«
On dit d’un fleuve emportant tout qu’il est violent mais
on ne dit jamais rien de la violence des rives qui l’enserrent
». Cette phrase de Bertolt BRECHT résume
parfaitement l’explosion de colère qui a incendié
voitures, écoles, commerces, etc.
Ces
jeunes s’appellent Jean-Pierre, Karim, Moussa, Sophie, Malika
ou Virginie, souvent des adolescents. Ils et elles ont entre 12 et 25
ans, sont français pour l’écrasante majorité,
quelquefois immigrés (120 sur plus de 3000 arrestations).
Diplômés ou sans diplôme, ils et elles vivent en
famille, dans les quartiers populaires qui concentrent 40, 50, et
jusqu’à 60% de taux de chômage (à comparer
à la moyenne nationale de 10%) Ils et elles subissent une
discrimination à l’embauche liée à leur
origine « raciale », culturelle, religieuse, mais aussi
de quartier. Ils et elles connaissent l’échec scolaire
induit par l’insuffisance des moyens financiers, matériels
et humains (professeurs, personnels) investis dans leurs écoles,
collèges, lycées, lycées professionnels. Ils et
elles connaissent la situation sociale de leurs parents.
Ces
jeunes qui s’affrontent avec la police ne sont pas des «
voyous » comme nous le présente le ministre de
l’intérieur qui n’a de cesse de provoquer les
habitants des quartiers populaires en insultant leurs enfants et en
les traitant de « racailles ». Non ! A l’origine
des émeutes, il y a la mort de deux jeunes adolescents qui
fuyaient les forces de police. Ces morts ne sont pas « une
bavure ». C’est par dizaines que se comptent aujourd’hui
les jeunes de ces quartiers victimes des violences policières.
Ces décès sont autant de gouttes d’eau qui font
régulièrement déborder le vase d’une
colère contenue.
Les
causes de la misère qui se développe dans ces quartiers
sont les mêmes que celles qui provoquent la colère des
salariés. Les gouvernements successifs de droite comme de
gauche n’ont pas cessé de voter des lois et de prendre
des mesures pour faciliter les licenciements, pour instaurer la
précarité, pour diminuer le pouvoir d’achat, pour
encourager les délocalisations.
Si ces
politiques ont abouti à l’enrichissement d’une
petite minorité - les patrons et autres spéculateurs-
elles ont aussi produit la misère pour la grande majorité.
Cette misère se traduit quotidiennement par l’augmentation
du nombre de SDF vivant et mourant dans les rues de nos villes (avec
de plus en plus de jeunes et de femmes), par l'augmentation de 50%
des plans de surendettement, par l’accroissement du nombre des
mal-logés et l’exploitation éhontée des
logements insalubres comme l’ont démontré
récemment les incendies de la région parisienne. Elle
se traduit aussi par la suppression des services publics dans les
quartiers ouvriers et populaires et dans les zones rurales .
La
dérive fascisante de la droite libérale au pouvoir se
manifeste là aussi dans l’instrumentalisation raciste de
l’explosion de la légitime colère de classe de la
jeunesse populaire, ouvrière et privée d’emploi.
La surenchère guerrière de Sarkozy est en réalité
une manifestation concrète de la fascisation de la classe
politique et de la stratégie politique faisant du racisme un
moyen politique de conquête et de préservation du
pouvoir. Un autre signe est l’attaque hystérique d’élus
UMP contre la culture, elle-même, de ces quartiers populaires à
travers la demande de poursuite judiciaire de 7 groupes de rap.
Après
la loi pseudo-laïque du « foulard islamique », après
la loi du 23 février 2005 justifiant le colonialisme en lui
apprêtant une dimension « positive », après
les insultes du « nettoyage au karcher », voilà
maintenant que les incendiaires populistes nous expliquent que «
la violence urbaine est due aux étrangers qui pratiquent la
polygamie ».
La
presse bourgeoise aura beau tenter de présenter ces jeunes
comme une « réalité à part » afin de
nous en désolidariser. Nous savons, nous, que c’est
notre jeunesse populaire qui est aujourd’hui réprimée
comme est réprimée toute tentative de s’opposer
aux plans de la bourgeoisie. Ceux qui frappent et tirent sur ces
jeunes obéissent aux ordres de ceux qui répriment et
criminalisent les grévistes de la SNCM, les lycéens,
les Sans Papiers en lutte, les paysans qui arrachent les OGM ou
mettent le feu à des bâtiments publics et les
syndicalistes de combat. Tous, à leur manière,
expriment le ras le bol de la broyeuse sociale de la machine
capitaliste qui écrase tout. Ce mouvement de prolétaires,
parmi les plus précaires et les plus opprimés, est le
second coup de semonce asséné au pouvoir après
l'insurrection par les urnes du 29 mai. Oui, il y a nécessité
de gagner la proclamation de l’état d'urgence
sociale.
La
rébellion des jeunes des quartiers populaires exprime, en plus
de la contestation de leur galère au quotidien, leur rejet du
racisme d’Etat, leur rejet du racisme au quotidien. Rappelons
qu'ils font partie de la jeunesse de notre pays qui, par millions,
avec les travailleurs fortement mobilisés le 1er mai, ont
battu le pavé des villes de France entre le 21 avril et le 5
mai 2002 pour défaire Le Pen, le candidat fasciste présent
au second tour des élections présidentielles. Le
ministre de l'intérieur doit lui aussi être défait.
Il doit démissionner et présenter des excuses
officielles, pour ses insultes, ses stigmatisations et amalgames et
pour avoir donné de fait un crédit institutionnel aux
discours populistes haineux du FN. De plus, nous exigeons du
Président de la République qu’il adresse à
la jeunesse qui s’est révoltée un signe fort,
comme un début de réponse, en décrétant
une loi d’amnistie.
Cette
jeunesse-là est la France d’aujourd’hui et de
demain, la classe ouvrière d’aujourd’hui et de
demain. La forme – aux effets immédiatement contre
productifs - prise par sa révolte impose la nécessité
d’une présence militante politique et syndicale dans les
quartiers ouvriers et populaires. Elle pose la question fondamentale
de l’organisation syndicale et de masse des chômeurs, des
précaires et des rmistes, la nécessité
d’organiser des luttes dans ces quartiers pour la satisfaction
des revendications liées à l’emploi, au cadre de
vie, à l’accès aux services publics et aux soins,
à l’école, etc. En un mot ce qu’il faut,
c’est la reconstruction d’un parti communiste
révolutionnaire lié aux masses et animant ces luttes en
vue de la conquête politique du pouvoir de classe prolétarien.
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