Quel positionnement .
Dès
le départ, la Coordination Communiste s’est battue pour
la traduction dans les présidentielles de l’expérience
politique unitaire de la victoire du NON le 29 mai 2005 lors du
référendum sur la constitution européenne, une
victoire qui était à la fois une victoire sur le
libéralisme économique et ses institutions et soutiens
mais aussi une victoire sur une certaine « gauche »
qui soutenait le camp du OUI, une gauche que nous qualifions de
« sociale-libérale » (« sociale »
en parole, « libérale » dans les faits).
Dans
l’élan de cette victoire populaire qui brisait le
sentiment d’impuissance de la classe ouvrière,
l’objectif d’une telle candidature unique du camp du NON
était de briser le bipartisme UMPS et frayer électoralement
la voie à une alternative anti-libérale potentiellement
victorieuse. L’acte défensif populaire de classe du NON
le 29 mai 05 exigeait donc des partis, groupes, des militants du NON
de trouver les voies et moyens de réaliser le transfert de
cette expérience sur le terrain électoral.
Débat
sur les candidatures au sein du camp du NON : Pourquoi nous
avons soutenu José Bové
Dans
cette optique, la Coordination Communiste a proposé José
Bové comme candidat unique du camp du NON anti-libéral.
Nous avons estimé qu’il était le candidat le
mieux placé pour fédérer le front électoral
militant en vu de battre la candidate PS au premier tour. Ce faisant,
nous nous situions clairement dans la perspective de GAGNER,
c’est-à-dire de renouveler la « surprise »
du 29 mai 2005. José Bové, connu et reconnu, qui a
l’image d’un lutteur intègre, jeté en
prisons pour ses combats, présent aussi bien aux côtés
d’Arafat à la Muqata que de Morales en Bolivie, avait ce
potentiel populaire, lui permettant non seulement d’unir
l’électorat de gauche anti-libéral, y compris les
socialistes ne voulant pas se rallier à Ségolène
Royal, mais aussi permettant de mettre sur le chemin des urnes des
abstentionnistes et de mordre dans l’électorat des
mécontents qui vote Le Pen.
Absence
de candidat unique : Comment en est-on arrivé là ?
Le
processus de désignation du candidat s’est fait au sein
des « collectifs anti-libéraux »
(environ 800 collectifs en France avec près de 17 000
participants, lesquels collectifs sont nés au moment de la
campagne contre la constitution européenne ou dans la foulée
de cette victoire, ou plus récemment au vu de la perspective
d’un transfert de cette victoire aux présidentielles).
Ces collectifs – en dépit d’une faible implication
de la classe ouvrière en leur sein – sont la forme
organisationnelle que s’est donné le front populaire
anti-libéral en construction. Les collectifs ont rassemblé
et rassemblent l’essentiel des forces politiques situées
à gauche du PS, notamment le PCF. La Coordination Communiste
pour la reconstruction d’un parti communiste révolutionnaire
est logiquement partie prenante du processus. Mais il y a des
absents !
Les
diviseurs de la LCR
LO
de Laguiller a choisi l’isolement depuis le début,
refusant au fond de percevoir la nouveauté de la situation
issue du 29 mai 2005. Leurs cousins trotskistes de la LCR, eux,
prétendaient et prétendent encore être partie
prenante de ce front populaire anti-libéral, participant aux
collectifs. Mais dès septembre la LCR a introduit le germe de
la division : Besancenot se portant d’emblée
candidat à la Présidentielle sans se proposer à
la candidature au sein des collectifs. Contrairement
d’ailleurs au PCF : même si tous ces militants ne se
sont pas engagés dans les collectifs unitaires, même si
certains ont développé une attitude sectaire à
l’égard des collectifs, le PCF en tant que parti a
participé au processus et a soumis le nom de sa secrétaire
nationale, Marie-George Buffet, au choix des militants des
collectifs. Il faut mettre à son crédit cet engagement.
