Nous
publions ce texte important du philosophe communiste italien Domenico
Losurdo (dont nous avons déjà publié certains
articles et dont nous diffusons les essais, en particulier «Fuir
l'histoire? La révolution russe et la révolution
chinoise aujourd'hui» aux
Editions Delmas) à la suite de nos camarades sénégalais
de Fernent/ MTP-S (Mouvement des Travailleurs Panafricains –
Sénégal) qui l'introduisent ainsi: «Recevez ce
texte réflexion témoignage du voyage de Losurdo
Dominico et une délégation de partis et mouvements
communistes d'Europe en Chine. Ce texte mérite d'être
étudié et analysé en profondeur par tous les
communistes et progressistes. Nous le diffusons volontiers d'autant
plus que l'orientation que reflète ce texte se retrouve dans
les analyses que nous avons élaboré et développé
dans nos différents documents et publications ces dernières
années, dans nos réflexions sur l'évolution du
rapport des forces géostratégiques et le passage
progressif en cours du monde unipolaire tyrannique engendré
par la défaite du socialisme et dominé par le couple
impérialiste USA/UE au monde "multipolaire" avec les
"pays émergents". Nous continuons à
approfondir en étudiant les documents accessibles du PCChine,
du PCVietnam, du PCCuba, du KKE de Grèce, du PCBUS de
l'ex-URSS, du PCSAfrique du sud, des PC du Bénin, du Burkina
Faso, de Côte d'Ivoire, etc et bien sûr les contributions
des expériences anti-libérales et anti-impérialistes
d'Amérique du sud, et aussi le regard rétrospectif sur
les expériences théoriques et pratiques du RDA, de
l'UPC, du PAI, du MPLA, et de l'Érythrée, etc. Nous
invitons l'ensemble des partis, mouvements et militants Africains à
ce travail collectif partie prenante du combat pour la ré-émergence
d'une gauche révolutionnaire anti-impérialiste en
Afrique. »
Du 3 au
16 juillet j’ai eu le privilège de visiter quelques
villes et réalités de la Chine, dans le cadre d’une
délégation invitée par le Parti communiste
chinois, délégation dont faisaient partie aussi des
représentants de partis communistes du Portugal, de Grèce
et de France et de la Linke allemande ; pour l’Italie,
outre le soussigné, ont participé au voyage Vladimiro
Giacchè et Francesco Maringiò. Le présent texte
n’est pas un journal ni une chronique ; il s’agit de
réflexions qui sont le fruit d’une expérience
extraordinaire.
1. La
première chose qui frappe au cours de la rencontre avec les
représentants du Parti communiste chinois et avec les
dirigeants des usines, écoles et quartiers visités, est
l’accent autocritique, disons même la passion
autocritique dont font preuve nos interlocuteurs. Sur ce point, la
rupture est nette avec la tradition du socialisme réel. Les
communistes chinois n’ont de cesse de souligner que le chemin à
parcourir est long, et nombreux et gigantesques sont les problèmes
à résoudre et les défis à affronter, et
qu’en tous cas leur pays fait encore partie du Tiers Monde.
En
vérité, au cours de notre voyage, le Tiers Monde nous
ne l’avons pas rencontré. Certes pas à Pékin,
qui fascine avec son aéroport ultramoderne et reluisant, et
moins encore à Qingdao, où se sont déroulées
les joutes des Olympiades 2008 et qui fait penser à une ville
occidentale d’une beauté et élégance
particulières et d’un niveau de vie élevé.
Le Tiers Monde nous ne l’avons pas rencontré non plus en
nous éloignant de 1.500 kilomètres des régions
orientales et côtières, celles qui sont le plus
développées, et en atterrissant à Chongqing,
l’énorme mégalopole qui compte un total de 32
millions d’habitants et, jusqu’à il y a quelques
années, semblait avoir du mal à suivre le miracle
économique. Il ne fait aucun doute que le Tiers Monde existe
encore dans l’immense pays asiatique, mais la rencontre manquée
avec lui est le résultat non pas de la volonté de
cacher les points faibles de la Chine d’aujourd’hui, mais
du fait que l’impétueuse croissance économique en
cours désormais depuis plus de trois décennies est en
train de réduire, diminuer et fractionner à un rythme
accéléré l’aire du sous-développement,
qui s’estompe ainsi en un lointain de plus en plus distant.
