A
quelques jours de la grève générale du 23
septembre, nous publions ici une analyse très pertinente de
notre camarade Charles Hoareau (Rouges Vifs 13) ainsi que le tract
diffusé par son organisation sur la lutte contre la réforme
des retraites.
Au
lendemain de ce 7 septembre à l’ampleur exceptionnelle,
les organisations syndicales ont donc maintenu le front syndical
commun face au gouvernement, ce qui n’était pas
forcément gagné d’avance. En effet, malgré
ce que l’on sentait monter parmi les salarié-e-s, les
taux exceptionnels de grévistes qui s’annonçaient
et l’envie manifeste des travailleurs de nombre d’entreprises
du public et du privé de ne pas en rester là, chez
plusieurs organisations syndicales l’idée était
de faire une prochaine journée d’action un samedi ou un
dimanche, voire d’attendre le début octobre !
La
CGT et SUD penchaient, pour appeler les salarié-e-s à
la
grève dès le 15,
jour du vote de la loi, et poser la question de la grève
reconductible. FO elle, demandait, une grève carrée
sinon rien [1]… ce qui peut souvent
être le moyen le plus sûr de ne pas faire grand-chose
La
position qui est sortie de l’intersyndicale du 8 est donc une
position de compromis.
Sur le coup, chez nombre de militant-e-s déterminé-e-s
à faire reculer le gouvernement la déception, voire la
colère a été grande. Dans les réunions
syndicales, certains faisaient valoir que chez eux ce n’était
« pas mûr », d’autres disaient
qu’il fallait frapper fort, vite et durer, qu’il y a des
pays où pour empêcher un vote scélérat,
les travailleurs ont entouré l’assemblée
nationale pour bloquer l’entrée des députés...
Les débats auraient pu déraper et décourager
l’ensemble, dans une nouvelle version du : faut-il
attendre les retardataires ou s’appuyer sur les locomotives
pour tirer tout le monde ? Ce n’est pas cela qui s’est
produit. Nombre de syndicalistes, au-delà de ce qu’ils
peuvent penser de la stratégie des organisations syndicales (y
compris la leur), ont choisi de ne pas attendre des consignes fermes
venues d’en haut et de prendre leurs responsabilités en
se disant que
l’heure n’est pas aux états d’âme mais
à la Lutte,
en grand. C’est la meilleure façon que le « bas »
aide le « haut » ou le pousse…
Les
appels qui se multiplient, les prises de position qui s’expriment,
les tracts nombreux et variés qui sortent, montrent que tant
au plan syndical, qu’au plan politique et associatif, chacun
s’emploie à faire encore mûrir plus largement dans
le monde du travail l’idée du nécessaire blocage
du pays pour faire reculer le gouvernement… et le MEDEF
étrangement silencieux dans la période.
Dans
cette période particulière, face à un
gouvernement, qui pour masquer son affaiblissement grandissant,
franchit chaque jour un pas de plus vers le fascisme - ce qui a pour
effet de l’isoler sur la scène internationale et de
diviser son propre camp - l’idée
qui grandit
et qu’il nous faut faire grandir encore c’est
que l’on peut gagner.
Gagner non seulement sur les retraites, mais, et chacun en a
conscience, gagner contre ce gouvernement de plus en plus discrédité
avant qu’il ne nous entraîne tous vers un chaos
prévisible.
Les
conditions et les enjeux de la victoire.
Au
fond la question qui nous est posée, par-delà celle des
retraites c’est tout simplement dans quelle société
voulons-nous vivre ?
Soit
nous acceptons que le capitalisme sorte victorieux (et sans doute
dans ce cas-là pour un long moment) de l’affrontement
qui est en cours, qu’il nous entraîne encore plus loin
dans une société de plus en plus inégalitaire
où, par rapport à il y a 20 ans, on
prend chaque année 200 milliards d’euros
(vous avez bien lu !) dans
la poche du monde du travail
ce qui se traduit par bas salaires, précarité,
augmentation du nombre de chômeurs et baisse de leurs
allocations, surexploitation de sans-papiers et délocalisation
d’entreprises, mal vie dans les quartiers populaires où
l’économie souterraine avec son lot d’insécurité
sociale supplante de plus en plus l’économie officielle
dont les populations les plus pauvres sont de toutes façons
de plus en plus exclues,
En
bref, soit nous nous résignons à la société
de barbarie, soit en mettant concrètement la solidarité
au cœur du fonctionnement de la société par des
revendications précises qui ne sont pour l’instant guère
portées, nous agissons à la fois sur le niveau de vie
et les valeurs humaines de chaque habitant de ce pays. Car comment
voulez-vous que la jeunesse discriminée et précarisée
croie à l’égalité, la liberté et la
fraternité – sans parler de la justice et de l’honnêteté
– quand elle voit nos dirigeants et leur politique ?
