Certes,
la menace soviétique joua un rôle majeur dans la
propagande occidentale, mais bon nombre des plus grands dirigeants
U.S. ou d’Europe de l’Ouest reconnaissaient en coulisse
que ladite invasion soviétique n’avait rien d’une
menace réelle. L’Union Soviétique venait d’être
dévastée et, bien que disposant d’une armée
considérable, elle était exténuée et
avait besoin de temps pour récupérer. Les USA pour leur
part étaient en plein essor, la guerre avait revitalisé
leur économie, ils n’avaient subi aucun dommage de
guerre et disposaient dans leur arsenal d’une bombe atomique
dont ils avaient démontré l’efficacité à
l’Union Soviétique en tuant un quart de million de
Japonais à Hiroshima et Nagasaki [ndt : soit quelque 250 000
personnes en moins de 4 jours, dont une majorité de civils]. A
Washington, on envisagea sérieusement de frapper l’Union
Soviétique avant qu’elle ne se remette ou ne se dote
elle-même de l’arme atomique, mais cette option fut
rejetée en faveur des politiques de «Containment»,
de guerre économique et d’autres formes de
déstabilisation. En avril 1950, le rapport NSC 68 [National
Security Council Report 68], tout en décriant la grande menace
soviétique, appelait explicitement à un programme de
déstabilisation visant un changement de régime dans ce
pays, lequel se concrétisa finalement en 1991.
De
fait, même un partisan de la ligne dure comme John Foster
Dulles déclarait en 1949 : «Je ne connais aucun haut
responsable militaire ou civil […] dans ce gouvernement ou
dans aucun autre gouvernement, qui croie que les Soviétiques
préparent actuellement une conquête sous la forme d’une
agression militaire ouverte». On peut souligner ici que Dulles
parle seulement d’une «agression militaire ouverte».
Pour les Occidentaux, la «menace» consistait davantage en
un éventuel soutien soviétique à des formations
politiques de gauche en Europe de l’Ouest. Le Sénateur
Arthur Vandenberg, l’un des pionniers de l’OTAN,
déclarait ouvertement que le but d’un renforcement des
dispositifs militaires de l’OTAN « devait être
avant tout l’objectif pratique d’assurer une défense
adéquate contre une subversion interne ». Bien
évidemment, le soutien infiniment plus conséquent des
USA aux formations de droite ne pouvait nullement sembler appuyer une
subversion interne ou constituer une quelconque menace pour la
démocratie. Seule une éventuelle aide soviétique
à la gauche pouvait s’inscrire dans cette catégorie.
(Adlai Stevenson, en 1960, n’appelait-il pas «agression
intérieure» la résistance conduite au Sud Vietnam
par des populations hostiles au régime minoritaire imposé
par les Etats-Unis ?)
Les
élites occidentales non-allemandes s’inquiétaient
bien davantage d’un possible réveil de l’Allemagne
et d’une «menace allemande», et étaient bien
plus préoccupées à l’instar des
responsables américains, par le moyen de juguler la montée
en puissance des forces de gauche en Europe, que par une quelconque
menace militaire soviétique. Les Américains n’en
pressaient pas moins les Européens de développer leurs
forces armées en achetant de l’armement aux industriels
U.S. ! Bien que délibérément exagérée,
voire fabriquée de toute pièce, la menace militaire
soviétique était des plus utiles pour discréditer
la gauche en l’associant d’office à Staline, au
bolchevisme et à une prétendue invasion soviétique
ou à un mythique projet de conquête mondiale.
En
réalité, le Pacte de Varsovie était une
organisation infiniment plus défensive que l’OTAN. Il
fut mis en place après la création de l’OTAN et
très clairement en réponse à celle-ci. C’était
une union des plus faibles et dont les membres étaient moins
fiables. C’est d’ailleurs elle qui finit par s’effondrer,
tandis que l’OTAN gardait une place centrale dans le processus
à long terme de déstabilisation et de démantèlement
de l’Union Soviétique. Cela pour une bonne et simple
raison : la puissance et l’armement de l’OTAN faisaient
partie intégrante de la stratégie U.S. qui avait
consisté à pousser les Soviétiques à des
dépenses colossales en armement, au détriment de celles
liées à l’amélioration des soins, de la
qualité de vie et de tout ce qui leur assurait le soutien de
leurs populations. Au contraire, parce qu’elle constituait une
menace réelle pour la sécurité, l’OTAN
encourageait un niveau de répression aussi néfaste à
la loyauté envers l’Etat, qu’à la
réputation de celui-ci sur le plan international. Pendant
toute cette première période, les dirigeants
soviétiques s’efforcèrent vainement de négocier
des accords de paix avec l’Ouest, quitte à céder
l’Allemagne de l’Est, mais les USA comme leurs alliés
et clients dédaignèrent toute proposition de cet ordre.
