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[ A LIRE ] La célébration de la chute du mur de Berlin vue d'Amérique du Nord - par Pierre Dubuc

Nous publions ces trois articles du Directeur de publication de l'Aut'journal, journal ouvrier, populaire et indépendantiste Québécois sur l'hystérie commémorative de la chute du mur de Berlin qui a déferlé aussi en Amérique du Nord. L'intérêt que nous portons à ces articles est qu'il reflète l'état réel de la conscience politique et idéologique sur le sous continent nord Américain et qu'à partir de là posent les questions nationales, sociales et politiques du point de vue des luttes nationales et de classes. L'analyse concrète d'une réalité concrète pour agir sur celle ci afin de la transformer est la démarche scientifique du Marxisme-léninisme. Point n'est besoin de mettre à chaque phrase des formules 'Marxiste-léniniste' pour œuvrer à partir du matérialisme dialectique, historique, du socialisme scientifique. Analyser les faits dans le contexte d'un rapport des forces, de l'accumulation des expériences de luttes et dégager des perspectives à partir des luttes du moment afin de les orienter vers le renversement des classes dominantes, telle est l'exigence de la science Marxiste Léniniste.

Les mots, les formulations, les approches ont ici la marque de l'histoire et des formes nationales des combats indépendantistes et sociaux au Québec, au Canada et aux USA. Il en est de même partout et chez tous les peuples que le fond de la lutte des classes s'exprime à travers les formes nationales particulières. Le Mouvement Communiste International (MCI) a parfois été, à partir des années 60, incapables de se départir d'une approche droitière et/ou dogmatique (maladie infantile) qui l'a conduit à désunion face à l'impérialisme. Apprendre des approches des autres et donc aujourd'hui nécessaire pour se réapproprier la science Marxiste-léniniste. Bonne lecture !

Chute du Mur de Berlin: que célébrons-nous au juste?

9 novembre 2009

Pendant que toute la presse occidentale célèbre en chœur la chute du Mur de Berlin et que Mikhaïl Gorbatchev multiplie les entrevues pour s’attribuer le crédit de la fin de la Guerre froide, il est important de revenir sur ces événements pour en mesurer l’impact sur la question nationale québécoise, de même que sur  les mouvements indépendantiste et ouvrier québécois.

On se rappellera que les indépendantistes québécois ont crû que leur seraient profitables, comme l’avait été le mouvement de la décolonisation des années 1960, les indépendances retrouvées des pays de l’Est (avec l’exemple en particulier du « divorce de velours » de la Slovaquie d’avec la Tchéquie), des pays baltes et, par la suite, des pays ayant fait partie de l’ex-Union soviétique. Leur analyse s’est avérée quelque peu simpliste. Resituons les événements dans leur contexte.

Dans une entrevue au magazine américain The Nation (28 octobre 2008), Mikhaïl Gorbatchev se désole que les Américains aient interprété la chute du Mur de Berlin et la dissolution de l’Union soviétique qui allait suivre comme une victoire des États-Unis sur l’Union soviétique et du capitalisme sur le socialisme.  Mais comment pouvait-il en être autrement?

Il est bien connu que c’est à la suite d’une rencontre avec Margaret Thatcher au cours de laquelle il lui a expliqué ses projets que Gorbatchev est allé de l’avant avec sa glasnost (transparence) et la perestroïka (restructuration). Thatcher avait alors déclaré à Ronald Reagan: « We can do business with that guy ».

Il est moins connu que ces politiques ont été en grande partie concoctées au Canada ! Alexander Yakovlev, qui a été surnommé le « parrain de la glasnost et de la perestroïka », était ambassadeur de l’Union soviétique à Ottawa au début des années 1980.

Il était un intime du premier ministre Pierre Elliott Trudeau. Au point où ce dernier donna à son second fils le nom d’Alexandre et le surnom russe de « Sacha ».

En 1983, Yakovlev accompagne, en tant qu’ambassadeur, Mikhaïl Gorbatchev, alors ministre de l’Agriculture de l’Union soviétique, dans sa tournée au Canada. Dans ses Mémoires, il raconte un échange de trois heures qu’il eût avec Gorbatchev au cours duquel les deux réalisèrent avec enthousiasme leur accord complet sur la nécessité du désarmement, de la démocratisation de leur pays et de la libéralisation de son économie.