Ce
qui se joue dans la bataille sur les retraites c’est
l’inversion de la spirale infernale dans laquelle veut nous
entrainer un capitalisme de plus en plus barbare n’en déplaise
à celles et ceux qui croient à sa possible régulation.
Au
plan syndical, quand des organisations, en particulier de la CGT,
font le lien entre la bataille des retraites et le cahier de
revendication à l’entreprise, cela va dans ce sens et
renforce les raisons qu’ont les salarié-e-s de
reconduire la grève du 23. Cela suffira-t-il à
convaincre un monde du travail très remonté mais aussi
très morcelé et que ce gouvernement exaspère ?
En tous cas cela ne peut suffire pour convaincre les chômeurs,
la jeunesse voire les salarié-e-s des petites entreprises de
se joindre massivement au mouvement, apport précieux et sans
doute décisif dans la bataille actuelle.
L’intervention
des militant-e-s politiques peut de ce point de vue être
essentielle. Non pas seulement pour soutenir un mouvement (ce qui est
bien), non pas pour donner aux syndicats des consignes sur ce qui
devrait être fait ou pas fait, mais pour donner à
l’ensemble de la population l’envie de se battre sur
l’enjeu de société qui nous est posé.
Dans
quelle société voulons-nous vivre ?
Voilà la question que les politiques doivent poser à
la population. Le nécessaire retrait du projet ne suffit pas.
Appeler le peuple à prendre ses responsabilités pour
reconquérir les 10% de PIB annuels que MEDEF et gouvernements
nous ont pris depuis 20 ans, donc poser de toute autre façon
la question du financement de notre protection sociale et mettre en
perspective la société de solidarité vers
laquelle nous voulons aller pour faire reculer la barbarie
capitaliste, voilà notre tâche.
La
société sera ce que nos luttes en feront.
Si
le refus d’un projet qui veut nous imposer 2 ans de plus de
travail et des retraites de misère a déjà mis 3
millions de gens dans les rues, c’est aussi parce qu’il
est le catalyseur d’une politique qui mécontente le
peuple tous azimuts. Au-delà du refus, la perspective claire
de changer la société par l’obtention de
revendications répondant aux besoins de toutes et tous, voilà
une raison qui devrait donner envie à bien plus de gens encore
de descendre tous les jours dans la rue avec ou sans mot d’ordre
national.
Le
23 et les jours suivants, entamons un processus général
de reconquête, un processus révolutionnaire, comme
disent les peuples d’Amérique du sud.
Source
Dans
quelle société voulons-nous vivre?
Dans
une société de barbarie…
Depuis
20 ans la part des salaires dans la richesse du pays ne cesse de
diminuer. En 2010 ce sont 200 milliards d’euros qui sont
pris dans la poche du monde du travail. Cela se traduit par les bas
salaires, la précarité, l’augmentation du nombre
de chômeurs et la baisse de leurs allocations, la
surexploitation des sans-papiers, la délocalisation des
entreprises, l’exclusion des populations les plus pauvres et
donc la mal vie dans nombre de quartiers…
…Ou
dans une société de solidarités
La
répartition des richesses pour vivre dans une société
de solidarité est donc au coeur de la bataille actuelle sur
les retraites. Récupérer les 200 milliards d’euros
volés aux travailleurs tous les ans permettra la hausse des
salaires, l’augmentation du travail qualifié, le retour
à une véritable sécurité sociale qui
prend en compte les 5 branches prévues dans le projet initial
de 1945 (maladie, retraite, accident du travail, famille, chômage),
le rétablissement des filets de sécurité sociaux
de toute nature (en particulier le fonds social supprimé en
1997 sous Martine Aubry), le développement des services
publics véritable rempart aux inégalités…
Répartition
des richesses
Pourquoi
ceux qui nous gouvernent ne disent-ils pas que le PIB, donc la
richesse du pays, double tous les 40 ans et qu’ainsi nous
sommes passés sans problème de 4 salariés pour
un retraité en 1970 à 2 salariés pour 1 retraité
en 2010 ? Parce que pour que les salaires et la protection sociale
suivent dans les 40 ans qui viennent l’augmentation des
richesses, il faudrait prendre dans les profits qui eux ne cessent de
grandir (comme le montre le schéma suivant tiré des
chiffres du COR (en rouge la part des retraites dans le PIB). Et ça,
ils n’en veulent pas !

Dans
la bataille actuelle n’acceptons pas une victoire du
capitalisme qui nous entrainerait dans
une société encore plus inégalitaire et barbare
! Mobilisons-nous bien sûr pour les retraites mais aussi pour :
L’augmentation
des salaires
Le
développement de l’emploi qualifié
Le
retour à une sécurité sociale réellement
protectrice de toutes et tous
Le
rétablissement du fonds social pour les privé-e-s
d’emploi
Le
développement des services publics en particulier dans les
quartiers populaires.
En
bref pour mettre la solidarité au cœur du fonctionnement
de la société !
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