ; l’exemple de
Moubarak, le pharaon d’Égypte et fils de Ramsès
II, qui s’était élevé sur l’Égypte
et a affamé son peuple pendant trente ans comme aucun autre
pharaon ne l’a jamais fait.
De
l’accord Sykes-Picot (1916)
Ainsi
qu’en témoigne la carte géopolitique du
Proche-Orient, les frontières des États actuels, furent
dessinées en pleine Grande guerre (1914 – 1918),
précisément selon un partage colonial, issu de
plusieurs accords et traités imposés par la France et
le Royaume-Uni, les deux grandes puissances colonialistes de
l’époque; citons-en l’Accord Sykes-Picot (1916),
la Déclaration Balfour (1917), la Conférence de la Paix
(1919), le Traité de Sèvres (1920) et le Traité
de Lausanne (1923). Il en résulta que les Français et
les Britanniques redessinèrent les frontières
intérieures et extérieures des provinces arabes de
l’Empire ottoman, selon leurs propres intérêts
coloniaux, et non pas, évidemment, selon les intérêts
des peuples conquis.
Le
premier accord entre puissances colonialistes, portant sur l’avenir
des provinces arabes de l’Empire ottoman, fut celui de
Sykes-Picot, en 1916. Les Grandes puissances étaient en pleine
guerre. Le coût de cette guerre attint déjà
des millions de cadavres et de mutilés, laissés dans
les tranchées d’une guerre faite pour déterminer
à quel groupe de brigands financiers reviendrait la plus
grande part du butin des colonies. Cependant, loin du bombardement
lourd de l’artillerie, à Downing Street à
Londres, les deux puissances coloniales, la France et le Royaume-Uni
se préparaient pour charcuter et dépecer la prise de «
l’Homme malade de l’Europe ». Pour ces deux grandes
puissances, la chute de l’Empire ottoman était une
question de temps.
Faisant
suite à un travail préparatoire épistolaire de
plusieurs mois entre Paul Cambon, ambassadeur de France à
Londres, et Sir Edward Grey, secrétaire d’État au
Foreign Office, l’accord Sykes-Picot fut conclu entre la France
et le Royaume-Uni, entre Sir Mark Sykes et François
Georges-Picot, le 16 mai 1916. Cet accord prévoyait à
terme un dépeçage du Levant et de la Mésopotamie
; plus précisément, l’espace compris entre la mer
Noire, la mer Méditerranée, la mer Rouge, l’océan
Indien et la mer Caspienne, alors partie intégrante de
l’Empire ottoman.
En
plus, la Russie tsariste et l’Italie participèrent aux
délibérations et donnèrent leur accord aux
termes de l’accord, qui demeurait secret jusqu’en janvier
1918, lorsque le nouveau gouvernement bolchévique en Russie le
porta à la connaissance du gouvernement de la Sublime Porte,
toujours possesseur des territoires concernés.
Selon
l’accord Sykes-Picot, le Levant et la Mésopotamie,
c'est-à-dire la Syrie naturelle[14], seront découpés
en cinq zones :
1.
Zone française, d’administration directe formée
du Liban actuel et de la Cilicie ;
2.
Zone arabe A, d’influence française comportant le nord
de la Syrie actuelle et la province de Mossoul ;
3.
Zone britannique, d’administration directe formée du
Kuweit actuel et de la Mésopotamie ;
4.
Zone arabe B, d’influence britannique, comprenant le sud de la
Syrie actuelle, la Jordanie actuelle et la future Palestine
mandataire ;
5.
Zone d’administration internationale comprenant
Saint-Jean-D’acre, Haïfa et Jérusalem. Le
Royaume-Uni obtiendra le contrôle des ports de Haïfa et
d’Acre[15].
De
l'opposition étatsunienne à l’accord
Sykes-Picot
Sur
un autre plan, les États-Unis, qui se présentaient
encore au début du XXe siècle comme force «
libératrice », ne participèrent pas aux
délégations de Sykes-Picot ; et le président
Woodrow Wilson se tentait de mettre en avant l’argument de
l’auto-détermination des peuples. Par conséquent,
il exposa, le 8 janvier 1918 devant le Congrès américain,
les quatorze points qui, selon lui, devraient aider au règlement
de l’après guerre. Dans la logique de ces quatorze
points, l’idée d’envoyer une commission d’enquête
dans la province syrienne fut avancée.
Le
douzième point donne la position de Wilson sur le partage de
l’Empire ottoman :
Aux
régions turques de l’Empire ottoman actuel, devraient
être assurées la souveraineté et la sécurité
; mais aux autres nations qui sont maintenant sous la domination
turque on devrait garantir une sécurité absolue de vie
et la pleine possibilité de se développer d'une façon
autonome ; quant aux Dardanelles, elles devraient rester ouvertes en
permanence, afin de permettre le libre passage aux vaisseaux et au
commerce de toutes les nations, sous garantie internationale[16].
En
effet, les principes de Wilson ne rejetèrent pas totalement,
l’occupation française et britannique des provinces
arabes de l’Empire ottoman ; au contraire, ils la légitimèrent.
Les principes de Wilson reconnurent seulement la souveraineté
des régions turques de l’Empire ; quant aux régions
arabes, ces principes garantirent seulement, sans assurer, «
une sécurité absolue de vie et la pleine possibilité
de se développer d'une façon autonome ». Cela
veut dire, sous entendu, que les points de Wilson considéraient
les Syriens incapables de décider de leur propre sort ni de
leur propre futur ; et par conséquent, ils devaient rester
sous une sorte de protectorat colonial avant qu’ils pussent
avoir leur indépendance.
Du
point de vue de son contenu et non de celui de sa forme, le discours
« libératrice » de Wilson ne diffère pas
beaucoup de celui déclaré par les puissances coloniales
à la Conférence de Berlin en 1884 justifiant le
dépeçage de l’Afrique[17]. Si la Conférence
de Berlin (1884) adopta un discours « civilisateur » pour
justifier le pillage de l’Afrique[18], la Conférence de
la Paix (1919) préféra un discours « libérateur
» pour régler le saccage du Proche-Orient. Nous
rappelons aussi, en passant, du discours « démocratiste
» de l’Empire étatsunien à la veille de
l’invasion de l’Irak en 2003.
Au
contraire de ce que la Conférence de la Paix propageait, les
Syriens[19] étaient bien déterminés d’obtenir
leur indépendance et de se gouverner indépendamment des
puissances coloniales. Cela se justifie par la présence,
depuis le XIXe siècle, de grands partis politiques, de
mouvements, d’organisations, de clubs, de journaux,
d’imprimeries, de publications, dont l’objectif principal
visait à réaliser l’indépendance des
provinces arabes de l’Empire ottoman. En effet, il n’est
pas vrai que les Turcs, vaincus à la Grande guerre, laissèrent
des broussailles et de terrains boisés, occupés par des
populaces primitives, comme il plait au discours colonialiste d’en
propager ; au contraire, les villes arabes de l’Empire ottoman
eurent achevé, à cette époque, un niveau bien
avancé dans le domaine de l’organisation urbaine.
Certainement,
le positionnement des États-Unis face aux projets de découpage
du Levant, à la veille de la Conférence de la Paix
(1919), ne s’explique pas par la nature alors «
libératrice » des États-Unis, ni par la «
bonne volonté » et le « libre arbitre » du
président américain Woodrow Wilson, « paix à
ses cendres », mais plutôt par l’analyse objective
de l’« abstinence » étatsunienne, vue dans
le contexte du rapport de force alors établi entre deux
puissances coloniales chevronnées, ayant été sur
le point de perdre la guerre en Europe, la France et le Royaume-Uni,
d’un côté, et une puissance impérialiste
ascendante, précipitée à leur secours en 1917,
les États-Unis, de l’autre côté.
