Ne
soyons pas mauvais joueurs. Il faut bien reconnaître que depuis
la "découverte" de l’Amérique, l’Europe
a fait preuve d’une inventivité certaine. Elle a inventé
les génocides, les meurtres de masse, l’assassinat
industriel. Des civilisations entières n’ont plus à
se plaindre des difficultés de la vie terrestre : elles
ont disparu.
L’Europe
a aussi inventé le négationnisme. Je te tue et je dis
que ce n’est pas vrai. Tu n’es pas aussi mort que cela.
Tu es juste un peu mort. Ou alors, si tu es mort de la tête aux
pieds, irrémédiablement mort, c’est que tu l’as
bien cherché : tu étais incapable de te protéger
toi-même contre toi-même. L’Europe tue pour
protéger ses victimes. Je dis l’Europe mais j’aurais
pu dire les Etats-Unis ou Israël, ses plus puissantes
métastases.
L’invention
européenne la plus récente et sans doute la plus
sophistiquée ne date que de quelques années. On peut
l’appeler le transfert de culpabilité : ce n’est
pas moi, c’est lui ! Hitler n’est-il pas européen ?
Si, reconnaît l’Europe, mais le nazisme a puisé
son inspiration dans l’Europe d’avant l’Europe.
L’antisémitisme n’est plus européen. C’est
ailleurs qu’il prolifère. Son terreau naturel, c’est
le monde musulman. Et il en va de même du négationnisme.
En Europe, il n’y aurait plus, en effet, que quelques vieux
nostalgiques d’extrême-droite, comme Le Pen, et de jeunes
excités identitaires, pour relativiser le génocide des
juifs. Ou alors, les nouveaux négationnistes européens
ne sont pas européens, ils sont musulmans. Car, dans l’islam,
le négationnisme, c’est la règle. Le
négationnisme est dans l’Islam parce que le mensonge et
la haine du juif sont constitutifs de l’Islam. C’est pas
toujours dit dans des termes aussi crus, mais il y a mille et une
façons de transmettre un message.
La
dernière en date est une initiative parrainée par
Jacques Chirac : le projet Aladin. En compagnie de représentants
de 30 pays réunis à l’UNESCO, l’ancien
président a lancé vendredi 27 mars, un programme
éducatif, conçu par la Fondation pour la mémoire
de la Shoah, et destiné à lutter contre le
négationnisme... dans le monde arabo-musulman ! Sans -
tenez vous bien - "faire porter aux pays musulmans une
culpabilité qui n’est pas la leur" !
Quelle blague !
La
"Philosophie du projet", telle qu’elle est présentée
sur le site de la Fondation pour la mémoire de la Shoah, ne
laisse en vérité aucun doute quant à ses
objectifs réels. "Le
Projet Aladin,
peut-on y lire, est
né d’un constat accablant concernant la prolifération
du négationnisme dans le contexte du conflit
israélo-palestinien. Face à cette déferlante, il
est très difficile de trouver des informations historiquement
fiables sur la Shoah que ce soit en arabe, en persan ou en turc. Le
Projet Aladin veut pallier ce manque et favoriser un dialogue fondé
sur la connaissance et le respect mutuels."
En d’autres mots, Israël vient de massacrer plus de 1400
Palestiniens ; une large partie de l’opinion publique
mondiale n’hésite plus à dénoncer les
crimes contre l’humanité commis par l’Etat
sioniste, Durban II pourrait faire de même, il faut rapidement
renverser la vapeur, rappeler qu’Israël est l’incarnation
de la "victime absolue", cernée de toute part par
des musulmans judéophobes, véritable menace contre la
Civilisation.
Qu’on
ne s’y trompe pas : contrairement à ce qu’il
annonce, le projet Aladin a d’abord pour public-cible le monde
blanc. Jacques Chirac prétend qu’il mène le
"combat pour rétablir la mémoire de la Shoah là
où elle est niée, effacée, déformée" ;
en vérité, la finalité d’Aladin est de
nier, effacer, déformer, la réalité des crimes
d’Israël. Sous couvert de lutte contre le négationnisme,
est introduit en douce un autre négationnisme. Ou, plus
précisément, Aladin et ses voleurs de mémoire
détournent la mémoire du génocide des juifs pour
faire oublier la barbarie sioniste. Ce n’est pas nouveau, non,
mais ça tombe au bon moment.
Secondairement,
ce projet renoue aussi avec la mission civilisatrice. Au temps des
missionnaires, on enseignait aux indigènes la Bible. Puis est
venue la colonisation laïque, on nous a brisé le crâne
pour projeter sur nos cerveaux infantiles, les Lumières des
droits de l’homme. Aujourd’hui, la bibliothèque
d’Aladin veut rendre accessible en arabe et en persan des
témoignages sur la Shoah, dont Si c’est
un homme de Primo Levi et Le
Journal d’Anne Frank. Quant à
nous, qui voulons faire œuvre de critique constructive, nous
proposons ceci : au flanc de chaque bombe qu’Israël
lâche sur une maison, une école ou un hôpital
palestiniens, devraient être accrochées les œuvres
complètes de Claude Lanzman, Finkielkraut ou Bernard
Henri-Levy. Il serait en effet désolant de voir un Palestinien
phosphorisé sans avoir la moindre idée du drame de
l’Holocauste.
Source
Sadri
Khiari est l'auteur de « Pur une politique de la
racaille » et de « la contre-révolution
coloniale en France »
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