La
faillite du « Collectif National » d’initiative
pour les candidatures unitaires
Logiquement,
le PCF étant la principale force organisée à
gauche du PS – et donc au sein des collectifs -, Marie-George
Buffet est arrivée en tête de la consultation au sein
des collectifs locaux. Le PCF a alors exigé le « respect
du choix préférentiel » des collectifs. Mais
en face, personne ne s’est avisé de reconnaître
clairement cette réalité nette du choix préférentiel
en posant par exemple l’acte politique de retirer les autres
candidatures arrivées largement derrière celle de
Buffet, à savoir notamment celles arrivées en 2ème
et 3ème choix : Clémentine Autain et
Yves Salesse. Le Collectif National d’Initiative Unitaire, au
lendemain de la réunion nationale des collectifs à
Saint Ouen les 9 et 10 décembre, a même osé
reproposer à la discussion les noms de C.Autain et Y. Salesse,
comme alternative à celui de M-G. Buffet ! Si la
candidature de Buffet ne faisait pas « consensus »
au sein des organisations politiques membres du Collectif National,
le moins qu’on puisse dire est que celles de Autain et Salesse
ne le faisait pas davantage au sein des collectifs.
Si
la méthode dit du « double consensus » -
consensus dans les collectifs locaux mais aussi consensus entre les
organisations membres du Collectif National – s’avérait
donc un échec, il est apparu de plus en plus après le
10 décembre que pour beaucoup au sein du Collectif National il
s’agissait plus d’une arme contre le PCF. Les
personnalités (Autain, Salesse, Claude Debons…) et
organisations (certaines n’étant pas plus grosses que
notre Coordination Communiste 59/62), qui composent ce fameux
« Collectif National » qui s’est arrogé
de plus en plus de pouvoirs, ont eu pour seul slogan « Tout
sauf MGB ! »… quitte à vouloir faire
revoter les collectifs locaux. Jamais par contre, ils n’ont
dénoncé clairement les diviseurs de la LCR… mais
ils ont accepté y compris des « observateurs »
de la LCR aux réunions hebdomadaires du Collectif National.
Front
populaire électoral ou nouveau parti ?
Ce
que les semaines qui viennent de se passer ont montré, c’est
que loin des intentions affichées de battre le libéralisme
et le social-libéralisme, battre le PS oui-ouiste, beaucoup
avaient et ont surtout des intentions de recomposition politique.
Et de recomposition politique sur le dos du PCF. Ce faisant, ils
trahissaient l’objectif principal du rassemblement et ne
pouvaient que favoriser les réactions d’autodéfense
du PCF.
L’aile
droitière des « refondateurs » au sein
du PCF (Braouezec, Zarka…) rejoint ainsi dans son souhait de
recomposition toute la constellation trotskiste, alter-mondialiste,
écolo, gauche socialiste des Debons, Salesse, Autain, Jennar,
Mélenchon. Ce dernier a dit clairement que l’objectif
était de fonder un « Linkspartei » à
la française. En Allemagne, ce nouveau parti social-démocrate
de gauche est né d’une alliance/fusion entre l’aile
gauche du SPD et le PDS (ex-parti communiste). En France, cela
signifierait l’absorption/dissolution du PCF dans un nouveau
parti socialo/trotskiste « anti-libéral ».
Or
cela coïncide avec les projets du capital. En effet, le
projet du capital demeure l’affaiblissement d’abord
idéologique du PCF (ce qui est pour l’essentiel obtenu),
puis l’affaiblissement organisationnel (ramenés à
130.000 adhérents et 10.000 élus), ensuite
l’affaiblissement électoral (ce qui est en cours
d’obtention), et enfin la liquidation du PCF en tant que tel et
son remplacement par les trotskistes ou écolo-trotskistes
(sous des formes variées). Tout révisionniste et
réformiste qu’il est devenu, le PCF est encore un
obstacle pour le capital, parce que la tradition et la culture
ouvrière et communiste qui le marque, ses liens –
affaiblis mais toujours existant - avec le monde du travail, sont
objectivement un facteur de résistance.