Autrement dit, les États-Unis voulaient, à cette
époque, ralentir les ambitions coloniales de la France et du
Royaume-Uni, qui se préparaient pour une colonisation complète
du Proche-Orient, selon le modèle alors appliqué en
Afrique. En plus, les intérêts étatsuniens
exigeaient que les provinces arabes de l’Empire ottoman ne
fussent pas sous occupation directe menant à une colonisation
complète, telle qu’elle était exercée en
Afrique, mais plutôt sous occupation indirecte, contrôlée
par la Société des Nations.
Selon
cette volonté de refuser l’impérialisme
britannique et français, et ses manifestations, un nouveau
système juridique fut progressivement mis en place. La Société
des Nations organisa dans le cadre d’une commission une
consultation des peuples concernés. La commission d’enquête
King-Crane fut ainsi envoyée en 1919 en Palestine, au Liban,
en Syrie et en Cilicie, afin d’enquêter les souhaits des
populations quant à leur avenir. En Irak également,
les Britanniques lancèrent une consultation populaire entre
décembre 1918 et janvier 1919.
Sentant
la situation leur échapper, les Français et les
Britanniques, qui eurent participé à la prise de Damas
en 1918, quittèrent la commission et imposèrent
précipitamment sur les territoires concernés de
nouvelles frontières telles qu’elles furent précisées
par l’accord Sykes-Picot. L’année suivante, les
forces britanniques se retirèrent de la zone d’influence
revenant à la France, cédant son contrôle aux
troupes françaises.
Incapable
de faire face à la volonté des puissances coloniales,
la Société des Nations leur confia, en 1920, un mandat
sur les provinces arabes de l’Empire ottoman, lesquels devaient
rapidement aboutir, au moins théoriquement, à
l’indépendance des deux territoires. Toutefois, les
nationalistes syriens, organisés depuis la fin du XIXe siècle,
ayant espéré la création d’une Syrie
indépendante, incluant la Palestine et le Liban, rejetèrent
le mandat.
En
mars 1920, le Congrès national syrien, élu en 1919,
refusa le mandat français et proclama unilatéralement
l’indépendance du pays. Néanmoins, en avril 1920,
la conférence de San Remo confirma les accords Sykes-Picot, et
légitima l'intervention militaire française. Par
conséquent, les troupes du général Gouraud
entrèrent à Damas en juillet, et écrasèrent
brutalement l’indépendance de la Syrie. Des milliers de
nationalistes syriens furent exécutés par les autorités
d’occupation françaises. Ce fut alors l'effondrement du
«grand projet arabe» de rassembler, autour de Damas, les
provinces arabes autrefois parties de l’empire ottoman. Alors
qu'elle avait été hostile envers les Turcs, la
population syrienne développa rapidement un sentiment
antifrançais.
Ainsi,
en découpant la Syrie naturelle, émergèrent de
nouveaux États, qui n’ont jamais existés avant
l’occupation franco-britannique : l’Irak, la Jordanie, le
Kuwait, le Liban, la Palestine, la Syrie, ainsi que deux autres États
qui ne durèrent pas longtemps, grâce au rejet complet de
la part du peuple syrien – ce rejet mena à la révolution
syrienne (1925 – 1927) – nous parlons ici de l’État
druze et de l’État alaouite.
Fida
Dakroub, Ph.D
Pour
communiquer avec l’auteure : http://bofdakroub.blogspot.com/
Notes:
[1]
Citation de Fédor Dostoïevski.
[2]
Sur son lit de mort, l'Empereur romain August, se sentant de plus en
plus faiblir, demanda un miroir, se fit peigner les cheveux et raser
la barbe. Après quoi, il dit : N'ai-je pas bien joué
mon rôle ? » ; Oui, lui répondit-on ; Battez donc
des mains, dit-il, la pièce est finie ! Plaudite, acta est
fabula !
[3]
Dakroub, Fida. (2012, 14 mai). La défaite d’Israël
à la deuxième Guerre du Liban (2006). Centre de
recherche sur la mondialisation. Récupéré le 21
mai 2012 de : http://mondialisation.ca/index.php?context=va&aid=30846
[4]
http://video.moqawama.org/sound.php?catid=1
[5]
Les accords de Camp David furent signés le 17 septembre 1978,
par le Président égyptien Anouar el-Sadate et le
Premier Ministre israélien Menahem Begin, sous la médiation
du Président des États-Unis, Jimmy Carter. Ils
consistent en deux accords-cadres qui furent signés à
la Maison Blanche après 13 jours de négociations
secrètes à Camp David. Ils furent suivis de la
signature du premier traité de paix entre Israël et un
pays arabe : le traité de paix israélo-égyptien
de 1979.
[6]
Voir l’article de l’auteur, « Le
11-Vendémiaire de la Sainte-Révolution syrienne ou
L’Échec du Conseil national syrien » :
http://www.legrandsoir.info/le-11-vendemiaire-de-la-sainte-revolution-syrienne-ou-l-echec-du-conseil-national-syrien.html
[7]
Nous désignons par conditions historiques l’ensemble des
accords et des traités entre puissances coloniales et
impériales sur le découpage et le partage du Levant en
plusieurs États antagonistes au lendemain de la Grande guerre
(1914 – 1918).
[8]
Dakroub, Fida. La défaite d’Israël à la
deuxième Guerre du Liban (2006). loc. cit.
[9]
Le royaume a été créé en 1922 lorsque le
gouvernement britannique a reconnu l'Égypte indépendante.
Le sultan Fouad I devint ainsi le premier roi du nouvel État.
Farouk I succéda à son père comme roi en 1936.
Avant la France, l'Égypte avait été occupée
et contrôlée par le Royaume-Uni à partir de 1882.
[10]
Le royaume est d'abord proclamé le 23 août 1921, durant
la période du Mandat britannique de Mésopotamie. Le
Mandat de la Société des Nations exercé par le
Royaume-Uni est juridiquement annulé en 1922, mais la tutelle
britannique reste partiellement en place dans les faits jusqu'en
1932, date à laquelle l'Irak voit sa pleine indépendance
reconnue de droit par son adhésion à la SDN.
[11]
Le Royaume du Yémen est un État ayant existé de
1918 à 1962, dans la partie nord de l'actuel Yémen.
[12]
Özhan, Taha. (2011, 10 octobre). The Arab “Spring”.
Hürriyet.
Récupéré le 21 mai 2012 de
http://www.hurriyetdailynews.com/default.aspx?pageid=438&n=the-arab-8216spring8217-2011-10-27
[13]
Karsh, Efraim. (2002). The Iran-Iraq War 1980-1988, Osprey: London.
[14]
Il s'agit ici de la Syrie naturelle qui correspond grosso modo à
la Syrie gréco-biblique, située entre l'Anatolie, la
Mésopotamie, la Méditerranée et le Sinaï
(actuellement : Syrie, Liban, Palestine, Jordanie, Irak, Kuwait et
l’État hébreu).
[15]
Laurens, Henry. Comment l’Empire ottoman fut dépecé,
dans Le Monde Diplomatique, avril 2003.