En
Occident ne manqueront pas, à ce propos, ceux qui vont faire
la grimace : développement, croissance,
industrialisation, urbanisation, miracle économique d’ampleur
et de durée sans précédents dans l’histoire,
quelle vulgarité ! Ce snobisme de beau monde semble
considérer comme insignifiant le fait que des centaines de
millions de personnes aient échappé à un destin
qui les condamnait à la dénutrition, à la faim
voire à la mort par inanition. Et ceux qui trouvent que le
développement des forces productives n’est qu’une
question de bien-être économique et de consumérisme
feraient bien de relire (ou de lire) les pages du Manifeste
du parti communiste
qui mettent en évidence l’idiotisme d’une vie
rurale circonscrite par la misère y compris culturelle de
frontières étroites et infranchissables. En visitant
aujourd’hui les merveilles de la Cité impériale à
Pékin et, à quelques kilomètres de distance, la
Grande muraille, on tombe sur un phénomène absent non
seulement dans le lointain 1973, mais même en l’an 2000,
c’est-à-dire dans mes deux précédents
voyages en Chine. De nos jours la présence massive de
visiteurs chinois saute aux yeux : ce sont des touristes aux
caractéristiques particulières : ils arrivent
souvent d’un coin reculé de l’immense pays ;
peut-être est-ce la première fois qu’ils en
visitent la capitale ; sur le plan culturel ils commencent à
s’approprier d’une certaine manière la nation de
très antique civilisation dont ils font partie ; ils
cessent d’être de simples paysans liés comme à
une prison au lopin de terre qu’ils cultivent, et deviennent
réellement les citoyens d’un pays de plus en plus
ouvert au monde.
Bien
au-delà des heures d’ouverture pour la visite des
monuments et musées, la place Tienanmen continue à
grouiller de gens : ils sont nombreux à attendre et à
observer avec orgueil l’envoi
des
couleurs de la République Populaire Chinoise. Non, il ne
s’agit pas de chauvinisme : les Chinois aiment se faire
photographier avec des visiteurs étrangers (moi aussi j’ai
reçu et répondu avec plaisir à ce genre de
requête) ; c’est comme s’ils invitaient le
reste du monde à fêter avec eux le retour d’une
très antique civilisation longtemps opprimée et
humiliée par l’impérialisme. Il n’y a aucun
doute : le prodigieux développement des forces
productives ne s’est pas limité à arracher à
la misère et aux privations des centaines de millions de
femmes et d’hommes ; il leur a assuré une dignité
individuelle et nationale, il leur a permis d’élargir
considérablement leur horizon en s’ouvrant sur l’immense
pays dont ils font partie et, au-delà, sur le monde entier.
2. Mais
le développement des forces productives n’est-il pas
synonyme de dégradation et destruction de la nature ?
Nous voici en présence d’une préoccupation, et
même d’une certitude claironnée de façon
particulièrement stridente par la gauche occidentale. On
voit ici affleurer une étrange vision de la nature, qui
s’avère malade si les plantes s’étiolent et
se dessèchent mais qui, à ce qu’il semble, est à
considérer comme parfaitement saine si ceux qui dépérissent
et meurent en masse sont les femmes et les hommes. Un certain
écologisme finit pas creuser encore plus profondément
l’abîme, qu’il prétend pourtant vouloir
critiquer, entre monde humain et monde naturel. Mais concentrons-nous
quand même sur la nature au sens strict. Il y a quelques temps
un historien assez connu (Niall Ferguson) a écrit un article,
publié aussi sur le Corriere
della Sera,
qui dès son titre dénonçait « la
guerre de la Chine à la nature ». En réalité,
déjà dans le long parcours qui va de l’aéroport
de Pékin à la Grande muraille, et dans l’autre
long trajet qui, en suivant un autre parcours, va du centre de Pékin
à l’aéroport, nous remarquons une quantité
impressionnante d’arbres de toute évidence récemment
plantés, dans le cadre d’un projet assez ambitieux de
reboisement et d’extension de la superficie forestière
qui investit l’ensemble du pays. Quelques jours avant la
fin de notre voyage nous avons eu la possibilité de visiter
une aire écologique de 10 kilomètres carrés,
située aux alentours de Weifang, une ville du Nord-est en
rapide expansion, engagée dans le développement de la
haute-technologie mais qui veut en même temps se distinguer
pour son cadre de vie. L’aire écologique, dont l’accès
est libre et gratuit pour tout le monde, et qui ne peut être
visitée qu’à pied ou avec un minuscule autobus
ouvert et à traction électrique, a été
dégagée en récupérant un territoire
jusque là fortement dégradé et qui à
présent resplendit de beauté enchanteresse et de
sérénité. Le développement industriel et
économique n’est pas en contradiction avec le respect
de
l’environnement. Bien sûr l’équilibre entre
ces deux exigences s’avère particulièrement
difficile dans un pays comme la Chine, qui doit nourrir un cinquième
de la population mondiale tout en n’ayant à sa
disposition qu’un septième de la superficie cultivable :
c’est dans ce cadre que doivent être situées les
erreurs commises et les graves dommages infligés à
l’environnement dans les années où la priorité
absolue était constituée par un décollage
économique appelé à mettre fin le plus
rapidement possible à la dénutrition et à la
misère de masse. Mais cette phase heureusement est dépassée :
il est maintenant possible de promouvoir un écologisme qui, en
même temps que la vie et la santé des arbres et des
fleurs, sache garantir la vie et la santé des femmes et des
hommes.