Deux semaines plus tard, Yakovlev était rappelé à Moscou pour être nommé directeur de l’Institut sur l’Économie mondiale et les Relations internationales de l’Académie des Sciences. En 1985, lorsque Gorbatchev accède aux plus hautes fonctions, Yakovlev devient son principal conseiller. Il accompagne Gorbatchev lors de ses cinq sommets avec Reagan et prône la non intervention en Europe de l’Est. En politique intérieure, il est l’architecte de la glasnost et de la perestroïka.

Ses détracteurs en Union soviétique ont soutenu qu’il avait profité de son poste d’ambassadeur au Canada pour tisser des liens avec les services secrets américains et préparer le plan qui allait mener au démantèlement du bloc soviétique et à l’ouverture brutale du marché des pays de l’Est aux firmes occidentales. Dans La stratégie du choc, Naomi Klein illustre avec brio ce phénomène à partir de l’exemple de la Pologne.

De nombreux ouvrages ont été consacrés à la chute du Mur de Berlin et au démantèlement de l’Union soviétique. Ils démontrent que ces événements n’étaient pas le fruit de « mouvements spontanés » et de  « révolutions populaires et démocratiques ». Ils ont été préparés de longue main et orchestrés dans les capitales et les chancelleries occidentales avec la complicité de Gorbatchev et son entourage et des forces d’opposition des pays concernés. (Lire à ce sujet, à propos d’événements ultérieurs, le rôle du Canada dans la « révolution orange » en Ukraine)

Facile de comprendre que le mouvement des indépendances nationales de cette région du monde, qui avait pour but de démanteler un empire rival, ait bénéficié de l’appui enthousiaste des États-Unis et de ses alliés.

Washington était peut-être même prêt à une confrontation armée pour soutenir ces indépendances, comme ce fut le cas quelques années plus tard en Yougoslavie, pays allié de la Russie qu’il fallait aussi démembrer pour l’affaiblir.

Par contre, on ne s’étonnera pas que les États-Unis aient eu une toute autre approche dans le cas du Québec. Dans The Clinton Tapes : Wrestling History with the President, l’historien Taylor Branch rappelle l’intervention de Clinton en faveur de l’unité canadienne lors du référendum de 1995.

Mais les États-Unis ne se contentèrent pas de simples déclarations. Dans ses Mémoires (Behind The Embassy Door), James Blanchard, l’ambassadeur des États-Unis au Canada lors du référendum de 1995, raconte avec quelle ardeur il a participé aux activités du Comité du Non. M. Blanchard écrit noir sur blanc, carte à l’appui, comment il favorisait la partition du Québec dans l’éventualité d’une victoire du Oui.

La chute du Mur de Berlin allait avoir d’autres conséquences importantes en termes géopolitiques pour le mouvement souverainiste québécois. C’est en bonne partie en réponse à la menace économique découlant de la réunification de l’Allemagne et du traité européen de Maastricht (1992) que les classes dirigeantes du Canada et des États-Unis décidèrent de consolider le traité de libre-échange de 1988 avec l’ALENA. Il en résultera une plus grande interpénétration économique et financière des classes dirigeantes canadienne et américaine et un rapprochement politique entre les deux pays.

En 1980, le Québec avait pu profiter jusqu’à un certain point des contradictions entre le Canada et les États-Unis. À l’époque, Washington voyait d’un mauvais œil les velléités d’indépendance du gouvernement Trudeau avec sa reconnaissance de la Chine, de Cuba et ses réserves face à l’OTAN. La Maison Blanche se montrait moins hostile à l’égard du mouvement nationaliste québécois. Mais, en 1995, le Québec fait face à une alliance de l’anglosphère qui paraît sans faille et qui brandit même des menaces de partition en cas de victoire du Oui.

Ainsi, il était illusoire de croire que le mouvement des indépendances nationales qui suit la chute du Mur de Berlin et le démantèlement de l’Union soviétique allait bénéficier au Québec. Au contraire, les réalignements géostratégiques qui en découlèrent, avec un monde unipolaire dirigé par les États-Unis, étaient défavorables au mouvement souverainiste.

Mais les effets négatifs ne s’arrêtent pas là. Les événements de 1989 allaient marquer profondément les mouvements de libération et le mouvement ouvrier. Demain, nous verrons leurs effets sur le Québec.

Chute du Mur de Berlin: que célébrons-nous au juste? (2)

10 novembre 2009

Une des conséquences les plus lourdes de la destruction du Mur de Berlin et de l’écroulement de l’Union soviétique est d’avoir privé la gauche et les mouvements de libération de leurs repères idéologiques classiques. Le vide a été comblé par l’éclosion de concepts cul-de-sac comme le « nationalisme civique ». Plus grave encore, l’opposition à l’impérialisme a pris dans plusieurs pays la forme du fondamentalisme religieux. Le Québec n’échappe pas à ces dérives et sa lutte de libération s’en trouve entravée. Pour en comprendre les enjeux, il est nécessaire de replacer la question nationale dans sa perspective historique.

