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Visées de guerre de l'OTAN en Syrie: Hollande dans les pas de Sarkozy

Dossier proposé par la Coordination pour déjouer la propagande impérialiste

Pointant un doigt accusateur contre le gouvernement d’Al Assad, Hollande et Fabius disent ne pas exclure une intervention militaire en Syrie après les tueries barbares perpétrée en Syrie. Et cela alors que le gouvernement Syrien et l’émissaire de l’ONU ont condamné la boucherie et annoncée des commissions d’enquête pour établir les responsabilités et démasquer les assassins. Sans attendre les nouveaux chiens de garde de la presse des milliardaires des USA, de l’UE et des théocraties moyenâgeuses d’Arabie saoudite, du Quatar, du Koweit et des Emirats pilonnent déjà les peuples des excréments nauséabonds de leur véritable but : trouver tous les prétextes possibles pour provoquer une nouvelle guerre coloniale à l’instar de celles d’Afghanistan, d’Irak, de Yougoslavie, de Côte d’Ivoire et de Lybie.

La marche guerrière des USA affublés de l’UE pour faire main basse sur les matières premières, notamment stratégiques (pétrole, gaz) et empêcher l’avènement d’un monde multipolaire qui rapprocherait l’humanité de l’égalité entre les peuples a été inaugurée par la « guerre du golfe » dès fin 90 et début 91.

La crise du capitalisme qui frappe le centre étatsunien et européen de l’impérialisme mondial ne fait qu’accélérer le besoin viscéral des impérialistes des bourses financières de New York, de Londres, de Paris, de Frankfort d’en finir avec les Etats et pouvoirs nés des luttes pour l’indépendance au XXéme siècle tout comme ils ont terrassé et liquidé l’URSS et le camp socialiste né de la victoire des peuples contre la bête immonde Nazi.

Ces Etats et pouvoirs mêmes bourgeois nationalistes des ex-colonies des empires britanniques, français, etc., deviennent pour eux des oripeaux qui leur rappellent  leur défaite passé face à la volonté indépendantistes des peuples et à leur aspiration à l’égalité.

Dans ce projet de domination mondiale, les impérialistes US et Européens ont trouvé des alliés dans les forces fanatiques fondamentalistes religieux que sont les théocraties saoudienne, quatarie, koweitienne et émirates. Aux USA, dans l’UE et en Israël, on assiste au réveil des fondamentalismes religieux chrétiens, baptistes, juifs, etc. Toutes ces forces rétrogrades sont coalisées contre les pouvoirs mêmes bourgeois des pays, nations et Etats patriotiques, laïcs et à fortiori antilibéraux et socialistes.

La stratégie du chaos mise en place et menée par les impérialistes US et de l’UE que l’on a vue en œuvre de l’Irak, Somalie, Congo RDC, Yougoslavie, Afghanistan, Côte d’Ivoire, Libye et dans le Sahel avec la situation actuelle du Mali n’est pour en réalité pour l’impérialisme en crise qu’une transition vers l’installation partout de pouvoirs islamistes qui seront ensuite utilisés par ‘commodité’ pour recoloniser y compris militairement les pays qui ont conquis de haute lutte le droit à l’autodétermination (indépendance) au XXéme siècle et en ce qui concerne l’Amérique du sud au 19éme siècle.

La stratégie du chaos des impérialistes sert aussi à contrôler pour conditionner l’accès des ‘pays émergents’ (Chine, Inde, Brésil, Russie, Afrique du Sud, Vietnam, les pays de l’Alba, etc.) aux matières premières dont ils ont besoin pour poursuivre leur développement national.

L’impérialisme (USA, UE, Israël) dans sa course effrénée à la domination mondiale suit les traces de son prédécesseur qui, au XXéme siècle, s’était lui aussi fixé comme but l’hégémonie mondiale : l’Allemagne Nazie. Le fasciste Hitler justifiait ce projet démoniaque et raciste ainsi : « Tout ce qu’on admire aujourd’hui sur cette terre – la science, l’art, la technologie et les inventions – est uniquement le produit de la création de quelques peuples et à l’origine peut-être d’une seule race. D’eux dépend l’existence de toute culture. S’ils périssent, ils emporteront avec eux dans la tombe la beauté de cette terre » (Mein Kampf).

En fait à y regarder de plus près tout le baratin des médias chiens de garde des milliardaires sur « la communauté internationale » ramenée aux USA et à l’UE, sur « les interventions humanitaires », sur les guerres pour exporter la « démocratie », sur les « révolutions colorées » n’est rien d’autre que couvrir d’un ramage et d’un plumage coloré le programme de domination mondiale que les USA et l’UE partagent avec les Nazis. Les guerres coloniales d’aujourd’hui poursuivent le même but fixé par Hitler lui-même : «  Ne jamais accepter l’émergence de deux puissances continentales en Europe (aujourd’hui dans le monde à l’exception des USA et l’UE). Considérer toute tentative d’organiser une deuxième puissance militaire aux frontières allemandes comme une attaque contre l’Allemagne, même si c’est seulement dans la forme de créer un Etat capable de puissance militaire, et y voir non seulement le droit, mais aussi le devoir d’utiliser tous les moyens jusqu’à et y compris la force armée pour empêcher l’avènement d’un tel Etat ou, si un tel Etat voit le jour, de l’écraser » (Mein Kampf). Voilà en pratique les raisons cachées des guerres actuelles que le grand capital US et Européen impose à l’humanité depuis la défaite de l’URSS et du socialisme réel.

Voilà le sens réel de la marche guerrière de ‘notre’ occident sous l’emprise du capital financier et des monopoles capitalistes vers une guerre mondiale visant à terme les pays ‘émergents’ (Chine, Inde, Russie, Brésil, Vietnam, les pays de l’Alba, etc.).

Voilà pourquoi plus que jamais aux USA et dans l’UE, il devient urgent et d’une grave importance que le mouvement ouvrier, les forces démocratiques, que les peuples se mobilisent contre les barbaries agressives de ‘nos’ impérialistes parce que tous les peuples sont égaux en droits et en dignité, ont droit au développement dans la paix et sont capables de régler leurs difficultés temporaires propres sur le chemin de l’évolution historique de l’humanité vers la démocratie populaire, le progrès et le socialisme.

Voilà enfin pourquoi nous publions ces textes de différents horizons sur le massacre en et les projets de guerre des impérialistes en Syrie pour démasquer les médiamensonges des va-t-en-guerre impérialistes de droite, de « gauche » et de l’extrême droite fasciste. Bonne lecture;;;

 

SYRIE - Opération terroriste appuyée par les États-Unis: Tuer des civils innocents pour justifier une guerre humanitaire, par Michel Chossudovsky

La doctrine militaire américaine envisage le rôle central “d’évènements produisant un nombre important de victimes” et dans lesquels des civils innocents sont tués.
Les meurtres sont perpétrés de manière délibérée comme partie intégrante d’opérations secrètes.
L’objectif est de justifier un agenda militaire sur une base humanitaire. Cette doctrine date de 1962 avec l’opération Northwoods.

Dans un plan secret du pentagone datant de 1962 appelé l’opération Northwoods, des civils cubains de la communauté de Miami (Floride) devaient être tués dans une opération secrète. Le but était de déclencher une “vague d’indignation utile dans la presse américaine”. Les assassinats auraient été blâmés en accusant le gouvernement cubain de Fidel Castro.
L’objectif de ce sinistre plan, que le ministre de la défense Robert Mc Namara et le président J.F. Kennedy, refusèrent de mettre en action, était de gagner le soutien de l’opinion publique pour une guerre contre Cuba:

Au début des années 1960, les chefs militaires des Etats-Unis dressèrent des plans pour tuer des personnes innocentes et pour commettre des actes terroristes dans des villes états-uniennes, ce afin de créer un soutien public pour une guerre contre Cuba.

Sous le nom de code d’Opération Northwoods, les plans incluaient les assassinats possibles d’émigrés cubains, le coulage des bateaux de réfugiés cubains en haute mer, le détournement d’avions, l’explosion d’un navire américain et même l’orchestration d’attentats terroristes dans des villes américaines.

Ces plans furent développés afin de tromper le public américain et la communauté internationale afin qu’ils supportent une guerre qui mettrait fin au pouvoir du nouveau leader de Cuba, le communiste Fidel Castro.

Les pontes de l’armée américaine avaient même accepté de causer des pertes dans les rangs de l’armée américaine en écrivant: “Nous pourrions faire exploser un navire de guerre dans la baie de Guantanamo et blâmer Cuba” et “les listes des victimes dans les journaux américains causeraient immanquablement une vague d’indignation très utile.”

Les documents montrent “que le chef d’état-major fît et approuva des plans qui sans aucun doute furent les plus corrompus jamais créés par le gouvernement des Etats-Unis”, écrit Bamford. (U.S. Military Wanted to Provoke War With Cuba – ABC News  Ce document secret du pentagone a été déclassifié et peut-être consulté (See Operation Northwoods, See also National Security Archive, 30 April 2001)

Le document de l’Opération Northwoods de 1962 avait pour titre: “Justification pour une intervention militaire à Cuba”. “Le mémorandum secret décrit les plans des Etats-Unis pour créer secrètement des excuses variées qui justifieraient une invasion de Cuba. Ces propositions, parties d’un programme secret anti-Castro appelé Opération Mangouste, incluaient les assassinats de Cubains vivant aux Etats-Unis, développant ainsi une fausse “campagne de terreur communiste cubaine dans la région de Miami, dans d’autres villes de Floride et à Washington”, ceci incluait également “de couler des bateaux de réfugiés cubains (réellement ou de manière simulée)”, imiter une attaque des forces aériennes cubaines contre un avion de ligne civil et concocter un incident “souvenez-vous du Maine” en faisant sauter un vaisseau américain dans les eaux territoriales cubaines et ensuite blâmer l’incident comme un sabotage cubain. Bamford écrit lui-même que l’opération Northwoods “est probablement le plan le plus pourri jamais créé par le gouvernement américain.”