3. J’ai
déjà parlé de la passion autocritique qui semble
caractériser les communistes chinois. Ce sont eux qui
insistent sur le caractère intolérable, en particulier,
de l’écart croissant entre villes et campagne, entre
zones côtières d’un côté et le Centre
et l’Ouest du pays de l’autre. De tels phénomènes
ne sont-ils pas la démonstration de la dérive
capitaliste de la Chine ? C’est une thèse qui est
largement répandue dans la gauche occidentale et qui semble
trouver un écho chez certains membres de notre délégation
multipartite. Dans le débat franc et vif qui se développe
j’interviens avec une ponctuation pour ainsi dire
« philosophique ». On peut procéder à
deux comparaisons assez différentes entre elles. Nous pouvons
comparer le « socialisme de marché »
avec le socialisme que nous appelons de nos vœux, avec le
socialisme en quelque sorte mûr, et donc mettre en évidence
les limites, les contradictions, les dysharmonies, les inégalités
qui caractérisent le premier : ce sont les communistes
chinois eux-mêmes qui insistent sur le fait que le pays qu’ils
dirigent n’est qu’au « stade primaire du
socialisme », stade destiné à durer jusqu’à
la moitié de ce siècle, confirmant la longueur et la
complexité du processus de transition appelé à
déboucher sur l’édification d’une nouvelle
société. Mais il n’est pas pour autant licite de
confondre le « socialisme de marché »
avec le capitalisme. Comme illustration de la différence
radicale qui subsiste entre les deux nous pouvons avoir recours à
une métaphore. En Chine nous sommes en présence de deux
trains qui s’éloignent de la gare appelée
« Sous-développement » pour aller dans
la direction de la gare appelée « Développement ».
Oui, un des deux trains est très rapide, l’autre de
vitesse plus réduite : de ce fait la distance entre
les deux augmente progressivement, mais on ne doit pas oublier que
tous les deux avancent vers la même destination ; et on
doit aussi se souvenir que les efforts ne manquent pas pour accroître
la vitesse du train relativement moins rapide et que, en tous cas, à
la suite du processus d’urbanisation, les passagers du train
très rapide se font de plus en plus nombreux. Dans le cadre du
capitalisme par contre, les deux trains en question avancent dans des
directions opposées. La dernière crise a mis en
évidence un processus en acte depuis plusieurs décennies :
l’augmentation de la misère des masses populaires et le
démantèlement de l’Etat social vont de pair avec
la concentration de la richesse dans les mains d’une oligarchie
parasitaire restreinte.
4. Et
pourtant, chez les communistes chinois croît l’intolérance
à l’égard de l’écart entre zones
côtières et aires du Centre-ouest, entre villes et
campagne et dans le cadre de la ville même. C’est une
attitude perçue avec surprise et agréablement par toute
la délégation d’Europe occidentale. Cette
intolérance se ressent de façon aigue à
Chongqing, la métropole située à 1.500
kilomètres de distance de la côte. Le mot d’ordre
(Go
West !),
qui appelle à étendre au Centre et à l’Ouest
de l’immense pays le prodigieux développement de l’Est,
a été lancé il y a déjà dix ans.
Les premiers résultats sont visibles : par exemple, le
Tibet et la Mongolie intérieure affichent ces dernières
années un taux de développement supérieur à
la moyenne nationale. Ce n’est pas le cas du Xinjiang où
en 2009 (l’année de la crise), par rapport à une
moyenne nationale de 8,7%, le PIB n’a augmenté « que »
de 8,1%. Et sur le Xinjiang justement, s’est déversée
pendant les semaines et mois derniers, une nouvelle vague de
financements et de stimulants. Mais à présent, au-delà
des régions habitées par des minorités
nationales, auxquelles le gouvernement central réserve
évidemment une attention particulière, il s’agit
d’appliquer au niveau général une accélération
décisive et une signification nouvelle et plus radicale à
la politique du Go
West !