Comme
nous venons de le voir, le point de vue officiel aux Etats-Unis –
et de fait celui des médias – est que seule une
intervention soviétique en Europe de l’Ouest après
la Seconde Guerre mondiale pouvait sembler choquante ou représenter
un risque de «subversion interne». Pour autant, dans un
univers moins Orwellien que le nôtre, on conviendrait
volontiers que les USA dépassaient largement l’URSS en
matière de soutien, non seulement à une «
subversion interne », mais au terrorisme pur et simple, dès
après 1945. Pour avoir réellement combattu contre
l’Allemagne nazie et l’Italie fasciste, la gauche avait
considérablement gagné en puissance au cours de la
Seconde Guerre mondiale. Les USA s’opposèrent donc par
tous les moyens possibles au pouvoir de la gauche et à sa
participation politique, y compris par les armes comme en Grèce
[ndt : première utilisation de bombes au napalm contre des
civils], ainsi qu’en finançant massivement les partis et
personnalités politiques anti-gauche à travers toute
l’Europe. En Grèce, ils soutinrent l’extrême
droite, et notamment bon nombre d’ex-collabos fascistes, et
parvinrent à mettre en place [ndt : avec l’aide des
Britanniques] un épouvantable régime autoritaire
d’extrême droite. Ils continuèrent aussi à
soutenir l’Espagne fasciste et acceptèrent le Portugal
lui aussi fasciste comme membre fondateur de l’OTAN, l’armement
de l’OTAN permettant notamment au Régime des Généraux
portugais de poursuivre ses guerres coloniales [ndt : et à
Franco de continuer ses purges]. Un peu partout dans le monde, les
USA, puissance dominante de l’OTAN, soutinrent des hommes
politiques de droite et d’anciens nazis, tout en se prévalant
bien sûr d’être pro-démocratiques et de
combattre les totalitarismes.
Le
plus intéressant est sans doute le soutien des USA et de
l’OTAN à des groupes paramilitaires et au terrorisme. En
Italie, ils fonctionnaient main dans la main avec les factions
politiques, des organisations secrètes (Propaganda Due : la
fameuse loge maçonnique P-2), et des groupes paramilitaires
d’extrême droite qui, forts du soutien des forces de
l’ordre, mirent en place ce qu’on appela la «
Stratégie de la Tension », dans le cadre de laquelle
furent menées diverses actions terroristes imputées
ensuite aux activistes de gauche. La plus célèbre fut
l’attentat de la Gare de Bologne, en 1980, qui fit 86 morts.
L’entraînement et l’intégration d’anciens
fascistes et d’ex-collabos au sein d’opérations
conjointes CIA-OTAN-police, atteignit des sommets en Italie mais n’en
était pas moins courant dans le reste de l’Europe. (Pour
ce qui concerne l’Italie, cf. Herman et Brodhead «The
Italian Context : The Fascist Tradition and the Postwar
Rehabilitation of the Right», dans l’ouvrage “Rise
and Fall of the Bulgarian Connection”, New York: Sheridan
Square, 1986). Concernant l’Allemagne, cf. William Blum,
“Germany 1950s,” dans Killing Hope, Common Courage,
1995).
L’OTAN
prit notamment part à la dite “Opération Gladio”,
un programme organisé par la CIA en collaboration avec les
gouvernements des pays membres de l’OTAN et l’establishment
de leurs forces de l’ordre, qui mit en place dans différents
Etats européens des installations secrètes et des
caches d’armes, prétendument pour parer la menace d’une
invasion soviétique, mais en réalité destinées
à une éventuelle «subversion interne» et à
disposition pour soutenir d’éventuels coups d’Etat.
Elles furent utilisées en diverses occasions pour mener des
opérations terroristes (tels que l’attentat de la gare
de Bologne [ndt : ou celui de la Piazza Fontana en 1969] et divers
attentats terroristes notamment en Belgique et en Allemagne). [ndt :
la mise en place des GAL en Pays Basque entre aussi dans ce cadre].