[16]
Les quatorze points du Président Wilson, message au Congrès
exposant le programme de paix des Etats-Unis, le 8 janvier 1918.
[17]
La Conférence de Berlin marqua l’organisation et la
collaboration européenne pour le partage et la division de
l’Afrique. Cette conférence commença le 15
novembre 1884 à Berlin et finit le 26 février 1885. À
l’initiative du Portugal et organisée par Bismarck,
l’Allemagne, l’Autriche-Hongrie, la Belgique, le
Danemark, l’Espagne, la France, le Royaume-Uni, l’Italie,
les Pays-Bas, le Portugal, la Russie, le Suède-Norvège
et la Turquie ainsi que les États-Unis y participèrent.
La conférence de Berlin n'a pas partagé l'Afrique entre
les puissances coloniales, elle ne fait qu'établir les règles
de ce partage.
[18]
En 1876, la conférence de géographie de Bruxelles (12 –
19 septembre 1876) avait été convoquée par le
roi des Belges Léopold II afin d’envoyer des expéditions
au Congo pour les motifs présumées d’y abolir la
traite des Noirs maintenue par les Arabes et, selon ses propre
termes, de « civiliser » le continent africain.
[19]
Par Syriens, nous désignons les habitants de la Syrie
naturelle précédant l’Accord Sykes-Picot.
Docteur
en Études françaises (UWO, 2010), Fida Dakroub est
écrivaine et chercheure, membre du « Groupe de recherche
et d'études sur les littératures et cultures de
l'espace francophone » (GRELCEF) à l’Université
Western Ontario. Elle est l’auteur de « L’Orient
d’Amin Maalouf, Écriture et construction identitaire
dans les romans historiques d’Amin Maalouf » (2011).
Bachar
Al-Jaafari à l’ONU : En réponse à la
déclaration des Nations Unies concernant le massacre
d’al-Houla / Texte intégral de la conférence de
presse du Dr Bachar Al-Jaafari à l’ONU - par Bachar
Al-Jaafari
Texte
intégral de la conférence de presse au cours de
laquelle l’ambassadeur de Syrie à l’ONU, Bachar
Al-Jaafari, a dénoncé « le tsunami de
mensonges qui ont été dits il y a quelques minutes par
certains membres du Conseil. » - Silvia Cattori
Texte
intégral de la Conférence de presse
transcrit [1]
et traduit de l’anglais par JPH pour silviacattori.net
En
Syrie il y a eu un crime épouvantable, horrible, injustifié,
et injustifiable. Ce massacre a été condamné par
mon gouvernement dans les termes les plus forts. Et sur ce point, la
version de la condamnation de mon gouvernement a rejoint exactement
la formulation adoptée il y a quelques minutes par le Conseil
de Sécurité.
Je
voudrais également condamner ici, au nom de mon gouvernement,
le tsunami de mensonges qui ont été dits, il y a
quelques minutes, par certains membres du Conseil qui ont tenté
de vous induire en erreur en disant que leur manière de lancer
des accusations contre mon gouvernement était basée sur
ce qu’ils ont affirmé être des « preuves ».
Ils ont tort et ils vous induisent en erreur. Ni le Général
Mood, ni qui que ce soit d’autre n’a dit au Conseil de
Sécurité et à la session informelle qu’il
blâmait les forces du gouvernement syrien pour ce qui est
arrivé. Il est vraiment pitoyable et regrettable que certains
membres du Conseil soient sortis -quelques minutes après que
le Général Mood ait terminé son exposé-
pour vous induire en erreur et vous dire des mensonges sur ce qui
s’est passé.
Je
vous invite tous à regarder ce qui s’est passé à
al-Houla dans son intégralité. Dans ce tableau complet,
ce qui s’est passé hier al-Houla se situe dans un
contexte que nous devons comprendre pour saisir et comprendre qui a
perpétré ce crime.
Hier,
après la prière du vendredi, deux cents à trois
cents hommes armés se sont réunis vers deux heures de
l’après-midi. Ils se sont réunis en fait en
plusieurs points, et ensuite ils se sont déplacés pour
se regrouper en un seul endroit, à al-Houla. Ils avaient des
voitures pick-up chargées d’armes lourdes comme des
missiles anti-chars, des mortiers et des mitrailleuses, à la
manière libyenne que vous avez pu voir il y a quelques mois,
et ils ont commencé à attaquer les forces de l’ordre
qui étaient positionnées dans la région en cinq
endroits différents ; les attaques armées ont duré
de deux heures de l’après-midi jusqu’à onze
heures du soir.
Donc,
ici, nous ne parlons pas d’une attaque armée qui aurait
eu lieu et se serait terminée en une demie heure. Il s’agit
d’une opération armée d’envergure planifiée
à l’avance avec de nombreux objectifs. Après
avoir attaqué les positions des forces de l’ordre, les
groupes armés se sont tournés vers les civils, puis ils
se sont rendus dans un autre village qui est tout proche d’al-Houla,
à une distance d’un kilomètre, où ils ont
brûlé l’hôpital national, ils ont brûlé
les récoltes des agriculteurs et ils ont brûlé
des maisons. Ils ont aussi tué des dizaines de civils
innocents dans un autre village, également proche d’al-Houla,
appelé Shomaria. Donc, ici, nous ne parlons pas d’un
seul incident qui aurait eu lieu dans un endroit précis, nous
parlons d’un théâtre d’opérations qui
a englobé beaucoup de petits villages de la région.
Mon
gouvernement a nommé une Commission nationale d’enquête
qui a pour mission de découvrir qui sont les auteurs de cet
horrible massacre afin qu’ils soient traduits en justice. Ceux
qui ont commis ce crime en seront tenus responsables par les
autorités syriennes, devant la loi de notre pays.
Le
communiqué de presse adopté aujourd’hui par le
Conseil de Sécurité, a adopté en quelque sorte
la version des évènements présentée par
le Général Mood. Si vous regardez la formulation du
communiqué de presse, vous constaterez que rien n’indique
que le Conseil rejette le blâme sur les forces du gouvernement
syrien pour les meurtres et la perpétration des massacres. Au
contraire il identifie d’autres éléments dans ce
tableau qui peuvent être responsables de ce qui s’est
passé. Je dis cela parce que le communiqué de presse
dit que le Conseil de Sécurité condamne dans les termes
les plus forts les meurtres confirmés par les observateurs des
Nations Unies. Je confirme également ici au nom de mon
gouvernement que des dizaines de civils ont été tués,
cent quatorze – et ensuite une attaque qui a impliqué
des tirs d’artillerie et de chars sur un quartier résidentiel.
Ensuite,
les membres du Conseil de Sécurité ont également
condamné le meurtre de civils par des tirs à bout
portant et par de graves violences physiques. La plupart des meurtres
qui ont eu lieu à al-Houla sont dûs à ce genre
d’assassinats, des gens tués à bout portant, et
non en raison des tirs d’artillerie, car des tirs d’artillerie
n’auraient pas laissé les corps des victimes dans l’état
où vous les avez vus. Nous parlons ici du style de meurtres
qu’a connu l’Algérie au début des années
nonante.
Mon
gouvernement ne ménagera aucun effort, quels qu’ils
soient, afin de trouver les auteurs de ces massacres, et de les
traduire en justice.