Devenue
une municipalité autonome sous la dépendance directe
du
gouvernement central (se trouvent aussi dans cette situation Pékin,
Shanghai et Tianjin) et pouvant ainsi jouir de stimulants et de
soutiens en tous genres, Chongqing aspire à devenir la
nouvelle Shanghai, c’est-à-dire aspire non seulement à
dépasser l’arriération mais à rejoindre le
niveau de la Chine la plus avancée, et à constituer un
point de référence aussi sur le plan mondial. La
mégalopole située à l’intérieur du
grand pays asiatique se révèle à nos yeux comme
un énorme chantier : l’activité de
potentialisation des infrastructures bat son plein, tout comme
celle de construction d’usines, de bureaux, d’habitations
civiles ; les rangées d’arbres plantés
récemment et jalousement entretenus sautent aux yeux, ainsi
que les buissons de verdure qui bordent et parfois séparent
aussi les routes et les autoroutes. Oui, parce qu’au-delà
du miracle économique Chongqing poursuit un objectif plus
ambitieux encore : elle entend se proposer à toute la
nation comme un « nouveau modèle » de
développement, en régulant mieux et de façon
plus « harmonieuse » les rapports à
l’intérieur de la ville, entre ville et campagne et
entre homme et nature. Dans ce qui devrait devenir la nouvelle
Shanghai, la référence à Mao Zedong est
constante, et il ne s’agit pas seulement de l’hommage
dû au grand protagoniste de la lutte de libération
nationale du peuple chinois, au père de la patrie qui, non par
hasard, trône place Tienanmen comme sur les billets de
banque ; il s’agit de prendre au sérieux le
renvoi à la « pensée de Mao Zedong »,
inscrite dans le Statut du Parti communiste chinois. A Chongqing on a
la nette impression qu’ont commencé les débats
et, on présume, la lutte politique en préparation du
Congrès prévu dans deux ans.
Il
convient en ce point de se débarrasser d’une équivoque
possible : la discussion ne porte pas sur la politique de
réforme et d’ouverture définie il y a plus de
trente ans dans la Troisième session plénière de
XIème Comité central (18-22 décembre
1978) : dans le Statut du Pcc est inscrit aussi le renvoi à
la « théorie de Deng Xiaoping » et à
l’ « importante idée des trois
représentances », même si la catégorie
de « pensée » veut avoir une importance
stratégique plus grande que la catégorie de « théorie »
(qui fait référence à une conjoncture même
si c’est une conjoncture de longue période) et que la
catégorie d’ « idée »
(laquelle, si « importante » soit-elle, désigne
une contribution sur un aspect déterminé). Mais
surtout, personne ne veut revenir à la situation dans laquelle
en Chine il n’y avait d’ « égalité »
que dans le sens où les deux trains de la métaphore que
j’ai utilisée plusieurs fois étaient tous les
deux arrêtés à la gare « Sous-développement »
ou s’éloignaient d’elle avec lenteur. Non,
désormais on peut considérer comme définitivement
acquise la conscience selon laquelle le socialisme n’est pas la
distribution égale de la misère. D’autant plus
qu’une telle « égalité »
est totalement illusoire et peut même se renverser en son
contraire. Quand la misère atteint un certain niveau, elle
peut comporter le risque de la mort par inanition. Dans ce cas, si
modeste et réduit qu’il soit, le morceau de pain qui
garantit la survie aux plus chanceux signe quand même une
inégalité absolue, l’inégalité
absolue subsistant entre la vie et la mort. C’est, avant
l’introduction de la politique de réforme et
d’ouverture, ce qu’on a constaté dans les années
les plus tragiques de la République Populaire Chinoise :
conséquence soit de l’héritage catastrophique
dérivé du saccage et de l’oppression
impérialiste, soit de l’impitoyable embargo imposé
par l’Occident, soit des graves erreurs commises par la
nouvelle direction politique. La centralité du devoir de
développement des forces productives reste donc certaine, mais
cette centralité peut être interprétée de
façon sensiblement différente…
5. Celui
qui a été appelé à diriger Chongqing est
Bo Xilai, ex brillant ministre du commerce extérieur. C’est
une circonstance qui nous permet de réfléchir sur le
processus de formation du groupe dirigeant en Chine. Un représentant
du gouvernement central, qui dans le déroulement de sa tâche,
s’est distingué et a acquis un prestige même sur
le plan international, est envoyé en province pour affronter
une tâche de nature différente et de proportions
gigantesques. Frappant la corruption de façon capillaire et
radicale et proposant dans la théorie et dans la pratique
réelle de gouvernement un « nouveau modèle »,
engagé à brûler les étapes dans la
liquidation des inégalités devenues intolérables
et dans la réalisation de la « société
harmonieuse », Bo Xilai a suscité un débat
national : il est facile de prévoir sa présence en
position éminente dans le groupe dirigeant qui sortira du
XVIIIème
Congrès du Pcc, même si ce serait une erreur de donner
pour acquis le résultat du débat (et de la lutte
politique)
en cours. Donc : en conclusion d’une période
d’incertitudes, de conflits et de déchirements, à
la première génération de révolutionnaires
ayant eu en son centre Mao Zedong a succédé la seconde
génération de révolutionnaires avec, au centre,
Deng Xiaoping. Ont suivi ensuite la troisième puis la
quatrième génération de révolutionnaires
avec au centre respectivement Jiang Zenin et Hu Jintao. Du prochain
Congrès du Parti sortira la cinquième génération
de révolutionnaires. C’est une perspective
donnée
en son temps par Deng Xiaoping, qui a ainsi confirmé sa
clairvoyance et sa lucidité dans la construction du Parti et
de l’Etat : la personnalisation du pouvoir et le culte de
la personnalité sont dépassés ; on a mis
fin à l’occupation à vie des charges
politiques ; on a affirmé un processus de formation et de
sélection des groupes dirigeants qui, jusqu’à
présent, a donné d’excellents résultats.