Les plans du Gladio et l’OTAN furent aussi utilisés pour
combattre une «menace intérieure» en Grèce,
en 1967 : à savoir, l’élection démocratique
d’un gouvernement de gauche. Pour y faire face, les militaires
grecs mirent en place un «Plan Prometheus», qui remplaça
tout bonnement le mode démocratique par une dictature
militaire tortionnaire. L’OTAN et l’administration
Johnson n’y trouvèrent absolument rien à redire.
D’Italie ou d’ailleurs, d’autres forces du Gladio
purent ainsi venir s’entraîner en Grèce pendant
cet interlude fasciste, afin d’y apprendre les moyens de gérer
une «subversion interne».
En
définitive, dès sa création, l’OTAN
s’avéra être une organisation offensive et non
défensive, politiquement orientée, diamétralement
opposée à toute idée de diplomatie ou de paix,
et intrinsèquement liée à des opérations
terroristes de très grande envergure ainsi qu’à
d’autres formes d’interventionnisme politique
anti-démocratiques et menaçant même directement
la démocratie (et qu’on aurait évidemment
dénoncées comme ouvertement subversives si elles
avaient pu être imputées aux Soviétiques).
L’OTAN
postsoviétique
Avec
l’effondrement de l’Union Soviétique et du si
menaçant Pacte de Varsovie, l’OTAN perdait théoriquement
sa raison d’être. Or, bien que cette raison d’être
n’ait jamais été qu’une supercherie pour
que le public reste dupe, l’OTAN devait redéfinir sa
raison d’être et se trouva aussitôt investie de
prérogatives infiniment plus étendues et agressives.
N’ayant plus aucun besoin de soutenir la Yougoslavie du fait de
l’effondrement soviétique, l’OTAN collabora
bientôt avec les USA et les services allemands pour affronter
puis démanteler cet ancien allié de l’Ouest,
violant au passage la Charte des Nations Unies qui interdit les
conflits transfrontaliers (c'est-à-dire les guerres
d’agression).
Curieusement,
au beau milieu des bombardements de la Yougoslavie par l’OTAN,
en avril 1999, l’Alliance fêta son cinquantenaire, à
Washington, célébrant ses succès et rappelant,
avec une rhétorique typiquement Orwellienne, qu’elle
avait vocation à imposer le respect du droit international,
alors qu’elle était en pleine violation patente de la
Charte des Nations Unies. En réalité, le texte
fondateur de l’ONU, de 1949, ouvrait précisément
sur l’engagement solennel de ses membres à «rester
fidèles à la Charte des Nations Unies». Dès
son article premier ils prêtaient serment «conformément
aux règles de la Charte des Nations Unies, de régler
tous les conflits internationaux par des moyens pacifiques».
La
session d’avril 1999 de l’OTAN rendit publique la
nomenclature d’un «Concept Stratégique»
établissant le prétendu nouveau programme de l’Alliance
Atlantique, à présent que son rôle préventif
de «défense mutuelle» contre une invasion
soviétique avait cessé d’être plausible (à
savoir : “The Alliance’s Strategic Concept,”
Washington, D.C., April 23, 1999
(http://www.nato.int/docu/pr/1999/p99-065e.htm ). L’Alliance y
insiste toujours sur la «sécurité», mais
elle s’y déclare «dédiée à de
nouvelles activités essentielles, dans l’intérêt
d’une stabilité élargie». Elle y accueille
ses nouveaux membres et de nouveaux accords de « partenariat »,
bien qu’à aucun moment la nécessité de cet
élargissement ou de ces accords – et d’une telle
position de force des USA et de leurs plus proches alliés –
n’y soit clairement définie. Le document reconnaît
qu’une «agression conventionnelle de grande envergure
contre l’Alliance demeure extrêmement improbable»,
mais bien évidemment il élude totalement l’éventualité
d’une «agression conventionnelle de grande envergure»
PAR des membres de l’Alliance, et de célébrer le
rôle de l’OTAN dans les Balkans comme la plus parfaite
illustration de son «dévouement à une stabilité
élargie». Non seulement ce document officiel visait
seulement à légaliser une agression caractérisée
– «illégale mais légitime» selon
l’euphémisme Orwellien de ses principaux apologistes –
mais contrairement à ses revendications, l’OTAN jouait
un rôle central de déstabilisation dans les Balkans, en
stimulant la dimension ethnique du conflit et en faisant obstacle à
toute possibilité de règlement diplomatique du conflit
du Kosovo. Il justifiait de facto l’attaque de la Yougoslavie
et une campagne de bombardements d’ores et déjà
en cours au moment même où ce document était
rendu public. (Pour une analyse plus détaillée du rôle
de l’OTAN, cf. Herman and Peterson, “The Dismantling of
Yugoslavia” Monthly Review, Oct. 2007:
http://monthlyreview.org/1007herman-peterson1.php
)
Ce
«Concept Stratégique» se prétend en outre
favorable à une limitation de l’armement. En réalité,
depuis sa création l’OTAN a toujours promu une politique
inverse et tous les nouveaux membres, à l’instar de la
Pologne et de la Bulgarie, ont été contraints à
développer substantiellement leur armement «inter-opérable»,
c'est-à-dire à acheter plus d’armes et à
les acheter aux Etats-Unis et aux autres fournisseurs occidentaux.