Au début du XXe siècle, la Révolution d’Octobre 1917 et les déclarations du président américain Woodrow Wilson en faveur du droit des peuples à disposer d’eux-mêmes ont donné une dimension internationale et révolutionnaire à la question nationale. De question jusque là limitée à l’autonomie culturelle des nations opprimées d’Europe, elle a été élargie aux peuples coloniaux et au droit de se constituer en État indépendant.

Mais c’est surtout après la Deuxième guerre mondiale que le mouvement de décolonisation des anciens empires coloniaux d’Afrique et d’Asie s’est mis en marche avec l’appui à leur cause de l’Union soviétique mais également, dans certains cas, des États-Unis.

Au Québec, il a fallu attendre les années 1960 pour que la question nationale se transforme de question de l’autonomie culturelle des Canadiens-français à l’intérieur du Canada à celle du droit à l’indépendance nationale du Québec. Cela s’est produit par l’ajout de deux éléments fondamentaux jusque là absents dans la définition traditionnelle de la nation canadienne-française, soit un territoire où la nation francophone était majoritaire – le Québec – et la prise de conscience d’une vie économique propre à la nation québécoise. Cela allait produire la Révolution tranquille avec son volet d’émancipation économique et son slogan « Maîtres chez nous ».

Malheureusement, le mouvement ne parvient pas à la réalisation de l’indépendance nationale et subit des échecs lors des référendums de 1980 et 1995. Tout comme la Rébellion des Patriotes – qui s’inscrivait elle aussi dans le mouvement d’émancipation des nationalités de son époque – la défaite de 1995 résulte en grande partie d’un rapport de forces défavorable. En 1995 comme en 1837, la conjoncture géopolitique internationale n’est pas propice à la cause du Québec.

Dans l’éventualité d’une victoire du Oui, la reconnaissance internationale d’un Québec indépendant aurait donné lieu à une jolie partie de bras de fer, le Québec bénéficiant de l’appui de la France, mais rencontrant l’hostilité des États-Unis.

S’ajoute à cela un droit international qui peut être interprété de façon défavorable à l’émancipation des nations. Comme aimait le rappeler Stéphane Dion, le droit international, plutôt que de reconnaître de façon inconditionnelle le droit des nations à disposer d’elles-mêmes, « n'accorde pas à un peuple le droit à la sécession unilatérale, sauf dans les cas de colonies et peut-être de violation extrême des droits de la personne ». Autrement dit, c’est comme si le droit au divorce n’était reconnu qu’aux femmes battues.

De plus, à cette époque, l’opinion internationale était très sensible à toute dérive potentielle dans les conflits nationaux avec les accusations de « nettoyage ethnique » qui provenaient de l’ex-Yougoslavie et le génocide rwandais de 1994. Dans ce contexte, les propos de Jacques Parizeau sur les « votes ethniques » ont eu un effet dévastateur et une frange importante du mouvement souverainiste a voulu s’en démarquer par une rupture avec tous les référents historiques, linguistiques et nationaux de la question nationale.

Faussement qualifiée de « nationalisme ethnique », le nationalisme de la décolonisation des années 1960 et 1970 a été cloué au pilori et remplacé par le « nationalisme civique » c’est-à-dire, selon ses promoteurs, par un nationalisme reposant sur la « volonté des individus de la collectivité plutôt que sur les déterminants ethniques », un nationalisme basé « avant tout sur la Charte des droits et libertés de la personne » dans l’objectif de « désethniser » le débat.

Ce concept de « nationalisme civique » n’est en rien différent des conceptions mises de l’avant par Pierre Elliott Trudeau avec l’adoption de la Charte canadienne des droits. Il faut aussi signaler que cette conception de la nation a été imposée aux pays européens par les États-Unis au lendemain de la Deuxième guerre mondiale en les obligeant à adopter des constitutions et des chartes des droits sur le modèle américain. Elle est également conforme aux idées développées par Michael Ignatieff dans son livre « La Révolution des droits ».

En gommant toute référence à la langue et à la culture, les partisans de ce « nationalisme civique » liquidaient la question identitaire non seulement de la majorité francophone, mais également de la minorité anglophone et des autres minorités nationales en sol québécois.

