Parmi les différentes candidatures de la gauche antilibérale à la présidentielle,
Cela
a été dit et répété depuis
plusieurs semaines : il n’y a finalement pas de
candidat unique de la gauche anti-libérale, de candidat
unique de ce « camp du NON » qui a émergé
à l’occasion de la victoire populaire du 29 mai 2005 et
qui tente de s’organiser depuis.
Nous
sommes ainsi passés à côté d’une
occasion de s’unir pour, au premier tour, battre le
social-libéralisme incarné par Ségolène
Royal, puis être majoritaire au 2ème tour.
Pourquoi
l’échec d’une candidature unique?
Pour
l’essentiel, la responsabilité de l’échec
incombe :
-1-
A la gauche noniste du PS (incarnée par un Mélenchon),
qui a vite rallié la maison-mère
au lieu d’essayer de construire dans l’unité une
alliance capable d’isoler les oui-ouistes sociaux-libéraux ;
-2-
Aux trotskystes – LO d’Arlette Laguiller d’abord,
puis la LCR de Besancenot – qui ont tôt fait de partir
seuls au combat, chacun voulant affirmer l’identité de
sa chapelle. Alors que LO, fidèle à son sectarisme
traditionnel, a boudé d’emblée les perspectives
unitaires, la LCR a longtemps prétendu vouloir « l’unité »
de la gauche anti-libérale, mais s’est retirée du
processus dès septembre 2006.
-3-
A toutes les « personnalités » anti-PCF
à la tête du Collectif d’Initiatives Unitaires
National (les Debons, Salesse, Autain, et même
Braouezec…) et autres groupuscules (AlterEkolo, Mars, Gauche
Républicaine, Alternatifs, « Objecteurs de
croissance »…) qui sous prétexte de « double
consensus » n’ont jamais voulu reconnaître que
Marie-George Buffet avait été la candidate désignée
majoritairement par les collectifs unitaires locaux (à 60%) et
ont continué à manœuvrer laissant éclater
leurs préoccupations principales de recomposition politique
vers un nouveau PSU.
Le
PCF – comme nous l’avons écrit dans une précédente
déclaration – a certes également sa part de
responsabilité : en effet il faut savoir parfois être
unitaire pour deux ; le PCF, force militante principale de
cette alliance antilibérale, pouvait accepter que son candidat
ne soit pas le candidat unitaire choisi pour la présidentielle,
et en échange voir sa place de première force reconnue
dans la perspective des législatives. Mais il faut reconnaître
que l’hostilité évidente contre le PCF émanant
de nombre des soi-disant alliés – reprenant y compris
les poncifs anticommunistes les plus éculés - a conduit
celui-ci à se braquer et à lancer la candidature de
Marie-George Buffet. Nombre des « arguments »
utilisés contre le PCF étaient vraiment scandaleux,
comme celui consistant à dire que le PCF créait
des « collectifs bidons » ou investissait en
masse les collectifs : toute la gauche anti-libérale
aurait dû se réjouir au
contraire de cet investissement militant du PCF dans le processus
unitaire et il faudrait plutôt le critiquer pour le nombre trop
faible de ses militants engagés
dans ce processus.
Dans
le même temps, José Bové – en qui nous,
Coordination Communiste, avions vu à l’automne la
personnalité capable justement d’être le trait
d’union entre toutes les forces diverses de cette alliance
anti-libérale – lui se
retirait du combat, en reprenant d’ailleurs le soi-disant
argument sur les « collectifs bidons ». Ce
faisant, en fuyant le processus démocratique de désignation,
il se plaçait en sauveur providentiel, prêt à
être « rappelé ».
A propos
du retour de José Bové
Marie-George
Buffet, faisant le constat du blocage de principe contre sa
candidature alors qu’elle avait obtenu majoritairement l’aval
des collectifs unitaires, décida fin décembre –
après avoir organisé une consultation au sein de son
parti – de partir à la bataille. La nouvelle candidature
Bové apparue début janvier (propulsée par une
pétition électronique) se situait dès lors dans
ce nouveau contexte et elle rallia à elle tous les
anti-Buffet, tous les anti-PCF, dans une vaste coalition hétéroclite.
On assista alors à
une redistribution des cartes : un Raoul-Marc Jennar, qui en
septembre avait lancé la candidature Salesse, se ralliait
ainsi à Bové ; le philosophe Michel Onfray, qui
quelques jours plus tôt avait tellement de convictions
« anti-libérales » qu’il se disait
prêt à voter pour Ségolène Royal au
premier tour, se ralliait à Bové. Clémentine
Autain elle-même s’est dit prête à donner sa
signature à Bové, et Salesse est devenu l’un de
ses porte-parole. Et dire que tous ces gens-là avaient tous
proclamé, la main sur le cœur, que peu leur importait le
nom du candidat unique anti-libéral sur le bulletin de vote !
Certes Marie-George Buffet ne pouvait se prétendre – et
elle ne se prétend d’ailleurs pas – « candidat
unique » mais fallait–il pour autant ajouter de la
division à la division ? Bové lui-même, qui
déclarait quelques semaines plus tôt que jamais il ne
serait candidat « contre Olivier et Marie-George »,
se trouve aujourd’hui de fait candidat à la fois contre
Olivier Besancenot et contre Marie-George Buffet.
En
finir avec le PCF ?