Depuis la publication de ce document en 1999, l’élément
leader de l’OTAN (les Etats-Unis) a plus que doublé ses
budgets militaires, et ses ventes d’armement à
l’étranger ont très fortement augmenté.
Son programme militaire spatial a considérablement avancé,
il s’est retiré du traité ABM de 1972 [ndt :
traité de limitation des missiles balistiques dont il était
signataire], refusé de ratifier le «Comprehensive
(nuclear) Test Ban» [ndt : nouveau moratoire international sur
les essais nucléaires (le précédent ayant été
rompu par la France en 1995)], et rejeté à la fois le
traité concernant la production et l’utilisation des
mines antipersonnel et armes à sous-munitions et un Accord
International de l’ONU visant à réduire les
ventes illicites d’armes légères [ndt : celles
qui font le plus de victimes dans les conflits dits «de basse
intensité» (Rwanda, Congo, Colombie, etc.)]. Forts de
l’appui de l’OTAN, les Etats-Unis ont lancé une
nouvelle course aux armements à laquelle nombre de leurs
alliés et clients (et de leurs adversaires ou cibles
potentielles) n’ont pas manqué de se joindre.
Le
document de 1999 rappelle aussi le prétendu soutien de l’OTAN
au Traité de Non-Prolifération Nucléaire, mais
non sans insister au passage sur l’importance de l’armement
nucléaire dans ce qui fait la puissance de l’OTAN. Il
rejette donc de facto l’un des points fondamentaux de ce
traité, à savoir l’engagement des puissances
nucléaires d’œuvrer activement à
l’élimination de ce type d’armement. En clair,
cela signifie que la non-prolifération à laquelle
l’OTAN demeure si attachée concerne exclusivement ses
cibles et adversaires potentiels (l’Iran par exemple). Les
armes nucléaires «offrent une contribution cruciale en
rendant les risques d’agression contre l’Alliance
incalculables et inacceptables». Mais si l’Iran possédait
de telles armes, «les risques d’agression»
nucléaires par «l’Alliance» – ce que
les USA, membre de l’OTAN et Israël menacent de faire –
seraient-ils jugés inacceptables ? Bien sûr que non !
(1)
Au
chapitre Sécurité, le «Concept Stratégique»
déclare lutter pour un environnement sécuritaire
«reposant sur le développement d’institutions
démocratiques et sur un engagement à résoudre
les conflits pacifiquement, de sorte qu’aucun pays ne soit en
mesure d’en intimider ou contraindre un autre par la menace ou
le recours à la force». Un tel degré d’hypocrisie
laisse pantois. L’essence même des politiques et des
pratiques de l’OTAN est de menacer constamment de recourir à
la force, et la politique de Sécurité Nationale U.S.
est aujourd’hui parfaitement explicite sur l’intention
des Etats-Unis de maintenir leur supériorité militaire
et de veiller à ce qu’aucune puissance rivale ne puisse
remettre en cause leur hégémonie, de façon à
pouvoir conserver leur emprise globale [ou mondiale]. En d’autres
termes, ils tiennent à gouverner par intimidation.
L’OTAN
prétend aujourd’hui n’être plus une menace
pour personne et évoque même dans ce Concept Stratégique
l’éventualité «d’opérations»
conjointes avec la Russie. Ici encore, le niveau d’hypocrisie
est ahurissant. Comme nous avons pu le voir dans de précédents
articles, en acceptant le principe de réunification de
l’Allemagne, Gorbatchev avait fait promettre aux Américains
qu’en échange l’OTAN s’engageait à ne
pas avancer d’un centimètre plus à l’Est.