Je
voudrais ajouter à cela, que le Conseil de Sécurité
devrait se réunir également pour identifier ceux qui
arment les groupes terroristes en Syrie, qui les accueillent, qui les
suscitent et les incitent à la violence, et qui les protègent,
et appeler à ce qu’ils soient également traduits
en justice. Certains membres du Conseil, leurs fonctionnaires l’ont
dit publiquement. Certains d’entre eux sont des membres
permanents. Leurs hauts fonctionnaires ont dit publiquement qu’ils
ne ménageraient pas leurs efforts pour fournir des armes à
l’opposition syrienne, et certains d’entre eux ont parlé
d’ « armes non-létales », je ne
sais pas ce que cela signifie. Mais le résultat immédiat
de cette militarisation de l’opposition s’est traduit
sous la forme de l’enlèvement des pèlerins
libanais revenant d’Irak au travers du territoire turc, et sous
la forme d’attentats-suicides et de l’infiltration du
territoire syrien par al-Quaida.
Nous
n’avons donc pas besoin d’un double langage au Conseil de
Sécurité. Nous devons tenir chacun responsable devant
la justice, même si nous touchons à certains membres
permanents. Ceux qui disent avoir grand intérêt à
arrêter la violence et à la réussite du dialogue
national en Syrie devraient cesser de s’ingérer dans nos
affaires intérieures, cesser d’armer, d’héberger,
de financer et de protéger les groupes terroristes armés
dans mon pays. On ne peut pas être en même temps pyromane
et pompier. Et Malheureusement, c’est exactement le cas de
certains membres de ce Conseil de Sécurité. Les
dimensions arabe, régionale et internationale de la crise
syrienne ne sont pas la situation la plus trouble, et chacun sait ce
dont nous parlons.
Je
suis à votre disposition.
Question :
Dans la déclaration il est dit « Les attaques
ont comporté des tirs de l’artillerie et des chars du
gouvernement syrien sur des quartiers résidentiels ».
Êtes-vous en désaccord avec cela ?
Bashar
Al-Ja’afari : Je suis en désaccord avec
l’interprétation qui vous a été fournie de
cette phrase par l’ambassadeur allemand, l’ambassadeur
britannique, et d’autres. L’interprétation était
erronée. Il appartient au Général Mood de
présenter les faits. Et pas à l’ambassadeur
allemand, ou l’ambassadeur britannique, ou d’autres
ambassadeurs.
Question :
Mais le fait qu’il y a eu des bombardements gouvernementaux
sur un quartier résidentiel, était-ce un fait ?
Bashar
Al-Ja’afari : Le Général Mood n’a pas
dit cela.
Question :
Vu que les circonstances n’étaient pas claires, le
Général Mood est-il plus factuel que le Secrétaire
Général ?
Bashar
Al-Ja’afari : C’est exactement ce que je voulais
dire à votre collègue. Le Général Mood a
dit cela, que les circonstances n’étaient pas claires en
ce qui concerne qui était à blâmer pour ces
attaques. Oui, il a dit cela, mais dans ce contexte, pas dans le
contexte qui vous a été fourni par certains
ambassadeurs.
Question :
Pensez-vous que cette lettre du Secrétaire Général
est plus proche de la déclaration des ambassadeurs allemand et
britannique ou de la déclaration faite par le Général
Mood dans les consultations ?
Bashar
Al-Ja’afari : Plus encline à sympathiser avec les
ambassadeurs allemand et britannique, bien sûr.
Question :
Qu’en est-il de l’enquête ?
Bashar
Al-Ja’afari : Il y a une coopération étroite
entre le gouvernement syrien et l’UNSMIS [United Nations
Supervision Mission in Syria] en Syrie. Bien sûr après
avoir nommé la Commission nationale syrienne d’enquête,
les autorités syriennes vont partager avec le Général
Mood le résultat de ces enquêtes, et ensuite,
naturellement, le Général Mood va partager cette
information avec le Conseil de Sécurité et M. Kofi
Annan.
Un
point important, messieurs : vous-vous souviendrez peut-être
que chaque fois que le Conseil de Sécurité avait prévu
une session pour discuter de la crise syrienne, quelque chose devait
se produire en Syrie. Ou un attentat-suicide, ou une attaque
terroriste, ou une forme de massacre, celle que, malheureusement,
nous discutons aujourd’hui. Donc, ce n’est pas une
coïncidence fortuite que ce massacre ait eu lieu seulement un
jour avant l’arrivée de M. Kofi Annan en Syrie.
Cette dimension est très importante parce qu’elle jette
des doutes sur les motivations réelles de ceux qui ont
perpétré ce crime horrible. Ils cherchent l’escalade,
ils cherchent à mobiliser le Conseil de Sécurité
contre le gouvernement syrien. Aucun gouvernement que ce soit ne
massacrerait ses propres citoyens pour parvenir à une victoire
politique sur ses opposants. L’utilisation de l’artillerie
et les tirs de chars et de missiles n’auraient pas tué
ces civils innocents de la façon dont ils ont été
tués. Et cela a été notifié par la
déclaration de presse du Conseil de Sécurité qui
dit qu’ils ont été tués à bout
portant. Cela signifie que c’est un pur assassinat, il ne
s’agit pas du recours à l’artillerie et aux tirs
de chars.
Question :
Vous dites que ce n’est pas le gouvernement syrien, mais qui
l’a fait ?
Bashar
Al-Ja’afari : Les groupes terroristes armés ont
lancé ce type d’attaques terroristes depuis le début
de la crise en Syrie. Ce n’est pas ici le premier incident qui
a eu lieu en Syrie. Bien sûr, ce qui s’est passé
hier est un crime horrible, épouvantable, injustifié et
injustifiable. Mais aucun gouvernement sur terre ne commet ce type de
meurtre. Il s’agit de groupes armés, il s’agit
d’un crime terroriste. Nous ne pouvons pas le décrire
avec d’autres termes. Ceux qui ont commis ce crime seront tenus
responsables devant la justice syrienne, et la Commission nationale
d’enquête nommée hier par le gouvernement devra
présenter son rapport dans les trois jours à compter
d’aujourd’hui. Donc, assurément, nous allons
savoir qui est derrière ce crime horrible ; c’est
une affaire de trois jours.
Question :
Ne serait-ce pas un prétexte pour blâmer le
gouvernement qu’ils donnent par procuration aux membres du
Conseil de Sécurité ?
Bashar
Al-Ja’afari : Comme je l’ai dit au début,
nous devrions regarder le tableau dans son intégralité.
La question n’est pas d’aller dans les détails.
Parfois les détails sont importants mais parfois ils ne le
sont pas. La question est d’avoir le bon jugement sur ce qui
s’est passé. Et pour avoir le bon jugement vous devez
considérer le tableau dans son intégralité dans
son contexte historique, avec ses dimensions géopolitiques.
Comme je l’ai dit, il y a une dimension arabe, il y a une
dimension régionale et une dimension internationale de la
crise syrienne. Et certains pays disent publiquement qu’ils
vont appuyer – et ils ont déjà appuyé –
la branche militaire syrienne de l’opposition avec des armes.
Les gens devraient être très prudents en lisant la carte
de ce qui se passe en Syrie.
Question :
Serait-ce pour pousser à augmenter la taille de l’UNSMIS,
peut-être pour armer son personnel, pour une sorte
d’internationalisation ?
Bashar
Al-Ja’afari : C’est peut-être un des objectifs
visés par ceux qui ont commis ce crime. Cela pourrait être
une des raisons. Une raison très importante pour perpétrer
ce genre de crime horrible : accentuer l’internationalisation
de la crise syrienne, et augmenter le personnel de l’UNSMIS.
Merci.
