(…)
La laïcité n’est ni un acquis définitif, ni
donné à chacun de nous à la naissance. Elle est
le fruit d’un modèle culturel dans lequel nous baignons
dès notre enfance et qui nous fait adhérer à ses
valeurs. Au-delà de cette éducation, nous en mesurons
en grandissant et dans la pratique tous les effets bénéfiques,
ceux qui nous protègent de l’intransigeance, qui
permettent aux hommes et aux femmes de garder leur libre arbitre, aux
peuples d’échapper à certaines guerres. La
laïcité n’est jamais un acquis définitif et
le combat pour sa protection et son développement doit être
quotidien et vigilant. Que faire alors de ces Français,
venus d’ailleurs, imprégnés d’autres
cultures et traditions et qui n’ont pas eu la chance d’être
les héritiers de 1789, et bien plus tard de la loi 1905. 111
ans pour convaincre le peuple de France du bien fondé de la
séparation de l’Eglise et de l’Etat. Certains
d’entre eux ne veulent pas en entendre parler et préfèrent
rester dans leur approche religieuse de la société,
voire se radicalisent. D’autres commencent à «
s’ouvrir », font les pas qu’ont eu à faire
nos grands-pères, en France comme dans le reste de l’Europe
pour enfin adhérer à ces valeurs. D’autres
enfin s’engagent davantage pour revendiquer le droit de vivre
dans une République laïque (même en restant
croyants par ailleurs), ils mesurent la liberté qui s’ouvre
ainsi à eux, celle que certains de leurs ancêtres
avaient pu déjà connaître dans une période
trop éphémère de l’Andalousie musulmane et
éclairée. Ils font ce chemin, agissent auprès
de nous, militent dans les associations et confortent leur confiance
en notre modèle laïque. Besma Mechta est de ceux-là.
Elle est engagée depuis plusieurs années dans la vie
associative. Elle est très investie dans Cité
Plurielle. Elle a rejoint enfin le groupe communiste et partenaires
de la ville. Elle est par ailleurs écrivain public à
titre bénévole. Elle se présente dans tous
ses engagements comme une militante laïque, renvoyant à
la sphère privée sa pratique religieuse. Pour tous
ceux et celles qui hésitent encore, qui attendent un signe de
nos institutions pour conforter leur choix, elle est un symbole. Pas
celui d’un retour en arrière, mais bien celui d’un
pas en avant. Elle montre qu’on peut être laïque et
musulmane. Elle doit servir d’exemple, pour ouvrir la porte à
tous les autres. Si nous ne le faisons pas, nous renverrons des
millions de musulmans à un repli identitaire et communautaire.
En le faisant, nous leur offrons un autre modèle identitaire
qui les respecte et leur permet d’avancer. Sans jamais renier
notre engagement laïc, toujours clairement affirmé. Alors
certes, il lui reste un turban sur la tête et non pas un voile,
cet espèce de « fichu » ou de foulard que
portaient encore nos grands-mères il n’y a pas si
longtemps…par tradition. Laissons le tomber tout seul. Demain,
j’en suis convaincu, beaucoup d’autres nous rejoindront
pour s’intégrer enfin comme français laïcs,
croyants ou non. La laïcité aura alors gagné une
nouvelle victoire. Quant à l’aspect plus politique de
votre courrier, je voudrais vous faire part des réflexions
suivantes. Depuis 30 ans que la gauche dans son ensemble prône
l’intégration des personnes d’origine étrangères
(sans avoir par ailleurs tenu ses promesses notamment celle du droit
de vote aux élections locales) avez-vous constaté une
baisse du communautarisme et un repli du fait religieux de cette
population ? Non, c’est le contraire qui s’est passé,
faute pour cette population d’être acceptée à
participer à notre république. C’est sur ce
terrain de la non intégration, et de la discrimination à
l’emploi, sociale, et politique dont souffre cette population,
qu’ont prospéré les idées rétrogrades,
le repli identitaire et religieux, et que la condition des femmes et
des jeunes filles s’est dégradée. Pour «
soulager » les populations du poids religieux, quelle est votre
proposition ? et à qui s’adresse-t-elle ? Aux seuls
musulmans ou aussi aux autres religions comme la religion catholique
par exemple ? Cette dernière est toujours contre l’IVG,
la contraception ou le divorce. Leurs représentants sont
pourtant présents à tous les postes de notre république
dans les assemblées d’élus nationales ou locales.