(http://www.gwu.edu/~nsarchiv/news/20010430/doc1.pdf, c'est l'auteur qui souligne)

Avancée dans le temps, Cuba 1962, Syria 2012… 

Alors que la réalisation pratique de l’opération Northwoods fut mise au placard, sa base fondamentale d’utiliser les décès de civils comme prétexte à une intervention (sur des bases humanitaires), a été appliquée à plusieurs reprises.

La question fondamentale: L’assassinat de Mai 2012 des civils du village de Houla était-il partie intégrante d’une opération secrète, ayant pour intention de battre les tambours du soutien public pour une guerre contre la Syrie ?

Les morts sont blâmés come étant le fait du gouvernement Al-Assad avec “la liste des victimes publiée dans les journaux américains provoquant une vague d’indignation utile”. Dans le même temps, plusieurs pays européens ainsi que le Canada et l’Australie ont coupé leurs relations diplomatiques avec la Syrie.

Le massacre de Houla était-il partie intégrante d’une sinistre opération secrète portant les empreintes digitales de l’opération Northwoods ?

Il n’y a absolument aucune preuve que le gouvernement syrien soit derrière ces meurtres. Il y a des indices ainsi que des preuves documentées que depuis le début de l’insurrection en Mars 2011, des terroristes soutenus par des puissances étrangères ont été impliqués dans les assassinats de civils innocents. Des sources du renseignement israélien d’Août 2011 confirment un processus organisé de recrutement de combattants terroristes par l’OTAN:

Le QG de l’OTAN à Bruxelles et le haut commandement turc sont en train de faire des plans pour leurs premiers pas militaires en Syrie, qui est d’armer les rebelles avec des armes pour combattre les tanks et les hélicoptères.

Nos sources nous rapportent qu’est également discutée à Bruxelles et Ankara, une campagne de recrutement de milliers de volontaires musulmans des pays du Moyen-Orient et du monde musulman pour aller se battre aux côtés des rebelles syriens. L’armée turque hébergerait ces volontaires, les entraînerait et assurerait leur passage en Syrie. (Ibid, c'est l'auteur qui souligne)

 

Les facteurs géopolitiques de la guerre impérialiste contre la Syrie : L’Ancien ordre du Moyen-Orient (Deuxième partie) - par Fida Dakroub
Première partie : La défaite d’Israël à la deuxième Guerre du Liban (2006)
Généralités

Beaucoup de malheur a surgi de ce monde par la confusion et les choses tues[1]. On publie ouvrage sur ouvrage, article sur article, la plupart même cinq ou six fois pour qu’ils ne se perdent pas au cours du long chemin de la prétendue « révolution » syrienne, dont les héros auraient assiégé, depuis un an et quelque, le « tyran de Damas » dans son Grand sérail de despotisme et de tyrannie. Analyses préalables, analyses incidentes, analyses, intérieures, analyses subsidiaires et autres essentielles sont, à chaque instant, soulevées en très grande prolifération.

À propos de chacune de ces grandes et petites analyses, les animateurs de télévision engagent régulièrement, sur les grands écrans, d’entretiens avec des professeurs en sciences politiques, des experts spécialistes des affaires syriennes, des présidents de centres de recherche sur le Proche-Orient, des charlatans orientalistes devenus experts en géostratégie proche-orientale après avoir lu « Tintin et les cigares du Pharaon ». Tout ce bruit, ce brouhaha, ce qu’en-dira-t-on, ce bâillement, ce ronflement, à la radio, à la télé, sur internet, dans les salles à manger, tous ceux-ci constituent des « grands débats » sur le « Printemps arabe » et la prétendue « révolution » syrienne, précisément. Ce sont surtout ces « docteurs » en shamanisme proche-oriental que les médias de l’ordre ont coutume de consulter chaque fois que l’on veut reproduire l’imagerie typique du « despotisme » arabe face à la « démocratie démocratique » de l’Occident.   Cependant cette fois-ci, nous voyons ces mêmes « docteurs », qu’on a tant consultés, se précipitent devant les caméras des médias de l’ordre, diffuseurs de la propagande impérialiste, non pour accuser les Arabes d’un « penchant inné au despotisme », mais au contraire, pour les glorifier et les féliciter de leur « printemps », considéré par les fanfarons de l’impérialisme comme l’« incarnation suprême » de l’achèvement total de la démocratie bourgeoise occidentale. Plaudite, acta est fabula ![2]

Des deux axes belligérants au Moyen-Orient

Cependant, derrière cette idylle foudroyante entre médias de l’ordre et « révolutions arabes », se cachent, avec toute l’hypocrisie du discours « philanthrope » et « libérateur », les intérêts stratégiques de l’impérialisme mondial au Moyen-Orient. 

Suite à la défaite d’Israël à la deuxième Guerre du Liban[3], l’Empire s’est réveillé à la réalité amère que les Iraniens sont déjà aux portes d’Israël et que l’arche chiite s’est bien établi de l’Iran à l’Est jusqu’au Liban à l’Ouest, en passant par l’Irak et la Syrie.  Cet axe opposant à l’Empire au Moyen-Orient comprend, en effet, trois pays, l’Iran, la Syrie et le Liban (ajoutons-y l’Irak du gouvernement Maliki après le départ des troupes étatsuniennes). Le secrétaire général de l’organisation du Hezbollah, Hassan Nasrallah, l’a bien décrit lorsqu’il a dit que cet axe comprend trois «organes » : l’épaule (l’Iran), le bras (la Syrie) et le coup de poing (le Liban)[4].

Face à cet axe, se trouve l’axe pro-Empire composé d’Israël, fer de lance de l’impérialisme mondial au Moyen-Orient, les émirats et sultanats de la péninsule Arabique, l’Égypte au Sud (avant le détrônement de son pharaon, Mubarak), et la Turquie au Nord. En effet, l’axe de l’Empire s’est formé en 1978 avec l’établissement de l’ordre de Camp David[5] qui avait remplacé l’ordre de l’après deuxième Guerre mondiale.

En ce sens, nous nous sentons vraiment « embarrassée » de croire au discours « philanthrope » des fanfarons de la tragédie du « printemps arabe », et d’interpréter, par conséquent, les évènements qui bouleversent le monde arabe, dès lors, en tant que faits isolés des plans expansionnistes de l’Empire dans la région. 

Nos observations du paysage syrien aboutirent à ce résultat que l’insurrection armée en Syrie ainsi que l’émergence subite des groupes islamistes salafistes sur la scène des événements ne peuvent être comprises ni en suivant le discours des médias de l’ordre occidentaux et arabes subordonnés, ni en retenant par cœur le discours poétique et misérable du Conseil national syrien [6], mais bien plutôt en déterminant 1) les composants ethnico-religieux du paysage interne de la Syrie ; 2) les conditions historiques de l’émergence de nouveaux États au Moyen-Orient, au lendemain du démembrement de l’Empire ottoman en 1918 [7] ; 3) l’échec de l’Empire étatsunien suite à la guerre en Afghanistan et en Irak ; 4) la défaite d’Israël à la deuxième Guerre du Liban[8].

Ceci dit, toute analyse portant sur les violences en Syrie – une appellation que nous trouvons plus réaliste que celle fantastique de « révolution » syrienne – doit prendre, comme base d’analyse, ces points mentionnés ci-dessus.

En plus, ce que nous cherchons à établir, c’est précisément la connaissance d’un événement historique significatif dans l’histoire du Proche-Orient, et son effet sur les événements actuels en Syrie ; car même si on possède la connaissance la plus complète possible de la totalité des événements du « printemps arabe », nous resterions désemparés devant les questions suivantes :

premièrement, comment expliquer le fait qu'à un moment donné de la guerre contre le terrorisme déclarée en 2011, l’antagonisme Occident / Islam réussit à former un « front uni » et prétend « défendre » la démocratie et les droits de l’homme dans le monde arabe ; un « front » qui rassemble, derrière la même barricade et sous le même étendard de « liberté, démocratie, justice », l’impérialisme étatsunien, le néo-colonialisme européen, l'islamisme califal turc et le despotisme obscurantiste arabique ?

deuxièmement, comment expliquer le fait que les émirats et sultanats arabes du Golfe se considèrent menacés par l’Iran, un pays musulman, et non par l’État hébreu implanté au cœur du monde arabe par l’impérialisme britannique au lendemain de la Grande guerre ?

troisièmement, comment expliquer qu’Israël, le pays qui se considère et que l’on considère comme la « seule démocratie » au Moyen-Orient, devient à un moment donné la garantie stratégique de la continuité des monarchies despotiques obscurantistes de la péninsule Arabique ?

quatrièmement, comment expliquer le fait que malgré la propagande impérialiste et la désinformation médiatique contre la Syrie, nous constatons que la majorité des Syriens soutiennent toujours le président Bachar al-Assad ; et que la majorité des Libanais et des Irakiens, pour ne pas mentionner les Iraniens, le soutiennent aussi ?

cinquièmement, comment expliquer le fait que les minorités chrétiennes de l’Orient, qui s’identifient normalement avec « l’Occident chrétien » se sentent menacées par la « démocratie démocratique » de ce même Occident, et préfèrent la « tyrannie» du président syrien Assad sur la « liberté » promise par l’impérialisme mondiale ?

Il est vrai que le nombre et la nature des causes déterminant un événement singulier quelconque sont  toujours infinis, et qu’il n’y a dans les choses même aucune espèce de critères qui permettrait de sélectionner une fraction d’entre elles comme devant seule entrer en ligne de compte ; cependant, nous ne pouvons pas nous laisser pris « par la confusion et les choses tues » de la propagande impérialiste, pour la simple raison que les causes sont infinies ; au contraire, notre travail analytique nécessite la répartition des causes infinies en groupes de causes finis que nous limitons en deux points précis : 1) les composants ethnico-religieux du paysage interne de la Syrie naturelle, ou l’hétérogénéité culturelle syrienne ; et 2) la concrétisation politique de cette hétérogénéité dans l’émergence de nouveaux États, au lendemain du démembrement de l’Empire ottoman en 1918, selon des conditions historiques précises.