Le
printemps syrien. Témoignage d'un religieux français -
par Mgr Philippe Tournyol du Clos
La
paix en Syrie pourrait être sauvée si chacun disait la
vérité. De retour à Damas en ce mois de mai
2012, il me faut bien constater qu’après une année
de conflit, la réalité du terrain ne cesse de
s’éloigner du tableau catastrophiste qu’en
imposent les mensonges et la désinformation occidentale.
Le
mois de février a marqué un coup d’arrêt
aux provocations des islamistes radicaux. Les troubles, en majorité
circonscrits à Hamma et à Homs, auraient
d’ailleurs été plus vite résorbés
si la pression internationale n’avait freiné
l’intervention de l’Armée. Les zones frontalières
de la Turquie , de la Jordanie et du Liban – par lesquelles
s’infiltrent les mercenaires – restent encore sensibles.
Dans la capitale, ce que l’on appréhende le plus sont
les voitures piégées et les attentats à la
bombe, la plupart du temps, le fait de kamikazes alléchés
par l’appât du gain, le désir du paradis d’Allah,
ou bercés du rêve sunnite de la fin des alaouites au
terme de 40 ans de règne et l’avènement de Jésus
au haut du minaret, accompagné du dernier prophète Al
Mahadi pour le Jugement dernier.
Il
faut dire et redire que l’idéologie fanatique est
d’importation étrangère et que la Syrie n’a
jamais été confrontée à un cycle de
manifestations/répression, mais à une
déstabilisation sanguinaire et systématique par des
aventuriers qui ne sont pas syriens. Cette information, qui va à
l’encontre des journaux et des reportages télévisés,
l’ex-ambassadeur de France, Éric Chevallier, n’avait
eu de cesse de la faire entendre à Monsieur Juppé ;
mais le ministre français refusa toujours de tenir compte de
ses rapports et falsifiait sans vergogne ses analyses pour alimenter
la guerre contre la Syrie.
Nos
lecteurs ont encore en mémoire l’invitation du
Patriarche maronite à Paris, Sa Béatitude Bechara Raï,
par Nicolas Sarkozy qui, s’étant renseigné sur le
nombre des chrétiens au Liban et en Syrie, lui proposa de les
installer en Europe. La réponse indignée et courageuse
du haut prélat qui prit la défense de Bachar Al-Assad –
et qui devait, selon le protocole, être décoré de
la légion d’honneur – lui valut d’en
recevoir l’écrin de la main sèchement tendue de
l’ex-président français.
Arrivée
à Damas
L’on
respire à Damas un autre air qu’on voudrait nous le
faire croire partout ailleurs.
Certes,
depuis quatre mois, dans la banlieue, les voitures piégées
ont fait de sanglants dégâts ; plusieurs fanatiques
suicidaires se sont fait exploser dans la foule d’innocentes
victimes. L’on entend parfois, la nuit, des échanges de
coups de feu, c’est l’armée qui veille à la
protection des habitants et parvient souvent à empêcher
les attentats meurtriers. Ces jours-ci, deux minibus bourrés
de TNT ont explosé simultanément selon un schéma
terroriste désormais classique. Toujours disposée à
proximité d’une cible d’intérêt
stratégique, la première charge est destinée à
semer la panique et à attirer le plus grand nombre
d’intervenants pour déclencher la seconde explosion.
Cette fois-ci, c’était le Quartier Général
du contre espionnage syrien, où avaient été
détenus les étrangers pris les armes à la main
et que les salafistes projetaient de faire évader. Leur
tentative échoua mais se solda par un bilan terrible : 130
morts (dont 34 chrétiens), 400 blessés et autant de
logements endommagés.
La
consternation est générale, le chagrin indescriptible
et les nombreuses funérailles déchirantes. Pourtant, en
ce mois de Marie les églises abondamment fleuries se
remplissent chaque soir et j’ai vu les mosquées bondées
le vendredi à midi ; la concentration de la prière aux
Omeyyades évoquait pour moi celle des coptes en Égypte
; tandis que les espaces verts sont régulièrement
envahis par des familles heureuses de se retrouver pour des
piqueniques qui se prolongent tard dans la nuit. Le peuple syrien est
un peuple simple et enjoué. Malgré l’insécurité
et les dramatiques difficultés économiques engendrées
par les sanctions internationales (l’inflation de la livre
syrienne, l’anéantissement total du tourisme, la
croissance du chômage et la cherté grandissante des
denrées de base), la vie continue normalement.
Les
chrétiens vivent en paix
Bien
que partageant avec leurs congénères l’inquiétude
générale, les chrétiens avouent volontiers
qu’ils ne se sont jamais sentis aussi libres par le passé.
Ils attribuent ce sentiment à la pleine reconnaissance de
leurs droits lors de l’accession à la présidence
de la famille Assad. Certains s’estiment même mieux
traités aujourd’hui qu’à l’époque
où ils étaient pris entre les deux feux des partisans
opposés de De Gaulle et de Vichy. Un ami damasquin évoque
pour moi le souvenir de son grand-père qui, suivant une
coutume alors répandue, avait échangé le sang
d’une légère blessure faite à la main avec
celui d’un cheikh musulman pour devenir frères de
sang ; il me confie : « Les ennemis de la Syrie ont
enrôlés les Frères Musulmans dans le but de
détruire les relations fraternelles qui existaient depuis
toujours entre les musulmans et les chrétiens. Pourtant, à
ce jour, ils n’y sont pas parvenus : ils ont même
provoqué une réaction contraire et rapproché
comme jamais auparavant tant les communautés que les
individus. »
Petit
rappel historique. La conquête de la Syrie par les arabes (636)
n’a jamais été sanglante. À Damas, tandis
que les chrétiens byzantins tentaient de leur résister,
les chrétiens syriaques leur ouvraient les portes de la ville
et leur offraient spontanément leurs services pour construire
des habitations. Sait-on que pendant 70 ans, chrétiens et
musulmans prièrent ensemble dans l’Église Saint
Jean-Baptiste ? Quand celle-ci fut devenue trop petite, sur la
demande des musulmans, elle devint la Mosquée des Omeyyades
(705) que l’on admire encore aujourd’hui ; et pour
dédommager les chrétiens, les musulmans leur
construisirent les quatre premières églises damascènes.
La
première impression qui me frappe est donc de retrouver Damas
pareille à elle-même, son charme désuet, ses
souks hauts en couleurs aux effluves d’épices,
l’animation égayée des ruelles de la vieille
ville et sa circulation qui n’a rien à envier à
celle du Caire ; dans les quartiers verdoyants des bords du Barada,
les restaurants sont pleins. La seconde, c’est la dignité
et la modestie du petit peuple de la rue : guère de mendicité,
d’apitoiement ou de plainte de la part des pauvres qui
fourmillent pourtant et cachent bien leur misère derrière
leurs murs lézardés. On n’imaginerait jamais ici
personne dormant dans la rue, comme à Paris.
Sur
le terrain
L’Armée
n’est intervenue que plusieurs mois après le
commencement des événements. L’insurrection s’est
caractérisée par une cruauté d’une
sauvagerie oubliée en Syrie depuis les massacres de 1860 où
11’000 chrétiens furent assassinés par des
fanatiques mahométans encouragés par les ottomans.
Les
turcs d’alors étaient pires que les salafistes
d’aujourd’hui. Petite évocation historique. Qui se
rappelle qu’en 1859, la maladie du ver à soie avait
provoqué la disparition de sa culture tant en Chine qu’en
France ? Seule la Syrie avait échappé au fléau.