6. Mais
jusqu’où peut-on considérer comme socialiste le
« socialisme de marché » théorisé
et pratiqué par le Parti communiste chinois ? Dans
la délégation bariolée qui vient d’Occident
ne manquent pas les doutes, les perplexités, les critiques
ouvertes. Un débat de développe, ouvert et vif, une
fois de plus encouragé par nos interlocuteurs et hôtes.
Il ne fait aucun doute qu’à la suite de l’affirmation
de
la
politique de réforme et d’ouverture, l’aire de
l’économie d’Etat s’est restreinte et que
l’aire de l’économie privée s’est
élargie : sommes-nous en présence d’un
processus de restauration du capitalisme ? Les communistes
chinois font remarquer que le rôle central et dirigeant de
l’Etat (et du Parti communiste) reste ferme : qu’en
est-il ?
Le
panorama économique et social de la Chine d’aujourd’hui
se caractérise par la présence simultanée des
formes les plus diverses de propriété : propriété
d’Etat ; propriété publique (dans ce cas le
propriétaire est non pas l’Etat central mais, par
exemple, une municipalité) ; sociétés par
actions dans le cadre desquelles la propriété
d’Etat ou la propriété publique détient la
majorité absolue, ou bien la majorité relative ou un
pourcentage significatif du paquet d’actions ; propriété
coopérative ; propriété privée. Dans
ces conditions, il s’avère bien difficile de calculer
avec précision le pourcentage de l’économie
d’Etat et publique. Rentré chez moi, je trouve un numéro
particulièrement intéressant de l’International
Herald Tribune :
j’y lis un calcul effectué par un professeur de la
prestigieuse université de Yale, exactement Chen Zhiwu (donc
un états-unien d’origine chinoise, qui est peut-être
dans des conditions privilégiées pour s’orienter
dans la lecture de l’économie du grand pays asiatique)
indiquant que « l’Etat contrôle trois quarts
de la richesse de la Chine » (7 juillet 2010, p.18). Il
faut ajouter à ceci une donnée généralement
négligée : en Chine la propriété du
sol est entièrement aux mains de l’Etat ; les
paysans en ont l’usufruit, qu’ils peuvent aussi vendre,
mais pas la propriété. Pour ce qui concerne
l’industrie, d’autres calculs attribuent un poids plus
réduit à l’Etat. Dans tous les cas, ceux qui
imaginent un processus graduel et irréversible de retrait de
l’Etat de l’économie se fourvoieraient
complètement. Sur Newsweek
du 12 juillet, un article d’Isaac Stone Fish attire l’attention
sur les « entreprises de propriété d’Etat
qui dominent de façon croissante l’économie
chinoise ». En tous cas –réaffirme
l’hebdomadaire états-unien- dans le développement
de l’Ouest (qui se dessine désormais dans toute son
ampleur et sa profondeur) le rôle de l’entreprise privée
sera bien plus réduit que celui qu’il a joué en
son temps dans le développement de l’Est.
Les
camarades chinois nous font noter que, en introduisant de forts
éléments de concurrence, l’aire économique
privée a contribué en dernière analyse au
renforcement de l’aire d’Etat et publique, qui a été
ainsi obligée de se débarrasser du
bureaucratisme, du désengagement, de l’inefficience, du
clientélisme. En effet, justement grâce aux réformes
de Deng Xiaoping, les entreprises d’Etat jouissent de nos jours
d’une solidité et d’une compétitivité
sans précédents dans l’histoire du socialisme.
C’est un point qui peut être éclairci à
partir d’un numéro de l’Economist
(10-16 juillet 2010) que j’achète et parcours dans le
confortable aéroport de Pékin, en attendant le vol de
retour vers l’Italie : l’article de fond souligne
que quatre des dix plus importantes banques mondiales sont à
présent chinoises. Ces banques, au contraire des banques
occidentales, sont en excellente santé, « gagnent
de l’argent », mais « l’Etat
détient la majorité des actions et le Parti communiste
nomme les plus hauts dirigeants, dont la rétribution est une
fraction de celle de leurs homologues occidentaux ». De
plus, ces dirigeants « doivent répondre à
une autorité supérieure à celle de la bourse »,
c’est-à-dire aux autorités d’un Etat dirigé
par le Parti communiste. Le prestigieux hebdomadaire financier
anglais n’arrive pas à se convaincre de ces nouveautés
inouïes : il espère et parie qu’à
l’avenir les choses vont changer. Un fait reste aujourd’hui
sous les yeux de tout le monde : l’économie d’Etat
et publique n’est pas synonyme d’inefficience, comme le
prétendent les paladins du néo-libérisme, et les
banques ne doivent pas payer leurs dirigeants comme des nababs pour
être compétitives sur le marché intérieur
et international.