De l’ancien ordre du Moyen-Orient

Il est clair d’emblée que le monde arabe passe par une période de reconstruction majeure de sa carte géopolitique, de ses frontières extérieures et intérieures, des noms de ses pays et de leur nature. Il s’agit, en effet, d’une deuxième reconstruction majeure au cours d’un siècle ; étant donné que la première reconstruction a eu lieu au lendemain de la Grande guerre et du démembrement de l’Empire ottoman en 1918 par l’impérialisme franco-britannique. Entre la première reconstruction (1918) et la deuxième (2011), deux révisions ont été faites :

premièrement, la révision de l’après deuxième Guerre mondiale qui a été appliquée dans les années cinquante et soixante. Cette révision a entrainé à deux grands événements : 1) la chute des monarchies instaurées par l’impérialisme français et britannique au lendemain de la Grande guerre, comme la monarchie d’Idris I de Libye (1951 – 1969), le royaume d’Égypte[9] (1922 – 1953), le royaume d’Irak[10] (1921 – 1958), la monarchie du Yémen[11] (1918 – 1962) ; et 2) l’indépendance des colonies françaises et britanniques en Afrique du Nord et au Proche-Orient.

deuxièmement, la révision de l’ordre du Camp David qui a été établie en 1978 suite à la guerre « carnavalesque » d’octobre 1974. Cette deuxième révision a mené à l’émergence des dictatures et des monarchies sanglantes, imposées et soutenues par l’impérialisme mondial[12]. Pendant trois décennies, des monstres comme Moubarak, Saddam, les émirs et sultans de la péninsule Arabique, se réjouissaient de la bénédiction de l’Empire étatsunien et de ses alliés européens. D’un côté, ce statu quo a imposé Israël au centre des relations régionales ; de l’autre côté, il a permis aux despotes et aux monstres arabes dociles à l’Empire étatsunien à tyranniser leurs peuples et à les terroriser par la torture, l’oppression et l’extermination. Citons, ici, l’exemple de Saddam Hussein qui s’est précipité dans une guerre sauvage contre le peuple iranien (1979 – 1988) causant 1. 5 millions de pertes humaines entre tués et handicapés[13] ; l’exemple de Moubarak, le pharaon d’Égypte et fils de Ramsès II, qui s’était élevé sur l’Égypte et a affamé son peuple pendant trente ans comme aucun autre pharaon ne l’a jamais fait.  

De l’accord Sykes-Picot (1916)

Ainsi qu’en témoigne la carte géopolitique du Proche-Orient, les frontières des États actuels, furent dessinées en pleine Grande guerre (1914 – 1918), précisément selon un partage colonial, issu de plusieurs accords et traités imposés par la France et le Royaume-Uni, les deux grandes puissances colonialistes de l’époque; citons-en l’Accord Sykes-Picot (1916), la Déclaration Balfour (1917), la Conférence de la Paix (1919), le Traité de Sèvres (1920) et le Traité de Lausanne (1923). Il en résulta que les Français et les Britanniques redessinèrent les frontières intérieures et extérieures des provinces arabes de l’Empire ottoman, selon leurs propres intérêts coloniaux, et non pas, évidemment, selon les intérêts des peuples conquis.

Le premier accord entre puissances colonialistes, portant sur l’avenir des provinces arabes de l’Empire ottoman, fut celui de Sykes-Picot, en 1916. Les Grandes puissances étaient en pleine guerre. Le coût de cette guerre attint  déjà des millions de cadavres et de mutilés, laissés dans les tranchées d’une guerre faite pour déterminer à quel groupe de brigands financiers reviendrait la plus grande part du butin des colonies. Cependant, loin du bombardement lourd de l’artillerie, à Downing Street à Londres, les deux puissances coloniales, la France et le Royaume-Uni se préparaient pour charcuter et dépecer la prise de « l’Homme malade de l’Europe ». Pour ces deux grandes puissances, la chute de l’Empire ottoman était une question de temps.

Faisant suite à un travail préparatoire épistolaire de plusieurs mois entre Paul Cambon, ambassadeur de France à Londres, et Sir Edward Grey, secrétaire d’État au Foreign Office, l’accord Sykes-Picot fut conclu entre la France et le Royaume-Uni, entre Sir Mark Sykes et François Georges-Picot, le 16 mai 1916.  Cet accord prévoyait à terme un dépeçage du Levant et de la Mésopotamie ; plus précisément, l’espace compris entre la mer Noire, la mer Méditerranée, la mer Rouge, l’océan Indien et la mer Caspienne, alors partie intégrante de l’Empire ottoman.

En plus, la Russie tsariste et l’Italie participèrent aux délibérations et donnèrent leur accord aux termes de l’accord, qui demeurait secret jusqu’en janvier 1918, lorsque le nouveau gouvernement bolchévique en Russie le porta à la connaissance du gouvernement de la Sublime Porte, toujours possesseur des territoires concernés. 

Selon l’accord Sykes-Picot, le Levant et la Mésopotamie, c'est-à-dire la Syrie naturelle[14], seront découpés en cinq zones :

1.      Zone française, d’administration directe formée du Liban actuel et de la Cilicie ;

2.      Zone arabe A, d’influence française comportant le nord de la Syrie actuelle et la province de Mossoul ;

3.      Zone britannique, d’administration directe formée du Kuweit actuel et de la Mésopotamie ;

4.      Zone arabe B, d’influence britannique, comprenant le sud de la Syrie actuelle, la Jordanie actuelle et la future Palestine mandataire ;

5.      Zone d’administration internationale comprenant Saint-Jean-D’acre, Haïfa et Jérusalem. Le Royaume-Uni obtiendra le contrôle des ports de Haïfa et d’Acre[15]. 

De l'opposition étatsunienne à l’accord Sykes-Picot  

Sur un autre plan, les États-Unis, qui se présentaient encore au début du XXe siècle comme force « libératrice », ne participèrent pas aux délégations de Sykes-Picot ; et le président Woodrow Wilson se tentait de mettre en avant l’argument de l’auto-détermination des peuples. Par conséquent, il exposa, le 8 janvier 1918 devant le Congrès américain, les quatorze points qui, selon lui, devraient aider au règlement de l’après guerre. Dans la logique de ces quatorze points, l’idée d’envoyer une commission d’enquête dans la province syrienne fut avancée.

Le douzième point donne la position de Wilson sur le partage de l’Empire ottoman :

Aux régions turques de l’Empire ottoman actuel, devraient être assurées la souveraineté et la sécurité ; mais aux autres nations qui sont maintenant sous la domination turque on devrait garantir une sécurité absolue de vie et la pleine possibilité de se développer d'une façon autonome ; quant aux Dardanelles, elles devraient rester ouvertes en permanence, afin de permettre le libre passage aux vaisseaux et au commerce de toutes les nations, sous garantie internationale[16].

En effet, les principes de Wilson ne rejetèrent pas totalement, l’occupation française et britannique des provinces arabes de l’Empire ottoman ; au contraire, ils la légitimèrent. Les principes de Wilson reconnurent seulement la souveraineté des régions turques de l’Empire ; quant aux régions arabes, ces principes garantirent seulement, sans assurer, « une sécurité absolue de vie et la pleine possibilité de se développer d'une façon autonome ». Cela veut dire, sous entendu, que les points de Wilson considéraient les Syriens incapables de décider de leur propre sort ni de leur propre futur ; et par conséquent, ils devaient rester sous une sorte de protectorat colonial avant qu’ils pussent avoir leur indépendance.

Du point de vue de son contenu et non de celui de sa forme, le discours « libératrice » de Wilson ne diffère pas beaucoup de celui déclaré par les puissances coloniales à la Conférence de Berlin en 1884 justifiant le dépeçage de l’Afrique[17].  Si la Conférence de Berlin (1884) adopta un discours « civilisateur » pour justifier le pillage de l’Afrique[18], la Conférence de la Paix (1919) préféra un discours « libérateur » pour régler le saccage du Proche-Orient. Nous rappelons aussi, en passant, du discours « démocratiste » de l’Empire étatsunien à la veille de l’invasion de l’Irak en 2003.

Au contraire de ce que la Conférence de la Paix propageait, les Syriens[19] étaient bien déterminés d’obtenir leur indépendance et de se gouverner indépendamment des puissances coloniales. Cela se justifie par la présence, depuis le XIXe siècle, de grands partis politiques, de mouvements, d’organisations,  de clubs, de journaux, d’imprimeries, de publications, dont l’objectif principal visait à réaliser l’indépendance des provinces arabes de l’Empire ottoman.  En effet, il n’est pas vrai que les Turcs, vaincus à la Grande guerre, laissèrent des broussailles et de terrains boisés, occupés par des populaces primitives, comme il plait au discours colonialiste d’en propager ; au contraire, les villes arabes de l’Empire ottoman eurent achevé, à cette époque, un niveau bien avancé dans le domaine de l’organisation urbaine.  

Certainement, le positionnement des États-Unis face aux projets de découpage du Levant, à la veille de la Conférence de la Paix (1919), ne s’explique pas par la nature alors « libératrice » des États-Unis, ni par la « bonne volonté » et le « libre arbitre » du président américain Woodrow Wilson, « paix à ses cendres », mais plutôt par l’analyse objective de l’« abstinence » étatsunienne, vue dans le contexte du rapport de force alors établi entre deux puissances coloniales chevronnées, ayant été sur le point de perdre la guerre en Europe, la France et le Royaume-Uni, d’un côté, et une puissance impérialiste ascendante, précipitée à leur secours en 1917, les États-Unis, de l’autre côté.  Autrement dit, les États-Unis voulaient, à cette époque, ralentir les ambitions coloniales de la France et du Royaume-Uni, qui se préparaient pour une colonisation complète du Proche-Orient, selon le modèle alors appliqué en Afrique. En plus, les intérêts étatsuniens exigeaient que les provinces arabes de l’Empire ottoman ne fussent pas sous occupation directe menant à une colonisation complète, telle qu’elle était exercée en Afrique, mais plutôt sous occupation indirecte, contrôlée par la Société des Nations.