Clinton et l’Alliance Atlantique s’empressèrent de
rompre cet engagement, en incorporant dans l’OTAN toutes les
ex-satellites soviétiques d’Europe de l’Est ainsi
que les Pays Baltes. Seuls ceux qui sont assez sots pour se persuader
du contraire et les propagandistes pourraient ne pas y voir une
menace directe pour la Russie, l’unique puissance de la région
à pouvoir, ne fût-ce que théoriquement,
constituer une menace pour les pays membres de l’OTAN. Mais le
document de l’Alliance joue les idiots et seules les menaces
contre ses membres y sont prises en compte.
De
même, bien que la nouvelle Alliance Atlantique se prétende
très préoccupée par «l’oppression,
les conflits ethniques [et la] prolifération des armes de
destruction massive», ses relations avec Israël restent
des plus étroites. Aucune disposition, de quelque nature que
ce soit, n’est venue (ni ne saurait venir) faire obstacle à
l’oppression exercée par Israël, à son
nettoyage ethnique, à son arsenal nucléaire
considérable (dont on reconnaît à peine
l’existence), ni bien sûr à sa nouvelle agression
du Liban, en 2006 ou à ses dernières attaques
meurtrières contre Gaza. Il n’est pas plus question de
laisser ternir d’aussi bonnes relations que de voir
l’agression/occupation anglo-américaine illégale
de l’Irak entamer le moins du monde l’inaltérable
solidarité des Etats membres de l’Alliance. Israël
étant de très loin le client privilégié
des Etats-Unis, il va sans dire que ce pays est parfaitement libre de
violer les nobles idéaux dont se prévaut le Concept
Stratégique. En 2008, l’OTAN et Israël ont signé
un pacte militaire. On verra donc peut être bientôt
l’OTAN collaborer aux opérations de sécurité
d’Israël à Gaza. Voilà plus d’un an
que l’actuel Conseiller à la Sécurité
Nationale d’Obama, James Jones, réclame à cor et
à cris l’envoi de troupes de l’OTAN pour occuper
la bande de Gaza et la Cisjordanie. Et dans l’administration
américaine, il est loin d’être le seul…
Ce
nouvel OTAN est littéralement le pitbull des USA et de l’OTAN.
Il contribue activement au réarmement mondial, encourage la
militarisation des Pays Baltes et des anciens satellites de l’URSS
en Europe de l’Est – qui soutiennent activement Israël,
en tant que partenaire de l’OTAN, dans son travail de nettoyage
ethnique et de spoliation de ses «untermenschen» –
il aide son maître à établir aux portes de la
Russie, des Etats clients – endossant très
officiellement l’installation par les USA de missiles
anti-balistiques en Pologne, en République Tchèque, en
Israël, et menaçant d’en installer davantage
ailleurs, très loin des Etats-Unis – et il fait son
possible pour arracher l’aval des pays membres sur les projets
américains de «bouclier» élargi de l’OTAN.
Cette attitude accule littéralement la Russie à des
positions plus agressives et à un réarmement accéléré
(à l’instar de ce qu’a fait l’OTAN il y a
quelques années).
Bien
évidemment, l’OTAN soutient l’occupation
américaine de l’Irak. Le Secrétaire Général
de l’Alliance, M. Scheffer, se flatte régulièrement
que tous les Etats membres sont engagés dans l’Opération
Liberté Irakienne, soit en Irak, soit au Kuwait. Tous les pays
des Balkans, à la seule exception de la Serbie, ont envoyé
des troupes en Irak et en envoient aujourd’hui en Afghanistan.
Ces deux pays sont devenus des terrains d’entraînement
pour apprendre aux nouveaux «partenaires» à être
«inter-opérationnels», et permettent le
développement d’une nouvelle assise mercenaire pour les
opérations «hors périmètre» de
l’OTAN, de plus en plus fréquentes depuis que l’OTAN
s’investit plus activement que jamais dans les campagnes
américaines d’Afghanistan et du Pakistan.