7. Il
est probable que l’aire économique privée
satisfasse des exigences ultérieures. En préliminaire
elle rend plus aisée l’introduction de la technologie la
plus avancée des pays capitalistes : n’oublions pas
que sur ce point les Usa cherchent encore à imposer un embargo
aux dépens de la Chine. Mais il y a un autre point, dont je me
rends compte en visitant le très avancé parc industriel
de Weifang. Dans certains cas ce sont des Chinois d’outre-mer
qui ont fondé les entreprises privées : ils ont
étudié à l’étranger (surtout aux
USA), en obtenant d’excellents résultats et en
accumulant parfois un certain capital. Ils rentrent maintenant dans
leur patrie, avec une décision qui suscite un désarroi
dans les pays où ils s’étaient établis :
comment est-il possible que des intellectuels de premier plan
abandonnent la « démocratie » pour
retourner dans la « dictature » ? Outre
l’appel patriotique, qui les invite à participer à
l’effort collectif de tout un peuple pour que la Chine atteigne
les niveaux les plus avancés de développement, de
technologie et de civilisation, ces Chinois d’outre-mer sont
aussi attirés par la perspective de faire valoir leur talent
et leur expérience dans les Universités comme dans les
entreprises privées de haute technologie qu’ils ouvrent.
En d’autres termes, nous sommes devant la continuation
politique de front uni théorisée et pratiquée
par Mo non seulement au cours de la lutte révolutionnaire mais
aussi pendant plusieurs années après la fondation de la
République Populaire Chinoise.
Mais
entrons enfin dans ces usines de propriété privée.
Avec ou sans Chinois d’outre-mer, elles nous réservent
de grandes surprises. Ceux qui viennent à notre rencontre sont
en premier lieu des membres du Comité de Parti, dont les
photos sont bien en évidence dans divers services. Dans le
récit émergent presque fortuitement les
conditionnements qui
pèsent sur la propriété. Celle-ci est
poussée ou pressée de réinvestir une partie
consistante des profits (parfois jusqu’à 40%) dans le
développement technologique de l’entreprise ; une
autre partie des profits, dont le pourcentage est difficile à
calculer, est utilisée pour des interventions de caractère
social (par exemple la construction d’écoles
professionnelles ensuite données à l’Etat ou à
une municipalité, ou bien le secours aux victimes d’une
catastrophe naturelle). Si l’on se souvient que ces entreprises
privées dépendent largement du crédit alloué
par un système bancaire contrôlé par l’Etat
et si l’on pense aussi à la présence à
l’intérieur de ces entreprises de Parti et syndicat, une
conclusion s’impose : dans ces entreprises privées
le pouvoir de la propriété privée est équilibré
et limité par une sorte de contre-pouvoir.
Mais
quel est le rôle joué par le Parti et le syndicat ?
Les réponses que nous recevons ne satisfont pas tous les
membres de notre délégation. Certains, se faisant
à nouveau l’écho d’une tendance assez
répandue dans la gauche occidentale, concentrent leur
attention exclusivement sur le niveau des salaires. Nos
interlocuteurs chinois, par contre, font comprendre que, au-delà
de l’amélioration des conditions de vie et de travail
des ouvriers, ils se préoccupent de la contribution que leurs
entreprises peuvent fournir au développement de l’économie
et de la technologie de toute la nation. De cet échange
d’idées nous voyons à nouveau émerger
l’opposition entre les deux figures sur lesquelles insiste le
Que
faire ?
de Lénine. Le représentant de la gauche occidentale,
qui appelle les ouvriers chinois à rejeter tout compromis avec
le pouvoir d’Etat dans leur lutte pour des salaires plus
élevés, croît être radical et même
révolutionnaire. En réalité, il se place dans le
sillage du réformiste ou, pire, du corporatiste « secrétaire
d’une quelconque trade-union » auquel Lénine
reproche de perdre de vue la lutte d’émancipation dans
ses différents aspects nationaux et internationaux, en
devenant ainsi parfois le soutien d’ « une
nation qui exploite tout le monde » (à cette époque
l’Angleterre). Le révolutionnaire « tribun
populaire » se conduit bien différemment. Certes,
par rapport à 1902 (année de publication de Que
faire ?),
la situation a radicalement changé. Entre-temps en Chine le
« tribun populaire » peut compter sur le
soutien du pouvoir politique ; il n’en demeure pas moins
que, pour être révolutionnaire, celui-ci, tirant profit
de l’enseignement de Lénine, doit savoir envisager
l’ensemble des rapports politiques et sociaux à un
niveau national et à un niveau international. Une augmentation
consistante des salaires s’impose et est déjà en
acte, favorisée ou promue par le pouvoir central lui-même,
(comme le reconnaît la grande presse internationale) mais
cette augmentation, au-delà de l’amélioration des
conditions de vie et de travail des ouvriers, vise à augmenter
le contenu technologique des produits industriels et ainsi à
consolider l’économie chinoise dans son ensemble, en la
rendant aussi moins dépendante des exportations. Les (justes)
revendications salariales immédiates ne doivent pas
compromettre la poursuite de l’objectif stratégique du
renforcement d’un pays qui bride de plus en plus, déjà
avec son développement économique, les plans de
l’impérialisme ou de l’ « hégémonisme »,
comme nos interlocuteurs chinois préfèrent dire de
façon plus diplomatique.