Selon cette volonté de refuser l’impérialisme britannique et français, et ses manifestations, un nouveau système juridique fut progressivement mis en place. La Société des Nations organisa dans le cadre d’une commission une consultation des peuples concernés. La commission d’enquête King-Crane fut ainsi envoyée en 1919 en Palestine, au Liban, en Syrie et en Cilicie, afin d’enquêter les souhaits des populations quant à leur avenir.  En Irak également, les Britanniques lancèrent une consultation populaire entre décembre 1918 et janvier 1919.

Sentant la situation leur échapper, les Français et les Britanniques, qui eurent participé à la prise de Damas en 1918, quittèrent la commission et imposèrent précipitamment sur les territoires concernés de nouvelles frontières telles qu’elles furent précisées par l’accord Sykes-Picot. L’année suivante, les forces britanniques se retirèrent de la zone d’influence revenant à la France, cédant son contrôle aux troupes françaises.

Incapable de faire face à la volonté des puissances coloniales, la Société des Nations leur confia, en 1920, un mandat sur les provinces arabes de l’Empire ottoman, lesquels devaient rapidement aboutir, au moins théoriquement, à l’indépendance des deux territoires. Toutefois, les nationalistes syriens, organisés depuis la fin du XIXe siècle, ayant espéré la création d’une Syrie indépendante, incluant la Palestine et le Liban, rejetèrent le mandat.

En mars 1920, le Congrès national syrien, élu en 1919, refusa le mandat français et proclama unilatéralement l’indépendance du pays. Néanmoins, en avril 1920, la conférence de San Remo confirma les accords Sykes-Picot, et légitima l'intervention militaire française. Par conséquent, les troupes du général Gouraud entrèrent à Damas en juillet, et écrasèrent brutalement l’indépendance de la Syrie. Des milliers de nationalistes syriens furent exécutés par les autorités d’occupation françaises. Ce fut alors l'effondrement du «grand projet arabe» de rassembler, autour de Damas, les provinces arabes autrefois parties de l’empire ottoman. Alors qu'elle avait été hostile envers les Turcs, la population syrienne développa rapidement un sentiment antifrançais.

Ainsi, en découpant la Syrie naturelle, émergèrent de nouveaux États, qui n’ont jamais existés avant l’occupation franco-britannique : l’Irak, la Jordanie, le Kuwait, le Liban, la Palestine, la Syrie, ainsi que deux autres États qui ne durèrent pas longtemps, grâce au rejet complet de la part du peuple syrien – ce rejet mena à la révolution syrienne (1925 – 1927) – nous parlons ici de l’État druze et de l’État alaouite.

Fida Dakroub, Ph.D

Pour communiquer avec l’auteure : http://bofdakroub.blogspot.com/  

Notes:

[1] Citation de Fédor Dostoïevski.

[2] Sur son lit de mort, l'Empereur romain August, se sentant de plus en plus faiblir, demanda un miroir, se fit peigner les cheveux et raser la barbe. Après quoi, il dit : N'ai-je pas bien joué mon rôle ? » ; Oui, lui répondit-on ; Battez donc des mains, dit-il, la pièce est finie ! Plaudite, acta est fabula !

[3] Dakroub, Fida. (2012, 14 mai). La défaite d’Israël à la deuxième Guerre du Liban (2006). Centre de recherche sur la mondialisation. Récupéré le 21 mai 2012 de : http://mondialisation.ca/index.php?context=va&aid=30846

[4] http://video.moqawama.org/sound.php?catid=1

[5] Les accords de Camp David furent signés le 17 septembre 1978, par le Président égyptien Anouar el-Sadate et le Premier Ministre israélien Menahem Begin, sous la médiation du Président des États-Unis, Jimmy Carter. Ils consistent en deux accords-cadres qui furent signés à la Maison Blanche après 13 jours de négociations secrètes à Camp David. Ils furent suivis de la signature du premier traité de paix entre Israël et un pays arabe : le traité de paix israélo-égyptien de 1979.

[6] Voir l’article de l’auteur,  « Le 11-Vendémiaire de la Sainte-Révolution syrienne ou L’Échec du Conseil national syrien » :

http://www.legrandsoir.info/le-11-vendemiaire-de-la-sainte-revolution-syrienne-ou-l-echec-du-conseil-national-syrien.html

[7] Nous désignons par conditions historiques l’ensemble des accords et des traités entre puissances coloniales et impériales sur le découpage et le partage du Levant en plusieurs États antagonistes au lendemain de la Grande guerre (1914 – 1918).

[8] Dakroub, Fida. La défaite d’Israël à la deuxième Guerre du Liban (2006). loc. cit.

[9] Le royaume a été créé en 1922 lorsque le gouvernement britannique a reconnu l'Égypte indépendante. Le sultan Fouad I devint ainsi le premier roi du nouvel État. Farouk I succéda à son père comme roi en 1936. Avant la France, l'Égypte avait été occupée et contrôlée par le Royaume-Uni à partir de 1882.

[10] Le royaume est d'abord proclamé le 23 août 1921, durant la période du Mandat britannique de Mésopotamie. Le Mandat de la Société des Nations exercé par le Royaume-Uni est juridiquement annulé en 1922, mais la tutelle britannique reste partiellement en place dans les faits jusqu'en 1932, date à laquelle l'Irak voit sa pleine indépendance reconnue de droit par son adhésion à la SDN.

[11] Le Royaume du Yémen est un État ayant existé de 1918 à 1962, dans la partie nord de l'actuel Yémen.

[12] Özhan, Taha. (2011, 10 octobre). The Arab “Spring”. Hürriyet. Récupéré le 21 mai 2012 de
http://www.hurriyetdailynews.com/default.aspx?pageid=438&n=the-arab-8216spring8217-2011-10-27

[13] Karsh, Efraim. (2002). The Iran-Iraq War 1980-1988, Osprey: London.

[14] Il s'agit ici de la Syrie naturelle qui correspond grosso modo à la Syrie gréco-biblique, située entre l'Anatolie, la Mésopotamie, la Méditerranée et le Sinaï (actuellement : Syrie, Liban, Palestine, Jordanie, Irak, Kuwait et l’État hébreu).

[15] Laurens, Henry. Comment l’Empire ottoman fut dépecé, dans Le Monde Diplomatique, avril 2003.

[16] Les quatorze points du Président Wilson, message au Congrès exposant le programme de paix des Etats-Unis, le 8 janvier 1918.

[17] La Conférence de Berlin marqua l’organisation et la collaboration européenne pour le partage et la division de l’Afrique. Cette conférence commença le 15 novembre 1884 à Berlin et finit le 26 février 1885. À l’initiative du Portugal et organisée par Bismarck, l’Allemagne, l’Autriche-Hongrie, la Belgique, le Danemark, l’Espagne, la France, le Royaume-Uni, l’Italie, les Pays-Bas, le Portugal, la Russie, le Suède-Norvège et la Turquie ainsi que les États-Unis y participèrent. La conférence de Berlin n'a pas partagé l'Afrique entre les puissances coloniales, elle ne fait qu'établir les règles de ce partage.

[18] En 1876, la conférence de géographie de Bruxelles (12 – 19 septembre 1876) avait été convoquée par le roi des Belges Léopold II afin d’envoyer des expéditions au Congo pour les motifs présumées d’y abolir la traite des Noirs maintenue par les Arabes et, selon ses propre termes, de « civiliser » le continent africain.

[19] Par Syriens, nous désignons les habitants de la Syrie naturelle précédant l’Accord Sykes-Picot.

Docteur en Études françaises (UWO, 2010), Fida Dakroub est écrivaine et chercheure, membre du « Groupe de recherche et d'études sur les littératures et cultures de l'espace francophone » (GRELCEF) à l’Université Western Ontario. Elle est l’auteur de « L’Orient d’Amin Maalouf, Écriture et construction identitaire dans les romans historiques d’Amin Maalouf » (2011).

 

Bachar Al-Jaafari à l’ONU : En réponse à la déclaration des Nations Unies concernant le massacre d’al-Houla / Texte intégral de la conférence de presse du Dr Bachar Al-Jaafari à l’ONU - par Bachar Al-Jaafari

Texte intégral de la conférence de presse au cours de laquelle l’ambassadeur de Syrie à l’ONU, Bachar Al-Jaafari, a dénoncé « le tsunami de mensonges qui ont été dits il y a quelques minutes par certains membres du Conseil. » - Silvia Cattori

Texte intégral de la Conférence de presse transcrit [1] et traduit de l’anglais par JPH pour silviacattori.net

En Syrie il y a eu un crime épouvantable, horrible, injustifié, et injustifiable. Ce massacre a été condamné par mon gouvernement dans les termes les plus forts. Et sur ce point, la version de la condamnation de mon gouvernement a rejoint exactement la formulation adoptée il y a quelques minutes par le Conseil de Sécurité.

Je voudrais également condamner ici, au nom de mon gouvernement, le tsunami de mensonges qui ont été dits, il y a quelques minutes, par certains membres du Conseil qui ont tenté de vous induire en erreur en disant que leur manière de lancer des accusations contre mon gouvernement était basée sur ce qu’ils ont affirmé être des « preuves ». Ils ont tort et ils vous induisent en erreur. Ni le Général Mood, ni qui que ce soit d’autre n’a dit au Conseil de Sécurité et à la session informelle qu’il blâmait les forces du gouvernement syrien pour ce qui est arrivé. Il est vraiment pitoyable et regrettable que certains membres du Conseil soient sortis -quelques minutes après que le Général Mood ait terminé son exposé- pour vous induire en erreur et vous dire des mensonges sur ce qui s’est passé.