Mais la vie sociale allait montrer l’absurdité d’une telle approche et la question identitaire va resurgir par la porte arrière à la faveur du débat sur les accommodements raisonnables. Cependant, son irruption sur la scène politique survient non pas, comme on aurait pu s’y attendre, par la question linguistique qui caractérise la nation québécoise en Amérique du nord, mais par un débat sur des « accommodements »  religieux.

À bien y penser, la chose ne devrait pas nous étonner. Dans un contexte mondial où la lutte pour le socialisme a été déclassée par suite de l’effondrement du bloc soviétique, l’opposition à la mondialisation a pris la forme dans plusieurs pays du fondamentalisme religieux. À l’impérialisme, on n’oppose plus la promesse d’un monde socialiste, mais un retour en arrière au féodalisme. La roue de l’Histoire fait maintenant marche arrière.

Enclenché avec la Révolution de Khomeiny en Iran en 1979, le mouvement a pris de l’ampleur avec les événements du 11 septembre 2001. Les idéologues de l’impérialisme l’ont consacré sous l’appellation de « choc des civilisations ». Dans le livre d’où provient cette expression, l’américain Samuel P. Huntington a avancé l’idée que – l’opposition entre le socialisme et le capitalisme ayant disparu avec la victoire de ce dernier – le monde serait désormais régi par des guerres de religion.

Dans cette réécriture de l’histoire, la guerre d’indépendance de l’Algérie, par exemple, n’est plus une lutte de libération nationale, une lutte démocratique pour le socialisme, mais un simple épisode dans l’affrontement séculaire entre l’Islam et la Chrétienté. De même, les habitants du Maghreb sont désormais identifiés par le biais de leurs croyances religieuses plutôt que par leur caractère national. On les qualifie de musulmans plutôt que Marocains, Algériens ou Tunisiens.

Pourtant, l’avènement des nationalités a marqué un progrès considérable dans l’histoire de l’Humanité. C’est un recul dont il est difficile de prendre la pleine mesure qu’au moment où la mondialisation varlope, efface, dissout les nationalités, les identités nationales soient remplacées par les identités religieuses.

Au Québec et ailleurs dans le monde, s’impose donc la tâche de réhabiliter la question nationale par une critique des dérives et des théories qui ont fleuri depuis l’abandon du socialisme démocratique comme perspective libératrice.

La question nationale doit à nouveau reposer sur un socle véritablement national et démocratique. À l’encontre du concept impérialiste du « nationalisme civique » à un pôle et des dérives du fondamentalisme religieux à l’autre pôle, la nation québécoise doit être rétablie dans sa définition essentielle, c’est-à-dire une communauté historiquement constituée, puisant ses origines en Nouvelle-France et ayant assimilé au cours des siècles des gens de différentes origines.

Contrairement aux conceptions associées au « nationalisme civique », une nation n’est pas un phénomène éphémère, mais bien le résultat de relations durables et régulières résultant d’une vie commune de génération en génération sur un territoire commun d’hommes et de femmes partageant une langue commune et une culture commune.

Concrètement, cela signifie qu’il existe également sur un même territoire national d’autres communautés minoritaires comme les anglophones du Québec dont il faut reconnaître les droits – mais non les privilèges – et d’autres minorités nationales issues de l’immigration. D’ailleurs, la réhabilitation du concept de « minorité nationale » plutôt que de « nationalité ethnique » ou « nationalité culturelle » contribuerait à restaurer le principe des nationalités. (À noter que cela n’inclut pas la question autochtone qui mérite un traitement particulier).

Chute du Mur de Berlin: que célébrons-nous au juste ? (3)

11 novembre 2009

La chute du Mur de Berlin ne serait pas survenue sans l’aval de Mikhaïl Gorbatchev. Son consentement s’inscrivait dans le cadre d’une entente plus large concoctée avec Margaret Thatcher et Ronald Reagan sur l’introduction de la glasnost et la perestroïka en Union soviétique.

Le démantèlement de l’Union soviétique qui va s’ensuivre sera interprété comme la victoire du capitalisme sur le socialisme. C’était la « fin de l’Histoire » ont proclamé les chantres du capitalisme. Désormais, le socialisme sera honni, peu importe sa coloration. La social-démocratie ne sera tolérée que sous la forme de variantes du « New Labour ».

Et, peu importe l’appréciation qu’on puisse porter sur le modèle de socialisme alors en vigueur en Union soviétique, ces événements constitueront une défaite considérable pour l’ensemble du mouvement ouvrier international et par le fait même québécois.

