A quand en France
un mouvement de grève générale prolongée
comme en Guadeloupe et en Martinique ?
Le 29
janvier a été un succès: 2,5 millions de
manifestants dans tout le pays, des milliers d’arrêts de
travail, notamment dans le privé. Pas simplement des
manifestants qui exprimaient, face à la crise, leur
« inquiétude » - pour reprendre
l'expression tant entendue de la droite au Medef voire dans la
gauche réformiste syndicale et politique – (une
inquiétude au demeurant légitime), mais des
manifestants qui exprimaient un ras-le -bol, une volonté de
lutte face aux plans de licenciements, au chômage partiel, aux
salaires au rabais: des manifestants qui exigeaient une intervention
de l'Etat contre le "laisser faire - laisser passer"
libéral qui a conduit et conduit à ce que les grands
patrons et les banquiers spéculent, jouent avec les subprimes,
réduisent leurs effectifs pour restaurer leurs « marges
bénéficiaires » (c’est à cela
que sert le « plan de relance »), tout cela au
détriment de l'emploi et des salaires.
La
réponse de l'Etat sarkoziste fut de gagner du temps et de
tendre la main aux organisations syndicales: show télévisé
le jeudi 05 février, annonce d'un « sommet social »
avec les organisations syndicales le 18 février. Sur le fond,
une seule annonce forte : un nouveau cadeau de 8 milliard
d’euros pour les patrons avec la suppression de la taxe
professionnelle, ce qui entraînera un manque à gagner
pour les collectivités locales (cette taxe représente
près de 50% de leurs ressources) et donc une nouvelle hausse
des impôts locaux en perspective !
Mais
aucune réponse concrète aux revendications sur l'emploi
et le pouvoir d'achat: il amalgame « classe
moyenne » et SMIC pour les catégories de
travailleurs comme il amalgamait « nationalité
française » et « carte de séjour »
pour les sans-papiers ; il avance tout au plus quelques "idées"
comme les mesures complémentaires en matière de chômage
partiels, idées qui seront - ou pas - présentées
aux syndicats le 18, ou qui seront renvoyées à des
discussions ultérieures entre « partenaires
sociaux »…. Sarkozy, lors de son intervention
télévisée, a explicitement annoncé que le
18 février ne serait que le début de discussions
pouvant durer « trois mois, six mois ».
Sarkozy
joue la montre et les directions syndicales tombent dans le piège
La
stratégie gouvernementale est claire : gagner du temps,
essayer de calmer le jeu en emmenant les organisations syndicales sur
le terrain de discussions interminables, discussions qui seront
probablement séparées en plusieurs thèmes, avec
des calendriers spécifiques.
En face,
les organisations syndicales n’apportent pas une réponse
à la hauteur des attentes des travailleurs et se laissent
enfermer par le calendrier gouvernemental. Certes l’annonce dès
aujourd’hui d’une nouvelle « journée de
mobilisation » en mars peut apparaître comme un
moyen de pression avant le « sommet social » du
18 février….. mais cette date du 19 mars est bien
tardive, alors que si pression il fallait exercer c’était
dès le 18 février, au minimum ! De plus, Maryse
Dumas, n° 2 de la CGT, interviewée à la télé
le soir du 9 février a refusé d’employer le terme
de « grève » (les « modalités »
seront définies lors d’une nouvelle réunion
intersyndicale le 23 février).
Il
s’agit en fait d’un alignement sur les dirigeants de la
CFDT champions de la collaboration de classe: au nom de « l’unité »
avec la CFDT, toutes les autres directions syndicales dont celle de
la CGT (mais aussi celle de SUD), s’alignent sur le plus petit
dénominateur commun.
Ainsi,
le matin même de la réunion des organisations syndicales
ce lundi 9 février, Chérèque, le chef de la
CFDT, donnait le « la » dans le journal
Libération, en expliquant ce qu’il allait
proposer l’après-midi à ses partenaires :
« Si
le 29 janvier a été un succès, c’est
aussi que l’on a pris le temps de faire de la pédagogie.
Nous sommes reçus le 18 février par le Président :
cela ne sert à rien de nous mobiliser avant. Autour du 15 mai,
nous allons organiser dans plusieurs pays européens des
manifestations. Entre ces deux dates, tout est ouvert. Une
nouvelle journée d’action, sous des formes peut-être
différentes [c’est nous qui soulignons] peut très
bien être organisée à la mi-mars. »
Et à
la question du journaliste se demandant si la « protestation
syndicale » n’était pas « en
train de devenir une mobilisation anti-Sarkozy »,
Chérèque répondait nettement: « Le
risque existe, et ce serait une erreur. Si ce mouvement devient
une protestation politique, il s’affaiblira. Notre
démarche est uniquement syndicale. »
Le
« syndicalisme » politique de Chérèque
consiste à interdire aux grévistes et manifestants de
dénoncer le responsable politique de la catastrophe sociale
qui frappe le monde du travail !
Suivons la voie
ouverte par les Guadeloupéens !
Au lieu
des tergiversations des directions syndicales réformistes, les
Guadeloupéens nous donnent des leçons ! Cette
colonie française est en grève générale
depuis près de 3 semaines contre la vie chère. Une
grève structurée (animée par le bien nommé
« collectif contre l’exploitation »),
déterminée, qui traduit aussi une aspiration à
la dignité d’un peuple méprisé par la
bourgeoisie blanche de « métropole » et
la bourgeoisie béké (descendants des esclavagistes) qui
possède toujours 90% de l’économie
guadeloupéenne. Quand on pense que Sarko, lors de son show
télévisé, n’a pas dit un mot sur la
situation en Guadeloupe !... et qu’alors qu’il
s’occupe toujours de tout, quand il faut « prendre
les choses en main » c’est Jego, simple secrétaire
d’Etat, puis Fillon qui est envoyé en première
ligne.
Sarkozy
a surtout peur que le mouvement s’étende en France, et
s’il pouvait circonscrire le mouvement à cette île
des Antilles ce serait pour lui un semi-échec. Mais la
Martinique a lancé à son tour un mouvement de grève
générale prolongée depuis une semaine et la
Guyane et la Réunion commencent à bouger.
Ils nous
montrent la voie ! C’est cela qu’il nous faut, un
mouvement général prolongé, avec des
revendications chiffrées contre la crise qui parlent à
tout le monde (les Guadeloupéens réclament 200€
d’augmentation pour les plus bas salaires). S’il y a des
spécificités dans ces mouvements antillais dues à
la double oppression (non seulement oppression sociale mais aussi
oppression raciale/coloniale), il y a un point commun : la lutte
contre la vie chère face à une crise du système
capitaliste qui nous appauvrit ! Comme le dit Elie Damota,
dirigeant du LKP (Collectif contre l’exploitation) : « En
une heure, Nicolas Sarkozy a trouvé 360 milliards d’euros
pour les banques. » C’est contre ça
qu’ils luttent ! Et nous aussi, ici, nous sommes
confrontés à cette même politique ! Agissons
de la même façon !
|