Je vous invite tous à regarder ce qui s’est passé à al-Houla dans son intégralité. Dans ce tableau complet, ce qui s’est passé hier al-Houla se situe dans un contexte que nous devons comprendre pour saisir et comprendre qui a perpétré ce crime.

Hier, après la prière du vendredi, deux cents à trois cents hommes armés se sont réunis vers deux heures de l’après-midi. Ils se sont réunis en fait en plusieurs points, et ensuite ils se sont déplacés pour se regrouper en un seul endroit, à al-Houla. Ils avaient des voitures pick-up chargées d’armes lourdes comme des missiles anti-chars, des mortiers et des mitrailleuses, à la manière libyenne que vous avez pu voir il y a quelques mois, et ils ont commencé à attaquer les forces de l’ordre qui étaient positionnées dans la région en cinq endroits différents ; les attaques armées ont duré de deux heures de l’après-midi jusqu’à onze heures du soir.

Donc, ici, nous ne parlons pas d’une attaque armée qui aurait eu lieu et se serait terminée en une demie heure. Il s’agit d’une opération armée d’envergure planifiée à l’avance avec de nombreux objectifs. Après avoir attaqué les positions des forces de l’ordre, les groupes armés se sont tournés vers les civils, puis ils se sont rendus dans un autre village qui est tout proche d’al-Houla, à une distance d’un kilomètre, où ils ont brûlé l’hôpital national, ils ont brûlé les récoltes des agriculteurs et ils ont brûlé des maisons. Ils ont aussi tué des dizaines de civils innocents dans un autre village, également proche d’al-Houla, appelé Shomaria. Donc, ici, nous ne parlons pas d’un seul incident qui aurait eu lieu dans un endroit précis, nous parlons d’un théâtre d’opérations qui a englobé beaucoup de petits villages de la région.

Mon gouvernement a nommé une Commission nationale d’enquête qui a pour mission de découvrir qui sont les auteurs de cet horrible massacre afin qu’ils soient traduits en justice. Ceux qui ont commis ce crime en seront tenus responsables par les autorités syriennes, devant la loi de notre pays.

Le communiqué de presse adopté aujourd’hui par le Conseil de Sécurité, a adopté en quelque sorte la version des évènements présentée par le Général Mood. Si vous regardez la formulation du communiqué de presse, vous constaterez que rien n’indique que le Conseil rejette le blâme sur les forces du gouvernement syrien pour les meurtres et la perpétration des massacres. Au contraire il identifie d’autres éléments dans ce tableau qui peuvent être responsables de ce qui s’est passé. Je dis cela parce que le communiqué de presse dit que le Conseil de Sécurité condamne dans les termes les plus forts les meurtres confirmés par les observateurs des Nations Unies. Je confirme également ici au nom de mon gouvernement que des dizaines de civils ont été tués, cent quatorze – et ensuite une attaque qui a impliqué des tirs d’artillerie et de chars sur un quartier résidentiel.

Ensuite, les membres du Conseil de Sécurité ont également condamné le meurtre de civils par des tirs à bout portant et par de graves violences physiques. La plupart des meurtres qui ont eu lieu à al-Houla sont dûs à ce genre d’assassinats, des gens tués à bout portant, et non en raison des tirs d’artillerie, car des tirs d’artillerie n’auraient pas laissé les corps des victimes dans l’état où vous les avez vus. Nous parlons ici du style de meurtres qu’a connu l’Algérie au début des années nonante.

Mon gouvernement ne ménagera aucun effort, quels qu’ils soient, afin de trouver les auteurs de ces massacres, et de les traduire en justice.

Je voudrais ajouter à cela, que le Conseil de Sécurité devrait se réunir également pour identifier ceux qui arment les groupes terroristes en Syrie, qui les accueillent, qui les suscitent et les incitent à la violence, et qui les protègent, et appeler à ce qu’ils soient également traduits en justice. Certains membres du Conseil, leurs fonctionnaires l’ont dit publiquement. Certains d’entre eux sont des membres permanents. Leurs hauts fonctionnaires ont dit publiquement qu’ils ne ménageraient pas leurs efforts pour fournir des armes à l’opposition syrienne, et certains d’entre eux ont parlé d’ « armes non-létales », je ne sais pas ce que cela signifie. Mais le résultat immédiat de cette militarisation de l’opposition s’est traduit sous la forme de l’enlèvement des pèlerins libanais revenant d’Irak au travers du territoire turc, et sous la forme d’attentats-suicides et de l’infiltration du territoire syrien par al-Quaida.

Nous n’avons donc pas besoin d’un double langage au Conseil de Sécurité. Nous devons tenir chacun responsable devant la justice, même si nous touchons à certains membres permanents. Ceux qui disent avoir grand intérêt à arrêter la violence et à la réussite du dialogue national en Syrie devraient cesser de s’ingérer dans nos affaires intérieures, cesser d’armer, d’héberger, de financer et de protéger les groupes terroristes armés dans mon pays. On ne peut pas être en même temps pyromane et pompier. Et Malheureusement, c’est exactement le cas de certains membres de ce Conseil de Sécurité. Les dimensions arabe, régionale et internationale de la crise syrienne ne sont pas la situation la plus trouble, et chacun sait ce dont nous parlons.

Je suis à votre disposition.

Question : Dans la déclaration il est dit « Les attaques ont comporté des tirs de l’artillerie et des chars du gouvernement syrien sur des quartiers résidentiels ». Êtes-vous en désaccord avec cela ?

Bashar Al-Ja’afari : Je suis en désaccord avec l’interprétation qui vous a été fournie de cette phrase par l’ambassadeur allemand, l’ambassadeur britannique, et d’autres. L’interprétation était erronée. Il appartient au Général Mood de présenter les faits. Et pas à l’ambassadeur allemand, ou l’ambassadeur britannique, ou d’autres ambassadeurs.

Question : Mais le fait qu’il y a eu des bombardements gouvernementaux sur un quartier résidentiel, était-ce un fait ?

Bashar Al-Ja’afari : Le Général Mood n’a pas dit cela.

Question : Vu que les circonstances n’étaient pas claires, le Général Mood est-il plus factuel que le Secrétaire Général ?

Bashar Al-Ja’afari : C’est exactement ce que je voulais dire à votre collègue. Le Général Mood a dit cela, que les circonstances n’étaient pas claires en ce qui concerne qui était à blâmer pour ces attaques. Oui, il a dit cela, mais dans ce contexte, pas dans le contexte qui vous a été fourni par certains ambassadeurs.

Question : Pensez-vous que cette lettre du Secrétaire Général est plus proche de la déclaration des ambassadeurs allemand et britannique ou de la déclaration faite par le Général Mood dans les consultations ?

Bashar Al-Ja’afari : Plus encline à sympathiser avec les ambassadeurs allemand et britannique, bien sûr.

Question : Qu’en est-il de l’enquête ?

Bashar Al-Ja’afari : Il y a une coopération étroite entre le gouvernement syrien et l’UNSMIS [United Nations Supervision Mission in Syria] en Syrie. Bien sûr après avoir nommé la Commission nationale syrienne d’enquête, les autorités syriennes vont partager avec le Général Mood le résultat de ces enquêtes, et ensuite, naturellement, le Général Mood va partager cette information avec le Conseil de Sécurité et M. Kofi Annan.

Un point important, messieurs : vous-vous souviendrez peut-être que chaque fois que le Conseil de Sécurité avait prévu une session pour discuter de la crise syrienne, quelque chose devait se produire en Syrie. Ou un attentat-suicide, ou une attaque terroriste, ou une forme de massacre, celle que, malheureusement, nous discutons aujourd’hui. Donc, ce n’est pas une coïncidence fortuite que ce massacre ait eu lieu seulement un jour avant l’arrivée de M. Kofi Annan en Syrie. Cette dimension est très importante parce qu’elle jette des doutes sur les motivations réelles de ceux qui ont perpétré ce crime horrible. Ils cherchent l’escalade, ils cherchent à mobiliser le Conseil de Sécurité contre le gouvernement syrien. Aucun gouvernement que ce soit ne massacrerait ses propres citoyens pour parvenir à une victoire politique sur ses opposants. L’utilisation de l’artillerie et les tirs de chars et de missiles n’auraient pas tué ces civils innocents de la façon dont ils ont été tués. Et cela a été notifié par la déclaration de presse du Conseil de Sécurité qui dit qu’ils ont été tués à bout portant. Cela signifie que c’est un pur assassinat, il ne s’agit pas du recours à l’artillerie et aux tirs de chars.

Question : Vous dites que ce n’est pas le gouvernement syrien, mais qui l’a fait ?

Bashar Al-Ja’afari : Les groupes terroristes armés ont lancé ce type d’attaques terroristes depuis le début de la crise en Syrie. Ce n’est pas ici le premier incident qui a eu lieu en Syrie. Bien sûr, ce qui s’est passé hier est un crime horrible, épouvantable, injustifié et injustifiable. Mais aucun gouvernement sur terre ne commet ce type de meurtre. Il s’agit de groupes armés, il s’agit d’un crime terroriste. Nous ne pouvons pas le décrire avec d’autres termes. Ceux qui ont commis ce crime seront tenus responsables devant la justice syrienne, et la Commission nationale d’enquête nommée hier par le gouvernement devra présenter son rapport dans les trois jours à compter d’aujourd’hui. Donc, assurément, nous allons savoir qui est derrière ce crime horrible ; c’est une affaire de trois jours.

Question : Ne serait-ce pas un prétexte pour blâmer le gouvernement qu’ils donnent par procuration aux membres du Conseil de Sécurité ?