(Le brocart, inventé par la famille Boulad avait déjà
conquis le monde). Or tous les soyeux syriens étaient
chrétiens. Il n’en fallut pas plus pour que le
gouvernement français du Second Empire « suggère
» à l’occupant ottoman de provoquer – par
musulmans exaltés interposés – les troubles
sanglants que l’on sait et la persécution contre les
chrétiens qui se solda par l’expatriation de tous les
soyeux vers la France et le rachat à bas prix de leur
production.
Un
militaire, actuellement sous les armes au sud du pays, me fait part
de sa stupéfaction quand il s’est trouvé affronté
à des combattants qui n’étaient pas
syriens mais étrangers, et me rapporte quelques faits
surprenants dont il a été témoin : « Quand
nous avons commencé à nous battre, nous avons trouvé
en face de nous des Libyens, des Libanais (mercenaires sunnites de
Saad Hariri), des Qatari, des Saoudiens et, bien sûr, des Al
Qaeda. Quand nous avons fait des prisonniers, nous avons constaté
que beaucoup d’entre eux ne parlaient pas l’arabe,
c’étaient des Afghans, des Français, des Turcs ».
Chacun s’attend, ici, à des révélations de
nature à mettre en porte-à-faux bien des pays.
Parmi
ces étrangers, me dit-il, « bon nombre d’entre
eux ne savent pas où ils sont : on fait passer les Libyens par
le Golan à proximité de la frontière israélienne
pour leur montrer le drapeau israélien et les convaincre
qu’ils sont bien sur la route de Gaza où ils vont
combattre avec leurs frères musulmans… À Homs, a
été arrêté un Libyen persuadé de se
trouver en Irak pour combattre les Américains. »
Près
de la frontière israélienne, de nuit, des voitures
télécommandées bourrées d’explosifs
ont pu être interceptées, exemple parmi d’autres
des interventions sporadiques de commandos qui traversent chaque jour
les frontières jordanienne, israélienne, libanaise et
turque.
Homs,
ville martyre
À
Homs, il est faux de dire que les alaouites centralisent dans leurs
mains tous les pouvoirs ; au nombre de 24, les notable comptent 18
sunnites, 4 chrétiens et 2 alaouites.
Homs
a toujours été la ville du pays la plus peuplée
de chrétiens. Ceux-ci occupaient à 98% deux quartiers,
Bustan El Diwan et Hamidieh (le Vieux Souk), où
se trouvent toutes les églises et les évêchés.
Le lacis de ses ruelles et les nombreux passages souterrains rouverts
pour la circonstance ne permirent pas aux mercenaires d’y
pénétrer avant la reprise de Baba Amro. Le
spectacle qui s’offre maintenant à nos yeux est celui de
la plus absolue désolation : l’église de Mar
Élian est à demi détruite et Notre-Dame
de la Paix saccagée (près de laquelle on a trouvé
plusieurs personnes égorgées) est encore occupée
par les rebelles. Les maisons, très endommagées par les
combats de rue sont entièrement vidées de leurs
habitants qui ont fui sans rien emporter ; le quartier d’Hamidieh
constitue encore aujourd’hui le refuge inexpugnable de
bandes armées indépendantes les unes des autres,
fournies en armes lourdes et en subsides par le Qatar et
l’Arabie Saoudite.
Tous
les chrétiens (138’000) ont pris la fuite jusqu’à
Damas ou au Liban ; ceux qui n’y avaient pas de parents se sont
réfugiés dans les campagnes avoisinantes, chez des
amis, dans des couvents, jusqu’au Krak des Chevaliers. Un
prêtre y a été tué ; un autre, blessé
de trois balles dans l’abdomen, y vit encore ainsi qu’un
ou deux autres, mais ses cinq évêques se sont prudemment
réfugiés à Damas ou au Liban. On dit que les
chrétiens amorcent un timide mouvement de retour.
Aujourd’hui,
mis à part quelques coups de feu nocturnes, la ville a
retrouvé le calme. C’est le cas d’Arman,
quartier où les alaouite sont aussi proportionnellement plus
nombreux que dans les autres villes, où l’on peut
circuler en voiture. Quant au quartier sunnite, on peut y pénétrer
(même un étranger, s’il est accompagné d’un
sunnite), mais c’est à ses risques et périls car
les tireurs isolés ne sont pas rares. Les magasins sont fermés
et les destructions impressionnantes. Je trouve étrange de
n’apercevoir dans toute la ville aucune présence
militaire, aucun soldat en armes. Ceux-ci se contentent d’en
contrôler les accès et d’occuper des casernes, à
l’extérieur.
Les
villages chrétiens de la campagne d’Homs
Puisqu’on
n’est pas éloigné de la frontière du
Liban, les points de contrôle et les barrages sont nombreux,
ainsi que le mouvement des véhicules de l’armée
loyaliste. Du haut de ses sept ans, Jacques s’époumone
auprès de moi : « Dieu protège l’armée
! » ; je le verrai ce soir prier pour elle comme il le fait
chaque jour avec ses frères et sœurs. Dans le village
chrétien où je passe les nuits, les grand-mères
se font un devoir de porter de la nourriture aux soldats. Un habitant
me confie : « Si l’armée quitte notre village,
nous risquons d’être égorgés. Si
la répression sauvage dont l’accusent vos médias
était réelle, pourquoi les militaires seraient-ils les
bienvenus dans nos villages ? ». Ils sont, j’ai pu le
constater de mes yeux, sous la protection attentive des troupes
fidèles au Président Bachar. Pourtant, le jour de
l’Ascension, une roquette est arrivée dans le jardin,
heureusement sans faire de dégâts, mais l’explosion
a terrifié les enfants. Le village, pour la première
fois, a été la cible de trois RPG dont l’un a
provoqué la mort d’un grand-père et
de ses deux petits enfants (14 et 13 ans).
La
campagne jouit donc d’un calme très relatif. On entend
des échanges de tirs, la nuit : c’est que nous ne sommes
qu’à une quinzaine de kilomètres de la frontière
libanaise. Douze personnes qui se rendaient à Kafr Nam en
minibus ont été kidnappées contre rançon.
Un autobus a été mitraillé sur la route. Au
village, un cousin a été enlevé quelques heures,
le temps de lui voler son taxi (habilité à passer la
frontière libanaise). Tout cela relève d’actions
isolées des bandes armées.
Rappel
des faits récents…
On
se souvient que pendant huit longs mois, les Homsiotes avaient
réclamé l’intervention de l’Armée,
qui se refusait à prendre le risque d’atteindre la
population civile.
Après
avoir essayé sans succès de s’établir à
Daraa, (près de la frontière jordanienne), puis
à Idleb (près de la frontière turque)
dont ils furent également délogés, les opposants
au régime avaient choisi Homs pour sa proximité
avec le Liban, comme Quartier Général. Dès lors,
on ne compta plus les exactions et les crimes d’une férocité
tout-à-fait étrangère au comportement syrien.