8.
Enfin, dernier objet du scandale : en hommage à
l’ « importante idée des trois
représentances », même les entrepreneurs sont
admis dans les rangs du Parti communiste chinois. Et de nouveau
émergent les préoccupations et les angoisses de
certains membres de la délégation européenne :
assistons-nous à l’embourgeoisement en cours du Parti
qui devrait garantir le sens de la marche socialiste de l’économie
de marché ? En préliminaire, les interlocuteurs
chinois font remarquer que le nombre des entrepreneurs admis dans les
rangs du Parti (après un processus rigoureux de vérification
et sélection) est tout à fait insignifiant en
comparaison d’une masse de militants qui se monte à un
peu moins de 80 millions ; en d’autres termes, il s’agit
d’une présence symbolique. Mais cette explication ne
suffit pas. Nous avons vu que certains de ces entrepreneurs jouent un
rôle national : dans certains secteurs de l’économie
ils ont effacé ou réduit la dépendance
technologique de la Chine vis-à-vis de l’étranger ;
parfois, non seulement sur le plan objectif mais de façon
consciente certains d’entre eux se sont placés en
première file dans la lutte engagée par le Parti
communiste dès 1949 : la lutte pour faire échec à
l’impérialisme en passant de la conquête de
l’indépendance sur le plan politique à la
conquête de l’indépendance sur le plan économique
et technologique aussi. Dans un monde qui se caractérise de
plus en plus par la knowledge
economy,
c’est-à-dire par une économie fondée sur
la connaissance, il peut advenir que le stakhanoviste héros du
travail de l’URSS de Staline prenne l’allure tout à
fait nouvelle d’un technicien super-spécialisé
qui, lançant une entreprise de haute valeur technologique,
fournit une contribution importante à la défense et au
renforcement de la patrie socialiste.
On peut
faire une dernière considération. Sur la vague du
« socialisme de marché » s’est
constituée une nouvelle strate bourgeoise en rapide expansion.
La cooptation de certains de ses membres dans le cadre du Parti
communiste comporte une décapitation politique de cette
nouvelle strate, de la même façon que dans une société
bourgeoise la cooptation de la part de la classe dominante de
certaines personnalités d’extraction ouvrière ou
populaire stimule la décapitation politique des classes
subalternes.
9. Le
moment est venu de tirer des conclusions. Dans mon anglais
claudiquant je les expose à l’occasion de quelques
banquets et, surtout, du dîner qui précède le
voyage de retour et qui se déroule en présence entre
autres de Huang Huaguang, directeur général du
Bureau pour
l’Europe occidentale du Département international
du Comité Central du Pcc. Tous les participants au voyage sont
invités à s’exprimer avec une grande franchise.
Dans mes interventions j’essaie de dialoguer aussi avec les
autres membres de la délégation de l’Europe
occidentale et surtout peut-être avec eux.
Quand
ils déclarent ne se trouver qu’au stade primaire du
socialisme et prévoient que ce stade durera jusqu’à
la moitié du XXIeme siècle, les communistes
chinois reconnaissent indirectement le poids que les rapports
capitalistes continuent à exercer dans leur pays immense et si
varié. D’autre part, le monopole du pouvoir politique
détenu par le Parti communiste (et par les 8 Partis mineurs
qui reconnaissent sa direction) est sous les yeux de tout le monde. A
l’observateur attentif, ne devrait pas non plus échapper
le fait que, situées comme elles le sont en position de
subalternité sur le plan économique, politique et
social, les entreprises privées elles-mêmes, plus que la
logique du profit maximum, sont stimulées, poussées et
pressées à respecter une logique différente et
supérieure : celle du développement de plus en
plus généralisé et de plus en plus
capillairement répandu de l’économie comme de la
technologie nationale. En dernière analyse, à travers
une série de médiations, même ces entreprises
privées se révèlent assujetties ou subordonnées
au « socialisme de marché ». Et, donc,
les prêches moralisantes qu’une certaine gauche
occidentale ne se lasse pas de faire au Parti communiste chinois sont
d’une part redondantes et superflues, d’autre part
infondées et inconsistantes.