Bashar Al-Ja’afari : Comme je l’ai dit au début, nous devrions regarder le tableau dans son intégralité. La question n’est pas d’aller dans les détails. Parfois les détails sont importants mais parfois ils ne le sont pas. La question est d’avoir le bon jugement sur ce qui s’est passé. Et pour avoir le bon jugement vous devez considérer le tableau dans son intégralité dans son contexte historique, avec ses dimensions géopolitiques. Comme je l’ai dit, il y a une dimension arabe, il y a une dimension régionale et une dimension internationale de la crise syrienne. Et certains pays disent publiquement qu’ils vont appuyer – et ils ont déjà appuyé – la branche militaire syrienne de l’opposition avec des armes. Les gens devraient être très prudents en lisant la carte de ce qui se passe en Syrie.

Question : Serait-ce pour pousser à augmenter la taille de l’UNSMIS, peut-être pour armer son personnel, pour une sorte d’internationalisation ?

Bashar Al-Ja’afari : C’est peut-être un des objectifs visés par ceux qui ont commis ce crime. Cela pourrait être une des raisons. Une raison très importante pour perpétrer ce genre de crime horrible : accentuer l’internationalisation de la crise syrienne, et augmenter le personnel de l’UNSMIS.

Merci.

 

Le printemps syrien. Témoignage d'un religieux français - par Mgr Philippe Tournyol du Clos

La paix en Syrie pourrait être sauvée si chacun disait la vérité. De retour à Damas en ce mois de mai 2012, il me faut bien constater qu’après une année de conflit, la réalité du terrain ne cesse de s’éloigner du tableau catastrophiste qu’en imposent les mensonges et la désinformation occidentale.

Le mois de février a marqué un coup d’arrêt aux provocations des islamistes radicaux. Les troubles, en majorité circonscrits à Hamma et à Homs, auraient d’ailleurs été plus vite résorbés si la pression internationale n’avait freiné l’intervention de l’Armée. Les zones frontalières de la Turquie , de la Jordanie et du Liban – par lesquelles s’infiltrent les mercenaires – restent encore sensibles. Dans la capitale, ce que l’on appréhende le plus sont les voitures piégées et les attentats à la bombe, la plupart du temps, le fait de kamikazes alléchés par l’appât du gain, le désir du paradis d’Allah, ou bercés du rêve sunnite de la fin des alaouites au terme de 40 ans de règne et l’avènement de Jésus au haut du minaret, accompagné du dernier prophète Al Mahadi pour le Jugement dernier.

Il faut dire et redire que l’idéologie fanatique est d’importation étrangère et que la Syrie n’a jamais été confrontée à un cycle de manifestations/répression, mais à une déstabilisation sanguinaire et systématique par des aventuriers qui ne sont pas syriens. Cette information, qui va à l’encontre des journaux et des reportages télévisés, l’ex-ambassadeur de France, Éric Chevallier, n’avait eu de cesse de la faire entendre à Monsieur Juppé ; mais le ministre français refusa toujours de tenir compte de ses rapports et falsifiait sans vergogne ses analyses pour alimenter la guerre contre la Syrie.

Nos lecteurs ont encore en mémoire l’invitation du Patriarche maronite à Paris, Sa Béatitude Bechara Raï, par Nicolas Sarkozy qui, s’étant renseigné sur le nombre des chrétiens au Liban et en Syrie, lui proposa de les installer en Europe. La réponse indignée et courageuse du haut prélat qui prit la défense de Bachar Al-Assad – et qui devait, selon le protocole, être décoré de la légion d’honneur – lui valut d’en recevoir l’écrin de la main sèchement tendue de l’ex-président français.

Arrivée à Damas

L’on respire à Damas un autre air qu’on voudrait nous le faire croire partout ailleurs.

Certes, depuis quatre mois, dans la banlieue, les voitures piégées ont fait de sanglants dégâts ; plusieurs fanatiques suicidaires se sont fait exploser dans la foule d’innocentes victimes. L’on entend parfois, la nuit, des échanges de coups de feu, c’est l’armée qui veille à la protection des habitants et parvient souvent à empêcher les attentats meurtriers. Ces jours-ci, deux minibus bourrés de TNT ont explosé simultanément selon un schéma terroriste désormais classique. Toujours disposée à proximité d’une cible d’intérêt stratégique, la première charge est destinée à semer la panique et à attirer le plus grand nombre d’intervenants pour déclencher la seconde explosion. Cette fois-ci, c’était le Quartier Général du contre espionnage syrien, où avaient été détenus les étrangers pris les armes à la main et que les salafistes projetaient de faire évader. Leur tentative échoua mais se solda par un bilan terrible : 130 morts (dont 34 chrétiens), 400 blessés et autant de logements endommagés.

La consternation est générale, le chagrin indescriptible et les nombreuses funérailles déchirantes. Pourtant, en ce mois de Marie les églises abondamment fleuries se remplissent chaque soir et j’ai vu les mosquées bondées le vendredi à midi ; la concentration de la prière aux Omeyyades évoquait pour moi celle des coptes en Égypte ; tandis que les espaces verts sont régulièrement envahis par des familles heureuses de se retrouver pour des piqueniques qui se prolongent tard dans la nuit. Le peuple syrien est un peuple simple et enjoué. Malgré l’insécurité et les dramatiques difficultés économiques engendrées par les sanctions internationales (l’inflation de la livre syrienne, l’anéantissement total du tourisme, la croissance du chômage et la cherté grandissante des denrées de base), la vie continue normalement.

Les chrétiens vivent en paix

Bien que partageant avec leurs congénères l’inquiétude générale, les chrétiens avouent volontiers qu’ils ne se sont jamais sentis aussi libres par le passé. Ils attribuent ce sentiment à la pleine reconnaissance de leurs droits lors de l’accession à la présidence de la famille Assad. Certains s’estiment même mieux traités aujourd’hui qu’à l’époque où ils étaient pris entre les deux feux des partisans opposés de De Gaulle et de Vichy. Un ami damasquin évoque pour moi le souvenir de son grand-père qui, suivant une coutume alors répandue, avait échangé le sang d’une légère blessure faite à la main avec celui d’un cheikh musulman pour devenir frères de sang ; il me confie : « Les ennemis de la Syrie ont enrôlés les Frères Musulmans dans le but de détruire les relations fraternelles qui existaient depuis toujours entre les musulmans et les chrétiens. Pourtant, à ce jour, ils n’y sont pas parvenus : ils ont même provoqué une réaction contraire et rapproché comme jamais auparavant tant les communautés que les individus. »

Petit rappel historique. La conquête de la Syrie par les arabes (636) n’a jamais été sanglante. À Damas, tandis que les chrétiens byzantins tentaient de leur résister, les chrétiens syriaques leur ouvraient les portes de la ville et leur offraient spontanément leurs services pour construire des habitations. Sait-on que pendant 70 ans, chrétiens et musulmans prièrent ensemble dans l’Église Saint Jean-Baptiste ? Quand celle-ci fut devenue trop petite, sur la demande des musulmans, elle devint la Mosquée des Omeyyades (705) que l’on admire encore aujourd’hui ; et pour dédommager les chrétiens, les musulmans leur construisirent les quatre premières églises damascènes.

La première impression qui me frappe est donc de retrouver Damas pareille à elle-même, son charme désuet, ses souks hauts en couleurs aux effluves d’épices, l’animation égayée des ruelles de la vieille ville et sa circulation qui n’a rien à envier à celle du Caire ; dans les quartiers verdoyants des bords du Barada, les restaurants sont pleins. La seconde, c’est la dignité et la modestie du petit peuple de la rue : guère de mendicité, d’apitoiement ou de plainte de la part des pauvres qui fourmillent pourtant et cachent bien leur misère derrière leurs murs lézardés. On n’imaginerait jamais ici personne dormant dans la rue, comme à Paris.

Sur le terrain

L’Armée n’est intervenue que plusieurs mois après le commencement des événements. L’insurrection s’est caractérisée par une cruauté d’une sauvagerie oubliée en Syrie depuis les massacres de 1860 où 11’000 chrétiens furent assassinés par des fanatiques mahométans encouragés par les ottomans.

Les turcs d’alors étaient pires que les salafistes d’aujourd’hui. Petite évocation historique. Qui se rappelle qu’en 1859, la maladie du ver à soie avait provoqué la disparition de sa culture tant en Chine qu’en France ? Seule la Syrie avait échappé au fléau. (Le brocart, inventé par la famille Boulad avait déjà conquis le monde). Or tous les soyeux syriens étaient chrétiens. Il n’en fallut pas plus pour que le gouvernement français du Second Empire « suggère » à l’occupant ottoman de provoquer – par musulmans exaltés interposés – les troubles sanglants que l’on sait et la persécution contre les chrétiens qui se solda par l’expatriation de tous les soyeux vers la France et le rachat à bas prix de leur production.

Un militaire, actuellement sous les armes au sud du pays, me fait part de sa stupéfaction quand il s’est trouvé affronté à des combattants qui n’étaient pas syriens mais étrangers, et me rapporte quelques faits surprenants dont il a été témoin : « Quand nous avons commencé à nous battre, nous avons trouvé en face de nous des Libyens, des Libanais (mercenaires sunnites de Saad Hariri), des Qatari, des Saoudiens et, bien sûr, des Al Qaeda. Quand nous avons fait des prisonniers, nous avons constaté que beaucoup d’entre eux ne parlaient pas l’arabe, c’étaient des Afghans, des Français, des Turcs ». Chacun s’attend, ici, à des révélations de nature à mettre en porte-à-faux bien des pays.