Pour exemple, l’enlèvement de 200 alaouites, en août
de l’an dernier, à fin de les égorger pour la
fête de l’Aid al-Adha. En provenance du Liban, un
armement sophistiqué considérable, suffisant pour
approvisionner toute la rébellion, avait été
stocké dans le quartier de Baba Amro autoproclamé
Émirat Islamique Indépendant. De nombreux
combattants y avaient d’ailleurs été
enrôlés de force, sous menace d’éliminer
leur famille. Parmi des atrocités sans nom, on a retrouvé
les corps de 48 jeunes hommes égorgés parce qu’ils
voulaient rendre les armes ; c’est ce que m’a
personnellement raconté un survivant qui avait perdu dans
cette circonstance son père et ses deux frères. Il faut
savoir que, pour le fanatique sunnite extrémiste, égorger
son ennemi manifeste sa fierté d’être en Guerre
Sainte ; et c’est un acte de vertu qu’il offre aux
yeux d’Allah.
Lorsque
des terroristes veulent vérifier l’identité
religieuse d’un suspect, s’il se dit chrétien,
ils lui font réciter le Je crois en Dieu et le laissent
partir (les chouans l’exigeaient en latin). S’il
se dit ismaélite, il lui est demandé de donner
les généalogies qui remontent à Moïse. S’il
se dit sunnite, ils exigent qu’il récite une
prière dont les alaouites, eux, ont retiré un passage.
Les alaouites n’ont aucune chance de s’en tirer
vivant. Nombre d’entre eux ont été kidnappés
sur simple présentation de leur carte d’identité
; quand des chrétiens l’ont été, c’était
par erreur. Depuis les temps immémoriaux, en effet, les
chrétiens vivent en paix dans les quartiers sunnites et
alaouites, heureux de leur présence.
Toujours
au contact avec la population, Bachar Al-Assad (dont on sait que la
mère a été l’élève d’un
collège de Latakieh tenu par des religieuses) s’est
rendu personnellement sur place après les événements
et a promis de reconstruire les quartiers martyrs.
Le
dessous des événements
Que
l’on nous permette de revenir quelque peu sur les événements
d’Homs présentés par la presse française
et internationale à la honte du « barbare » Bachar
El-Assad.
9
février 2012. Après épuisement de toutes les
tentatives de médiation, l’Armée loyaliste
syrienne donne l’assaut à « l’Armée
syrienne libre » qui s’était emparé du
quartier de Baba Amro et avait pris ses habitants en otage.
Lorsqu’au terme de batailles qualifiées de «
répression sanguinaire » par la presse
internationale, les Forces gouvernementales vinrent à bout des
rebelles, une partie d’entre eux trouva refuge dans le
labyrinthe du quartier chrétien, tandis que les derniers
éléments armés de l’Émirat
prenaient la fuite, en massacrant les chrétiens des deux
villages qu’ils traversèrent avant de trouver refuge au
Liban. Mais qu’advint-il des journalistes-combattants de
l’émirat islamique autoproclamé ?
Deux
y trouvèrent la mort, Marie Colvin et Rémi
Ochlik qui furent identifiés sur des vidéos par les
ambassadeurs de France et de Pologne, en tenue de combat. Le «
photographe » Paul Conroi appartenait à une
agence de renseignement britannique ; Édith Bouvier était
entrée clandestinement en Syrie aux côtés des
rebelles. Elle, qui aurait dû tomber sous le délit
d’immigration illégale, osa à l’époque
manipuler la compassion des téléspectateurs français
en réclamant la création d’un « couloir
humanitaire », se faisant la porte-parole d’Alain
Juppé qui cherchait par là à exfiltrer les
mercenaires de l’Armée Syrienne Libre et leurs
instructeurs occidentaux. D’autres éléments
laissent à imaginer que l’envoyée du Figaro
Magazine travaillait pour la DGSE.
La
veille de l’assaut final, s’échappant nuitamment
les dits journalistes gagnèrent le Liban où ils
furent récupérés à un point de passage
illégal par l’ambassadeur de France à Beyrouth,
Denis Pietton, le même qui avait insolemment pris position
contre Sa Béatitude Bchara Raï, trop bacharisé
à son goût. Sous le faux prétexte de visiter
les alentours de Baalbek, à l’est du Liban, le diplomate
avait rejoint le nord de la Bekaa , (région frontalière
limitrophe de la province de Homs) avec une équipe sécuritaire
française. Là, il récupérait les
exfiltrés français ; comme, en vertu de la Convention
de Vienne, les voitures diplomatiques ne peuvent être
perquisitionnées, le convoi ramena les agents français
à l’ambassade, au nez et à la barbe de la police.
La
frontière évanescente du Liban
L’Armée
Nationale syrienne renforce son dispositif pour empêcher les
infiltrations. Mais des combattants étrangers se regroupent
toujours aux frontières turque et jordanienne ; après
avoir transité par Amman, des centaines de Libyens d’Al-Qaïda
takfiristes (ex-groupe islamique agressif en Libye) continuent
d’affluer, tandis que plusieurs milliers d’autres sont
rassemblés à Hattay (en Turquie) et encadrés
par l’Armée turque ; ces jours-ci, sont arrivés
en renfort plus de 5’000 Libyens.
Les
incidents se multipliant, on dit que l’Armée libanaise
aurait démantelé un camp de regroupement et une base de
communication sur son territoire. Pourtant les preuves prolifèrent
sur la responsabilité de certains milieux libanais dans la
transformation du Liban en base arrière pour frapper la Syrie
et y commettre des actes de violences. En collaboration avec des
ambassades occidentales, un vaste trafic d’armes a été
mis en place via Tripoli (où arrivent par cargos des milliers
de tonnes d’armement lourd) grâce à l’installation
de bases logistiques et médiatiques notamment animées
par le Courant du futur de Saad Hariri et les Forces
libanaises de Samir Geagea. La tâche de ces cellules est de
former et d’entraîner les groupes terroristes syriens.
Tout se passe comme si, sur décision américaine, le
Liban était devenu une plateforme pour agresser la Syrie.
Damas,
une écharde dans la chair
Alors
que la Syrie semblait trouver sa place dans le concert des nations,
voici qu’un nombre inattendu de protagonistes s’intéresse
à elle, pas toujours de façon cordiale ou
désintéressée. L’homme de la rue se
demande si une nouvelle guerre mondiale n’a pas commencé
dans son pays. Et les conjectures vont bon train.
La
Russie n’a-t-elle pas besoin de la région comme
débouché indispensable vers les mers libres ? Comment
l’Amérique pourrait-elle supporter l’idée
de son émergence au rang des puissances mondiales ? La
Chine elle-même ne nourrit-elle pas le projet d’une
ligne de chemin de fer en direction du Golfe et de l’Afrique ?
L’acheminement du pétrole et du gaz iraniens à
destination de Banyias se fait à travers l’Irak, mais
les hydrocarbures du Qatar à destination d’Haïfa ne
seraient-ils pas programmés pour transiter par la Syrie ?
Poursuivant le plan sioniste ourdi de longue date de découpage
confessionnel du Moyen-Orient, Israël considère
que sa sécurité exige à n’importe quel
prix la chute de Bachar, dont la force est devenue une menace. Nul
n’ignore que lorsqu’il devint premier ministre, le
sunnite Saad Hariri (dont la fortune doit beaucoup aux fonds
américain, saoudiens et qataris) n’était libanais
que depuis huit ans. Son alliance avec l’Arabie Saoudite
s’explique aisément par le fait qu’il est le fils
de l’épouse que son père, Rafic, a offert en
présent au roi Abdallâh. Saoudiens et Qataris
sont alliés des USA qui les soutiennent à cause
du pétrole mais leur tiennent la bride courte, en menaçant
– par des troubles populaires qui ont déjà
commencés – la stabilité de leurs trônes.