Alors certes ça ne se voit pas, les femmes ne couvrent plus
leurs cheveux comme le faisaient avant leurs mères ou leurs
grands-mères. Pour les musulmans la solution serait simple
et hypocrite jusqu’au bout, ne choisir que des hommes qui eux
n’ont pas de couvre-chefs traditionnels. Une bonne façon
sans doute d’améliorer la condition des
femmes. Pensez-vous vraiment que c’est en continuant à
exclure les personnes qui font le pas de la laïcité que
nous permettrons à la laïcité d’avancer. Nous
autres occidentaux nous sommes prompt à donner des leçons
de démocratie et d’émancipation aux autres
peuples de la terre, sans que ne nous effleure jamais l’idée
du temps qu’il nous a fallu pour y parvenir, et que nous ne
leur reconnaissons pas, l’idée que peut-être il
leur appartenait de tracer eux-mêmes leur chemin pour y
parvenir. Gardons toujours à l’esprit comment «
notre modèle de développement » a finalement
affamé l’Afrique et favorisé par la même,
la radicalisation des religions dans certains pays. Je ne dirais
jamais de Benhazir Bhutto qui continuait à porter le voile en
certaines circonstances qu’elle était un symbole de
l’oppression des femmes; ni des militantes Marocaines,
Tunisiennes, Algériennes ou d’Afrique noire plus
généralement du droit des femmes qu’elles sont
traîtres à leur cause parce qu’elles continuent à
respecter certaines traditions tout en poursuivant leur
combat. Continuons d’exiger un 20 sur 20 à notre
examen de laïcité, et continuons à faire avancer
le fait religieux. La laïcité n’est pas un dogme,
c’est un combat ! Je crois que vous le partagez. Aussi, en
évitant toute confusion, je vous invite à aider ceux
qui s’engagent sur ce chemin et qui serviront de modèles
aux autres, plutôt que de les stigmatiser. Le jour où
faute d’avoir réussi cette ouverture et cette
intégration nous ne serons plus qu’un « village
d’irréductibles gaulois » gardiens du dogme,
peut-être serons-nous restés purs et durs et fiers de
l’être, mais notre monde aura fait un grand pas en
arrière.
Elue
sur la liste communiste dans cette ville de 35.000 habitants, en
proche banlieue de Grenoble, Besma siège au conseil municipal
avec son "fichu" depuis bientôt deux ans.
Aujourd’hui, "tout se passe bien", respire-t-elle.
Mais sa présence après les élections en a irrité
plus d’un. "J’ai pourtant fait campagne avec mon
fichu. Je n’ai trompé personne. Les électeurs ont
voté pour moi en connaissance de cause."
En
cette mère de quatre enfants, âgée de 32 ans,
auxiliaire de vie la journée, impliquée dans la vie
associative de la ville le soir, ils n’ont donc vu que la jeune
femme au foulard. Aujourd’hui, Besma sourit. Cette image ne lui
colle plus à la peau. Quelques Echirollois interrogés
au débotté assurent qu’elle porte son fichu "de
manière discrète, pas agressive", et que cela "ne
les dérange pas". Les élus de la ville, dont
certains avaient exprimé leur réticence au début
de la mandature, louent aujourd’hui une jeune femme "intégrée",
"ouverte", "très impliquée" dans le
festival municipal, Cité plurielle, consacré chaque
année au thème du "vivre ensemble".
(…)
Aujourd’hui, Besma Mechta ne comprend pas que la candidate
voilée du NPA dans le Vaucluse déchaîne autant
les passions. "On peut être musulmane et laïque. Je
le suis. En tant qu’élue, je ne me revendique pas comme
celle qui porte le voile." Sur son histoire, sa pratique de la
religion musulmane, le pourquoi de l’existence de ce foulard?
"Je n’ai pas à dévoiler mon cheminement
personnel", se raidit-elle. C’est sa seule limite. Avec
celle de ne pas trop parler à la presse, à cause des
"pressions", du "climat". "Je veux avant
tout protéger mes enfants. Le téléphone n’arrête
pas de sonner. Ils sont inquiets, il faut leur expliquer tout ça."
Ça? Avoir une maman élue, musulmane et qui porte le
foulard. A eux, cela ne leur paraît pas bizarre. [JDD]
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