Comme
on l’a vu plus haut, l’OTAN se targue du rôle
qu’elle a joué dans les guerres des Balkans, alors que
celles-ci violaient la Charte des Nations Unies au même titre
que celles d’Afghanistan et du Pakistan. L’illégalité
fait manifestement partie intégrante du nouveau «Concept
Stratégique». Succédant au concept frauduleux
«d’autodéfense collective», les pouvoirs
sans cesse élargis de l’OTAN l’autoproclament
légitimement habilité à conduire des campagnes
militaires «hors périmètre» ou de
prétendues missions «non-article V», hors du
territoire initial de l’OTAN. Comme l’observait en 1999
l’universitaire spécialiste du droit Bruno Simma, «le
message dont ces voix sont porteuses dans notre contexte est très
clair : s’il s’avère que le mandat ou l’aval
du Conseil de Sécurité [de l’ONU] pour de futures
missions de l’OTAN ‘non-article V’ engageant des
forces armées ne peut être obtenu, l’OTAN doit
rester en mesure de poursuivre ce type d’opérations. Sa
capacité à agir de la sorte, l’Alliance en a déjà
fait la démonstration dans la crise du Kosovo». ("NATO,
the UN and the Use of Force: Legal Aspects," European Journal of
International Law, Vol. 10, No. 1, 1999, accessible sur :
http://www.ejil.org/journal/Vol10/No1/ab1.html).
Le
pitbull OTAN sert bien sûr avec joie les ambitions hégémoniques
planétaires de son maître. Outre qu’elle contribue
à encercler et menacer la Russie, l’Alliance accumule
les «accords de partenariat» et mène des manœuvres
militaires conjointes avec les pays du prétendu «Dialogue
Méditerranéen» (Israël, Egypte, Jordanie,
Maroc, Tunisie, Mauritanie et Algérie). L’OTAN a aussi
signé de nouveaux partenariats avec le Conseil de Coopération
des Etats du Golfe (Bahrayn, Kuwait, Arabie Saoudite, Oman, Qatar et
Emirats Arabes Unis) élargissant d’autant ses ambitions
militaires de la rive atlantique de l’Afrique jusqu’aux
confins du Golfe Persique. Dans le même temps, on a assisté
à un continuum de visites et de manœuvres militaires
maritimes avec la plupart de ces nouveaux partenaires, et à la
signature l’année dernière du premier traité
militaire bilatéral officiel entre l’OTAN et Israël.
Le
pitbull a désormais toute latitude pour aider Israël à
poursuivre ses violations massives du droit et des conventions
internationales, pour aider les Etats-Unis et Israël à
menacer voire attaquer l’Iran, pour élargir son propre
programme de coopération et de pacification des lointaines
populations d’Afghanistan, du Pakistan (et certainement
d’ailleurs), et tout cela dans le prétendu intérêt
de la paix et de la fameuse «stabilité élargie»
évoquée dans le Concept Stratégique. L’OTAN,
à l’instar de l’ONU elle-même, offre en
définitive une confortable image de multilatéralisme à
ce qui n’est en réalité qu’un
expansionnisme impérial totalement hors la loi et
littéralement hors de contrôle. Dans les faits, l’OTAN,
comme bras armé mondial et agressif des Etats-Unis et d’autres
impérialismes affiliés, constitue une très
sérieuse menace contre la paix et la sécurité
internationales. A la veille de la célébration de son
soixantième anniversaire et alors qu’elle aurait dû
être liquidée dès 1991, l’Alliance
Atlantique ne cesse de s’étendre et de s’affirmer
dans le rôle de menace permanente où la consacrait dès
1999 le texte du Concept Stratégique, avec une satisfaction
malveillante qui donne vraiment froid dans le dos.
1.
[ndt : En fait la phrase du document de l’OTAN est à
double sens : «…en rendant les risques d’agression
contre l’Alliance incalculables et inacceptables »
signifie en principe que la prise de risque (pour l’agresseur)
est trop grande pour être seulement envisageable. C’est
le «principe de dissuasion». Mais si l’Iran venait
à se doter de telles armes, «les risques d’agression
contre l’Alliance» seraient alors jugés
«inacceptables», d’où le projet très
officiel d’attaque nucléaire préventive contre
l’Iran s’il poursuit son programme nucléaire. La
Turquie étant membre de l’OTAN et frontalière de
l’Iran, elle serait considérée comme directement
menacée et les autres pays membres tenus de réagir de
par leurs engagements]
Traduit
de l’anglais par Dominique Arias
Source :
http://www.michelcollon.info/articles.php?dateaccess=2009-02-03%2015:27:34&log=invites
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