On peut noter qu’il y a aussi du pétrole dans la région
de Deir Ezzor, à l’est de la Syrie (où
vient d’exploser un véhicule contenant 1000 kg de TNT),
et beaucoup de gaz dans la région de Qara et au large
des côtes de Latakieh. En fait, tout ce beau monde ne
s’est-il fédéré contre la Syrie que
lorsqu’elle a commencé d’émerger au niveau
des grandes puissances et Washington ne provoquerait-il les
changements de régime du monde arabe que pour réaliser
ses objectifs géopolitiques concernant la maîtrise de
l’énergie ?
Quand
– à l’appui de la Russie et de la Chine, au
soutien de l’Iran et celui du Hezbollah libanais (qui menace
directement Israël) – la Syrie ajoute sa puissance
de feu et l’efficacité de la protection de son
territoire (par des moyens électroniques capables
d’intercepter toutes communications ou de mettre en panne tout
appareillage électronique), Bachar devient une écharde
insupportable dans la réalisation du plan sioniste de
dépècement du Moyen-Orient destiné à
assurer la survie d’Israël.
Les
chrétiens ne sont pas persécutés comme en Égypte
Mon
hôte me dit : « Avant le commencement des événements,
nul n’aurait jamais eu l’idée de revendiquer son
appartenance religieuse. On vivait tous ensemble, sans toujours
savoir quelle religion l’autre pratiquait. On était
syrien, et cela nous définissait. C’est en 2011 que tout
a commencé de changer et que nous y avons prêté
attention. »
On
pourrait presque dire que les malheurs des chrétiens relèvent
des dommages collatéraux. En effet, les incidents dont ils ont
été victimes ne se sont produits que dans la région
d’Homs, (précédés des affrontements entre
sunnites et alaouites), mais l’on n’en déplore à
ce jour aucun dans les autres provinces.
Ils
sont inquiets, bien sûr, mais leur peur n’a vu le jour
qu’avec le Printemps arabe et la crainte de la prise du
pouvoir par les Frères musulmans. Avec l’immense
majorité des Syriens, ils aiment leur Président dont on
sait aujourd’hui qu’il ne tient plus au pouvoir mais, ne
voulant pas céder à la pression actuelle, attend les
élections de 2014 sans intention de se porter candidat. Ils
jugent enfin les bandes armées fanatisées pour ce
qu’elles sont, la plupart du temps, composées de jeunes
délinquants entre 18 et 26 ans à peine sortis de
prison. Avec tous les Syriens et comme le Président
lui-même, ils désirent des réformes. Mais pas
sa chute qui entraînerait immédiatement l’irakisation
de la Syrie (qui a accueilli, faut-il le rappeler, plus de trois
millions de réfugiés irakiens).
Il
a fallu attendre cette guerre pour que les chrétiens soient
personnellement menacés par des combattants salafistes
encouragés et excités chaque soir à la
télévision par le « cheikh » Al
Araour. Ancien officier de l’Armée syrienne, ce
personnage peu recommandable a été jugé et
condamné aux geôles syriennes pour ses mœurs
dépravés ; mais il a pris la fuite et s’est
réfugié au Qatar d’où il ne cesse
d’inciter ses troupes à massacrer alaouites et
chrétiens.
Il
y a, pour l’observateur, une évolution évidente
des « révolutions ». Les troubles avaient
commencé en Tunisie, puis ce fut le tour du Yémen, de
l’Égypte et de la Libye, avec le « succès
» que l’on sait. Il restait la Syrie. Pourtant il faut
reconnaître ceci : si les chrétiens ne sont pas
directement persécutés dans leur pays, c’est leur
existence même qui est menacée de l’extérieur
par les alliés du Golfe et les prises de position iniques de
nations comme la France, à la remorque des États-Unis,
eux-mêmes assujettis à Israël.
Bilan
des victimes, la torsion des chiffres
Au
début du mois, la presse officielle faisait état d’un
Rapport de la Syrie à l’ONU daté du 21 mars qui
recensait les victimes du conflit depuis le début des
affrontements.
Le
nombre des victimes des rebelles s’élevait à
6’000 et se décomposait ainsi : 3’000 soldats de
l’Armée régulière et 3’000 civils,
(500 policiers abattus, 1’500 enlèvements et 1’000
disparus). Dans le même temps, l’Observatoire Syrien
des Droits de l’Homme évaluait le nombre de Syriens
tués à 11’000. Les rebelles – rebaptisés
« déserteurs » par l’OSDH – ne
comptabilisaient que 600 pertes et ne mentionnaient évidemment
pas les nombreux combattants étrangers tombés en
martyrs du djihad.
Même
compte tenu de la difficulté de l’exactitude en la
matière, la marge entre les deux chiffres était
démesurée. Mais la manipulation ne s’arrêtait
pas là puisque la responsabilité des 11’000 morts
devait incomber à la répression gouvernementale,
les médias de masse occidentaux se faisant immédiatement
l’écho indigné des chiffres de l’OSDH.
Printemps
syrien
Il
plane dans le petit peuple chrétien le sentiment qu’une
renaissance doive suivre les événements actuels, leurs
ennemis conjugués n’ayant obtenu d’autres
résultats que des destructions partielles et celui de souder
les Syriens autour de leur président ; les attentats des
derniers kamikazes sont même perçus comme des combats
d’arrière-garde.
C’est
sous les murs de Damas que saint Paul, futur Apôtre des
Nations, a été saisi par le Christ Jésus,
Lumière du Monde. Ni à Jérusalem, ni autre part.
Et
le terme singulier d’orientalité (proche
d’authenticité) n’exprimerait-il pas la
qualité de convivialité historique qui a toujours
existé entre chrétiens et musulmans ? On sait que la
Mosquée des Omeyyades abrite le crane de saint Jean-Baptiste,
que vénèrent côte-à-côte chrétiens
et musulmans. Mais sait-on que beaucoup de musulmans cultivés
prient le Christ ? Pèse-t-on à leur juste mesure les
visites régulières du président Bachar au
monastère de Notre-Dame de Sayidnaya, comme à l’humble
Sanctuaire de Saint Ananie où il a lui-même demandé
de l’huile bénite ? ; et sait-on que l’image
miraculeuse de la Vierge de Soufanieh – devant laquelle
viennent se recueillir des cheikhs musulmans – fut rapportée
du Kazanska, où musulmans et chrétiens honorent
depuis toujours l’icône prodigieuse de Notre-Dame de
Kazan ?
Enfin,
ne faudrait-il détruire la Syrie que parce qu’elle
apparaît comme le cœur d’un Islam modéré
? Pour justifier sa politique de domination, l’Occident ne
veut avoir affaire qu’à l’Islam pur et dur qu’il
suscite, alimente et bouffit. En opposant au monde occidental
(soi-disant chrétien) un monde de barbus fanatiques, il peut
justifier sa guerre pour le pétrole.
Les
politiciens font des plans. L’ultime raison d’espérer
des chrétiens de Syrie – comme de tout le Proche-Orient
– repose sur leur foi dans le plan du Seigneur. La terre
d’Orient est gorgée d’Espérance. N’a-t-elle
pas engendré au cours des siècles passés des
victoires aussi fulgurantes que mystérieuses : David face à
Goliath, Cirrus face à Nabuchodonosor, Gédéon
face aux Madianites ? N’oublions pas que le sort du monde se
joue autour du mont Moriah, à portée de canon de
Damas.
Mgr
Philippe Tournyol du Clos Archimandrite Grec-Catholique
Melkite Damas, le 20 mai 2012
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