Parmi ces étrangers, me dit-il, « bon nombre d’entre eux ne savent pas où ils sont : on fait passer les Libyens par le Golan à proximité de la frontière israélienne pour leur montrer le drapeau israélien et les convaincre qu’ils sont bien sur la route de Gaza où ils vont combattre avec leurs frères musulmans… À Homs, a été arrêté un Libyen persuadé de se trouver en Irak pour combattre les Américains. »

Près de la frontière israélienne, de nuit, des voitures télécommandées bourrées d’explosifs ont pu être interceptées, exemple parmi d’autres des interventions sporadiques de commandos qui traversent chaque jour les frontières jordanienne, israélienne, libanaise et turque.

Homs, ville martyre

À Homs, il est faux de dire que les alaouites centralisent dans leurs mains tous les pouvoirs ; au nombre de 24, les notable comptent 18 sunnites, 4 chrétiens et 2 alaouites.

Homs a toujours été la ville du pays la plus peuplée de chrétiens. Ceux-ci occupaient à 98% deux quartiers, Bustan El Diwan et Hamidieh (le Vieux Souk), où se trouvent toutes les églises et les évêchés. Le lacis de ses ruelles et les nombreux passages souterrains rouverts pour la circonstance ne permirent pas aux mercenaires d’y pénétrer avant la reprise de Baba Amro. Le spectacle qui s’offre maintenant à nos yeux est celui de la plus absolue désolation : l’église de Mar Élian est à demi détruite et Notre-Dame de la Paix saccagée (près de laquelle on a trouvé plusieurs personnes égorgées) est encore occupée par les rebelles. Les maisons, très endommagées par les combats de rue sont entièrement vidées de leurs habitants qui ont fui sans rien emporter ; le quartier d’Hamidieh constitue encore aujourd’hui le refuge inexpugnable de bandes armées indépendantes les unes des autres, fournies en armes lourdes et en subsides par le Qatar et l’Arabie Saoudite.

Tous les chrétiens (138’000) ont pris la fuite jusqu’à Damas ou au Liban ; ceux qui n’y avaient pas de parents se sont réfugiés dans les campagnes avoisinantes, chez des amis, dans des couvents, jusqu’au Krak des Chevaliers. Un prêtre y a été tué ; un autre, blessé de trois balles dans l’abdomen, y vit encore ainsi qu’un ou deux autres, mais ses cinq évêques se sont prudemment réfugiés à Damas ou au Liban. On dit que les chrétiens amorcent un timide mouvement de retour.

Aujourd’hui, mis à part quelques coups de feu nocturnes, la ville a retrouvé le calme. C’est le cas d’Arman, quartier où les alaouite sont aussi proportionnellement plus nombreux que dans les autres villes, où l’on peut circuler en voiture. Quant au quartier sunnite, on peut y pénétrer (même un étranger, s’il est accompagné d’un sunnite), mais c’est à ses risques et périls car les tireurs isolés ne sont pas rares. Les magasins sont fermés et les destructions impressionnantes. Je trouve étrange de n’apercevoir dans toute la ville aucune présence militaire, aucun soldat en armes. Ceux-ci se contentent d’en contrôler les accès et d’occuper des casernes, à l’extérieur.

Les villages chrétiens de la campagne d’Homs

Puisqu’on n’est pas éloigné de la frontière du Liban, les points de contrôle et les barrages sont nombreux, ainsi que le mouvement des véhicules de l’armée loyaliste. Du haut de ses sept ans, Jacques s’époumone auprès de moi : « Dieu protège l’armée ! » ; je le verrai ce soir prier pour elle comme il le fait chaque jour avec ses frères et sœurs. Dans le village chrétien où je passe les nuits, les grand-mères se font un devoir de porter de la nourriture aux soldats. Un habitant me confie : « Si l’armée quitte notre village, nous risquons d’être égorgés. Si la répression sauvage dont l’accusent vos médias était réelle, pourquoi les militaires seraient-ils les bienvenus dans nos villages ? ». Ils sont, j’ai pu le constater de mes yeux, sous la protection attentive des troupes fidèles au Président Bachar. Pourtant, le jour de l’Ascension, une roquette est arrivée dans le jardin, heureusement sans faire de dégâts, mais l’explosion a terrifié les enfants. Le village, pour la première fois, a été la cible de trois RPG dont l’un a provoqué la mort d’un grand-père et de ses deux petits enfants (14 et 13 ans).

La campagne jouit donc d’un calme très relatif. On entend des échanges de tirs, la nuit : c’est que nous ne sommes qu’à une quinzaine de kilomètres de la frontière libanaise. Douze personnes qui se rendaient à Kafr Nam en minibus ont été kidnappées contre rançon. Un autobus a été mitraillé sur la route. Au village, un cousin a été enlevé quelques heures, le temps de lui voler son taxi (habilité à passer la frontière libanaise). Tout cela relève d’actions isolées des bandes armées.

Rappel des faits récents…

On se souvient que pendant huit longs mois, les Homsiotes avaient réclamé l’intervention de l’Armée, qui se refusait à prendre le risque d’atteindre la population civile.

Après avoir essayé sans succès de s’établir à Daraa, (près de la frontière jordanienne), puis à Idleb (près de la frontière turque) dont ils furent également délogés, les opposants au régime avaient choisi Homs pour sa proximité avec le Liban, comme Quartier Général. Dès lors, on ne compta plus les exactions et les crimes d’une férocité tout-à-fait étrangère au comportement syrien. Pour exemple, l’enlèvement de 200 alaouites, en août de l’an dernier, à fin de les égorger pour la fête de l’Aid al-Adha. En provenance du Liban, un armement sophistiqué considérable, suffisant pour approvisionner toute la rébellion, avait été stocké dans le quartier de Baba Amro autoproclamé Émirat Islamique Indépendant. De nombreux combattants y avaient d’ailleurs été enrôlés de force, sous menace d’éliminer leur famille. Parmi des atrocités sans nom, on a retrouvé les corps de 48 jeunes hommes égorgés parce qu’ils voulaient rendre les armes ; c’est ce que m’a personnellement raconté un survivant qui avait perdu dans cette circonstance son père et ses deux frères. Il faut savoir que, pour le fanatique sunnite extrémiste, égorger son ennemi manifeste sa fierté d’être en Guerre Sainte ; et c’est un acte de vertu qu’il offre aux yeux d’Allah.

Lorsque des terroristes veulent vérifier l’identité religieuse d’un suspect, s’il se dit chrétien, ils lui font réciter le Je crois en Dieu et le laissent partir (les chouans l’exigeaient en latin). S’il se dit ismaélite, il lui est demandé de donner les généalogies qui remontent à Moïse. S’il se dit sunnite, ils exigent qu’il récite une prière dont les alaouites, eux, ont retiré un passage. Les alaouites n’ont aucune chance de s’en tirer vivant. Nombre d’entre eux ont été kidnappés sur simple présentation de leur carte d’identité ; quand des chrétiens l’ont été, c’était par erreur. Depuis les temps immémoriaux, en effet, les chrétiens vivent en paix dans les quartiers sunnites et alaouites, heureux de leur présence.

Toujours au contact avec la population, Bachar Al-Assad (dont on sait que la mère a été l’élève d’un collège de Latakieh tenu par des religieuses) s’est rendu personnellement sur place après les événements et a promis de reconstruire les quartiers martyrs.

Le dessous des événements

Que l’on nous permette de revenir quelque peu sur les événements d’Homs présentés par la presse française et internationale à la honte du « barbare » Bachar El-Assad.

9 février 2012. Après épuisement de toutes les tentatives de médiation, l’Armée loyaliste syrienne donne l’assaut à « l’Armée syrienne libre » qui s’était emparé du quartier de Baba Amro et avait pris ses habitants en otage. Lorsqu’au terme de batailles qualifiées de « répression sanguinaire » par la presse internationale, les Forces gouvernementales vinrent à bout des rebelles, une partie d’entre eux trouva refuge dans le labyrinthe du quartier chrétien, tandis que les derniers éléments armés de l’Émirat prenaient la fuite, en massacrant les chrétiens des deux villages qu’ils traversèrent avant de trouver refuge au Liban. Mais qu’advint-il des journalistes-combattants de l’émirat islamique autoproclamé ?

Deux y trouvèrent la mort, Marie Colvin et Rémi Ochlik qui furent identifiés sur des vidéos par les ambassadeurs de France et de Pologne, en tenue de combat. Le « photographe » Paul Conroi appartenait à une agence de renseignement britannique ; Édith Bouvier était entrée clandestinement en Syrie aux côtés des rebelles. Elle, qui aurait dû tomber sous le délit d’immigration illégale, osa à l’époque manipuler la compassion des téléspectateurs français en réclamant la création d’un « couloir humanitaire », se faisant la porte-parole d’Alain Juppé qui cherchait par là à exfiltrer les mercenaires de l’Armée Syrienne Libre et leurs instructeurs occidentaux. D’autres éléments laissent à imaginer que l’envoyée du Figaro Magazine travaillait pour la DGSE.

La veille de l’assaut final, s’échappant nuitamment les dits journalistes gagnèrent le Liban où ils furent récupérés à un point de passage illégal par l’ambassadeur de France à Beyrouth, Denis Pietton, le même qui avait insolemment pris position contre Sa Béatitude Bchara Raï, trop bacharisé à son goût. Sous le faux prétexte de visiter les alentours de Baalbek, à l’est du Liban, le diplomate avait rejoint le nord de la Bekaa , (région frontalière limitrophe de la province de Homs) avec une équipe sécuritaire française. Là, il récupérait les exfiltrés français ; comme, en vertu de la Convention de Vienne, les voitures diplomatiques ne peuvent être perquisitionnées, le convoi ramena les agents français à l’ambassade, au nez et à la barbe de la police.

La frontière évanescente du Liban

L’Armée Nationale syrienne renforce son dispositif pour empêcher les infiltrations. Mais des combattants étrangers se regroupent toujours aux frontières turque et jordanienne ; après avoir transité par Amman, des centaines de Libyens d’Al-Qaïda takfiristes (ex-groupe islamique agressif en Libye) continuent d’affluer, tandis que plusieurs milliers d’autres sont rassemblés à Hattay (en Turquie) et encadrés par l’Armée turque ; ces jours-ci, sont arrivés en renfort plus de 5’000 Libyens.