Evidemment,
il est tout à fait légitime de formuler des
doutes et des critiques sur le « socialisme de marché ».
Mais sur un point au moins je retiens qu’il devrait être
possible à gauche de parvenir à un consensus. La
politique de réforme et d’ouverture introduite par Deng
Xiaoping n’a pas signifié du tout l’homologation
de la Chine à l’Occident capitaliste comme si le monde
entier était désormais caractérisé par un
calme plat. En réalité, à partir justement de
1979 s’est développée une lutte qui a échappé
aux observateurs les plus artificiels mais dont l’importance se
manifeste avec une évidence de plus en plus grande. Les USA et
leurs alliés espéraient réaffirmer une division
internationale du travail sur cette base : la Chine aurait dû
se limiter à la production, à bas prix, de marchandises
dépourvues de réel contenu technologique. En d’autres
termes, ils espéraient conserver et accentuer le monopole
occidental de la technologie : sur ce plan la Chine, comme tout
le Tiers Monde, aurait dû continuer à subir un rapport
de dépendance en regard de la métropole capitaliste. On
comprend bien que les communistes chinois aient interprété
et vécu la lutte pour faire échouer ce projet
néo-colonialiste comme la continuation de la lutte de
libération nationale : il n’y a pas de réelle
indépendance politique sans indépendance économique ;
au moins ceux qui se réclament du marxisme devraient être
au clair avec cette vérité ! Grâce au
maintien convoité du monopole de la technologie, les USA et
leurs alliés entendaient continuer à dicter les termes
des relations internationales. Avec son extraordinaire développement
économique et technologique, la Chine a ouvert la voie à
la démocratisation des rapports internationaux. De ce
résultat, devraient se réjouir non seulement les
communistes mais aussi tout authentique démocrate : il y
a maintenant de meilleures conditions pour l’émancipation
politique et économique du Tiers Monde.
En ce
point il convient de se débarrasser d’une équivoque
qui rend difficile la communication entre Pcc et gauche occidentale
dans son ensemble. Même au milieu d’oscillations et
contradictions en tous genres, depuis sa fondation la République
Populaire Chinoise s’est engagée à lutter contre
non pas une mais deux inégalités, l’une de
caractère interne, l’autre de caractère
international. Dans son argumentation de la nécessité
de la politique de réforme et d’ouverture qu’il
souhaitait, Deng Xiaoping, dans une conversation du 10 octobre 1978,
attirait l’attention sur le fait que le « gap »
technologique était en train de s’élargir par
rapport aux pays les plus avancés. Ceux-ci se développaient
« à une vitesse terrible », alors que la
Chine risquait de rester de plus en plus loin derrière
(Selected
Works,
vol. 3, p. 143). Mais si elle avait raté le rendez-vous avec
la nouvelle révolution technologique, elle se serait trouvée
dans une situation de faiblesse semblable à celle qui l’avait
livrée désarmée aux guerres de l’opium et
à l’agression de l’impérialisme. Si elle
avait raté ce rendez-vous, outre le dommage à
elle-même, la Chine aurait causé un dommage énorme
à la cause de l’émancipation du Tiers Monde dans
son ensemble. Il faut ajouter que, justement du fait qu’elle
a su réduire de façon drastique l’inégalité
(économique et technologique) sur le plan international, la
Chine est aujourd’hui dans de meilleures conditions, grâce
aux ressources économiques et technologiques qu’elle a
accumulées entre-temps, pour affronter le problème de
la lutte contre l’inégalité sur le plan interne.
Le
« siècle des humiliations » de la Chine
(la période qui va de 1840 à 1949, à savoir de
la première guerre de l’opium à la conquête
du pouvoir par le Pcc) a coïncidé historiquement avec le
siècle de la plus profonde dépravation morale de
l’Occident : guerres de l’opium avec
la
dévastation infligée à Pékin au Palais
d’Eté et avec la destruction et le saccage des œuvres
d’art qu’il contenait, expansionnisme colonial et recours
aux pratiques esclavagistes ou génocidaires aux détriments
des « races inférieures », guerres
impérialistes, fascisme et nazisme, avec la barbarie
capitaliste, colonialiste et raciste qui atteint son sommet. De la
façon dont l’Occident saura envisager la renaissance et
le retour de la Chine, on pourra évaluer s’il est décidé
à faire réellement ses comptes avec le siècle de
sa plus profonde dépravation morale. Qu’au moins la
gauche sache se faire l’interprète de la culture la plus
avancée et la plus progressiste de l’Occident !
Publié
samedi 24 juillet 2010 sur le blog de l’auteur :
http://domenicolosurdo.blogspot.com/
Traduit
de l’italien par Marie-Ange Patrizio
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