La
part de responsabilité du PCF : Son incapacité à
faire les compromis nécessaires
En dépit de cette
situation objectivement difficile pour le PCF, il a cependant sa
part de responsabilité dans l’échec. Car il
faut savoir être unitaire pour deux et faire preuve de
compromis quand la situation politique l’exige, ce qui n’a
jamais vraiment été tenté par le PCF ou pas
suffisamment.
Pour
le PCF, dans cette affaire de la présidentielle, plutôt
que de faire gagner le camp du NON, il s’agit pour beaucoup de
redorer le blason du parti dont les déboires électoraux
conduisent à la disparition souhaitée par le capital et
le PS. Il faut effacer les 3,37% de Hue en 2002, qui payait là
la facture de la participation gouvernementale pendant 5 ans. On
revient à un schéma classique, antérieur au 29
mai : l’espoir d’un « bon score »
au premier tour, pour peser suffisamment sur le PS dans les
négociations pour les législatives, puis le vote pour
le PS au second tour. La nouveauté constituée par
l’existence de ce front populaire antilibéral –
fragile et en construction – nécessitait un esprit de
compromis, qui n’était pas d’ailleurs
impossible avec une défense bien comprise des intérêts
propres du PCF en tant que parti. Nous avions dit ainsi dans
notre première déclaration sur les candidatures du camp
du NON qu’il ne fallait pas séparer présidentielles
et législatives, que si Bové pouvait être le
rassembleur aux Présidentielles, la place du PCF dans le front
unitaire électoral étant incontournable par contre pour
les législatives.
Si l’on
ne peut affirmer que le PCF n’a jamais réellement
envisagé de ne pas être directement présent avec
son candidat à la Présidentielle, en tout cas il n’a
pas sérieusement envisagé cette possibilité,
n’étudiant aucune autre solution alternative y compris
quand cela aurait peut-être permis de débloquer la
situation en décembre : alors que la réunion des
collectifs des 9 et 10 décembre avait proposé la piste
d’un « candidat communiste issu du mouvement
social », aucune recherche n’a été
faite dans ce sens, à croire qu’il n’y a plus ou
peu d’acteur du mouvement social connu et reconnu comme tel
membre du PCF. Il est vrai qu’un Charles Hoareau par exemple –
le combattant des chômeurs CGT de Marseille, militant connu et
reconnu – n’est plus au PCF et milite dans l’une
des organisations qui se bat pour la reconstruction d’un parti
communiste révolutionnaire.
Maintenir les Collectifs
Locaux et ne pas ajouter la division à la division
L’abattement
et le désarroi se sont emparés de nombreux militants et
électeurs qui ont mis beaucoup d’espoir dans le
processus unitaire anti-libéral qui se dessinait. L’union
est un combat qui pour cette fois n’a pas abouti.
La
Coordination Communiste ne se résigne pas à
l’impuissance. La dynamique anti-libérale, qui
exprime la recherche d’une alternative en dehors de
l’alternance libéraux/sociaux-libéraux, UMP/PS,
cette dynamique n’est pas morte. Et nous devons trouver les
voies et moyens pour qu’elle continue à exister dans le
nouveau contexte né de l’impossibilité à
dégager un candidat unique.
Il
faut tout d’abord absolument qu’une lutte soit menée
pour le maintien et le développement de l’expérience
unitaire entamée, pour le maintien et le développement
des collectifs anti-libéraux, en en créant partout,
dans les villes comme dans les entreprises.
Cette
expérience est née de la lutte contre le projet de
constitution de l’Europe supranationale capitaliste et
impérialiste, elle doit perdurer au moment même où
les bourgeoisies des Etats européens affûtent le piège
d’un « plan b » pour ramener leur projet
anti-national, anti-social, anti-démocratique et impérialiste
des « Etats unis d’Europe » ; elle
doit perdurer dans le refus uni des projets socialement désastreux
du capital.