Derrière
la candidature Bové, il y a sûrement des camarades
simplement convaincus que Bové est le meilleur candidat. Mais
il y a aussi et surtout beaucoup de gens qui veulent régler
des comptes avec le PCF :
Les
« refondateurs » du PCF d’abord
(Braouezec en tête), qui ont toujours été à
la pointe de la mutation réformiste du PCF quand – sous
prétexte d’« anti-stalinisme » -
il s’agissait d’éradiquer les traditions ouvrières
de lutte de classe du PC. Et tous ceux, d’origine
trotskiste voire encore membres de la LCR (de sa « minorité »),
ou écologistes, qui ont comme vieux rêve de créer
un parti qui se substituerait au PCF comme force principale à
« gauche » du PS : que ce soient les
Salesse, Jennar, Debons, Onfray ou Mélenchon et son mouvement
PRS dont le modèle est le Linkspartei allemand, ou que ce
soient les forces « rouges-vertes » autour des
Alternatifs ou des AlterEkolo, tous sont à la manœuvre,
non sans divergences entre eux, comme sur le rythme de la mise en
place de leur « parti de la gauche anti-libérale »,
un parti dans les faits « réformiste de gauche ».
Il est certain que la candidature Bové est pour eux un
accélérateur - qu’il aille jusqu’au bout ou
pas- ce qui explique pourquoi même les plus réticents
comme l’ex-syndicaliste dirigeant de la fédération
des transports CFDT (passé à la CGT) Claude Debons, qui
jouait un rôle de coordinateur du Collectif National Unitaire,
s’est rallié objectivement à cette candidature,
qu’il voit comme une étape dans un processus de
« construction politique à long terme »,
lequel processus passera par l’organisation d’Assises à
l’automne.
Ne
pas faire le jeu du capital
Or
l’effacement du PCF correspond aux projets du capital. La
bourgeoisie, pour en finir avec son adversaire historique, a cherché
d’abord à l’affaiblir idéologiquement
(c’est pour l’essentiel gagné avec le
révisionnisme qui a détruit les fondements
marxistes-léninistes du PCF), puis à l’affaiblir
sur le plan organisationnel et sur le plan électoral (réalisé
surtout avec Robert Hue), avant de travailler à sa
substitution définitive par une autre force « alter »
(trotskiste ou écolo-trotskiste, bref « socialiste
de gauche »), car tant que le PCF existe encore en tant
que tel – tout parti révisionniste et réformiste
qu’il est devenu – il continue à représenter
un obstacle potentiel pour le capital : la tradition et la
culture ouvrière et communiste qui le marque et qui peut
continuer à inspirer les jeunes générations, ses
liens – affaiblis mais toujours existants
- avec le monde du travail, sont objectivement un facteur de
résistance contre le capitalisme. Il faut effacer cela et
la candidature Bové – qui concurrence directement Buffet
à gauche du PS – participe objectivement de cet
effacement.
S’unir
et non pas se diviser
Derrière
la candidature Bové dans une situation de concurrence contre
MGB, il s’agit de substituer à la culture et la
tradition ouvrière de lutte de classe, la culture récente
altermondialiste-écologiste des classes moyennes radicalisées
par les effets socialement dévastateurs du capitalisme en
crise. C’est la base sociale d’un mouvement comme
ATTAC. C’est la base sociale de José Bové
aujourd’hui (une analyse sociologique des 40 000 signataires de
la pétition Bové le fait apparaître clairement).
Or la lutte contre le capital nécessite d’unir ces
deux cultures. Le mouvement des collectifs anti-libéraux
permettait d’unir cette culture nouvelle « alter »
à la culture plus ancienne ouvrière et communiste :
cette alliance est temporairement brisée par l’existence
séparée des candidatures Buffet et Bové. C’est
pourquoi il faut faire l’effort de maintenir les Collectifs
anti-libéraux pour que cette expérience positive
d’alliance populaire de classe contre le capital, même
mise à mal par la multiplicité des candidatures
anti-libérales, ne soit pas définitivement brisée.
Le
sens de notre soutien à M-G Buffet
La
Coordination Communiste se bat pour le réarmement idéologique
et politique du mouvement communiste de ce pays, qui a trop oublié
ses fondamentaux et cédé aux sirènes de
l’adversaire de classe. C’est dire que nous avons apporté
de nombreuses critiques au PCF – dès l’époque
où les fondateurs de notre mouvement, encore membres du PCF,
dénonçaient ses abandons idéologiques et son
comportement opportuniste/suiviste vis à vis du PS – et
que nous continuons et continuerons nos critiques, chaque fois que
nous le jugerons utile. Sur le contenu même du programme de
Marie-George Buffet, nous aurions des remarques à formuler,
comme par exemple sa timidité sur la nécessaire
revendication populaire en faveur de la nationalisation des
entreprises qui ferment ou délocalisent.
Mais
nous savons nous réunir sur l’essentiel.
Et l’essentiel, c’est bien :
-
que la gauche populaire et antilibérale, même si elle ne
présente pas un candidat unique, soit présente
activement dans cette campagne, pour permettre aux travailleurs
d’avoir une alternative électorale à gauche du
PS social-libéral incarné par Ségolène
Royal ; la candidature Marie-George Buffet est celle de la
principale force politique se plaçant dans la dynamique
anti-libérale (et anti-« sociale-libérale »)
née depuis la bataille du référendum.
-
que le PCF, attaqué de toutes parts, fasse le meilleur
score possible, car il en va de la nécessaire défense
du mouvement ouvrier organisé de tradition et de culture
communiste. Tous ceux qui se veulent révolutionnaires et font
le calcul selon lequel plus le PCF sera affaibli, plus il sera facile
de reconstruire un « PC authentique » se
trompent lourdement : sans alternative immédiate de
reconstruction communiste, quand le PCF baisse, s’affaiblit,
c’est la bourgeoisie qui marque des points.
Fait
à Lille le 20 février 2007
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