Déjà, au début de leurs mandats respectifs, Thatcher et Reagan avaient donné le signal de l’offensive contre le mouvement syndical en matant la grève des mineurs en Angleterre et celle des contrôleurs aériens aux États-Unis. Tous les autres gouvernements à travers le monde emboîteront le pas.

Le recul ne se traduit pas simplement par des défaites syndicales conjoncturelles, mais par une attaque en règle contre la structure même de la classe ouvrière avec les privatisations, le recours à la sous-traitance et la délocalisation des entreprises vers le Tiers-Monde ou des pays comme la Chine et les Indes. Dans la grande majorité des pays avancés, les effectifs syndicaux fondront comme neige au soleil.

Mais l’offensive ne s’arrête pas là. On attaque l’identité même de la classe ouvrière. Le concept de classe sociale, et plus particulièrement celui de classe ouvrière, se retrouve dans l’angle de tir des idéologues des sciences sociales. Beaucoup d’argent et d’efforts sont alors consacrés à déconstruire le concept de classe sociale. La classe ouvrière est dissoute à un pole dans sa fonction consommatrice – les classes moyennes – et, à l’autre, dans la précarité du travail, l’exclusion et la marginalité.

Le plus ironique est que cette disparition annoncée de la classe ouvrière survient au moment où elle n’a jamais été aussi importante numériquement à l’échelle du monde, avec l’industrialisation de la Chine, de l’Inde, du Brésil et de nombreux autres pays dits « émergents ».

Malheureusement, il faut reconnaître que la gauche n’a pas été à la hauteur du défi posé par la mondialisation. Elle s’est laissé corrompre par les « nouvelles théories » issues des sciences sociales sur la société « postindustrielle », la société des « services », le « post-modernisme » comme si les produits que nous consommons tombaient des nues.

Elle a fait également siennes des théories qui ont imposé de nouvelles démarcations sur la base des différences ethniques, culturelles ou sexuelles. Ainsi, par exemple, la très capitaliste Belinda Stronach était désormais cataloguée de « gauche » parce qu’elle était favorable au mariage gay. 

Cette gauche faisait aussi une mauvaise analyse de l’évolution de la situation internationale. Elle a adhéré aux vieilles théories du super-impérialisme qui ont resurgi avec le triomphe en apparence sans partage de l’impérialisme américain au lendemain de la chute du Mur de Berlin.

À un monde qui paraissait totalement dominé par les États-Unis, cette gauche a voulu opposer un « autre monde » tout aussi global. À cet impérialisme unique, on ne pouvait, croyait-on, qu’opposer une « révolution mondiale ». 

L’appellation « altermondialiste » illustre bien cette orientation. Elle a délogé le terme « internationaliste » dans le discours de la gauche, biffant sans qu’on y prenne garde le concept de nation, avalisant sans s’en rendre compte le nivellement culturel et l’érosion des nations par l’impérialisme et accréditant le fondamentalisme religieux comme opposition.

Mais la loi du développement inégal du capitalisme allait encore une fois opérée et le monde unipolaire de l’après dissolution de l’Union soviétique est aujourd’hui battue en brèche avec le recul des États-Unis durement frappés par la crise financière et économique et la montée en puissance de la Chine, des Indes et des autres pays émergents, sans négliger l’Europe et la Russie. L’hégémonie américaine est aujourd’hui contestée sur la scène mondiale.

Pendant que les médias célèbrent la fin de la Guerre froide, nous nous retrouvons face à une situation internationale de plus en plus similaire à celle qui prévalait à la veille de la Première Guerre mondiale. Les grandes puissances se préparaient alors à déclencher les hostilités pour se repartager le monde et s’en redistribuer les ressources.

Aujourd’hui, nous savons que la présence des États-Unis en Irak et de l’OTAN en Afghanistan ne se comprend que dans le cadre stratégique du contrôle des champs gaziers et pétrolifères du Moyen-Orient et de l’Asie centrale, qui font aussi l’envie de la Russie, de la Chine et des Indes.

La Guerre froide est chose du passé, mais la prochaine guerre mondiale a peut-être déjà commencé en Irak et en Afghanistan. Comme le disait le grand socialiste Jean Jaurès, « le capitalisme porte la guerre, comme la nuée porte l’orage ».

Dans ce contexte, il est essentiel de réhabiliter les questions ouvrière et nationale, de les  refonder sur des bases démocratiques et d’analyser en fonction de ces intérêts ouvriers et nationaux les événements internationaux si nous voulons éviter une catastrophe humaine et environnementale.

Sinon, les paroles de Leonard Cohen placées en exergue du premier article de cette série « I’v seen the future, brother:It is murder » seront malheureusement prophétiques.

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