Sur
le plan politique immédiat de la présidentielle, il est
évident que rien n’empêchera les collectifs locaux
qui le souhaiteront de s’engager dans le soutien à la
candidature de Marie-George Buffet, et ils seront en droit de le
faire. Si Marie-George Buffet en effet n’a pas obtenu
l’aval – par consensus - de toutes les organisations
membres du Collectif National d’Initiative Unitaire, il n’en
reste pas moins que sa candidature est une candidature du camp
populaire du NON. Si ce n’est pas LA candidature UNIQUE, c’est
cependant une candidature du camp anti-libéral.
Dans
le même temps, il faut absolument éviter que les
collectifs unitaires soient instrumentalisés par tous ceux qui
rêvent d’une recomposition politique et qui sont prêts
dans cet objectif à avoir un candidat supplémentaire
coûte que coûte, même au prix de rajouter de la
division à la division. La réunion nationale des
collectifs locaux convoquée les 20 et 21 janvier ne doit
absolument pas déboucher sur cette éventualité.
Le
nouvel Appel national en faveur de José Bové lancé
le 6 janvier souffre d’ailleurs d’une telle
ambiguïté: si nombre de ces initiateurs – et
soutiens - sont des militants sincères du camp du NON qui
manifestent ainsi, dans un baroud d’honneur, leur espoir d’une
candidature unique, d’autres – des ralliés de
fraîche date qui soutenaient avant Salesse ou Autain (voire
Braouezec) …– jouent une dernière carte dans la
logique « Tout sauf MGB ! ».
Ne
pas s’abstenir !
Devant
l’absence de candidat unique du camp anti-libéral,
certains militants sont tentés par l’abstention. Mais le
ressentiment devant cet échec n’est pas de bon conseil !
Critiquer politiquement les responsables de cet échec est une
chose, abandonner le terrain au social-libéralisme en est
une autre ! Les travailleurs qui voudront exprimer
leur révolte dans les urnes – dans la configuration
électorale actuelle – ne le comprendraient pas et ils
auront raison. Avoir une candidature UNIQUE permettait de battre le
social-libéralisme, de battre S. Royal au premier tour,
donc de GAGNER. Sans candidature unique, nous ne sommes plus en
capacité de gagner, certes. Mais cela ne veut pas dire que
nous sommes dans l’incapacité de lutter, de porter des
coups aux sociaux-libéraux, de faire que le camp anti-libéral
du NON s’exprime dans ces élections. Il faut
maintenir une expression de la gauche anti-libérale sur le
terrain électoral dans ce nouveau contexte.
Entre
Besancenot et Buffet, nous choisissons Buffet !
Dans
la situation actuelle, nous avons finalement 2 candidats qui se
réclament du camp de la gauche antilibérale : 2
candidats dont aucun des 2 ne peut se prévaloir d’être
LE candidat UNIQUE, ni même UNITAIRE (au sens qu’il unit
tout le camp du NON anti-libéral), mais ce qui ne veut pas
dire qu’ils ne sont pas des candidats qui représentent,
expriment les revendications du camp anti-libéral. Pour la
Coordination Communiste, dans cette situation, nous choisissons
clairement Buffet. Nous le faisons à partir de deux
considérations :
-
notre engagement au sein des collectifs locaux anti-libéraux
et le respect par conséquent du choix de ceux-ci (même
si ce n’était pas notre choix initial en tant
qu’organisation) ; Entre Besancenot et Buffet, notre choix
ne peut aller à celui qui a organisé la division depuis
le début, qui s’est retiré du processus dès
le début.
-
la nécessité de défendre la tradition et la
culture ouvrière et communiste encore incarnée par le
PCF, pour contrer le projet bourgeois d’effacement du mouvement
ouvrier. Entre Besancenot et Buffet, notre choix ne peut aller à
la coqueluche trotskiste des médias, qui participe
objectivement du projet anticommuniste du capital. Nous refusons de
mettre sur un pied d’égalité LCR et PCF.
Fait
à Lille le 07 janvier 2007
|