Les incidents se multipliant, on dit que l’Armée libanaise aurait démantelé un camp de regroupement et une base de communication sur son territoire. Pourtant les preuves prolifèrent sur la responsabilité de certains milieux libanais dans la transformation du Liban en base arrière pour frapper la Syrie et y commettre des actes de violences. En collaboration avec des ambassades occidentales, un vaste trafic d’armes a été mis en place via Tripoli (où arrivent par cargos des milliers de tonnes d’armement lourd) grâce à l’installation de bases logistiques et médiatiques notamment animées par le Courant du futur de Saad Hariri et les Forces libanaises de Samir Geagea. La tâche de ces cellules est de former et d’entraîner les groupes terroristes syriens. Tout se passe comme si, sur décision américaine, le Liban était devenu une plateforme pour agresser la Syrie.

Damas, une écharde dans la chair

Alors que la Syrie semblait trouver sa place dans le concert des nations, voici qu’un nombre inattendu de protagonistes s’intéresse à elle, pas toujours de façon cordiale ou désintéressée. L’homme de la rue se demande si une nouvelle guerre mondiale n’a pas commencé dans son pays. Et les conjectures vont bon train.

La Russie n’a-t-elle pas besoin de la région comme débouché indispensable vers les mers libres ? Comment l’Amérique pourrait-elle supporter l’idée de son émergence au rang des puissances mondiales ? La Chine elle-même ne nourrit-elle pas le projet d’une ligne de chemin de fer en direction du Golfe et de l’Afrique ? L’acheminement du pétrole et du gaz iraniens à destination de Banyias se fait à travers l’Irak, mais les hydrocarbures du Qatar à destination d’Haïfa ne seraient-ils pas programmés pour transiter par la Syrie ? Poursuivant le plan sioniste ourdi de longue date de découpage confessionnel du Moyen-Orient, Israël considère que sa sécurité exige à n’importe quel prix la chute de Bachar, dont la force est devenue une menace. Nul n’ignore que lorsqu’il devint premier ministre, le sunnite Saad Hariri (dont la fortune doit beaucoup aux fonds américain, saoudiens et qataris) n’était libanais que depuis huit ans. Son alliance avec l’Arabie Saoudite s’explique aisément par le fait qu’il est le fils de l’épouse que son père, Rafic, a offert en présent au roi Abdallâh. Saoudiens et Qataris sont alliés des USA qui les soutiennent à cause du pétrole mais leur tiennent la bride courte, en menaçant – par des troubles populaires qui ont déjà commencés – la stabilité de leurs trônes. On peut noter qu’il y a aussi du pétrole dans la région de Deir Ezzor, à l’est de la Syrie (où vient d’exploser un véhicule contenant 1000 kg de TNT), et beaucoup de gaz dans la région de Qara et au large des côtes de Latakieh. En fait, tout ce beau monde ne s’est-il fédéré contre la Syrie que lorsqu’elle a commencé d’émerger au niveau des grandes puissances et Washington ne provoquerait-il les changements de régime du monde arabe que pour réaliser ses objectifs géopolitiques concernant la maîtrise de l’énergie ?

Quand – à l’appui de la Russie et de la Chine, au soutien de l’Iran et celui du Hezbollah libanais (qui menace directement Israël) – la Syrie ajoute sa puissance de feu et l’efficacité de la protection de son territoire (par des moyens électroniques capables d’intercepter toutes communications ou de mettre en panne tout appareillage électronique), Bachar devient une écharde insupportable dans la réalisation du plan sioniste de dépècement du Moyen-Orient destiné à assurer la survie d’Israël.

Les chrétiens ne sont pas persécutés comme en Égypte

Mon hôte me dit : « Avant le commencement des événements, nul n’aurait jamais eu l’idée de revendiquer son appartenance religieuse. On vivait tous ensemble, sans toujours savoir quelle religion l’autre pratiquait. On était syrien, et cela nous définissait. C’est en 2011 que tout a commencé de changer et que nous y avons prêté attention. »

On pourrait presque dire que les malheurs des chrétiens relèvent des dommages collatéraux. En effet, les incidents dont ils ont été victimes ne se sont produits que dans la région d’Homs, (précédés des affrontements entre sunnites et alaouites), mais l’on n’en déplore à ce jour aucun dans les autres provinces.

Ils sont inquiets, bien sûr, mais leur peur n’a vu le jour qu’avec le Printemps arabe et la crainte de la prise du pouvoir par les Frères musulmans. Avec l’immense majorité des Syriens, ils aiment leur Président dont on sait aujourd’hui qu’il ne tient plus au pouvoir mais, ne voulant pas céder à la pression actuelle, attend les élections de 2014 sans intention de se porter candidat. Ils jugent enfin les bandes armées fanatisées pour ce qu’elles sont, la plupart du temps, composées de jeunes délinquants entre 18 et 26 ans à peine sortis de prison. Avec tous les Syriens et comme le Président lui-même, ils désirent des réformes. Mais pas sa chute qui entraînerait immédiatement l’irakisation de la Syrie (qui a accueilli, faut-il le rappeler, plus de trois millions de réfugiés irakiens).

Il a fallu attendre cette guerre pour que les chrétiens soient personnellement menacés par des combattants salafistes encouragés et excités chaque soir à la télévision par le « cheikh » Al Araour. Ancien officier de l’Armée syrienne, ce personnage peu recommandable a été jugé et condamné aux geôles syriennes pour ses mœurs dépravés ; mais il a pris la fuite et s’est réfugié au Qatar d’où il ne cesse d’inciter ses troupes à massacrer alaouites et chrétiens.

Il y a, pour l’observateur, une évolution évidente des « révolutions ». Les troubles avaient commencé en Tunisie, puis ce fut le tour du Yémen, de l’Égypte et de la Libye, avec le « succès » que l’on sait. Il restait la Syrie. Pourtant il faut reconnaître ceci : si les chrétiens ne sont pas directement persécutés dans leur pays, c’est leur existence même qui est menacée de l’extérieur par les alliés du Golfe et les prises de position iniques de nations comme la France, à la remorque des États-Unis, eux-mêmes assujettis à Israël.

Bilan des victimes, la torsion des chiffres

Au début du mois, la presse officielle faisait état d’un Rapport de la Syrie à l’ONU daté du 21 mars qui recensait les victimes du conflit depuis le début des affrontements.

Le nombre des victimes des rebelles s’élevait à 6’000 et se décomposait ainsi : 3’000 soldats de l’Armée régulière et 3’000 civils, (500 policiers abattus, 1’500 enlèvements et 1’000 disparus). Dans le même temps, l’Observatoire Syrien des Droits de l’Homme évaluait le nombre de Syriens tués à 11’000. Les rebelles – rebaptisés « déserteurs » par l’OSDH – ne comptabilisaient que 600 pertes et ne mentionnaient évidemment pas les nombreux combattants étrangers tombés en martyrs du djihad.

Même compte tenu de la difficulté de l’exactitude en la matière, la marge entre les deux chiffres était démesurée. Mais la manipulation ne s’arrêtait pas là puisque la responsabilité des 11’000 morts devait incomber à la répression gouvernementale, les médias de masse occidentaux se faisant immédiatement l’écho indigné des chiffres de l’OSDH.

Printemps syrien

Il plane dans le petit peuple chrétien le sentiment qu’une renaissance doive suivre les événements actuels, leurs ennemis conjugués n’ayant obtenu d’autres résultats que des destructions partielles et celui de souder les Syriens autour de leur président ; les attentats des derniers kamikazes sont même perçus comme des combats d’arrière-garde.

C’est sous les murs de Damas que saint Paul, futur Apôtre des Nations, a été saisi par le Christ Jésus, Lumière du Monde. Ni à Jérusalem, ni autre part.

Et le terme singulier d’orientalité (proche d’authenticité) n’exprimerait-il pas la qualité de convivialité historique qui a toujours existé entre chrétiens et musulmans ? On sait que la Mosquée des Omeyyades abrite le crane de saint Jean-Baptiste, que vénèrent côte-à-côte chrétiens et musulmans. Mais sait-on que beaucoup de musulmans cultivés prient le Christ ? Pèse-t-on à leur juste mesure les visites régulières du président Bachar au monastère de Notre-Dame de Sayidnaya, comme à l’humble Sanctuaire de Saint Ananie où il a lui-même demandé de l’huile bénite ? ; et sait-on que l’image miraculeuse de la Vierge de Soufanieh – devant laquelle viennent se recueillir des cheikhs musulmans – fut rapportée du Kazanska, où musulmans et chrétiens honorent depuis toujours l’icône prodigieuse de Notre-Dame de Kazan ?

Enfin, ne faudrait-il détruire la Syrie que parce qu’elle apparaît comme le cœur d’un Islam modéré ? Pour justifier sa politique de domination, l’Occident ne veut avoir affaire qu’à l’Islam pur et dur qu’il suscite, alimente et bouffit. En opposant au monde occidental (soi-disant chrétien) un monde de barbus fanatiques, il peut justifier sa guerre pour le pétrole.

Les politiciens font des plans. L’ultime raison d’espérer des chrétiens de Syrie – comme de tout le Proche-Orient – repose sur leur foi dans le plan du Seigneur. La terre d’Orient est gorgée d’Espérance. N’a-t-elle pas engendré au cours des siècles passés des victoires aussi fulgurantes que mystérieuses : David face à Goliath, Cirrus face à Nabuchodonosor, Gédéon face aux Madianites ? N’oublions pas que le sort du monde se joue autour du mont Moriah, à portée de canon de Damas.

Mgr Philippe Tournyol du Clos
Archimandrite Grec-Catholique Melkite
Damas, le 20 mai 2012




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